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Enfants migrants et risques psychologiques

Photo: Eddietaz/ Voix d’Exils

Rencontre avec Bernard Hunziker, psychologue au Service Universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHUV

Lorsqu’on parle de migration, on parle souvent de personnes adultes, de mineurs non accompagnés, mais très rarement des enfants migrants accompagnants leurs parents migrants. Quels sont les problèmes psychologiques que ces enfants qui ont grandi dans un pays d’accueil sans connaître leur pays d’origine peuvent rencontrer ? Pour en parler, nous accueillons Bernard Hunziker, psychologue et responsable pour les MNA au Service Universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHUV. Une interview menée par Anush lors du Grand Direct de Radio Django du 16 mai 2018 à écouter ici.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Photos de l’événement signées Eddietaz / Voix d’Exils

Photo: Eddietaz/ Voix d’Exils

 

Photo: Eddietaz/ Voix d’Exils

 

Photo: Eddietaz/ Voix d’Exils

 

Photo: Eddietaz/ Voix d’Exils

 




La peur et le bonheur

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Un premier accouchement en Suisse riche en émotions

Je m’appelle Kokob, je viens d’Erythrée. Je vis en Suisse depuis bientôt trois ans ; j’y ai rejoint mon mari qui dispose d’un droit de séjour. Ma propre situation administrative est encore incertaine. En 2016, j’ai donné le jour à notre premier enfant, une petite fille, à l’hôpital cantonal de Sion.

C’était la première fois que je vivais l’expérience de la grossesse et de l’accouchement et en plus je n’avais pas de papiers ! Cette situation m’a fait vivre des émotions très fortes : j’étais tellement préoccupée avec ma procédure, chaque jour j’attendais avec espoir une réponse qui ne venait pas ! J’étais surtout inquiète que mon stress puisse affecter mon enfant. Quand j’ai dû me rendre à l’hôpital, j’étais remplie de peur. Mais au moment où l’infirmière m’a prise en charge,  le poids des soucis s’est envolé. Après, tout s’est bien passé, je me suis sentie en sécurité et heureuse. Ma fille Maria est venue au monde et nous a remplis de joie.

C’est le soin et l’amour que j’ai reçu à l’hôpital qui me font écrire ce témoignage.

J’aimerais vraiment prendre le temps de remercier du plus profond de mon cœur tous les médecins et les infirmiers de l’hôpital du Valais à Sion qui ont changé ma peur en bonheur ; je le fais aussi au nom des autres femmes enceintes qui ont accouché à l’hôpital valaisan.

Aujourd’hui, ma fille a presque deux ans ; je n’ai toujours pas de régularisation de séjour. Je l’attends tous les jours avec plein de chagrin dans mon cœur, sachant qu’il est question de la sauvegarde de ma famille, construite avec amour en compagnie de mon mari. Mais nous gardons espoir en regardant grandir dans la confiance notre petite fille.

Kokob Mebrahtu

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils     

 

 

 

 




L’EXIL

Illustration: LANDO

Ce mot est peut être très facile à prononcer, mais il qualifie l’une des conditions les plus dures à vivre. Seuls les exilés en savent quelque chose, car ce n’est pas comme on le pense, c’est une maison avec plusieurs portes; certaines peuvent nous envoyer en enfer, certaines peuvent nous ramener au bercail et d’autres s’entrouvrir sur une terre d’accueil.

Nous, les exilés, sommes aujourd’hui prisonniers de nos propres âmes et de nos parents laissés derrière nous.

Mécontents de notre patrie, soit à cause d’un problème économique, politique, ou bien à cause d’une situation familiale amère, nous avons renoncé à vivre chez nous.

À la recherche d’une vie meilleure, nous avons pris le risque de partir, de tout laisser et de venir affronter l’inconnu.

Nous nous sommes coupés de nos racines, de notre famille, de nos repères, des codes sociaux de notre culture, de notre langue, celle qui nous vient de notre mère, de la mère notre mère et de sa mère avant elle.

Nous avons préféré rompre les liens avec nos frères de sang pour adopter une nouvelle façon d’entendre, de comprendre, de s’exprimer, bref, une nouvelle façon de vivre.

Se fixer de nouveaux objectifs et de nouvelles règles nous fait souvent oublier qui nous sommes, d’où nous venons et même ce que l’on est venu chercher.

Certains d’entre nous retourneront au bercail une fois la situation calmée, car ils avaient jurés de partir mais aussi de revenir un jour.

D’autres rentreront à peine arrivés car leurs rêves de libertés se seront écroulés devant les dures réalités de l’Eldorado.

D’aucuns jureront de rester, de ne jamais retourner, même si les recours sont épuisés, l’assistance inexistante, l’espoir étouffé par des procédures marécageuses.

Malgré le poids du regard que porte sur eux le policier qui peut les menotter à tout moment même devant leurs enfants.

Cet agent qui les pousse dans une fourgonnette pour les cracher comme des microbes dans un centre de rétention.

Centre carcéral où ils seront éloignés de tout ce qui les attachait à la vie au point de leur faire perdre la mémoire d’eux-mêmes et le goût des autres.

Il ne leur restera alors que leurs corps et, parfois, le choix de l’hôpital, s’ils ont le courage de se faire du mal ; de la prison s’ils ont l’audace de se débattre ou de l’avion s’ils abandonnent et décident enfin de retourner sur la terre de leurs ancêtres; celle qui les a vu naître, grandir et qui aura toujours besoin de ses enfants.

Pita

Membre de la rédaction valaisanne