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L’imaginaire de l’Europe

Illustration : Kristine Kostava / Voix d’Exils

Comment les personnes restées au pays s’imaginent notre terre d’asile

Que signifie partir à l’étranger? Comment les personnes qui restent au pays s’imaginent-elles la vie des personnes réfugiées? Ont-elles suffisamment d’informations pour comprendre comment vivent les personnes réfugiées et comment se passe leur vie en Europe?

Les personnes qui ne vivent pas en Europe pensent qu’il y a un endroit appelé « Étranger » où il faut aller de toute façon pour devenir riche, avoir un meilleur avenir et vivre dans le luxe.

Ces personnes qui ne vivent pas en Europe pensent que l’argent est distribué facilement ici et qu’il suffit de se pencher pour le ramasser et que tous nos besoins sont satisfaits. Ils s’imaginent également qu’il y a beaucoup de beauté et qu’il suffit d’y faire attention. Ils disent aussi que les chômeurs se reposent à la plage en buvant du jus d’orange. Dans leur imaginaire, le bureau de l’immigration nous rend également visite tous les mois. Il nous offre un revenu mensuel, nous remercie d’être venus et nous souhaite un bon accueil tout en veillant à ce qu’on ne manque de rien.

Mais ces imaginaires ne correspondent pas à la réalité. Aucun immigré ne conjugue le verbe « émigrer » de la même manière. Chacun de nous a quitté le pays dans l’espoir et les raisons du départ sont différentes pour chaque personne. En revanche, personne n’abandonne sa maison si facilement et déraisonnablement pour retrouver ce paradis que serait l’« Étranger ». Tous les immigrés ressentent une nostalgie infinie, chargée émotionnellement. Ce sentiment, tous les immigrés le conjuguent de la même manière.

J’étais arrivée en Suisse il y a presque six mois et ma meilleure amie m’a appelée pour me dire que l’écran de son portable s’était cassé. Elle m’a dit : « Achète-moi un bon portable ». J’étais choquée parce que je venais d’arriver en Suisse, je ne travaillais pas et recevais très peu d’argent. Toutes les personnes qui immigrent savent que lorsqu’on arrive dans le pays de destination, on doit tout recommencer et faire de nombreux efforts pour s’adapter. Cela en soi prend environ cinq ans, : apprendre la langue, la culture et les coutumes d’un pays. À mon arrivée, je ne maitrisais pas la langue et je ne connaissais rien du pays dans lequel j’étais arrivée. Je n’étais pas prête à être seule et je recommençais ma vie à zéro. Je devais faire un travail sur moi pour communiquer avec les autres et je devais me débrouiller seule dans cette nouvelle vie que je commençais. Dans ma situation, je ne pouvais pas répondre aux besoins de quelqu’un d’autre.

Depuis que je suis en Suisse, beaucoup d’amis m’ont demandé de l’aide. J’ai dû leur expliquer ma situation, comment ma vie se passait en Europe, à quoi ressemblait vraiment l’« Étranger ». Je ne pouvais pas m’occuper des autres car je devais d’abord m’occuper de moi-même, et ceci m’a amené à couper les liens avec des personnes dont j’étais proche auparavant. Et encore moins le jour où je ne pourrai plus répondre à mes propres besoins en ce qui concerne mon logement, mon alimentation et ma santé.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




La Suisse, pays riche ou pauvre?

Source: pixabay.com. Image sous licence libre Pixabay License.

Cliché ou réalité? La richesse d’un pays comme la Suisse intrigue. Un rédacteur de Voix d’Exils mène l’enquête

Il y a le cliché persistant du banquier Suisse qui compte ses pièces d’or à l’abri des regards indiscrets, mais qu’en est-il des faits? Est-ce un mythe ou une réalité? Pour une personne étrangère, il est pour le moins surprenant d’entendre des citoyennes et citoyens suisses se plaindre en ces termes: « La Suisse n’est pas un pays riche, nous sommes pauvres! ». Mais cette affirmation est-elle réellement infondée?

La Suisse est-elle riche? C’est une question qui, loin des apparentes évidences et des convictions ancrées dans l’imaginaire populaire, est pourtant difficile à trancher sans une analyse objective et argumentée. Tentons d’y répondre dans les limites des quelques lignes proposées ci-dessous.

Pour commencer, partons de la définition du Larousse. « Riche », adjectif :

  1. Qui a de la fortune, des biens importants. Exemple : « Une riche héritière ».
  2. Se dit d’une collectivité dont la situation financière ou économique est « prospère ».

Alors, la population suisse est-elle fortunée? Sa situation économique est-elle prospère ? Interrogeons les principaux concernés : les Suissesses et Suisses eux-mêmes !

Selon un graphique (reproduit ci-dessous) issu d’un sondage de l’institut DemoSCOPE publié en 2013 dans Bilan, un magazine économique bimensuel suisse, 94% des Suissesses et Suisses estiment qu’ils vivent dans un pays riche.

Par ailleurs, selon le même sondage, seuls 36 % de la population suisse considéreraient être riches en possédant moins d’un million de francs de fortune (voir le graphique ci-dessous):

Notons, enfin, qu’environ un demi-million de la population suisse a une fortune supérieure à un million de francs; et que 1% des plus riches possèdent environ 40 à 50% de la richesse totale de la Suisse.

Partant des indications ci-dessus, il n’est pas surprenant que beaucoup de Suissesses et Suisses se considèrent comme pauvres dans un pays pourtant considéré comme étant riche.

Pour compléter cette analyse, il faut aussi envisager la richesse au niveau macroéconomique, c’est-à-dire en considérant les mécanismes de production des richesses au niveau des États ou des organisations internationales. Dans cette optique, qu’est-ce qu’un pays riche ?

Dans l’absolu, « être riche » ne veut rien dire. C’est une question de rapport entre différentes situations ; on est riche par rapport à quelqu’un ou à quelque chose. C’est là qu’entrent en scène les indicateurs usuels : Produit Intérieur Brut (PIB), Revenu par habitant, Indice de Développement Humain (IDH) etc.

Au moment de la rédaction de cet article, il est bientôt l’heure de « souper » comme on dit en Suisse pour le dîner. J’ai donc retenu un indicateur qui se mange : l’Indice Big Mac qui permet de mesurer la parité du pouvoir d’achat entre les pays en étudiant le prix du fameux hamburger de chez McDonald’s. Nul suspens, selon le classement réalisé par le site The Economist, la Suisse arrive en tête juste devant la Norvège et le Danemark avec le prix de 7.54 US $.

Bref, les Suisses sont-ils riches comme Crésus ? Pour les huit millions de Suissesses et de Suisses disposant d’une fortune inférieure à 1 million de francs suisse, non ! Pour les autres : Oui !

Phil,

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils