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FLASH INFOS #72

Kristine Kostava / Voix d’Exils.

Sous la loupe: des sans-papiers en grève de la faim et de la soif / réduction du nombre de procédures accélérées / les titulaires du permis C menacés

Des centaines de sans-papiers en grève de la faim et de la soif

RTS, le 20 juillet 2021

En Belgique, près de 500 personnes en situation irrégulière ont entamé une grève de la faim pour exiger des autorités de leur établir des permis de séjour temporaires « de six mois à un an » avant que leur situation ne soit examinée au cas par cas.

Après plus de deux mois, alors qu’environ 470 grévistes ont également débuté une grève de la soif, des ONGs, des associations et partis politiques de gauche se mobilisent en leur faveur et avertissent « [qu’]un drame est imminent ».

Une crise politique est annoncée au sein du gouvernement de coalition belge – au pouvoir depuis octobre 2020 – après la menace de le quitter faite ce lundi par le Parti socialiste francophone et par l’Ecolo-Groen, en cas de décès chez les grévistes. Décès qui, selon l’organisation des Médecins du monde, peut survenir « à tout moment ».

Il y a actuellement 150’000 personnes sans-papiers en Belgique. L’Organisation des Nations Unies, qui s’est aussi saisie du dossier, a lancé un appel au gouvernement belge au travers de ses deux rapporteurs spéciaux pour la délivrance de ces permis de séjour temporaires en faveur des concernés. Cela leur permettrait d’avoir accès au marché de travail et de limiter les risques de « violations des droits humains » de ces personnes.

Le Secrétariat d’État au migrations (SEM) réduit le nombre des procédures accélérées

RTS, le 22 juillet 2021

Le Secrétariat d’Etat au migrations (SEM) a annoncé la réduction du nombre des procédures d’asile accélérées suite à deux arrêts du Tribunal administratif fédéral (TAF), dans lesquels ce dernier a estimé que la « clarification de cette procédure n’était pas assez approfondie ».

Le SEM a aussi précisé qu’en conséquence de cette jurisprudence, le nombre des procédures étendues a augmenté considérablement.

Par rappel la procédure accélérée est entrée en vigueur en mars 2019, après avoir été approuvée par le peuple en juin de 2016.

Permis C : Renoncer à l’aide sociale par peur de perdre son sésame

RTS, le 25 juillet 2021

Depuis 2019, le critère de dépendance à l’aide sociale a pris plus de poids dans les décisions potentielles de retrait de permis de séjour. En parallèle, la protection garantie par le livret C, une fois le seuil de 15 ans de séjour atteint, a été supprimée.

Même si les décisions d’expulsion basées sur la perception de l’aide sociale seraient rares, la menace du retrait du permis suffit, selon une déléguée à l’intégration vaudoise, à éloigner un nombre important d’individus de l’aide sociale.

Le Secrétariat d’Etat aux migrations assure de son côté que le critère d’aide sociale a été suspendu pendant la crise sanitaire. Mesure jugée insuffisante par les milieux caritatifs.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Le film « L’ESCALE » fait écho à ma trajectoire de requérant d’asile »

Les affiches de l'ESCALE à la gare de Lausanne. Photo: Saras Pages

Les affiches du film l’ESCALE à la gare de Lausanne. Photo: Saras Pages / Voix d’Exils.

Fin janvier-début février 2014, 20 demandeurs d’asile Iraniens font la grève de la faim devant l’ODM à Berne. Le 30 janvier, le film « L’ESCALE », qui raconte la vie de sept clandestins Iraniens réunis à Athènes dans l’espoir de passer dans la partie occidentale de l’Europe, reçoit le Prix du jury des 49ème Journées de Soleure. Requérant d’asile d’origine tamoul, Kumar, lui, a été touché par les similitudes entre sa propre trajectoire et celle des Iraniens qui témoignent dans « L’ESCALE ». Notre rédacteur Saras Pages a recueilli son témoignage.

« Dans ce film, tourné par le réalisateur genevois Kaveh Bakhtiari, il y a une scène qui est très touchante, non seulement pour moi mais aussi pour les 300 spectateurs présents à la projection en avant-première le 27 janvier à Lausanne, souligne Kumar. Cette scène montre un Iranien clandestin qui a fait une grève de la faim devant la Commission des droits humains à Athènes pendant plus de 35 jours. ». Athènes, Berne, deux réalités comparables qui se déroulent sous des latitudes différentes, comme l’explique Kaveh Bakhtiari: « On ne peut pas coller le film, le scotcher à un territoire ».

« Excusez-moi, dans quel pays sommes-nous, Monsieur ? »

« Personnellement, des passages m’ont fait sourire plutôt que pleurer, note Kumar. Je pouvais facilement prédire ce qui allait se passer ensuite, étant donné que certains dialogues et certaines actions ressemblaient à ce que mes amis et moi avions endurés. Notamment, les scènes qui concernent la route jusqu’en Europe. En tant que Suisse, que penseriez-vous si une personne que vous ne connaissez pas venait vers vous et vous demandait : « Excusez-moi, dans quel pays sommes-nous, Monsieur ? ». C’est la scène qu’a vécue un conducteur de taxi à Bâle lorsque j’ai pris son taxi à la gare pour qu’il me conduise au Centre d’enregistrement et de procédure d’asile, à près de deux kilomètres de là. »

Selon leur origine, les points de chute des migrants s’avèrent différent. Ainsi, pour les Iraniens et les gens en provenance du Moyen-Orient, L’ESCALE se fait en Grèce. Pour beaucoup de Tamouls, L’ESCALE a lieu plutôt en Thaïlande ou dans certains pays d’Afrique, plus rarement en Grèce.

Garder l’espoir sur la route de l’exil

Kumar confie son inquiétude quant au sort d’amis toujours à Bangkok, alors qu’ils ont pris le chemin de l’exil en même temps que lui, en 2009. « Imaginez leur vie : ils sont bloqués en Thaïlande, un pays qui n’accueille pas les migrants plus de quatre ans. C’est pourquoi, ces derniers vivent dans la clandestinité en attendant la réponse d’un passeur… »

Au début de l’année 2010, le jeune homme a rencontré des Tamouls requérants d’asile au Centre d’accueil de Sainte-Croix, dans le canton de Vaud. L’un d’eux lui a raconté une histoire qui restera à jamais gravée dans sa mémoire. « En voyant le film, le souvenir m’est revenu. Ce compatriote avait fui le  Sri-Lanka. Il avait traversé plusieurs pays d’Afrique et avait été détenu trois jours dans une prison d’un village du Maroc. Le premier jour, il avait eu très peur en raison de sa solitude, mais, les jours suivants, il avait repris l’espoir qu’un jour il serait libéré. La raison de ce changement était simple : sur un vieux mur de sa prison, il avait pu lire cette phrase écrite en langue tamoule : «தமிழன் இங்கும் உறங்கியுள்ளான் (« Un Tamoul a aussi dormi ici »). En visionnant « L’ESCALE », Kumar a réalisé que « ce n’était pas uniquement un film destiné aux gens qui accueillent les migrants, mais également un film pour les personnes qui ont fui leur pays. »

« Avant de partir, on ne sait pas qu’on risque sa vie »

Il partage l’avis de Kaveh Bakhtiari lorsqu’il affirme : « Évidement, avant de partir, on ne se rend pas compte des difficultés que ça représente, on ne sait pas qu’on risque sa vie. » Et aussi lorsque le réalisateur déclare : « Je pense que l’accumulation d’informations peut aider à sensibiliser les gens, mais je ne suis pas naïf, un film ça ne change pas le monde malheureusement. » Pour sa part, Kumar s’inscrit dans la même ligne : « Je ne suis pas naïf non plus, mon témoignage ne changera pas le monde malheureusement, mais j’espère qu’il donnera envie aux lecteurs de Voix d’Exils d’aller voir « L’ESCALE » qui est en salle actuellement. »

Saras Pages

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

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