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La chirurgie esthétique fait des ravages chez les jeunes Iraniennes

Photo: Sarah Rogers / The Daily Beast.

Faut-il tant souffrir pour être « belle » ?

Si le recours à la chirurgie esthétique est un phénomène quasi planétaire, il a pris dans la communauté kurde d’Iran des proportions renversantes. Chaque famille compte une ou plusieurs femmes – plus rarement un homme – qui a eu recours au bistouri. Le prix à payer est lourd, puisqu’à l’endettement s’ajoutent trop souvent des résultats calamiteux: conséquence directe de l’inexpérience de médecins qui, appâtés par le profit, s’autoproclament « plasticiens ». Notre rédactrice Zahra, elle-même Kurde iranienne, s’insurge contre cette obsession féminine d’être belle et s’interroge sur ses origines.

« Dans mon entourage, j’ai plusieurs amies qui ont eu recours à la chirurgie. Personnellement, je trouve bizarre cette volonté de modifier son visage, quitte à s’infliger beaucoup de souffrances et de déceptions… Je pense que les femmes de mon pays sont mal informées sur les problèmes qui peuvent survenir quand l’intervention a été faite par des chirurgiens davantage hommes d’affaires que praticiens expérimentés.

C’est une question d’éducation, les femmes manquent trop souvent de confiance en elles et croient qu’en changeant d’apparence, elles vont plus facilement plaire et trouver un mari.

Je pense aussi que ce surinvestissement du visage est une réaction à l’obligation qui leur est faite de porter le hijab. Puisqu’elles doivent cacher leurs cheveux, elles investissent davantage dans leur visage et veulent qu’il soit « parfait ». Il est dans la nature humaine d’attirer l’attention et de séduire par son corps, sa peau ou ses cheveux. D’ailleurs, il n’y a pas que les femmes qui se font opérer, certains hommes se laissent aussi tenter. C’est vrai qu’ils sont largement moins nombreux !

Tue-moi, mais fais-moi belle ! (Expression iranienne)

Pour beaucoup de Kurdes iraniennes, Il faut idéalement avoir un petit nez retroussé comme une poupée, des lèvres pulpeuses, des pommettes saillantes, des yeux étirés et des fossettes dans les joues. Et qu’importe la douleur, si le résultat est à la hauteur de leurs espérances !

Pour autant, les célibataires qui ont subi des interventions de chirurgie plastique ne sont pas forcément respectées et courtisées par les hommes. Tous ne sont pas sensibles aux charmes des « femmes poupées » et au maquillage sophistiqué qu’arborent beaucoup d’entre elles. Elles sont même la cible de critiques virulentes ou – pire encore – sont considérées comme des prostituées.

Pour illustrer les dégâts occasionnés par les interventions faites par de mauvais chirurgiens, je vais vous raconter les mésaventures de deux amies restées au pays. Et je vais aussi vous raconter l’expérience vécue par une troisième amie exilée en Suisse qui a rencontré un homme à la musculature bizarrement développée.

Farzaneh, 29 ans, divorcée, un master en comptabilité

Farzaneh est ma meilleure amie. C’est une femme instruite qui a été mariée pendant 7 ans avant de divorcer. Comme elle a obtenu son master en comptabilité juste avant de se marier, elle n’a jamais travaillé. Comme beaucoup de femmes kurdes, elle est brune aux yeux noirs. Elle a un joli visage, c’est une femme équilibrée mais qui manque de confiance en elle. Un jour, son petit ami qui ne l’avait jamais vue démaquillée et non coiffée, l’a visitée à l’improviste. Il était très étonné de voir qu’elle avait des cheveux frisés et que, sans maquillage, elle n’était pas aussi jolie qu’il le croyait…

Dernièrement, Farzaneh m’a envoyé un message pour me dire qu’elle était très inquiète. Suite à une intervention chirurgicale destinée à accentuer ses pommettes, elle a eu le visage complètement déformé. Elle m’a envoyé une photo horrible, sur laquelle elle est carrément méconnaissable. La moitié de son visage est tellement gonflé que l’on ne voit plus son œil…

Depuis son divorce, mon amie vit à nouveau chez ses parents et elle est très inquiète à l’idée que son père – qui n’est au courant de rien – découvre le désastre. Elle essaie de cacher son visage tant bien que mal et évite de le croiser. « Si mon père apprend que j’ai fait de la chirurgie, il me tuera ! », m’a-t-elle confié.

Au vu du résultat catastrophique, Farzaneh est retournée chez son chirurgien esthétique pour qu’il lui enlève le gel qu’il avait injecté dans ses pommettes. Maintenant, il faudra patienter quelque temps avant de savoir si cette deuxième intervention lui permettra de retrouver un visage normal. Une chose est sûre, elle regrette d’avoir voulu s’embellir artificiellement, alors qu’en réalité l’intervention lui a ravagé le visage.

Haniyeh, 30 ans, célibataire, professeure d’anglais

Mon amie Haniyeh vit encore chez ses parents et travaille comme professeure d’anglais dans une école privée. Elle, c’est son nez, pourtant parfaitement normal, qu’elle a fait modifier. Pour le moment, sur les photos qu’elle m’a envoyées, on ne voit qu’une zone couverte de pansements, avec autour des chairs gonflées et violacées… Elle doit attendre pour découvrir si le résultat de l’intervention est à la hauteur de ses attentes et de la petite fortune qu’elle a dépensé.

A trente ans, Haniyeh est encore célibataire, ce qui est assez courant chez les femmes qui ont un haut niveau d’instruction. Bien qu’elle gagne correctement sa vie et ne paie pas de loyer, elle a dû vendre la voiture qu’elle avait achetée à crédit et qu’elle n’avait pas encore finit de rembourser pour payer l’intervention chirurgicale. Quelle folie ! J’espère pour elle que ce gros investissement financier la rende heureuse et peut-être lui permette de trouver un mari.

Leila, 30 ans, célibataire, comptable

Leila est une amie Kurde iranienne émigrée en Suisse qui surfe sur les réseaux sociaux pour se trouver un amoureux. Elle m’a raconté sa dernière encontre avec un homme plutôt bizarre… Après quelques jours de conversation en ligne, ils décident de se rencontrer. Il va la chercher en voiture à la gare de Neuchâtel et ils font une balade romantique au bord du lac. Il l’invite à manger une pizza sur une terrasse et en le regardant de plus près mon amie trouve que ses bras, ses épaules, sa poitrine sont bizarres. Elle lui demande pourquoi le haut de son corps est tellement développé alors que le reste du corps est normal… Il lui explique qu’il s’est fait des piqûres de testostérone pour paraître plus viril. En fait, Leila n’était pas convaincue et a même trouvé le résultat assez moche. Elle lui a fait savoir qu’elle ne voulait pas avoir une relation amoureuse avec lui. Comme il voulait connaître la raison de son désintérêt, elle a été honnête et lui a confié qu’elle n’était pas attirée par lui, et qu’elle trouvait sa musculature bizarre et qu’elle ne voulait pas d’un homme qui pense attirer les filles par son physique. De toute façon, mon amie n’aime pas les hommes objets.

Vive le naturel !

J’aimerais – sans trop y croire – que les femmes de mon pays apprennent à accepter leur corps et leur visage tels qu’ils sont au naturel. En Suisse, il me semble que les femmes sont moins intéressées par les interventions esthétiques et beaucoup plus naturelles dans leur façon de se maquiller. Personnellement, je pense que les femmes peuvent charmer et séduire autrement qu’en misant tout sur leur physique. Et si elles cultivaient par exemple, leur esprit d’indépendance, leur intelligence, leur humour… ?

Zahra

Membre de la rédaction vaudoise de voix d’Exils




Le guide du requérant d’asile (partie 1)

Une série satirique inspirée du déroulement de la procédure d’asile en Suisse

Tous les événements, situations et personnages décrits ci-après sont le pur fruit de l’imagination migratoire de l’auteur. Attention : si vous souhaitez acquérir le statut de réfugié en Suisse, ce guide ne prétend pas vous mener à bon port sans sérieusement éprouver votre sens de l’humour. Sinon, pour les choses sérieuses, il y a les spécialistes de l’asile du Secrétariat d’État aux migrations.

Bonjour et bienvenue dans notre beau pays la Suisse! Nos montagnes, nos lacs, nos beaux pâturages, notre raclette, notre bon chocolat, nos lingots, notre secret bancaire et notre Roger Federer

Bref, bienvenue en Suisse! De toute façon vous n’êtes pas venus pour faire du tourisme!

Vous avez fui la guerre et/ou la persécution dans votre pays – du moins c’est ce que vous prétendez – pour rejoindre notre Eldorado émeraude. Vous avez beau prétendre que ce n’est pas notre revenu par habitant qui vous a attiré dans nos contrées perchées mais nos statistiques ne mentent pas : la grande majorité d’entre vous êtes de vilains migrants économiques. Ce n’est pas bien du tout ! Qu’à cela ne tienne, nous n’allons pas vous jeter comme des malpropres, vous êtes dans de bonnes mains. Nous sommes des gens civilisés, garants des droits universels de l’homme issus des deux bords de la Méditerranée et nous obéissons à un certain nombre de règles de droit que notre savoir-vivre nous impose, et aussi notre grande sœur pimbêche l’Europe.

Alors voici les règles du jeu auxquel nous allons jouer ensemble pendant les prochains jours, mois ou années. Bref, le temps que nous jugerons nécessaire pour traiter votre demande, ou jusqu’à ce que vous décidiez par vous-même d’abandonner la partie.

Règle numéro 1: voyagez léger!

Bénéficier du luxe d’être venu en Suisse par avion ne vous donne pas le droit de vous comporter comme un touriste. Pensez à vos compagnons d’infortune qui ont dû traverser déserts et océans, affronter monts et marées pour gagner le droit de fouler notre terre bénite. Par respect pour eux, présentez-vous au bureau d’enregistrement des requérants d’asile vêtu de votre plus humble appareil. Ne venez pas à moitié nu ou habillés de haillons non plus. N’en faites pas trop car ça ne sert à rien de se faire remarquer ! Fondez-vous dans la masse mais surtout rappelez-vous : c’est l’habit qui fait le migrant!

Règle numéro 2: prononcez la formule magique

Il vous faudra probablement plusieurs tentatives afin de réveiller notre agent de sa torpeur matinale mais ne vous désespérez pas et répétez avec moi les mots suivant : « NOUS VENONS SOLLICITER L’ASILE AUPRÈS DES AUTORITÉS SUISSES ». Répétez autant de fois que nécessaire jusqu’à ce qu’une réaction s’en suive. Le jeu en vaut la chandelle! N’oubliez-pas que vous venez des quatre coins du monde, avec des accents qui vous sont propres pour peu que vous parliez une de nos langues. Attention, n’attendez pas que l’on vous déroule le tapis rouge ou que la mer s’ouvre en deux quand vous prononcerez cette phrase. Vous avez beau être en exode, vous n’êtes pas Moïse pour autant; et de toute façon il n’y a pas de mer en Suisse mais nous avons les plus beaux lacs du monde, y compris notre merveilleux Léman.

A bientôt pour la suite de votre aventure…

 

Noé 722420

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




« Mon sens de l’humour, c’est tout ce que j’ai pour tenir le coup »

Valerii Martseniuk. Photo Damon / Voix d’Exils.

5 déménagements, 3 Permis N en 6 ans en Suisse pour finir à l’aide d’urgence. Et je ne vois pas encore la fin…

Il y a des requérants d’asile en Suisse qui obtiennent assez vite leur statut de réfugié. Mais il y a ceux qui ne détiennent pas les preuves nécessaire pour l’obtenir. Ceux-ci sont frappés d’une décision de renvoi et ils doivent quitter la Suisse. C’est le cas de la famille de Valerii Martseniuk. Valerii Martseniuk est requérant d’asile en Suisse, ressortissant ukrainien et membre de notre rédaction vaudoise de Voix d’Exils. Voici donc l’histoire semée d’embuches d’une famille de requérants d’asile vivant dans le canton de Vaud. Une interview réalisée le 27 juillet dernier par Omar Odermatt, responsable de la rédaction de Voix d’Exils.

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Valéry Martseniuk brandit le drapeau suisse et tient, de la main gauche, un drapeau Ukrainien. Il se trouve sur la Jungfrauyoch dans les Alpes bernoises. Souvent appelé « le toît de l’Europe », ce sommet  culmine à 3 463 mètres d’altitude. Photo: Marta Martseniuk

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils