Sous la loupe : La migration devient un sujet tendance à la semaine de la mode de New York/En Grèce, le naufrage de deux embarcations fait au moins 15 mort.e.s / Une « protection humanitaire » au lieu d’une admission provisoire
No Nation Fashion a présenté ses créations qui reflètent le parcours des personnes migrantes sur le podium à la semaine de la mode de New York (Fashion Week) en septembre. No Nation Fashion est une collaboration créative entre des personnes issues de la migrantion et de l’industrie de la mode bosniaque, sous la direction créative d’Aleksandra Lovrić, une designer de renom. Son but: construire une entreprise sociale qui soutient l’inclusion des personnes migrantes dans les communautés d’accueil et participer activement à rendre les sociétés plus inclusives et durables.
L’initiative a été créée en 2021 en Bosnie-Herzégovine comme moyen pour des personnes migrantes vivant dans des centres d’améliorer leurs compétences en couture.
Karthik Neelamagen Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Selon un nouveau bilan des garde-côtes grecs communiqué jeudi le 6 octobre, les corps de 15 femmes migrantes, apparemment d’origine africaine, ont été repêchés. Neuf femmes ont pu être secourues et 15 personnes migrantes sont portées disparues après le naufrage de leur embarcation en Grèce au large de l’île de Lesbos, voisine des côtes turques en mer Egée. Quelques heures plus tôt, un autre naufrage d’un voilier transportant environ 95 personnes migrantes a eu lieu au large de l’île de Cythère. Certain.e.s des survivant.e.s ont pu rejoindre la côte à la nage et une vaste opération de secours a permis de retrouver 80 personnes migrantes.
Karthik Neelamagen Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Cette année, l’aménagement du statut de protection S afin d’accueillir au mieux les personnes migrantes ukrainiennes a permis d’interroger les différences de traitement entre les personnes réfugié·e·s.
Une coalition regroupant le Parti Socialiste (PS), les Verts et les vert’libéraux s’est formée à Berne afin de proposer un nouveau statut qui s’appelle « protection humanitaire » ayant pour le but de remplacer l’admission provisoire qui rend difficile l’intégration des personnes migrantes. Ce nouveau statut s’appliquerait de la même manière à toutes les personnes migrantes qui ne remplissent pas la qualité de réfugié·e et qui ont néanmoins besoin de la protection de la Suisse. En collaboration avec l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), l’EPER soutient ce projet.
Karthik Neelamagen Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
FLASH INFOS #109
|
Sous la loupe: Les agissements des garde-côtes grecs questionnent / Le président de Frontex démissionne à la suite de plusieurs allégations/ Plus de 10’000 exilé·e·s mineur·e·s sans services de protection
Les garde-côtes grecs ont annoncé dimanche 8 mai le sauvetage d’une embarcation de 106 exilé·e·s en mer Égée, au large de l’île de Kos. Quelques 20 enfants et 14 femmes se trouvaient à bord mais aucune victime n’a été déplorée par les autorités.
Fabrice Leggeri, président de Frontex, l’Agence européenne des garde-côtes et garde-frontières, a démissionné le jeudi 28 avril dernier. Sujet de plusieurs accusations de la part d’ONG ces dernières années, il a notamment été visé par une enquête de l’Office européen de lutte antifraude. La pression exercée par ces organisations a rendu sa démission pratiquement inévitable.
Selon le HCR, ces traversées sont favorisées par le manque ou l’absence de programmes et de services de protection pour ces jeunes le long des routes migratoires qu’ils empruntent. Pour le HCR, des services de protection sont nécessaires de toute urgence pour répondre aux besoins de cette population vulnérable.
Il est à noter que les arrivées en Italie, par voie maritime, ont augmenté en 2021. Cette augmentation ne concerne pas seulement les mineurs, mais également de nombreuses personnes de tous âges, 19% d’entre eux étant des mineurs non accompagnés.
Renata Cabrales
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Frontex au menu de la votation populaire du 15 mai
|
Témoignages d’exilé.e.s ayant croisé Frontex sur leur chemin
Le 15 mai prochain, le peuple suisse votera sur «la reprise du règlement de l’Union Européenne (UE) relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (développement de l’acquis de Schengen) », c’est-à-dire l’augmentation de la participation de la Suisse à Frontex: l’Agence européenne des garde-frontières et des garde-côtes
Créée en 2004, Frontex surveille les frontières extérieures de l’espace Schengen. Ses missions sont de lutter contre la criminalité transfrontalière, le trafic d’êtres humaines, le terrorisme et la migration clandestine. L’agence est financée par l’Union européenne (UE) et les pays signataires de l’accord de Schengen non membres de l’UE (comme la Suisse).
Les principaux enjeux de la votationsur Frontex
En raison de l’accord de Schengen, la Suisse doit augmenter sa contribution financière au garde-frontière Frontex. Certains partis politiques de gauche et des organisations de soutien à la population migrante ont lancé un référendum pour dénoncer les mauvais traitements infligés aux migrants et le non respect de leurs droits fondamentaux. Les promoteurs du référendum remettent en cause la politique migratoire de Frontex et demandent plus d’ouverture de la part de l’Europe. Ils considèrent également que l’agence a « une politique migratoire européenne basée sur la violence » . Ils et elles dénoncent une « militarisation des frontières » et une « criminalisation des migrations ». Ils soulignent aussi que plusieurs enquêtes sont en cours contre Frontex, pour mise en danger des personnes migrantes et pour sa participation à des opérations refoulements de personnes migrantes. Pratiques qui violent la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, car les personnes expulsées de l’espace Schengen ne peuvent pas déposer de demandes l’asile.
En tant que rédacteurs et rédactrices de Voix d’Exils, site d’information destiné à l’expression libre des personnes migrantes, nous avons choisi de donner la parole aux personnes qui ont rencontré Frontex sur leur chemin d’exilé.e.s. Nous avons interviewé 5 apprenants d’une classe de français de l’EVAM sur Frontex parce qu’ils se trouvent en Suisse en tant que personnes demandeuses d’asile. Ils ont traversé les frontières de l’Europe pour atteindre la Suisse et ils ont rencontré les garde-frontières et les garde-côtes de Frontex sur leur chemin. Nous avons réalisé ces interviews dans le cadre d’une collaboration avec le projet Bla-Bla Vote: un débat citoyen et une émission radio qui a lieu un peu avant les votations populaires fédérales à la Maison de Quartier de Chailly à Lausanne. Son but est de rendre plus compréhensible un des objets politiques sur lequel la population doit voter pour permettre aux participant.e.s de se faire leur propre opinion. Après le débat, le Bla-Bla Vote est diffusé en podcast sur la webradio d’Eben-Hézer Lausanne. Le sujet du dernier Bla-Bla Vote était Frontex et le débat a eu lieu le 8 mai. Les invités étaient Laurent Wehrli conseiller national, membre du Parti libéral-radical (PLR) et Aline Favrat, membre du comité référendaire No Frontex.
Dans le cadre de cette collaboration, la classe de français de l’EVAM a participé à un atelier qui leur a présenté le sujet de la votation sur Frontex en français facile à lire et à comprendre. A la fin de l’atelier, la rédaction de Voix d’Exils a enregistré les questions des apprenants et certaines d’entre elles ont été posées aux invités pendant le Bla-Bla Vote du 8 mai. Après l’atelier, nous avons aussi mené des interviews avec les membres de la classe (voir ci-dessous); et à partir de ces interviews, nous avons réalisé un sujet de 4 minutes qui a été diffusé durant l’émission radio du Bla-Bla Vote. Cliquez ici pour écouter toute l’émission du Bla-Bla Vote du 8 mai sur Frontex.
Voix aux personnes ayant croisé Frontex sur leur chemin
Renata Cabrales
en collaboration avec la rédaction vaudoise de Voix d’Exils
Vingt jours, dix pays, un exil
|
Le périple de deux jeunes syriens vers la Suisse
Youssef*, un jeune Syrien de 30 ans, a travaillé comme ingénieur électricien dans son pays. Aujourd’hui, il pratique le même métier, mais en Suisse. Au-delà de cette apparente stabilité et continuité dans sa vie, Youssef a connu les dangers de l’exil et les risques pris par toute personne qui quitte son pays pour un avenir meilleur. Vous trouverez ci-dessous les détails du voyage qu’il a entrepris avec sa sœur et les difficultés qu’ils ont a rencontrées sur le chemin de la migration au travers des 10 pays qu’ils ont parcourus pour rejoindre la Suisse depuis la Syrie.
De la Syrie vers le Liban et la Turquie
Youssef et sa sœur ont décidé de fuir la Syrie. Ils se sont rendus, début août 2015, de Damas à Tripoli au Liban où ils sont montés à bord d’un bateau en direction de Mersin en Turquie. Leur voyage a duré deux jours. Puis, ils ont pris un taxi en direction de la ville d’Izmir, mais le trajet a été beaucoup plus long que le premier et a duré 14 heures.
À Mersin, Youssef a contacté un passeur appelé « Abu Mowaffaq » et s’est mis d’accord avec lui sur une somme de 1’100 dollars US. Youssef et sa sœur ont rejoint un groupe de trois personnes et sont restés dans la maison du passeur pendant six jours, où ils ont tous attrapé la gale à cause de l’insalubrité des oreillers et des couvertures.
Six jours plus tard, au soir, ils se sont rendus en compagnie d’autres groupes – au total près de quarante personnes – vers la ville de Bodrum, lieu d’embarcation qui se trouve à deux heures d’Izmir. Comme le bateau n’était pas prêt à partir, tous ont dû attendre sur le rivage pendant quatre heures, mais en vain. Le passeur était absent. Quand ce dernier est finalement arrivé, il leur a apporté de la nourriture et leur a demandé de se cacher pour le lendemain, avant de s’enfuir rapidement. Après plus de 19 heures d’attente, la police turque les a interpelés et arrêtés pour ensuite les emmener à la gare routière la plus proche. Ils ont donc été contraints de retourner à Izmir.
De la Turquie à la Grèce
Le lendemain, Youssef et sa sœur ont tenté une nouvelle fois d’effectuer la traversée en bateau et sont donc retournés à Bodrum. Ils y sont arrivés au milieu de la nuit à deux heures du matin. Au lever du soleil, ils sont montés dans la barque et le début du voyage a alors été marqué par les prières de toutes et tous et par les pleurs des enfants. Un quart d’heure après le départ, les garde-côtes turcs les ont attaqués en mer afin de les forcer à regagner la côte turque, mais les passagers du bateau ont ignoré ces appels et ont continué à naviguer. Les garde-côtes ont alors tiré en l’air pour les effrayer et ont fait plusieurs tentatives pour les arrêter. Mais en vain. Les garde-côtes ont alors été contraints de les laisser poursuivre leur chemin. Moins de dix minutes plus tard, ils ont rapidement été interceptés par les garde-côtes grecs qui les ont emmenés sur l’île de Kos. A leur arrivée, ils ont été escortés jusqu’à un bureau pour enregistrer leurs noms afin que les autorités puissent statuer sur leur décision d’expulsion de la Grèce.
La police grecque les a ensuite emmenés dans un camp dans lequel ils devaient passer plusieurs jours dans l’attente d’une décision de renvoi. Mais tous, y compris Youssef et sa sœur, ont décidé d’aller immédiatement acheter des billets de transports pour se rendre à Athènes.
De la Grèce à la Macédoine et de Macédoine à la Serbie
Le lendemain matin, Youssef et sa sœur ont embarqué sur un petit bateau et ont voyagé ainsi pendant près de 14 heures. Lorsqu’ils sont arrivés, un ami de la famille, qui possédait un appartement à Athènes, les attendait sur place. Ils sont restés chez lui quatre jours.
Après cela, ils sont montés dans le bus et se sont dirigés vers la frontière macédonienne avec pour destination une gare ferroviaire. Ils sont alors montés à bord du train destiné à transporter les réfugiés à la frontière serbe et leur voyage a duré huit heures. Ils sont arrivés à minuit, puis ils ont attendu jusqu’au petit matin par peur des voleurs et des bandes qui rôdaient sur la route des voyageurs le long de la frontière serbo-macédonienne. Puis, ils ont marché vers le premier village de Serbie et de là ils ont pris un bus vers la capitale, Belgrade, où ils ont séjourné dans un hôtel pendant deux jours. Ils se sont ensuite dirigés vers la frontière hongroise à travers les champs de maïs. En chemin, ils ont été surpris par la présence de policiers qui arrêtaient et empêchaient les exilé·e·s de poursuivre leur chemin. Youssef et sa sœur ont donc décidé de se cacher dans les champs jusqu’à ce que la police quitte les lieux.
De la Serbie à la Hongrie
Le lendemain matin, un homme et sa femme sont passés, par hasard, par là et leur ont proposé de les emmener en voiture jusqu’à la ville hongroise de Budapest en échange d’une somme d’argent. Ils les ont alors effectivement conduits à destination, en compagnie d’une vingtaine d’autres personnes. Toutefois, lorsqu’ils sont arrivés en ville et qu’ils sont sortis de la voiture, ils se sont retrouvés face à deux voitures de police. Tout le groupe s’est alors mis à courir et s’est caché dans un parking pendant quatre heures où ils ont contacté un autre passeur qui les avait informés que deux voitures les attendraient dans le centre-ville à côté d’un hôtel. Malheureusement, la police était à l’affût et a confisqué les véhicules et arrêté les chauffeurs.
De la Hongrie à l’Autriche et de l’Autriche à l’Allemagne
Peu de temps après, ils ont recontacté le passeur qui leur a demandé d’attendre le lendemain de sorte à ce qu’il puisse se débrouiller pour leur fournir deux nouvelles voitures pour les emmener en Allemagne. Ils ont alors passé cette nuit dans le jardin jusqu’au lendemain matin, puis sont partis dans des directions différentes, traversant l’Autriche, sans s’arrêter, jusqu’à ce qu’ils rejoignent le premier village d’Allemagne appelé Passau où Youssef et sa sœur se sont arrêtés. Certains autres membres du groupe qui se trouvaient avec eux à ce moment ont été malheureusement pris dans un piège frauduleux et ont été renvoyés en Serbie.
De l’Allemagne à la Suisse
Après être arrivés vers deux heures du matin au village de Passau, Youssef, sa sœur et leurs compagnons de route encore présents ont passé quatre heures dans les rues. À six heures du matin, la police allemande les a arrêtés et emmenés au poste de police. Deux heures plus tard, ils ont été relâchés et ont pris le train en direction de Munich. À leur arrivée à Munich, Youssef et sa sœur se sont séparés du reste du groupe. Leur oncle les attendait sur place et c’est lui qui les a conduits pendant quatre heures dans sa voiture jusqu’à ce qu’ils entrent sur le territoire suisse et plus précisément par la ville de Rheinfelden, le 20 août de la même année.
Durant les 20 jours qu’a duré le périple de leur migration, Youssef et sa sœur ont traversé pas moins de dix pays avant de finalement demander l’asile en Suisse.