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Vieillesse et exil : le dangereux cumul des déracinements

Photo: Hayrenik DONO, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils.

Photo: Hayrenik DONO, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

L’Entraide Protestante Suisse (l’EPER) organise une visite au zoo Servion avec un groupe de réfugiés Syriens de plus de 55 ans.

La vieillesse est souvent associée à, entre autres, à des maladies chroniques, la dépression, la solitude, l’isolement, etc. Mais ces maux deviennent encore plus aigus dans le cas où les réfugiés âgés ont été contraints à fuir la guerre qui faisant rage dans leurs pays respectifs après avoir passé toute une vie là-bas.

Beaucoup d’entre eux, spécialement les Syriens, ont vécu une vie relativement confortable avant que la guerre n’éclate. En plus, Ils ignoraient totalement le fait que leur séjour en Suisse serait indéfini et qu’ils ne pourraient jamais retourner dans leur pays.

L’Entraide Protestante Suisse (l’EPER) est une organisation qui propose de nombreux programmes pour les réfugiés, dont un en collaboration avec l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (l’EVAM) qui s’adresse plus spécifiquement à ceux de plus de 55 ans. Ces activités visent à améliorer les conditions de vie sociale et la santé de ces personnes migrantes senior.

La dernière activité en date organisée par EPER pour ce public était une visite du zoo de Servion le 30 Juillet 2016. Environ 25 réfugiés Syriens se sont retrouvés pour s’y rendre. Ils sont issus de différentes parties de la Syrie, mais sont tous devenus amis en Suisse, grâce à l’EPER qui leur a permis de se rencontrer.

Abou Ahmad, un homme dans les soixante-dix ans venant de Damas, embarrasse chaleureusement son ami Abou Mazen, du même âge que lui, provenant de al-Sweida et lui dit affectueusement avec les yeux brillant comme des petits miroirs : « Je suis venu pour vous voir mon vieil ami, aller au zoo sans vous n’aurait pas de sens ». Il est très émouvant de voir comment les membres du groupe se saluent cordialement, à l’image de membres d’une même famille séparée depuis longtemps.

Au zoo, l’ambiance est festive et joyeuse. Malgré le fait que seul quelques animaux leur fassent l’honneur de se pavaner, cela n’a que guère d’importance, car ils sont occupés à échanger autour de souvenirs « du bon vieux temps », des nouvelles de leurs enfants et petits-enfants, des cours de langue française, de la peur de l’avenir et, bien sûr, des maux de tête qu’occasionne le permis F.

Il est très intéressant d’entendre Abou Jewan, soixante ans, venant de al-Malkie, qui parle fièrement de son jardin à Yverdon-les-Bains et de l’abondance du persil, de la menthe, des oignons, des pommes de terre, des tomates et des citrouilles qu’il a planté cette année. Sa famille se nourrit désormais toute l’année de légumes bio. Quelle chance ils ont !

Photo: Hayrenik DONO, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Photo: Hayrenik DONO, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Mais l’excitation atteint son comble lorsque deux énormes tigres font soudainement leur apparition. Les visiteurs dégainent alors leurs appareils photos pour capturer des images des deux grands félins qui passent majestueusement leur chemin.

Dans l’après-midi, tous se rassemblent autour d’un pique-nique canadien et continuent leur conversation sans fin jusqu’à ce que les premières gouttes de pluie les prennent par surprise. Marc Caverzasio, le dynamique et gentil collaborateur du projet lance alors en arabe – langue qu’il maîtrise bien – que la visite est finie.

Mais avant de partir, Madame Inaam, provenant de Qamishli, une ville dans le Nord-Est de la Syrie, lui fait part de son sentiment du moment qui traduisait tout à fait l’impression générale du groupe : « cette activité nous a encore une fois chargé d’énergie positive. Merci l’EPER et merci la Suisse! »

Hayrenik DONO

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Des artistes mettent à nu les crimes abominables perpétrés au Sri Lanka

Exposition "Chercher". Photo: Voix d'Exils.

Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils.

Trois jeunes artistes ont pris l’initiative d’aborder des sujets tabous dont aucun Sri-Lankais n’ose parler à haute voix et qui sont tus par la communauté internationale à l’occasion d’une exposition de dessins. Cette exposition – offrant une vision crue sur la situation politique qui sévit actuellement au Sri Lanka – s’est tenue du samedi 26 au mardi 29 octobre au centre socioculturel Pôle Sud.

 

Samedi 26 octobre 18:00. Les curieux se pressent à l’entrée de l’une des salles d’exposition du centre socioculturel Pôle Sud située au 1er étage du bâtiment pour assister au vernissage de l’exposition de dessins intitulée «Chercher». Les œuvres sont disposées le long des murs de la salle et sont accompagnées de légendes fournies. L’un des jeunes artistes prend la parole pour expliquer les sens de chaque image ainsi que le fil rouge de l’exposition qui aborde, de manière émouvante et troublante, les horreurs consécutives au bafouement des droits humains perpétrés par le gouvernement sri-lankais. La démarche est à la fois simple et efficace : c’est à travers les étapes du parcours biographique d’une femme, qui se lisent comme les chapitres d’un livre, que les visiteurs s’immergent dans la situation dépeinte. L’histoire débute avec la représentation d’une femme enceinte et se termine par un tableau qui évoque sa fin tragique, quelques années après la disparition de sa fille unique. A travers cette initiative, les artistes cherchent à sensibiliser le public à propos de la situation alarmante qui sévit actuellement au Sri Lanka, qui a succédé à une guerre civile qui a ravagé le pays entre 1983 et 2009. Nombreux sont celles et ceux qui ont entendu parler de la guerre au Sri Lanka, mais peu sont informés des faits horribles qui continuent à se produire encore aujourd’hui. Derrière les cocotiers et les plages de sable fin, que peut apprécier le touriste qui se rend au Sri Lanka, se cache certaines réalités mortifères. Ainsi, depuis la fin de la guerre en mai 2009, le taux de disparitions forcées de la population tamoule n’a cessé d’augmenter. Ainsi, en 2013, le Sri Lanka est classé en deuxième position après l’Irak dans la catégorie des États qui voient le plus grand nombre de leurs ressortissants disparaître dans un rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires du Conseil des droits de l’homme édité au début de l’année. L’exposition mentionne aussi que le Sri Lanka est l’un des pays les plus hostiles aux journalistes au monde. En parallèle, les visiteurs de l’exposition étaient invités à signer une pétition d’Amnesty International dont le but est de suspendre définitivement la campagne d’expulsion des personnes déboutées de la communauté sri-lankaise vivant en Suisse. Rappelons ici que dernièrement, au courant du mois de septembre, des requérants Sri-Lankais déboutés de la Suisse se sont faits arrêtés lorsqu’ils sont rentrés dans leur pays d’origine. James*, l’un des trois jeunes artistes, a accepté de répondre aux questions de Voix d’Exils.

Exposition "Chercher". Photo: Voix d'Exils.

Exposition « Chercher ». Photo: 

Voix d’Exils : Pourquoi avez-vous choisi le dessin pour vous exprimer?

James : Nous avons choisi le dessin, car à travers ce dernier, le message est plus vite transmis qu’à travers un long texte. Le dessin est plus facilement enregistré par la mémoire de l’être humain et il dépasse les frontières langagières. Ainsi, grâce au dessin, le message de l’exposition peut aussi être transmis aux personnes qui ne maîtrisent pars les langues française ou tamoul.

Pourquoi vos œuvres sont-elles toutes en noir et blanc, alors que juste quelques éléments comme les bijoux et les broderies sont en couleur ? Quelle est la signification de ce choix artistique ?

Nos œuvres sont en noir et blanc pour marquer le temps passé et l’état d’angoisse des personnages représentés. La couleur sur les bijoux et les broderies vise à attirer l’attention des visiteurs afin de les inviter à questionner davantage les images et pour montrer la particularité culturelle de la femme tamoule sri-lankaise.

Combien de temps cela vous a-t-il pris pour réaliser ces œuvres d’art et d’où proviennent vos sources d’inspiration ?

Exposition "Chercher". Photo: Voix d'Exils.

Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils.

La création de ces œuvres d’art nous a pris 5 week-ends de travail à raison d’un jour par week-end, vu que nous avons d’autres occupations durant la semaine. En ce qui concerne nos sources d’inspiration, nous avons-nous-même vécu au Sri Lanka et observé plusieurs scènes représentées dans nos œuvres qui sont restées gravées dans nos mémoires. Aujourd’hui, nous recevons encore des témoignages de gens qui évoquent les situations que nous décrivons dans nos dessins.

Comment votre collectif d’artiste s’est-il formé et qu’est-ce qui vous a inspiré pour initier cette exposition ?

Nous nous sommes rencontrés ici en Suisse en 2010 et nous avons tous des intérêts en commun. Nous parlons souvent de sujets en lien avec le Sri Lanka. Nous avons décidé de monter cette exposition après avoir entendu parlé de la campagne du 22 septembre dernier sur le Sri Lanka qui avait eu lieu à Olten et qui était organisée par des jeunes Sri-Lankais et des jeune militants d‘Amnesty International.

Exposition "Chercher". Photo: Voix d'Exils.

Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontés lors de la production de vos œuvres?

La plus grande difficulté que nous avons rencontré était d’assembler simultanément et de manière cohérente dans nos tableaux nos interventions individuelles, car il s’agit d’œuvres collectives. Parfois, le dessin ne correspondait pas à l’idée de l’un ou de l’autre et, du coup, l’on devait le refaire entièrement.

Combien de visiteurs avez-vous reçu depuis le début de l’exposition ? Quelles ont été leurs réactions et quelles sont vos impressions ?

Nous avons déjà reçu une quarantaine de visiteurs jusqu’à maintenant. Tous étaient prêts à nous écouter et ont appréciés cette initiative. Plusieurs d’entre eux nous ont encouragés. Pour notre part, nous sommes très satisfaits de la réussite de cette première exposition et, en particulier, du fait que notre message puisse passer auprès de la population suisse.

Quel est votre mot de la fin ?

Si nous nous taisons, qui parlera à notre place ? Nous sommes prêts à courir ce risque pour amener un changement au Sri Lanka. Toutes ces informations ont un lien direct avec la situation actuelle de notre pays. Je tiens aussi à vous informer que l’exposition se poursuivra dans d’autres lieux du canton de Vaud et dans d’autres cantons également.

* Nom d’emprunt.

Propos recueillis par :

Pastodelou

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

Pour visionner le film sur l’exposition réalisé par 4TamilMedia cliquez ici

Lire aussi sur Voix d’Exils «Pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants en Suisse




Pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants en Suisse

Logo de la campagne d'Amnesty International

Logo de la campagne « Protection, vérité et justice pour la population sri-lankais »

Amnesty International, en collaboration avec la Société pour les peuples menacés et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), a lancé la campagne «Protection, vérité et justice pour la population sri-lankaise». Une pétition et un documentaire entendent sensibiliser la population suisse à la situation délicate dans laquelle se trouvent les réfugiés tamouls.

Quatre ans après la fin de la guerre civile entre les forces gouvernementales et les Tigres tamouls, la situation des droits humains au Sri Lanka reste alarmante. 26 ans de conflit armé ont laissé des traces profondes et la paix a un goût amer. Selon Amnesty International «Le gouvernement refuse toujours qu’une enquête indépendante soit menée sur les crimes de guerre commis par l’armée et les Tigres tamouls. Les voix critiques sont menacées, emprisonnées ou victimes de disparitions forcées.»

Soupçonnée d’entretenir des liens avec les Tigres tamouls, la communauté tamoule est la plus touchée par ces violences. C’est pourquoi les Tamouls de Suisse vivent dans la crainte d’être renvoyés au Sri Lanka. En 2011, un arrêt du Tribunal administratif fédéral prétendait que toutes les régions tamoules du Sri Lanka étaient en sécurité ce qui justifiait des expulsions. Entre temps, et au vu des risques encourus suite au renvoi et à l’arrestation de plusieurs personnes lors de leur arrivée sur le sol sri-lankais, la Suisse a provisoirement suspendu les renvois.

Mais cela ne suffit pas. Amnesty International, l’OSAR et la Société pour les peuples menacés dénoncent la violation des droits humains, l’absence d’enquête fiable sur les crimes de guerre et la situation des requérants d’asile en détresse. Ces organisations ont lancé une pétition afin que la Suisse s’engage pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants.

La campagne prévoit encore la projection d’un documentaire sur les crimes de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre civile en 2009 : « No Fire Zone : Les champs de la mort du Sri Lanka » (2013). Prévue le 4 novembre à 18:30, au Casino de Montbenon, à Lausanne, la séance est gratuite et sera précédée d’un cocktail sri-lankais, occasion d’une rencontre avec la communauté sri-lankaise de Suisse romande.

Pour mieux comprendre la situation de la grande communauté sri-lankaise, composée pour la Suisse de 50’000 personnes dont 22’000 naturalisés, Voix d’Exils a interviewé David Cornut, coordinateur de campagne d’Amnesty International, et vous propose de partager l’histoire de Vignesh qui explique comment il a évité in extremis d’être renvoyé au Sri Lanka après avoir été débouté.

Interview de David Cornut, Coordinateur de la campagne «Protection, vérité et justice pour la population sri-lankaise» d’Amnesty International

David Cornut et

Ganimete Heseti et David Cornut

Voix d’Exils : Quel est le but principal de votre campagne ?

David Cornut : Amnesty International veut dénoncer la situation qui prévaut au Sri Lanka, un pays qui viole les droits humains, est coupable de persécutions, de tortures et d’atteintes à la liberté d’expression. Pourtant, la Suisse considère le Sri Lanka comme un pays sûr. Des accords de facilitation des réadmissions entre la Suisse et le Sri Lanka sont actuellement en cours. Or, les renvois dans un pays qui n’est pas sûr sont complètement interdits par la loi suisse.

Pourtant, le gouvernement suisse a décidé de stopper l’exécution de renvois vers le Sri Lanka…

Cette mesure est provisoire et ne suffit pas. Amnesty demande que la Suisse stoppe tous les renvois sur le long terme, et pas seulement de cas en cas, tant que la situation au Sri Lanka n’est pas sûre pour tout le monde.

Comment peut-on aider la population du Sri Lanka?

Il faut faire toute la lumière sur les crimes de guerre et rendre la justice dans les deux camps : l’armée officielle et les Tigres tamouls. Grâce aux pressions politiques et économiques de la communauté internationale, qui observe en permanence le Sri Lanka, la situation de la population sri-lankaise va pouvoir changer. L’Inde, par exemple, a passé une résolution sur la violation des droits humains au Sri Lanka. Et l’inde est un partenaire important.

Quelles sont les chances de succès de votre campagne ?

L’arrêt – même provisoire – des renvois au Sri-Lanka est un premier succès. Maintenant, on a besoin que les gens signent la pétition pour la Suisse. On a besoin que les gens parlent du Sri Lanka, car le pire c’est le silence. C’est important que l’opinion publique pense au Sri Lanka autrement que comme une destination pour passer des vacances. Et aussi, pour que la population suisse sache qui sont les Tamouls.

A votre avis, quelles seront les réactions du gouvernement du Sri Lanka vis-à-vis de votre campagne ?

Il est difficile de faire des pronostics… Le gouvernement du Sri Lanka est très sensible à la critique. Il essaie de se construire une nouvelle image et il a essayé d’empêcher la projection du film «No Fire Zone : Les champs de la mort du Sri Lanka» à Genève.

Propos recueillis par Lamin et Sara Pages

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Vignesh, débouté Sri-Lankais, évite in extremis d’être renvoyé de Suisse

Vignesh*, 25 ans, est un demandeur d’asile Sri-Lankais. Arrivé en Suisse en 2009, il a reçu une décision négative à sa demande d’asile à deux reprises, et aurait dû être renvoyé au Sri Lanka le 8 août dernier.

Mis sous pression, Vignesh appose sa signature pour l’obtention d’un passeport provisoire valide pour trois jours et, de manière inattendue, se voit remettre immédiatement un ticket de vol pour le 8 août avec l’ordre de se présenter à l’aéroport de Cointrin à Genève pour son rapatriement.

Lorsque le jour du vol arrive, il ne se présente pas à l’aéroport. Il se cache dans différents lieux : chez des amis, à la gare ferroviaire de Genève ou dans un arrêt de bus, ce par temps froid comme par temps chaud.

Durant la même période, deux familles renvoyées par le canton de Saint Gall sont arrêtées sur le sol sri-lankais. Suite à ces événements, le gouvernement suisse décide de geler immédiatement tous les rapatriements des ressortissants Sri-Lankais.

Vignesh prend connaissance de cette nouvelle, en parle à un avocat social, se rend au Service de la population du canton de Vaud (SPOP), et demande à nouveau l’aide d’urgence. Le SPOP refuse de répondre favorablement à sa demande, car il n’a pas été notifié de la décision de l’Office fédéral des migrations (ODM) et lui reproche de séjourner de manière illégale en Suisse à partir de la date arrêtée pour son renvoi.

Un jour plus tard, le SPOP prend contact avec son avocat pour l’informer qu’il entre en matière à propos de l’octroi de l’aide d’urgence. Ce retournement de situation est tout à fait exceptionnel par rapport à la situation des Sri-Lankais déboutés résidant en Suisse et témoigne de la force de la décision de l’ODM. A nouveau, Vignesh est logé dans l’abri de la protection civile où il séjournait auparavant et, de surcroît, il a obtenu un permis N.

Que lui serait-il arrivé s’il avait été renvoyé le jour prévu au Sri Lanka ? Le gouvernement suisse affirmait à l’époque être en mesure de conserver le contact avec les personnes renvoyées. Dans les faits, ce contrôle s’est avéré très difficile à mettre en œuvre, en particulier en dehors de Colombo, la capitale, à fortiori après que plusieurs mois se soient écoulés depuis la date du renvoi. Mentionnons également qu’une loi anti-terroriste promulguée par le gouvernement sri-lankais menace potentiellement quiconque appartenant à la diaspora sri-lankaise, dont les membres sont suspectés presque systématiquement de collaborer avec les Tigres tamouls. La suspicion concerne, en particulier, les personnes provenant de Suisse ; et celles-ci s’exposent à des peines d’emprisonnement de 12 ans au minimum.

Pour l’heure, Vignesh est satisfait de sa situation et espère pouvoir rester en Suisse. Il pense qu’il obtiendra un statut de réfugié ou que son autorisation de séjour temporaire sera prolongée sur le long terme, étant donné que la situation au Sri Lanka met en danger les populations tamoules. Il est également persuadé que le gouvernement et le peuple suisses comprennent aujourd’hui la dangerosité de la situation qui règne dans son pays.

L. et S.P.

*Nom d’emprunt

Informations

NO FIRE ZONE : LES CHAMPS DE LA MORT DU SRI LANKA, documentaire, 2013, Vo/St.fr, Callum Macrae

Affiche du film "No fire zone"

Affiche du film « No fire zone »

Présenté par Amnesty International, ce film braque les projecteurs sur les crimes de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre civile, en 2009. Le documentaire, dont les réalisateurs ont été nominés au Prix Nobel de la Paix, a provoqué une vive émotion lors de sa projection en marge du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Avec une introduction de Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse  et Namasivayam Thambipillai, conseiller communal de la ville de Lausanne.

Quand      4.11.2013

                      18h30 Cocktail sri lankais, 19h00 Film

Où               Casino de Montbenon – Salle des Fêtes

                      Allée Ernest-Ansermet 3

                      1003 Lausanne

                      m1: Vigie; m2, LEB: Lausanne-Flon; tl 3, 6, 21: Cécil

Entrée      Entrée libre – inscription préalable : info@amnesty.ch

                      Scènes choquantes, destiné à un public adulte.




« La situation est devenue ingérable dans les camps kenyans de Dadaab»

Julien Rey. Photo: Hochardan

Situé à la frontière entre le Kenya et la Somalie, Dadaab est le plus grand complexe de camps de réfugiés du monde. Peuplé de plus de 400’000 réfugiés somaliens – alors qu’il était initialement prévu pour 90’000 personnes – sa construction date du début des années 90 et est la conséquence de l’éclatement de l’Etat somalien et du début de la guerre civile. En automne 2011, Médecin Sans Frontière (MSF) a organisé un projet de reportage sous la forme d’une bande dessinée intitulée « Out of Somalia » qui retrace le quotidien de quelques-uns de ses habitants. Interview de Julien Rey qui travaille au sein du département communication de MSF à Genève et qui a accompagné les auteurs de la BD lors d’un séjour dans ces camps.

Voix d’Exils : Quelles sont les motivations qui vous ont conduit à réaliser cette BD ?

La BD est un medium qui est devenu très à la mode aujourd’hui. Ce projet est né parce que MSF est présent au Fumetto, un festival de bande dessinée à Lucerne qui a lieu chaque année au printemps. La BD « Out of Somalia » a mis près deux ans avant de paraître et notre volonté est de commémorer cette année le vingtième anniversaire des camps de Dadaab. Le but est aussi de communiquer d’une manière différente et de toucher un public large afin de sensibiliser des gens qui ne sont pas forcément en contact avec ce genre d’informations au quotidien.

Le projet a donc débuté en automne 2010, lorsqu’on a décidé de réaliser un reportage illustré sur les camps de réfugiés de Dadaab au Kenya, afin de parler la crise somalienne d’une manière indirecte. A cette fin, MSF a donc pris contact avec deux dessinateurs zurichois : Andrea Caprez et Christoph Schuler. Durant le mois de février 2011, on a organisé une visite du camp. D’abord, ce livre est paru en allemand et en français au printemps 2012. La version anglaise est sortie après et a été distribuée au Kenya à l’occasion de la journée des réfugiés la même année.

 

Quel est le message que vous voulez faire passer à travers cette BD ?

Notre message est de dire au monde : regardez la réalité des camps de Dadaab qui représentent la plus grande concentration de réfugiés au monde, où l’on ne voit toujours pas de solutions qui se profilent, alors que le camp a plus de vingt ans. En effet, lorsque ces camps ont été créés dans les années 90, ils étaient destinés à accueillir 90’000 réfugiés. Aujourd’hui, l’on en compte près d’un demi million. D’où notre message d’alerter le public, car la situation est devenue ingérable aujourd’hui. On parle souvent des réfugiés en Suisse, malheureusement plutôt d’une façon négative. En collaboration avec ces dessinateurs, nous avons aussi la volonté de présenter la réalité à laquelle ces personnes sont confrontées, avant que quelques unes d’entre elles aient la possibilité de se rendre en Europe.

 

Pourriez-vous décrire, de manière générale comment vivent les réfugiés dans les camps de Dadaab depuis vingt-ans ?

Le camp de Dagahaley, où MSF travaille et que nous avons visité à Dadaab, est un camp où il n’y a ni barbelés, ni barrières, ni murs. C’est une sorte de petite ville qui fonctionne en vase clos. Avec Hagadera, Ifo, Ifo 2 et Kambios, ces camps représentent la troisième « ville » du Kenya. Les gens sont libres d’aller et de venir autour des camps et certains retournent même en Somalie et reviennent ensuite. On peut classer grossièrement les réfugiés en deux groupes : ceux qui s’y sont installés depuis longtemps et ceux qui viennent d’arriver. Le premier groupe s’est installé et a construit des maisons en terre. On voit aujourd’hui l’arrivée de la nouvelle génération qui est née dans les camps. Ils n’ont pas un avenir enviable et les jeunes sont dans un état de désœuvrement total. Le deuxième groupe, composé des nouveaux arrivants, s’installe en bordure des camps et là on voit l’arrivée de familles fatiguées, épuisées qui fuient le conflit somalien et la sécheresse. Ils sont démunis et n’ont rien, hormis le peu de choses qu’ils ont pu ramener de Somalie. Le trajet qui les mène aux camps se fait rarement sans problèmes, avec notamment des agressions. Les points d’eau étant inexistants dans la zone des nouveaux arrivants, l’on peut voir des petits enfants qui traînent des bidons de 20 litres sur plusieurs centaines de mètres, et cela plusieurs fois par jour. On y voit aussi des gens en très mauvaise santé. Par exemple, nous avons rencontré une famille dont le père, la mère et les enfants étaient tous malades dans un état catastrophique.

 

Pensez-vous qu’avec ce travail vous avez vraiment réussi à refléter la réalité comme elle est sur le terrain ?

La réalité est multiple. Notre ambition n’est pas de montrer toute la complexité de ces camps. Notre but est de présenter le quotidien de ces réfugiés et de mettre en évidence le travail de MSF. Nous avons plutôt montré des petits flashs pris à droite et à gauche sur certains aspects, certaines personnes, pour donner un aperçu de moments de la vie là-bas. Donc, loin de nous l’idée de faire un reportage exhaustif.

 

Quels sont vos futurs projets ? Allez-vous revenir dans ce camp ou vous rendre à nouveau en Somalie pour enrichir votre travail ?

MSF travaille depuis 30 ans en Somalie dans des conditions qui sont toujours très difficiles, pour nos équipes et surtout pour la population somalienne et je rêve qu’un beau jour, la situation en Somalie s’améliore. On ne va pas tout de suite refaire une bande dessinée sur les camps de Dadaab, vu qu’on vient d’en faire une. On envisage plutôt de traiter d’autres thématiques qui sont intéressantes pour MSF, telle que la lutte contre le SIDA.

Propos recueillis par Hochardan.

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Infos :

BD onlinede MSF « Out of Somalia » réalisée par Andrea Caprez et Christoph Schulerau. Cliquez ici

Médecins Sans Frontières (MSF)

Médecins Sans Frontières (Suisse)

Médecins Sans Frontières (projets au Kenya)

 




« Créer un business était la seule solution pour nous »

M. Mathiyarasan, propriétaire du S.M.T. New Asia Shop. Photo: Sara

Fuyant la guerre civile au Sri Lanka qui opposait le gouvernement Sri lankais aux Tigres tamouls, les premiers Tamouls ont trouvé refuge en Suisse dans les années quatre-vingt. A cette époque, la majorité des Tamouls travaillait dans des restaurants comme aides-cuisiniers et plongeurs. Avec le temps et grâce à leur travail acharné, certains ont réussi à devenir chef de cuisine ou propriétaire de restaurants et à servir leurs propres clientèles. D’autres ont ouvert des épiceries. Les entreprises dirigées par des Tamouls se multiplient à partir des années 90 et occupent une bonne place dans les commerces tenus par des étrangers en Suisse. Voix d’Exils est allé à la rencontre de Mathiayarasan, le patron du plus ancien magasin sri-lankais de Lausanne sis à la rue du Simplon 12 : le S.M.T New Asia Shop.

