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« La situation est devenue ingérable dans les camps kenyans de Dadaab»

Julien Rey. Photo: Hochardan

Situé à la frontière entre le Kenya et la Somalie, Dadaab est le plus grand complexe de camps de réfugiés du monde. Peuplé de plus de 400’000 réfugiés somaliens – alors qu’il était initialement prévu pour 90’000 personnes – sa construction date du début des années 90 et est la conséquence de l’éclatement de l’Etat somalien et du début de la guerre civile. En automne 2011, Médecin Sans Frontière (MSF) a organisé un projet de reportage sous la forme d’une bande dessinée intitulée « Out of Somalia » qui retrace le quotidien de quelques-uns de ses habitants. Interview de Julien Rey qui travaille au sein du département communication de MSF à Genève et qui a accompagné les auteurs de la BD lors d’un séjour dans ces camps.

Voix d’Exils : Quelles sont les motivations qui vous ont conduit à réaliser cette BD ?

La BD est un medium qui est devenu très à la mode aujourd’hui. Ce projet est né parce que MSF est présent au Fumetto, un festival de bande dessinée à Lucerne qui a lieu chaque année au printemps. La BD « Out of Somalia » a mis près deux ans avant de paraître et notre volonté est de commémorer cette année le vingtième anniversaire des camps de Dadaab. Le but est aussi de communiquer d’une manière différente et de toucher un public large afin de sensibiliser des gens qui ne sont pas forcément en contact avec ce genre d’informations au quotidien.

Le projet a donc débuté en automne 2010, lorsqu’on a décidé de réaliser un reportage illustré sur les camps de réfugiés de Dadaab au Kenya, afin de parler la crise somalienne d’une manière indirecte. A cette fin, MSF a donc pris contact avec deux dessinateurs zurichois : Andrea Caprez et Christoph Schuler. Durant le mois de février 2011, on a organisé une visite du camp. D’abord, ce livre est paru en allemand et en français au printemps 2012. La version anglaise est sortie après et a été distribuée au Kenya à l’occasion de la journée des réfugiés la même année.

 

Quel est le message que vous voulez faire passer à travers cette BD ?

Notre message est de dire au monde : regardez la réalité des camps de Dadaab qui représentent la plus grande concentration de réfugiés au monde, où l’on ne voit toujours pas de solutions qui se profilent, alors que le camp a plus de vingt ans. En effet, lorsque ces camps ont été créés dans les années 90, ils étaient destinés à accueillir 90’000 réfugiés. Aujourd’hui, l’on en compte près d’un demi million. D’où notre message d’alerter le public, car la situation est devenue ingérable aujourd’hui. On parle souvent des réfugiés en Suisse, malheureusement plutôt d’une façon négative. En collaboration avec ces dessinateurs, nous avons aussi la volonté de présenter la réalité à laquelle ces personnes sont confrontées, avant que quelques unes d’entre elles aient la possibilité de se rendre en Europe.

 

Pourriez-vous décrire, de manière générale comment vivent les réfugiés dans les camps de Dadaab depuis vingt-ans ?

Le camp de Dagahaley, où MSF travaille et que nous avons visité à Dadaab, est un camp où il n’y a ni barbelés, ni barrières, ni murs. C’est une sorte de petite ville qui fonctionne en vase clos. Avec Hagadera, Ifo, Ifo 2 et Kambios, ces camps représentent la troisième « ville » du Kenya. Les gens sont libres d’aller et de venir autour des camps et certains retournent même en Somalie et reviennent ensuite. On peut classer grossièrement les réfugiés en deux groupes : ceux qui s’y sont installés depuis longtemps et ceux qui viennent d’arriver. Le premier groupe s’est installé et a construit des maisons en terre. On voit aujourd’hui l’arrivée de la nouvelle génération qui est née dans les camps. Ils n’ont pas un avenir enviable et les jeunes sont dans un état de désœuvrement total. Le deuxième groupe, composé des nouveaux arrivants, s’installe en bordure des camps et là on voit l’arrivée de familles fatiguées, épuisées qui fuient le conflit somalien et la sécheresse. Ils sont démunis et n’ont rien, hormis le peu de choses qu’ils ont pu ramener de Somalie. Le trajet qui les mène aux camps se fait rarement sans problèmes, avec notamment des agressions. Les points d’eau étant inexistants dans la zone des nouveaux arrivants, l’on peut voir des petits enfants qui traînent des bidons de 20 litres sur plusieurs centaines de mètres, et cela plusieurs fois par jour. On y voit aussi des gens en très mauvaise santé. Par exemple, nous avons rencontré une famille dont le père, la mère et les enfants étaient tous malades dans un état catastrophique.

 

Pensez-vous qu’avec ce travail vous avez vraiment réussi à refléter la réalité comme elle est sur le terrain ?

La réalité est multiple. Notre ambition n’est pas de montrer toute la complexité de ces camps. Notre but est de présenter le quotidien de ces réfugiés et de mettre en évidence le travail de MSF. Nous avons plutôt montré des petits flashs pris à droite et à gauche sur certains aspects, certaines personnes, pour donner un aperçu de moments de la vie là-bas. Donc, loin de nous l’idée de faire un reportage exhaustif.

 

Quels sont vos futurs projets ? Allez-vous revenir dans ce camp ou vous rendre à nouveau en Somalie pour enrichir votre travail ?

MSF travaille depuis 30 ans en Somalie dans des conditions qui sont toujours très difficiles, pour nos équipes et surtout pour la population somalienne et je rêve qu’un beau jour, la situation en Somalie s’améliore. On ne va pas tout de suite refaire une bande dessinée sur les camps de Dadaab, vu qu’on vient d’en faire une. On envisage plutôt de traiter d’autres thématiques qui sont intéressantes pour MSF, telle que la lutte contre le SIDA.

Propos recueillis par Hochardan.

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Infos :

BD onlinede MSF « Out of Somalia » réalisée par Andrea Caprez et Christoph Schulerau. Cliquez ici

Médecins Sans Frontières (MSF)

Médecins Sans Frontières (Suisse)

Médecins Sans Frontières (projets au Kenya)

 




« Notre rôle est de mettre l’être humain et ses compétences au centre de la discussion »

Francine Kalume, cheffe de l’équipe des conseillers en emploi de l’EVAM.

Le groupe emploi est une structure de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), composée de plusieurs conseillers en emploi, qui dispensent des cours de formation et qui soutiennent les requérants d’asile dans leur réinsertion professionnelle en Suisse. La population des requérants d’asile est très hétérogène et comprend à la fois des personnes qualifiées et non qualifiées, des personnes scolarisées et non scolarisées, des hommes, des femmes, des jeunes et des vieux, ce qui pose de nombreux défis. Voix d’Exils est allé à la rencontre de Francine Kalume – cheffe de l’équipe des conseillers en emploi – pour creuser cette question centrale qu’est l’insertion professionnelle. Interview.

Voix d’Exils : Pourquoi lorsqu’un requérant d’asile arrive en Suisse, il doit attendre trois mois avant de pouvoir commencer à chercher un emploi ?

Francine Kalume : C’est une disposition légale inscrite depuis la troisième révision de la loi sur l’asile de 1990. Le requérant d’asile en procédure est alors interdit de travailler les premiers mois de son séjour en Suisse. L’EVAM ne choisit et ne crée pas les lois, il les applique.

Quels sont les obstacles que rencontre un requérant d’asile dans sa quête d’un emploi ?

Les principaux obstacles sont les suivants: il y a des obstacles qui sont liés au contexte économique et politique ; alors que d’autres sont liés à la trajectoire personnelle du requérant d’asile. Les freins à l’emploi sont souvent enchevêtrés et il est difficile d’isoler les difficultés hors de leur contexte.

Concernant la trajectoire personnelle du requérant d’asile, le manque de connaissances en langue française pose des difficultés. On peut trouver un travail en ne parlant pas très bien le français, mais c’est exceptionnel. Dans la majorité des cas, l’employeur demande à son employé de comprendre et de pouvoir s’exprimer en français, car lors d’activités de production, où le temps est soumis à l’impératif du rendement, l’employeur a ni l’envie ni le temps d’expliquer trois fois les mêmes choses à son employé.

Maintenant, au niveau du contexte politique et économique, les requérants d’asile souffrent de discrimination à l’embauche. C’est un phénomène difficile à observer, car c’est rarement explicite ; mais ça m’est arrivé de le constater. La crise économique joue aussi un rôle. Par exemple, en 2010, la situation n’était pas la même que maintenant, ce qui a causé la perte de l’emploi de plusieurs requérants d’asile. Il y a aussi les exigences du marché du travail. Par exemple, l’émergence de nouvelles technologies fait que les employeurs exigent davantage de compétences techniques, dont bon nombre de requérants d’asile n’ont pas la maîtrise. Par exemple, dans le secteur de la mécanique industrielle, il faut savoir faire fonctionner des machines à commandes numériques. Il devient dès lors nécessaire d’avoir une certaine aisance dans l’utilisation des nouvelles technologies.

Un autre aspect est le contexte de professionnalisation de plus en plus poussé. Pour accéder à presque n’importe quel emploi, vous devez attester de vos compétences grâce à des diplômes ou des certificats. Ce phénomène traverse toute l’Europe. Or, le problème est, qu’en règle générale, les requérants d’asile n’ont pas pris leurs diplômes avec eux car ils doivent souvent fuir leur pays d’origine dans l’urgence et ensuite ils ont de la peine à les récupérer. A cela s’ajoute que leurs diplômes ne sont souvent pas reconnus en Suisse, les systèmes de formation étant très différents d’un pays à l’autre.

Enfin, pour certaines personnes, il y a le manque de compétences transversales appelées aussi les « soft skills » . Les « soft skills » sont par exemple : savoir organiser son travail, montrer une attitude adéquate, montrer qu’on a envie d’apprendre, poser des questions, aller jusqu’au bout du travail demandé, faire face aux imprévus etc.

C’est donc souvent le cumul de ces facteurs qui rend l’insertion professionnelle difficile; et le statut du requérant d’asile devient une difficulté supplémentaire à surmonter. Dans ce cas-là, le permis devient un obstacle. En règle générale, s’intégrer dans le monde professionnel prend du temps. Il faut avoir de la persévérance et oser se remettre en question. Les compétences ne s’acquièrent pas du jour au lendemain.

Un module de la formation consacrée aux techniques de recherche d’emploi du groupe emploi de l’EVAM.

Quelles mesures avez-vous mis en place pour aider les requérants d’asile à surmonter les difficultés que vous décrivez?

On oriente les jeunes dans des mesures éducatives lorsqu’ils en ont besoin. Il y a des gens qui ne savent pas quel métier choisir, on va donc les aider à s’orienter. Il y a également des personnes qui veulent faire un apprentissage, donc on va faire un bilan d’aptitude.

Certains requérants d’asile ont besoin d’une qualification de base dans un métier. On les oriente alors vers des formations externes à l’EVAM, telle que celle dispensée par la Croix Rouge dans le secteur de la santé.

Pour les personnes qui ont aucune expérience professionnelle en Suisse, on organise des stages. Nous avons organisé l’an dernier 84 stages et, en 2012, à la fin du mois d’août, 93. Ces stages leur permettent de se former, de faire l’expérience du marché du travail, de se faire connaître et d’élargir leur réseau.

En cas de situation médicale difficile, il nous arrive aussi parfois de coordonner notre action avec des médecins et des assistants sociaux. Pour ceux qui ont besoin de se remettre dans une activité (par exemple suite à une longue période sans emploi) on peut les placer dans une mesure de type « entreprise sociale d’insertion ». Ce sont des entreprises qui offrent des activités à des personnes soit qui sont exclues du marché du travail, soit qui ont besoin pour un temps de se remettre dans un rythme avec une activité productive.

Vos stratégies portent-t-elles des fruits?

Oui, on a actuellement des gens qui ont trouvé un emploi et qui travaillent. Par exemple, il y avait une femme qui était à l’écart du marché de l’emploi pendant dix ans. On lui a proposé d’étudier la langue française. Elle a donc effectué un stage organisé par le conseiller, qui l’a ensuite inscrite aux cours dispensés par la Croix Rouge pour suivre une formation d’auxiliaire de santé. Le conseiller a également préparé avec elle son dossier de candidature ainsi que les entretiens pour le recrutement. Pour finir, elle a réussi à obtenir un poste fixe dans un EMS. Le processus a duré deux ans et demi. Malheureusement, on a aussi des gens qui se découragent et qui abandonnent sans aller jusqu’au bout. C’est dommage.

Selon vous, quels sont les secteurs qui embauchent le plus ?

Cela dépend du niveau de scolarisation de la personne. De par le fait que la majorité des personnes qui recourent à nos services ont un niveau de scolarisation relativement bas, on les envoie dans les secteurs de la santé, du nettoyage, de la construction et de l’hôtellerie.

Est-ce que certains employeurs ont des préjugés à l’égard de la population des requérants d’asile?

Lors d’entretiens que l’on mène avec des employeurs dans le cadre d’activités dites de « prospection », il arrive que le conseiller en emploi doive faire face à des représentations négatives, mais également parfois aussi positives. Ces représentations peuvent poser des problèmes, car elles biaisent le regard que porte l’employeur sur le travail réel du requérant d’asile. Le rôle des conseillers est de remettre l’humain ainsi que les compétences professionnelles du requérant d’asile au centre de la discussion. Lorsque la discussion porte à parler de « nous » d’ici et de « eux » là-bas : on est déjà dans des schémas préconçus et on ne parle plus de l’activité et du travail de l’employé. Parfois, il arrive aussi de nous retrouver dans des cas où l’employeur effectue un déplacement, car l’expérience qu’il a avec son nouveau stagiaire requérant d’asile ne colle pas du tout avec l’image qu’il s’était construite à travers les médias notamment. Les préjugés sont un terrain très glissant. Notre rôle est de les éviter et de mettre l’être humain au centre de la discussion, sa recherche d’emploi, ses compétences et ses acquis.

Connaissez-vous un patron qui a embauché un requérant d’asile et qui est très satisfait de lui ?

On ne garde pas toujours des contacts avec les requérants d’asile qui ont trouvé un travail fixe. Ils n’ont plus vraiment besoin de nous. Mais j’ai en mémoire Madame C, qui est en EMS depuis le mois de janvier, ou Monsieur G, qui a effectué un stage en hôpital et qui va travailler comme aide de bloc opératoire. Je pense aussi à cet apprenti assistant dentaire dont son employeur est très satisfait. Il y a également un Monsieur qui m’a appelé l’autre jour pour me dire qu’il a été engagé comme caissier dans un magasin.

Qu’est-ce que vous aimeriez dire aux employeurs ?

J’aimerais les inciter à capitaliser sur le long terme. C’est-à-dire de laisser la chance et le temps aux requérants d’asile de se former et de miser sur l’acquisition de compétences sur le long terme. En même temps, j’ai conscience qu’ils ont aussi des contraintes et que ce n’est pas toujours évident.

Propos recueillis par :

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Connais-tu ton pays ? »

Photo : Najet OUERGHI

Le vendredi 25 mai 2012, le Groupe suisses-étrangers de Moudon, dont le but est « d encourager, promouvoir et soutenir les relations suisses-étrangers dans la région moudonnoise », organisait pour la cinquième fois une excursion afin découvrir ou de redécouvrir la Suisse. Cette année, le thème proposé était « la Suisse et son agriculture ». Deux rédacteurs de Voix d’Exils se sont joints au groupe. Compte-rendu d’une journée mémorable !

A 06:30, sur la place du Bicentenaire à Moudon, nous sommes 44 participants, essentiellement des couples de retraités et quelques jeunes. On nous avait demandé de porter une chemise blanche. « Il fait beau et nous vous souhaitons une bonne excursion ! », lance M. Claude Vauthey, responsable de la commission des étrangers de la commune de Moudon.

En montant dans le bus, une surprise nous attend. Chaque participant trouve sur son siège un sac rouge qui contient de la nourriture pour l’excursion ainsi que des brochures décrivant la politique agricole suisse, l’approvisionnement en blé de la Suisse au 20e siècle, l’alimentation saine, un fascicule « le lactose en cause », un guide de la table familiale, ainsi qu’un foulard rouge sur lequel est écrit « Connais-tu ton pays ? ».

Photo: Najet OUERGHI

Direction la ferme Chalabruz

En chemin, le bus est égayé par des animateurs qui nous parlent des six fermes appartenant à la commune de Moudon et des familles qui les gèrent. Arrivés à la ferme Chalabruz, à 07:00, nous sommes chaleureusement accueillis par la famille Richardet qui gère cette ferme avec l’aide d’un apprenti. Nous apprenons que la commune de Moudon possède cette ferme depuis trois siècles. Son domaine s’étend sur quarante hectares et elle produit essentiellement des denrées alimentaires : céréales, tomates et autres. Nous commençons la visite par une présentation générale de l’activité de la ferme, suivie d’un petit déjeuner préparé la famille Richardet. Ensuite, nous visitons le poulailler qui accueille six mille poules qui pondent en moyenne 5200 œufs par jour, qui sont ensuite vendus dans les magasins « Coop ». Claude Vauthey remet des cadeaux  à la famille pour la remercier de son accueil.

Départ pour la Suisse alémanique

A 8h00, nous reprenons la route direction le canton de Schaffhouse en passant par le canton de Zürich. Un des animateurs prend la parole pour nous donner des informations à propos de ces deux cantons. Nous apprenons alors que le canton  de Zürich est le plus peuplé de Suisse et que le canton de Schaffhouse a acheté sa liberté à l’empire d’Autriche en 1415.

Nous arrivons à 12h25 à la commune de Buchberg, dans le canton de Schaffhouse, où nous sommes reçus par le syndic : M. Hanspeter Kern. Nous traversons le Rhin pour nous rendre à l’Eglise catholique, construite à 350 mètres au-dessus du niveau de la mer. C’est l’endroit idéal pour voir la beauté de la nature. En plus, nous découvrons la ville-frontalière allemande Büsingen.

Photo: Najet OUERGHI

Escale à  Flaache

Le vent souffle et le soleil brille toujours, c’est très agréable ! A 13h00, nous nous arrêtons à une ferme privée, située à Flaache dans le canton du Zürich. Nous sommes accueillis par M. Ernst Bachmann, sa femme, Mme Madeleine Bachmann et un apprenti. La ferme a été construite en 1950. Nous sommes invités à manger le repas qu’ils nous ont préparé. Après le repas, un groupe accompagne Monsieur Bachmann et l’autre groupe part avec l’apprenti visiter l’exploitation. Le domaine agricole s’étend sur trente hectares de cultures. Il y a aussi 35 vaches qui produisent chacune environ 26 litres de lait par jour. Vers 15h15, après avoir pris une collation et remis des cadeaux à la famille de Monsieur Bachmann, nous l’applaudissons et le remercions pour son accueil.

Retour à Moudon en passant par la Gruyère

Sur le chemin du retour, les organisateurs proposent un concours portant sur la géographie suisse qui évaluait les connaissances acquises durant la journée. Les questions étaient difficiles et les heureux gagnants reçoivent des cadeaux et sont applaudis. A 20h00, nous arrivons enfin en Gruyère, où un responsable de la fromagerie du Grand Pré nous montre l’enceinte où sont fabriqués les fromages et la grande halle où on les stocke. A la fin de la visite, M. Claude Vauthey lui remet un cadeau et chaque visiteur reçoit du fromage et du beurre. Ainsi s’achève cette excursion qui nous laissera un souvenir inoubliable !

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Photos :

Najet OUERGHI

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Le calvaire des enfants des rues de Mogadiscio

Des enfants qui errent dans les rues de Mogadiscio. Source: http://www.flickr.com/creativecommons/

Depuis la chute du gouvernement somalien sous l’égide du président Mahamed Sayad Baree, en 1991, la Somalie a connu des guerres civiles qui n’ont épargné rien ni personne. Les jeunes, et en particulier les filles, sont les plus touchés par les privations et les violences qui étranglent le pays.

 

 

Selon la Convention des Droits de l’Enfant : «L’enfant est reconnu, universellement, comme un être humain qui doit pouvoir se développer physiquement, intellectuellement, socialement, moralement, spirituellement, dans la liberté et la dignité». Dans les pays sous développés, hélas, les enfants ne profitent pas de ces droits. En Somalie, où règne la guerre, la famine, la sécheresse et les épidémies, ce sont les jeunes qui sont les plus touchés. Depuis 30 ans, les nouvelles générations se succèdent et grandissent dans un pays chaotique. Elles n’ont jamais connu la paix, le respect des droits humains. Un adolescent de 15 ans déclarait en mars 2010 à Amnesty International : « J’ai vécu la plus grande partie de ma vie dans la peur »,et d’après cette même Organisation Non Gouvernementale (ONG), les enfants représentent la moitié de la population somalienne.

Des enfants livrés à eux-mêmes

Beaucoup d’enfants perdent leurs parents, soit parce qu’ils ont été tués lors de combats, soit parce que ces mêmes combats les ont séparés. Ils perdent alors la protection et l’affection et sont victimes de mauvais traitements, surtout dans le sud et le centre du pays où règne un chaos généralisé.

Les orphelins qui restent à Mogadiscio s’établissent aux alentours des restaurants pour manger les restes. Interrogé par la radio royale somalienne lors d’un reportage, Deeqow Caamir, un adolescent de 14 ans, confie : « Je vis dans un lieu dangereux et je n’ai personne qui puisse m’aider. J’ai besoin de nourriture, d’un abri, de vêtements, d’étudier, de soins… et beaucoup d’autres choses encore dont un enfant a besoin dans ce monde. Je suis exposé à des balles perdues et des obus de mortiers, car je dors au pied d’un mur… Moi et les animaux, on dort ensemble (il pleure). La famine et la peur m’ont conduit à consommer toutes sortes de drogues comme l’alcool, le kat, les cigarettes… pour oublier mon calvaire ».

Le reportage a également observé que des jeunes filles âgées de 9 à 17 ans vivent également dans la rue. Elles mendient en groupe autour des restaurants en tendant des gobelets et des assiettes. Elles sont exténuées, affamées, assoiffées et personne ne s’occupe d’elles, car chacun est submergé par ses problèmes personnels. Outre la faim, la peur et le froid, elles sont encore confrontées aux viols. Une femme somalienne témoigne : « Ça nous touche profondément de voir des jeunes filles qui dorment dans la rue, elles sont beaucoup plus vulnérables que les garçons. C’est une situation alarmante, mais qui nous dépasse ! ».

L’aide de la famille ou des ONG

Il y a deux systèmes de prise en charge des enfants. Le premier, voulu par le système clanique, consiste à répartir les enfants issus de parents très pauvres ou qui les ont perdu durant la guerre, au sein de leurs familles élargies pour qu’elle couvre leurs besoins basiques : avoir un toit, être vêtu, nourri et scolarisé. Certaines familles considèrent ces enfants comme les leurs, tandis que d’autres les exploitent.

Le deuxième système fait appel aux ONG. Tel est le cas de « l’association de prise en charge des enfants de la rue », une association locale qui se trouve actuellement à Mogadiscio. Elle est composée de jeunes étudiants qui se sont mobilisés avec très peu de moyens pour tendre la main aux enfants de la rue. Elle finance ses projets en majeures parties grâce à des cotisations et fait de son mieux pour améliorer leurs conditions de vie en fournissant des logements, des vêtements, de la nourriture et la possibilité d’étudier. Elle aide en particulier les adolescents et les jeunes adultes qui ont perdu leurs parents et qui doivent prendre en charge leurs frères et sœurs plus jeunes qu’eux.

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

Vous pouvez aider ces enfants en vous adressant à :

Amnesty International
Bureau régional romand

Rue de la Grotte 6
CH – 1003 Lausanne

Tél. 021 310 39 40

www.amnesty.ch 




« L’ampleur du « non » à l’initiative en faveur de six semaines de vacances pour tous est surprenant »

Nicky Le Feuvre, Professeure à l’Université de Lausanne

Le peuple suisse a rejeté l’initiative en faveur de six semaines de vacances pour tous par 66,5% des voix le 11 mars dernier, ce qui a suscité de vives réactions de la part des pays voisins européens. Pour mieux comprendre ce phénomène, Voix d’Exils a choisi de donner la parole à Nicky Le Feuvre, Professeure ordinaire en sociologie du travail à l’Université de Lausanne. Interview. 

Voix d’Exils : Pouvait-on s’attendre à ce que cette initiative soit acceptée ou rejetée et pourquoi ?

Nicky Le Feuvre : Le rejet de cette initiative était plutôt prévisible. C’est davantage l’ampleur du « non » qui était surprenant, même si la plupart des commentaires soulignent les écarts entre la suisse romande et le Tessin (plutôt partagés sur cette question) et la suisse alémanique (franchement hostile à l’initiative).


Quelle est la place du travail dans la vie des Suisses ?

La Suisse fait partie des quelques pays européens où la durée moyenne du travail est très élevée. En réalité, la situation varie beaucoup selon le sexe. Les hommes suisses connaissent des durées du travail très au-dessus de la moyenne européenne, alors que les Suissesses travaillent beaucoup plus souvent que leurs voisines européennes à temps partiel.


Selon vous, que ce serait-il passé dans les années à venir si les Suisses et les Suissesses avaient accepté l’initiative ?

Défendue par l’organisation syndicale faîtière Travail Suisse, l’argumentaire en faveur de l’initiative se fondait sur deux arguments principaux : les effets délétères pour la santé des travailleurs / travailleuses de l’intensification actuelle des rythmes de travail (représentant des dépenses élevées pour l’Assurance-invalidité, notamment) et les difficultés de « conciliation » de la vie professionnelle et familiale induites par les durées élevées de travail. Pour leur part, les opposants à l’initiative ont surtout mis l’accent sur les risques en matière de compétitivité des entreprises suisses en cas d’augmentation des congés payés et ont brandi la menace d’une augmentation potentielle des taux de chômage.


Quels sont selon vous les facteurs qui ont favorisé ce rejet massif de l’initiative ?

De toute évidence, l’argument économique s’est avéré beaucoup plus convaincant que l’argument en faveur de la santé et du bien-être des salarié·e·s. Il faudrait évidemment mener des recherches plus approfondies pour comprendre précisément ce qui a motivé ce choix, mais l’on peut déjà noter que, dans toutes les enquêtes menées sur ce sujet, les Suisses déclarent des niveaux de satisfaction au travail qui sont largement supérieurs à ceux que l’on trouve dans la plupart des pays voisins. Indépendamment des conditions objectives de travail (horaires, salaraires, etc.), ces résultats témoignent surtout de l’attachement fort des Suisses à la « valeur travail » et c’est bien cela qui semble avoir primé lors de cette votation.


Pourquoi le « non » massif est-il si incompréhensible pour les voisins européens de la Suisse ?

Les résultats de cette votation ont surtout été accueillis avec une certaine incrédulité en France, où la réduction du temps de travail et l’augmentation des congés payés sont généralement perçus comme un facteur de bien-être par les salarié·e·s. Certes, les employeurs se sont également mobilisés en faveur d’un assouplissement de la Loi Aubry de 2001 sur les 35 heures, mais celle-ci demeure une référence dans beaucoup de secteurs d’activité. Lors de son adoption en France, cette mesure de réduction du temps de travail était surtout présentée comme une solution au chômage (partage du travail entre un plus grand nombre de travailleurs) et non pas comme un risque pour la performance économique du pays. Assez curieusement, pourtant, même avec ces durées réduites de travail et ce supplément de vacances (5 semaines), les Français et les Françaises se déclarent moins satisfait·e·s de leur situation de travail que les Suisses et les Suissesses…


Est-ce que deux semaines de vacances en plus améliorerait la santé des travailleurs et travailleuses suisses?

L’intensification des rythmes de travail et leurs effets négatifs sur la santé des travailleurs sont des réalités confirmées à maintes reprises dans la littérature scientifique. Il n’empêche, les recherches récentes tendent à suggérer qu’une réduction des durées quotidiennes ou hebdomadaires de travail offrirait une meilleure solution à ces problèmes, et aux difficultés de « conciliation » des temps de vie, que l’octroi de semaines supplémentaires de vacances.


Qui est selon vous gagnant avec ce rejet et pourquoi ?

Il s’agit là d’une victoire très nette pour les entreprises et les employeurs, qui ont emporté l’adhésion du plus grand nombre. Néanmoins, les syndicats peuvent se féliciter d’avoir réussi à inscrire la question de la durée et des rythmes de travail à l’agenda d’un grand débat national. De mon point de vue, avec le vieillissement de la population et l’allongement de la vie active, ce sont là des questions qui devront être prises très au sérieux par les responsables politiques au cours des années à venir.

Propos recueillis par :

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils