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À la mémoire de George Floyd

Crédit: Mugshots / unsplach.com.

Le symbole de millions de personnes dans des dizaines de pays

Bien sûr, je ne connaissais pas personnellement George Floyd. Et pourtant, j’ai l’impression de le connaître aussi personnellement que mes proches amis rédacteurs à Voix d’Exils: Jean-Marie, Billy, Ben, Afkar, Tamara…

Comme d’autres amis inconnus vivant dans différents pays du monde en Syrie, Soudan du Sud, Afghanistan, Érythrée, Iran, Éthiopie, Sri Lanka, Turquie, Somalie, Irak et d’autres encore.

La vérité est que nous portons tous le même nom, au-delà de notre appartenance nationale, raciale, religieuse ou sexuelle: nous sommes des humains.

La violence policière essence de l’humanité?

Je pense que la mort de George Floyd est le résultat de la sauvagerie humaine. L’incident qui a eu lieu le 25 mai 2020 à Minneapolis, aux États-Unis, a également été une conspiration fatale contre l’humanité. Les contradictions au sein de l’humanité sont innombrables. C’est peut-être pour cette raison que les mots «humanité» et «sauvagerie» sont devenus synonymes.

L’arbitraire policier et la violence policière existent aussi dans mon pays natal l’Azerbaïdjan. Aussi triste que cela soit, c’est logique, car le régime en place est autoritaire. Si de tels cas existent aux États-Unis, qui enseignent au monde l’Etat de droit et la démocratie, comment pourrait-il en être autrement ? De tels exemples négatifs ne peuvent qu’inspirer des régimes autoritaires comme l’Azerbaïdjan.

L’humanité s’est égarée à mesure qu’elle progresse. C’est comme si personne ne se souciait de l’avenir du monde. Parfois, il me semble que l’instinct de préserver et de perpétuer la progéniture qui existe chez les animaux sauvages a complètement disparu chez l’homme. L’individualisme, l’intérêt personnel et le gain l’emportent sur toutes les valeurs supérieures. La police est devenue un outil entre les mains de dirigeants malades et de leurs «gouvernements infectés» pour opprimer le peuple et étouffer ses droits. Cette mauvaise tradition a perpétué l’arbitraire policier. Et tant que cela continuera, personne au monde ne sera assuré contre le sort de George Floyd.

George Floyd, son cou sous le genou du policier Derek Michael Chauvin, a supplié: «Je ne peux pas respirer». Aujourd’hui, des millions de personnes dans le monde, dans de nombreux pays, sont exactement dans la même situation : incapables de respirer en raison de la violation des valeurs et droits humains les plus élémentaires. En ce sens, George Floyd peut être considéré comme le symbole de millions de personnes, dans des dizaines de pays.

Oui, l’État est aussi un instrument de violence et la police en fait partie intégrante. Et lorsque son traitement est illégal et inhumain, reste-t-il conforme à l’humanité ?

Il me semble que ce n’est pas seulement George Floyd qui est mort : je suis mort en même temps que lui, avec mes amis : Jean-Marie, Billy, Ben, Afkar, Tamara; tout comme les peuples de Syrie, du Soudan du Sud, d’Afghanistan, d’Érythrée, de l’Iran, de l’Éthiopie, du Sri Lanka, de la Turquie, de la Somalie, de Irak et de bien d’autres pays encore.

Samir Murad
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




PAN-MILAR : une association qui prépare les migrantes à la naissance

Association PAN-MILAR. Photo: Luc Chessex

PAN-MILAR est une association vaudoise à but non lucratif qui offre des cours de préparation à la naissance aux femmes migrantes, en tenant compte de leurs spécificités migratoires, linguistiques et culturelles. Témoignage.

Voilà quelques mois déjà que j’ai découvert à travers mon parcours professionnel, les cours de préparation à l’accouchement destinés aux femmes migrantes qui sont offerts en différentes langues. Ils sont animés par des sages-femmes et des interprètes communautaires de l’association Appartenances. J’ai eu la chance de pouvoir en discuter avec l’une des sages-femmes qui s’occupe d’une session de cours: Eliane Schnabel.

A l’origine du projet

Eliane Schnabel m’a raconté la genèse du projet en rappelant qu’il a émergé d’une expérience au sein de la FAREAS (Fondation vaudoise pour l’accueil des requérants d’asile) à laquelle a succédé l’EVAM (Etablissement vaudois d’accueil des migrants). A la base, ce n’était pas un projet cantonal mais, progressivement, il s’est étendu et, aujourd’hui, il est le seul d’une telle ampleur au niveau national. Ayant atteint une telle dimension, il est sorti de la FAREAS et été renommé PAN-MILAR (Préparation à la naissance – migrantes, Lausanne et régions).

Association PAN-MILAR. Photo: Luc Chessex

Cette association à but non lucratif est reconnue d’intérêt public et reçoit des subventions, entre autres, du Service de la santé publique de l’Etat de Vaud et travaille en partenariat avec la maternité du CHUV. PAN-MILAR collabore aussi avec divers services et associations tels que les Centres PROFA, la section vaudoise de la Fédération Suisse des Sages-femmes ou, encore, le Centre Femmes d’Appartenances. Les cours sont coordonnés par des sages-femmes indépendantes qui travaillent en étroite collaboration avec les interprètes communautaires, tout ceci étant chapeauté par une coordinatrice générale, qui est également une sage-femme.

Accompagner les femmes migrantes dans leur vécu de la grossesse

L’association considère que l’un des buts premiers de son action est d’accompagner des femmes pour qu’elles tentent d’identifier l’impact de la migration dans le vécu de leur grossesse et leur représentation de l’accouchement. Il s’agit, bien entendu, aussi de les préparer à vivre un accouchement harmonieux en connaissant le déroulement d’une naissance. Le travail des sages-femmes tente également de favoriser la prise de conscience de ce qui se passe dans le corps des femmes enceintes. Elles cherchent aussi à comprendre et à partager les enjeux du rôle des parents et les changements qui vont s’opérer dans leurs vies. Elles s’intéressent également à comprendre ce qui se passe durant l’allaitement et encouragent les femmes à pouvoir profiter, pour celles qui le peuvent, de ces moments privilégiés avec l’enfant.

Association PAN-MILAR. Photo: Luc Chessex

L’association observe qu’elle est un possible vecteur pour favoriser l’intégration par le renforcement des connaissances culturelles autour de la thématique de la naissance, ainsi que par une meilleure connaissance des habitudes et normes socioculturelles du pays d’accueil.

L’importance de pouvoir communiquer dans sa langue maternelle

Actuellement, il existe quatre lieux où se déroulent les sessions de cours : Aux 4 coins à Renens, au Jardin Ouvert à Yverdon, au CHUV et au Centre Femmes à Lausanne. L’équipe est constituée de 6 sages-femmes, de 17 médiatrices culturelles régulières, et de plus de 20 interprètes occasionnelles prêtes à traduire les cours en plus de 35 langues différentes, dont : le turc, l’albanais, le tamoul, le croate, l’amharique, l’arabe, le tigrinya, le serbe, le somali et l’espagnol. PAN-MILAR peut offrir également des accompagnements en chinois, russe, mogol, polonais et thaï. Il est même possible de demander encore d’autres langues grâce à la venue d’une nouvelle médiatrice.

Eliane Schnabel souligne l’importance d’être à l’aise pour pouvoir s’exprimer sur des

Association PAN-MILAR. Photo: Luc Chessex

thématiques finalement très intimes et culturellement très fortes. Elle me dit que, pour elle, la possibilité de se faire comprendre dans sa langue maternelle, de se sentir à l’aise et de pouvoir s’exprimer ouvertement, librement et émotionnellement – si les femmes en ont envie – est primordial. Elle donne des cours tous les lundis soirs dans les locaux des 4 Coins, à Renens. Elle insiste sur la volonté d’avoir des groupes formés de plusieurs langues différentes au sein d’un même cours, afin que la langue ne soit pas une barrière, mais également pour favoriser une prise de conscience pour ces femmes qui pourront, peut-être, déceler un certain universalisme dans cette expérience de vie. Ainsi, elles peuvent remarquer qu’elles vont retrouver, malgré des différences parfois fortes, des préoccupations ou des soucis similaires que partagent d’autres femmes, pourtant issues de cultures différentes de la leur. Eliane Schnabel me confie que pouvoir sentir certaines similitudes est très important. Ceci permet, selon elle, une « groupalité » plus grande, ce qui offre la possibilité de sortir d’un certain individualisme. Eliane me dit être ravie et que cela marche bien. Elle souligne qu’il s’agit d’une occasion unique de se rencontrer dans cette unité et relève qu’ensemble, elles rigolent, partagent et se reconnaissent.

Pouvoir partager l’expérience de la grossesse

En écoutant attentivement ce qu’elle me racontait, une question m’est venue et je lui ai demandé si les futurs papas participent à ses cours. Elle m’a confirmé la présence d’hommes aussi et précise que les femmes peuvent être accompagnées de qui elles souhaitent. Contrairement aux cours généralement donnés en Suisse, elle n’insiste pas pour que les hommes soient présents. Il s’agit là, parfois, d’un choix personnel ou culturel. Eliane me fait part du plaisir qu’elle a de voir les femmes arriver le premier soir, encore méfiantes ou prudentes parfois, qui reviennent ensuite aux séances suivantes pour se laisser découvrir et découvrir le groupe. Elle me dit que souvent, cela crée des liens entre les futures mamans. Le cours n’est évidemment pas qu’une suite d’informations sur des procédures. Pour Eliane, il s’agit avant tout d’une sorte de reconnaissance de ces femmes et de ce qu’elles vivent. Elle met en avant le courage qu’il a fallu à certaines d’entre elles pour faire un pas vers ce nouveau lien. Elle me dit que cela est positif, car si elles ont besoin ou envie d’aller vers d’autres choses ensuite, c’est parfois par le courage passé qu’elles en trouveront la force.

Association PAN-MILAR. Photo: Luc Chessex

Pour Eliane, il est également important qu’elles se sentent en confiance, évidemment, mais aussi qu’elles soient reconnues dans leur savoir relatif au maternage. Elle les amène ainsi à trouver des réponses à leurs soucis en les incitants à puiser dans leurs propres connaissances et souligne qu’il est nécessaire qu’elles se sentent respectées et écoutées. Les cours d’Eliane se passent à Renens Aux 4 Coins, lieu d’accueil enfants-parents, inspiré de la Maison Verte. Pour elle, ce lieu est important puisque par la suite, les mamans pourront revenir avec leur enfant. Connaissant l’endroit, il pourra être un possible point de chute où elles pourront être prises en charge et dire ce qu’il leur arrive sans être jugées.

Après la naissance, une rencontre est organisée pour celles qui le souhaitent. Eliane souligne que bien que submergées par ce moment de vie, celles qui viennent ont beaucoup de plaisir à se retrouver.

Je tiens à remercier ici Eliane Schnabel, pour notre échange et à saluer son engagement notamment auprès de ces femmes.

Sitara CHAMOT

Membre du Lausanne Bondy Blog

Article adapté, qui a été initialement publié par le Lausanne Bondy Blog le 15 octobre 2012

www.lausannebondyblog.ch

Infos :

Association PAN-MILAR

Fondation Profa

Association Appartenance

Espace Aux Quatre Coins

Centre Hospitalier Univeritaire Vaudois (Chuv)

Fondation suisse des sages-femmes