Nous sommes le jeudi 24 mai 2012, il est 14 heures et c’est le moment creux de la journée. Renseignant les clients présents dans le magasin tout en déballant des palettes de marchandises qui viennent d’être réceptionnées, Mathiayarasan est néanmoins disponible pour répondre à quelques questions.

Photo: Sara

Voix d’Exils : Pouvez-vous retracer l’histoire du S.M.T. New Asia Shop?

Mathiyarasan : J’étais soldat et j’ai été blessé durant la guerre civile. J’ai donc dû quitter mon pays en 2003. Lorsque ma femme et moi sommes arrivés en tant que demandeurs d’asile en Suisse, j’étais vraiment triste pour elle car elle cherchait du travail et n’en trouvait pas. Elle ne voulait pas rester à l’aide sociale. Mais je ne voulais pas qu’elle fasse un travail de nettoyeuse dans un restaurant ou un bureau. A ce moment-là, je travaillais dans un autre magasin. Cela me révoltait, qu’en général, les employeurs chargent les employés Tamouls pour réaliser les travaux les plus durs. Moi, j’étais souvent submergé de travail. Ma femme et moi, nous avons alors songé à créer notre propre business. C’était la seule solution pour nous. Après des efforts acharnés pendant huit ans, j’ai enfin ouvert mon propre magasin en reprenant le S.M.T New Asia Shop. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas fait de grands bénéfices, mais ma femme jouit de son indépendance et elle semble très contente.

Photo: Sara

Est-ce un bon travail ?

Notre revenu ne suffit pas. Si on avait des enfants, il faudrait que l’un de nous trouve un autre travail. Pour le moment, on dégage des bénéfices pour payer un salaire. C’est tout. A cause des préparatifs nécessaires pour le lendemain, ma femme et moi travaillons de 06h00 jusqu’à 20h00 tous les jours, week-ends compris. Nous n’avons pas de temps pour nous, même pour cuisiner. Il est parfois arrivé qu’on doive jeter une grande partie des produits à la poubelle à cause du retard d’une livraison de légumes du Sri Lanka par exemple. En outre, ma femme se retrouve souvent face un problème grave l’après-midi. Il arrive que lorsqu’elle est seule dans le magasin, des jeunes gens ivres entrent et la perturbent. Quelques fois, ils ont essayé de voler des produits du magasin et on a dû déposer plainte auprès de la police.

Photo: Sara

Quels genres de produits vendez-vous le plus ?

Le riz, les épices, les fruits en conserve, les légumes frais, les exhausteurs de goût, le dal, les haricots, les lentilles et les poissons Indiens. Nous vendons aussi du Siddhalepa, qui est une baume à base de plantes très populaire an Sri Lanka.

Qui sont vos clients ?

Des Européens, des Suisses, des Sri Lankais, des Africains, des touristes…On reçoit plus de 150 personnes chaque jour.

Où avez-vous trouvé les fonds pour ouvrir votre magasin ?

J’ai vendu le terrain résidentiel que j’avais chez moi et j’ai investi l’argent dans ce magasin. Cela m’a coûté plus de CHF 8000.- pour réaliser les travaux de rénovation qui étaient nécessaires pour la reprise du magasin.

Quels sont vos plans d’avenir ?

J’aimerais retourner chez moi, je l’espère dans moins de 10 ans. Je conseille aux jeunes de ne pas ouvrir leur propre négoce avant d’avoir acquis les connaissances nécessaires. Je leur conseille aussi d’étudier dur et de choisir un métier qui leur permette de ne pas travailler plus de huit heures par jour et de profiter de la vie.

Propos recueillis par :

Sara

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils