1

La République Démocratique du Congo retient son souffle

Des jeunes hommes de République Démocratique du Congo reagardent dans le vide

Julien Harneis (CC BY-SA 2.0)

La prolongation du mandat présidentiel de Joseph Kabila est le scénario de la classe dirigeante 

La République démocratique du Congo traverse une période d’incertitudes depuis la réélection contestée du président Joseph Kabila, en novembre 2011, à l’issue d’un scrutin entaché de fraudes massives. Son mandat présidentiel arrive à terme le 19 décembre prochain, mais ce dernier ne lâchera pas les rênes du pouvoir.

Arrivé deuxième de la course à la présidence de la RDC en novembre 2011, selon les résultats officiels, l’opposant Etienne Tshisekedi, fondateur de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), n’a cessé de contester la réélection de M. Kabila. Le blocage institutionnel est aujourd’hui tel qu’aucune élection directe n’a eu lieu depuis novembre 2011. Mis à part le Président, dont le mandat s’achèvera en décembre 2016, les députés nationaux élus (députés provinciaux, sénateurs, gouverneurs), qui sont en fonction également depuis 2011, siègent toujours alors que leurs mandats ont expirés.

Une situation explosive

La crise économique que traverse le pays, depuis bientôt un an, contribue à aggraver les conditions de vie déjà misérables des 10 millions de Kinois – les habitants du pays – ce qui attise un sentiment de frustration et de rejet du pouvoir de M. Kabila qui s’est manifesté à plusieurs reprises ces dernières années. En janvier 2015, déjà, un projet de loi électorale contesté avait donné lieu à trois jours d’émeutes anti pouvoir qui ont été sévèrement réprimandées et lors desquelles 150 personnes ont péri. Puis, le 19 septembre 2016, suite à la non convocation du scrutin présidentiel par la Commission électorale nationale indépendante (le CENI), la majorité des partis politiques de l’opposition, réunis au sein d’une plateforme dénommée « le Rassemblement », ont appelé à manifester dans tout le pays. A Kinshasa, la capitale, la manifestation avait dégénéré et avait fait 53 morts selon le rapport final des Nations-Unies.

La position de la Communauté internationale

L’Union Européenne assène depuis des mois que la Constitution congolaise de 2006 doit être respectée afin de réussir la première transition démocratique de l’histoire de la RDC. Ralliée désormais à l’idée que la présidentielle ne pourra avoir lieu cette année, la Communauté internationale appelle tous les partis à conclure un accord politique permettant l’organisation du scrutin en 2017. Elle déplore par ailleurs l’interruption du signal de deux stations radio : Radio France internationale (RFI) et Radio Okapi, la radio des Nations-Unies. Interviewé le 16 novembre dernier à ce sujet lors d’une émission télévisée sur RFI, le Président français François Hollande a déclaré que « chaque fois que la liberté de la presse est mise en cause, c’est pour nous un sujet d’alerte ».

Les manœuvres du pouvoir

Réunies le 18 octobre 2016 à la demande de l’Organisation de l’Unité Africaine (l’OUA), la majorité présidentielle et une frange minoritaire de l’opposition ont signé un accord à l’issue d’un « dialogue national ». Ce dialogue repousse la présidentielle à avril 2018. Cependant, aux yeux du Rassemblement, qui boycotte cette démarche, ceci constitue une manœuvre afin de maintenir Joseph Kabila au pouvoir alors que son mandat prend fin le 19 décembre 2016 et que la Constitution lui interdit de se représenter.

Entendu le 15 novembre 2016 devant le congrès, M. Joseph Kabila reste vague sur son avenir politique. Le Rassemblement appelle donc à un soulèvement populaire le 19 décembre 2016 dans tout le pays. Wait and see !

Dina N.

Membre de la rédaction Neuchâteloise de Voix d’Exils

 




14 ème Sommet de la Francophonie : retour sur un événement aux enjeux considérables

Joseph Kabila, président du la RDC. Photo Galerie du Parlement Européen (CC BY-NC-ND 2.0)

Le 14 octobre dernier, les projecteurs s’éteignaient sur le 14ème Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu du 13 au 14 octobre 2012 à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo, sur le thème des « enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale ». Bilan politique, diplomatique et économique de ce Sommet controversé.

Seize chefs d’Etat ont fait le déplacement à Kinshasa. Dès le vendredi 12 octobre, on a noté l’arrivée du président du Gabon, Ali Bongo, du Cameroun, Paul Biya, du Niger, Mahamadou Issoufou, de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara, de la Guinée, Alpha Condé, de Centrafrique, François Bozizé, du Burkina Faso, Blaise Compaoré, du Burundi, Pierre Nkurunziza, et de la Tunisie, Moncef Marzouki, de Haïtie, Michel Martelly. Le président français François Hollande, est arrivé le samedi 13 octobre. On notera aussi la présence du président Denis Sassou Nguessodu du Congo Brazza, du président comorien, Ikililou Dhoinine, du premier ministre canadien, Stephen Harper. La Suisse était représentée par le vice-président du Conseil fédéral, Ueli Maurer.

Mais si ce dernier ce Sommet a fait couler tant d’encre et de salive, c’est justement à cause de son caractère hyper politisé, car les enjeux étaient considérables, tant pour ses organisateurs que pour ses détracteurs. Revenons sur cet événement afin de comprendre les raisons de cet excès de politisation et d’en dresser le bilan.

Les contestations

Avant le Sommet, plusieurs voix se sont levées pour condamner sa tenue dans un pays qui a connu « les pires élections du monde » à en croire Radio France Internationale. Des Congolais de l’intérieur du pays et ceux de la diaspora se sont mobilisés, en France, en Belgique, au Canada, en Suisse et ailleurs, pour dire non à ce qu’ils appellent « la francophonie du sang » ; celle qui, en organisant son Sommet au Congo, est une insulte à la misère du peuple congolais dans le contexte politique actuel.

Si les appels de ses contestataires n’ont pas réussi à faire délocaliser le Sommet, ils ont néanmoins contribué à sa sur-médiatisation et surtout à semer le doute, à entretenir l’incertitude, à faire durer le suspens et à montrer que le Congo va mal, au point qu’à un certain moment, la thèse de délocaliser le Sommet à l’Ile Maurice avait été évoquée dans certains milieux proches des organisateurs. Abordons maintenant les raisons qui ont contribué à l’hyper politisation du 14eme Sommet de la Francophonie. Pour commencer, le contexte politique international a beaucoup joué dans l’appréciation de ce Sommet.

La France a un nouveau président Hollande

Monsieur François Hollande a été élu à la tête de la France sur la base d’un programme de campagne qui prône « le changement ». Une fois arrivé au pouvoir, il a voulu prendre ses distances avec son prédécesseur, Monsieur N. Sarkozy. Homme de « la présidence normale », le nouveau locataire de Élysée doit prendre ses marques sur toutes les questions, tant sur le plan  de la politique nationale qu’internationale.

En perte de vitesse quant à sa côte de popularité et faisant face à l’écart entre les promesses de campagne et les réalités politiques qui dictent les contraintes du terrain, François Hollande doit inventer un mode de gouvernance qui entretient, tant que faire se peut, l’image de celui qui peut tirer la France de la crise, la sauver du spectre des possibles délocalisations des entreprises, de ses multiples plans sociaux, bref, arrêter l’hémorragie d’un mécontentement qui risque de se généraliser.

Dans ce contexte, le Sommet de la Francophonie est une tribune toute trouvée pour le président français afin de réaffirmer sa détermination pour le changement, dont il se veut le garant pour la France et toutes les zones où s’entend sa sphère d’influence.

Mais ce Sommet est en même temps un test pour le « président normal ». Aller à Kinshasa, c’est honorer la Francophonie. Dans ce contexte de crise, ce voyage est aussi un soutien aux entreprises françaises présentes au Congo comme AREVA et bien d’autres. Mais, en même temps, le Congo est présenté par plusieurs observateurs comme un pays qui s’est construit sur une dictature, à en croire le dernier rapport d’Amnesty International sur les droits de l’homme au Congo.

Devant ce dilemme, Monsieur Hollande décide alors de jouer le morceau à sa manière. Le 9 octobre, soit cinq jours avant l’ouverture du Sommet et devant le Secrétaire Général de l’ONU, Monsieur Ban Ki-moon, il critique ouvertement le pouvoir en place au Congo : « la situation dans ce pays est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l’opposition. » Cette prise de position avait suscité plusieurs réactions. Certains trouvaient les propos du président français adéquats, tandis que d’autres les trouvaient inutiles et mal placés.

On notera la réaction du gouvernement congolais à travers son ministre de l’information, Monsieur Lambert Mende, qui a affirmé que Monsieur Hollande ne connaissait rien de la réalité congolaise. Alors qu’un des membres de l’opposition, Monsieur Vital Kamerhe, invitait les proches du président Kabila à voir dans les propos du président français une correction fraternelle.

Dans les milieux proches de la présidence française, on affirme qu’il s’agit d’une détermination de François Hollande qui a une autre approche de la Françafrique. Mais pour Jean-Pierre Mbelu, un analyste politique congolais vivant en Belgique, les propos de Monsieur Hollande étaient destinés à la consommation de l’opinion internationale et aux médias français, confie-t-il à Etienne Ngandu du blog CongoOne  .

Kabila et sa quête de légitimité

Les dernières élections présidentielles et législatives au Congo avait suscité un immense espoir au sein de la population, plus que jamais assoiffée de changement démocratique, gage d’un développement qui la tirerait de sa misère injuste. Mais ce rêve a vite tourné au cauchemar, car le changement tant attendu n’a pas eu lieu. Monsieur Kabila s’est maintenu à la tête du pays à l’issue d’un processus électoral qualifié de « chaotique », selon l’expression de la rédaction de Radio France International du 29.11.2011.

La contestation qui s’en est suivie était sans précédent. La violence et les arrestations arbitraires au sein de l’opposition qui revendiquait la victoire de son leader Etienne Tshisekedi, ont contribué à décrédibiliser ce processus. A cela s’ajoute, l’absence de la liberté d’expression, l’emprisonnement des opposants et les assassinats politiques que connaît le pays, qui ont fini par ternir l’image d’un pouvoir qui avait déjà du mal à se faire accepter. Et même si le soutien tacite à Kabila s’est fait par le silence de la communauté internationale, son régime est considéré par une certaine opinion comme infréquentable.

A sa prestation de serment, sur tous les chefs d’Etat étrangers attendus, seul le très controversé Robert Mugabé du Zimbabwe était venu à Kinshasa. Notons que son voisin le plus proche de Kinshasa, Congo Brazzaville, n’avait délégué que son ministre des transports. Cela fut perçu comme une sorte de boycott.

Ainsi, le Sommet de la Francophonie était une occasion toute trouvée pour Joseph Kabila et ses proches d’essayer de redevenir un État fréquentable, ne serait-ce que l’espace d’un weekend. C’est aussi cela qui explique la détermination du pouvoir de Kinshasa à organiser ce Sommet au Congo par tous les moyens.

Bilan économique

Les travaux préparatifs du 14ème Sommet de la Francophonie ont coûté la bagatelle de 22,6 millions de dollars, soit 17 millions d’euros pour un pays dont le budget 2012 est de près de 8 milliards de dollars. Dans un pays où des enseignants, des fonctionnaires de l’Etat, des médecins et bien d’autres travailleurs totalisent plusieurs mois impayés, un tel luxe pose un sérieux problème de priorités et de choix du pouvoir de Kinshasa. D’autant plus que toutes les dépenses n’ont concerné que l’aspect extérieur de la capitale et les endroits que devaient visiter les caméras occidentales.

A ce jour, il est difficile de parler de retombées financières pour le pays, tellement tout a été centré sur la récupération politique du Sommet. Aucune annonce des investisseurs à qui le Sommet aurait permis de signer des contrats dans le sens de la création d’emplois par exemple. Aucun rapport sur les retombées touristiques et culturelles. Ce qui justifie le scepticisme du Congolais moyen pour qui ce Sommet ne peut rien apporter à la population. «Tous ces beaux discours des participants changent quoi dans la vie des Congolais qui continuent à verser le sang? Ce Sommet ne peut déboucher que sur une « grande messe » inutile pour la population congolaise », commente un congolais sur le site de Radio Okapi , une radio locale.

Sur le plan politique

Sur le plan politique, le gouvernement de Kinshasa peut être satisfait d’avoir relevé le défi dans un contexte extrêmement incertain et tendu, avec la guerre de l’Est que mène la rébellion du M 23 : le Mouvement du 23 mars; celle dans le Kasaï avec Jonh Tshibangu ainsi que les contestations à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Comme l’exprime Monsieur Alain Simoubam, du groupe de presse Liberté, « jamais Sommet de la francophonie n’aura autant suscité de polémiques et autant mis mal à l’aise les autorités du pays hôte. » Braver tout cela et réussir le Sommet sur le plan des infrastructures et de la sécurité, peut être considéré comme un succès pour le pouvoir de Kinshasa. Mais les objectifs politiques de ce dernier ont-ils été atteints ?

A ce niveau, avoir réussi à organiser le Sommet à Kinshasa ne semble pas avoir tout arrangé pour Joseph Kabila. L’équilibriste François Hollande n’a pas manqué de gestes peu diplomatiques et pour le moins humiliants à l’encontre de Monsieur Kabila. Devant la presse internationale et à côté de Kabila, il affirme espérer voir le processus en cours au Congo aller jusqu’à son terme. Il fait attendre Kabila pendant près de 42 minutes au Palais du Peuple où se tient le Sommet et ne se donne pas la peine d’applaudir Kabila à la fin de son discours comme le fait toute l’assistance. Bref, cela a créé plutôt le malaise que le triomphe. Et l’inauguration par François Hollande de la médiathèque du Centre culturel français de Kinshasa baptisée du nom de Floribert Chebeya, ce militant et défenseur des droits de l’Homme assassiné en juin 2010, est gênant pour Kinshasa qui semble avoir des choses à cacher dans cet assassinat que d’aucun qualifie de crime d’Etat.

Et pour couper court à l’illusion de se faire reconnaître par des chefs d’Etat étrangers, le leader de l’opposition, Monsieur Etienne Tshisekedi, celui qui s’est toujours considéré comme le vainqueur des élections du 28 novembre 2012, enfonce le clou et affirme, à l’issue de son entretien avec François Hollande, que « la légitimité du pouvoir au Congo ne peut venir que du peuple congolais. » Le président du parti politique l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social), s’est dit satisfait de son entretien avec le président français, entretien qu’il a qualifié de fraternel.

Pour Vital Kamrhe qui s’exprimait sur les ondes de Radio Okapi, à Kinshasa, « le Sommet de Kinshasa a été un échec. Il a permis au peuple congolais de comprendre qu’il se pose en RDC un problème de déliquescence de l’Etat et de leadership responsable ».

Sur le plan diplomatique

Une chose est d’accueillir les autres dirigeants chez soi, mais en tirer des dividendes diplomatiques en est une autre. Le bilan diplomatique ne pourrait pas être un succès. Si le pouvoir de Kinshasa peut se targuer d’avoir reçu le soutien de quelques présidents étrangers, notamment de Blaise Kampaoré du Burkina-Faso, les attitudes et les propos du président français sont restés dans toutes les têtes comme les moments importants de ce Sommet, qui ne sont pas glorieux pour Kinshasa.

En outre, le conflit à l’Est de la RDC a fait l’objet d’un traitement diplomatiquement discutable. Pour l’opposant Vital Kamerhe, «la qualification de ce conflit laisse voir la faiblesse de la diplomatie congolaise.»  Le mystère sur les vrais soutiens des rebelles demeure entier. « Comment expliquer, se demande Kamerhe, que de l’avis du ministre de l’information de la RDC et de beaucoup d’autres acteurs, on parle de l’agression de la RDC. Le ministre nomme le Rwanda comme l’agresseur ; mais quand nous suivons le président de la République, il dit que la paix est troublée à l’Est par des forces négatives avec un appui extérieur d’un Etat voisin, sans dire lequel alors que nous avons neuf voisins. »

Même le fait que Kinshasa ait réussi à faire rédiger une déclaration qui demande au Conseil de sécurité de Nations Unies de condamner l’agression dont est victime l’Est du Congo, ceci n’a pas été un franc succès dans la mesure où le plus grand accusé comme soutien de cette rébellion, le Rwanda, n’a pas signé le communiqué final.

Ainsi, le 14ème Sommet de la francophonie aura été un pari réussi par ses organisateurs, mais son bilan laisse un goût amer qui a contribué plus à mettre à nu les problèmes congolais sans la moindre lueur de solution. En même temps, ce Sommet a une fois de plus montré l’incapacité de toutes ces organisations internationales à rencontrer les préoccupations existentielles des peuples sans défense. Au point que ce même dimanche 14, pendant que se clôturait le Sommet, un congolais de la base à qui une télévision étrangère a tendu le micro, s’est exclamé en ces termes : « il s’agit d’un Sommet pour eux ; eux les puissants de ce monde qui se moquent de nos malheurs. Ils partiront et rien ne changera à notre situation. Nous continuerons à souffrir au vue de tout le monde. Nos femmes et nos filles continueront d’être violées et nos ressources alimenteront toujours de nouvelles guerres. Le changement au Congo ne doit venir que de nous-mêmes.»

Ainsi va le monde : les uns gémissent, les autres jubilent et l’histoire suit son cours.

Angèle BAWUMUE NKONGOLO

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Sommet de la Francophonie à Kinshasa: chronique d’une rencontre controversée

Le président français François Hollande. Photo: Jean-Marc Ayrault (CC BY 2.0)

Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), accueille du 12 au 14 octobre 2012 le 14ème Sommet de la Francophonie, qui réunit les chefs d’Etats et de gouvernements des 75 Etats membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) autour du thème : « Francophonie, enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale ».

Si cette rencontre est une grande opportunité pour la RDC – le plus grand pays francophone et le plus peuplé du globe – de présenter au monde l’état de son évolution politique, économique et sociale ; son organisation politique par un pouvoir contesté pose problème et suscite diverses interrogations. 

L’on se rappelle que le 28 novembre 2011, les Congolais étaient appelés à élire leur président et la Commission électorale nationale et indépendante (CENI) qui avait annoncé la victoire du président sortant Joseph Kabila, 41 ans, vainqueur de ce scrutin avec 49,95 % face à l’opposant historique Etienne Tshisekedi, 79 ans, qui n’aurait obtenu que 32,33%.

Élections truquées

Après la proclamation des résultats définitifs par la Cour suprême de justice, des observateurs nationaux et internationaux, y compris la Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE), avaient déploré de nombreuses irrégularités lors du processus électoral et douté de la légalité et de la transparence du scrutin présidentiel.

Suite à des fraudes massives constatées à travers le pays, plusieurs associations de Congolais à travers le monde avaient demandé au nouveau président français François Hollande de ne pas se rendre en RDC lors du Sommet de la Francophonie pour ne pas cautionner la mauvaise situation des droits de l’homme dans le pays ainsi que le régime de Joseph Kabila au pouvoir depuis 2001, en soulignant que les élections de 2011 avaient suscité de nombreuses critiques.

L’association Convergence pour l’Emergence du Congo (CEC) a même engagé une action en référé (procédure d’urgence) devant le tribunal de grande instance de Paris dans le but d’empêcher la tenue de ce Sommet à Kinshasa. Pour la CEC, il serait « immoral » que le Sommet de l’OIF se tienne à Kinshasa alors que Kabila « n’a pas tenu ses promesses » d’organiser des élections « transparentes et démocratiques ». Mais la CEC a été déboutée.

Les conditions de Hollande

Le 9 juillet 2012, dans un communiqué, François Hollande demandait aux « autorités de la RDC de démontrer leur réelle volonté de promouvoir la démocratie et l’État de droit », tout en parlant de la réforme de la CENI et de la Justice afin d’assurer la transparence des prochains scrutins et le jugement des « vrais coupables » dans l’assassinat de Floribert Chebeya, un éminent défenseur des droits de l’homme congolais dont le corps sans vie a été retrouvé le 1er juin 2010 dans la périphérie de Kinshasa alors qu’il avait rendez-vous la veille avec le chef de la police, le général John Numbi.

Avant de se décider à se rendre à Kinshasa, le président français avait posé deux conditions: la réforme de la CENI et celle de la Justice. Et pour s’assurer que ces deux conditions soient remplies avant sa venue en RDC, il dépêcha fin juillet sa ministre déléguée à la Francophonie, Yamina Benguigui. Une fois à Kinshasa, la ministre française déclara être venue sans à priori ni préjugé, et après avoir reçu plusieurs opposants au régime de Kabila, ainsi que des défenseurs des droits de l’homme, elle affirma que « très peu ne veulent pas que le Sommet ait lieu ». A l’arrivée mercredi 25 juillet à Kinshasa de la ministre française, l’Union pour le progrès et le progrès social (UDPS), principal parti d’opposition dirigé par Etienne Tshisekedi, avait demandé, dans une pétition à l’ambassade de France la délocalisation du Sommet qui confirmerait, selon elle, une victoire électorale « usurpée ».

 Changement de cap de Hollande

Un mois après la venue de son envoyée spéciale à Kinshasa, le lundi 27 août à Paris, le président François Hollande annonce, lors de son discours de politique étrangère inaugurant la traditionnelle conférence des ambassadeurs, qu’il participera au Sommet de la Francophonie.

« Je me rendrai dans quelques semaines au Sommet de la Francophonie à Kinshasa. J’y rencontrerai l’opposition politique, des membres de la société civile et des militants », a-t-il déclaré. En promettant de se rendre à Kinshasa, François Hollande a-t-il oublié ses conditions posées pour des avancées concrètes en matière de démocratie et de respect des droits de l’homme ? A cette question, C’est Yamina Benguigui qui répond : « les élections de 2011 y ont été contestées mais validées par la communauté internationale. On ne pouvait pas pratiquer la politique de la chaise vide ».

Le 9 octobre, lors du passage à Paris du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, le président français a tenu une conférence de presse conjointe lors de laquelle il a tenu des propos durs envers le régime du président Kabila. « La situation dans ce pays est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie, et de la reconnaissance de l’opposition », a fustigé le président français.

Kinshasa ne s’est pas fait prier pour répondre. « Nous sommes le pays le plus avancé dans les droits de l’opposition », a soutenu le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, pour qui les propos de François Hollande ne correspondent « à aucune réalité ». Et de suggérer au président français de « compléter son information » pour rendre son bref séjour à Kinshasa « très utile ».
Le prochain déplacement de François Hollande au Sommet de Kinshasa est considéré par la rébellion qui sévit dans l’est de la RDC comme une « légitimation du pouvoir de Kabila ». Pour le coordinateur politique de la rébellion M23, Jean-Marie Runiga, « François Hollande viendra à Kinshasa légitimer un pouvoir en difficulté. Un pouvoir illégitime, décrié par la majorité du peuple congolais qui risque même de se soulever pour barrer la route à la présence du président français sur son sol ».

Avis contrastés

Cet avis est aussi partagé par la majorité des Congolais vivant à l’extérieur des frontières nationales. « En décidant de fouler le sol congolais lors de ce Sommet, François Hollande a trahi nos attentes, il nous a déçu et je ne crois plus à ses promesses électorales » a déclaré, dépité et à la limite de la colère, Paul Ndombele, un Congolais vivant à Genève, en Suisse. Pour sa compatriote Armandine Luvuezo, mère au foyer vivant à Neuchâtel, « Que Hollande vienne ou pas à Kinshasa, il n’arrangera aucun problème, l’ennemi du Congolais  c’est le Congolais lui-même ». Cependant, Alfred Mbila, un Congolais de 42 ans, est d’avis que la tenue à Kinshasa du Sommet de la Francophonie « permettra à la RDC de se présenter sous un beau jour ». C’est aussi l’avis de Sara Kabongo, une Chaux-de-fonnière d’origine congolaise, qui soutient que « les élections sont désormais derrière nous, regardons l’avenir pour reconstruire la patrie de nos  ancêtres »

Samedi 6 octobre, les Congolais vivant en Suisse ont manifesté à Zurich pour dénoncer la tenue à Kinshasa du Sommet de la Francophonie.

Redorer le blason terni

Mais pour Kinshasa, ce Sommet aiderait à redorer le blason terni de la RDC. « Ce sera l’occasion d’attirer davantage l’attention des investisseurs congolais comme étrangers pour d’éventuels partenariats de type public-privé », confiait Augustin Matata Ponyo, premier ministre congolais, à notre consœur de Jeune Afrique. Évoquant la réforme de la Justice, souhaitée par François Hollande, Matata affirme en être conscient. « Des efforts doivent être consentis pour donner à la Justice de notre pays une image qui sécurise le citoyen aussi bien dans sa personne que dans ses biens, une image qui rassure les opérateurs économiques sur la sécurité de leurs investissements », conclut-il.

Un seul bémol, l’audience qui devait statuer sur la comparution ou non du général John Numbi dans le procès en appel des présumés assassins de Floribert Chebeya a été renvoyée par la Haute cour militaire après le Sommet de la Francophonie. Une décision avant tout politique, selon les défenseurs des droits de l’homme et une manœuvre visant à faire passer le Sommet et que les regards ne soient plus braqués sur la RDC.

Il faudra aussi souligner l’absence annoncée du premier ministre Elio Di Rupo de Belgique, ancienne puissance coloniale, car les dates du Sommet (du 12 au 14 octobre) coïncident avec les élections municipales en Belgique. Premier francophone à diriger un gouvernement en Belgique depuis les années 1970, Elio Di Rupo sera représenté par son ministre des Affaires étrangères Didier Reynders et le chef de la Fédération Wallonie-Bruxelles Rudy Demotte, précisent les services de Di Rupo.

Assuré du double fait que le Sommet ne sera pas délocalisé comme en 1991, à la suite d’un massacre d’étudiants à Lubumbashi, capitale de la riche province minière du Katanga, et de la présence de François Hollande, Kinshasa a accéléré les travaux pour porter sa plus belle robe aujourd’hui.

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 




Sarkozy guillotiné ?

Une guillotine. Source: http://www.flickr.com/creativecommons/

Après cinq années passées au sommet de l’Etat français, Nicolas Sarkozy a été battu hier aux élections présidentielles par le socialiste François Hollande. Apparu quelques minutes seulement au palais de la mutualité à Paris après l’annonce par les médias français de sa défaite, il s’est montré très ému et a notamment affirmé qu’il redeviendra « un citoyen comme les autres ». Tout porte à croire qu’il prendra ses distances avec la politique. Or, c’est la justice qui risque fort bien de le rattraper aujourd’hui !


/wiki/Jacques_Chirac »>Jacques Chirac
, président de la République Française pendant 12 ans de 1995 à 2007, avait été condamné
à deux ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris le jeudi 15 décembre 2011, pour une affaire d’emplois fictifs à la ville de Paris qui remonte au début des années 1990, alors qu’il était maire de la capitale. Protégé pendant son séjour à l’Elysée par une généreuse immunité de fonction, ce politicien de 79 ans, considéré par certains spécialistes de la politique intérieur française comme « le maître du pot-de-vin politique », avait donc été jugé plus de quinze ans après les faits. Il est le premier et le seul ancien président de la République Française condamné en correctionnelle. Mais ce palmarès, pour le reste peu glorieux, risque fort bien de s’enrichir avec la probable arrivée de Nicolas Sarkozy dans la liste.

Des ambitions communes et un destin partagé

Car plutôt que de mettre fin au problème de financement illicite, les condamnations de Chirac ont simplement exposé comment la corruption, le détournement de fonds publics, l’abus de confiance, la prise illégale d’intérêt, le trafic d’influence étaient devenus des institutions en France. Et Sarkozy, le successeur de Chirac au sommet de l’Etat, aurait même fait pire. Son goût effréné pour le luxe lui aurait sans doute joué des sales tours. Et à voir l’allure que prend la tournure des événements, il est « mal barré », car sa chute de hier soir marque peut-être le début d’un long calvaire qui le conduira probablement du palais de l’Elysée à la prison de la santé à Paris, si la justice venait à prendre au sérieux les nombreuses chefs d’inculpation qui pèsent sur lui. Pire, Sarkozy risque fort de tomber comme Louis XVI (Roi de France de 1774 à 1791) exécuté le 21 janvier 1793 par la guillotine, sur la place de la Révolution à Paris. En effet, il serait impliqué dans plusieurs scandales politico-judiciaires et, avec sa défaite au second tour des élections présidentielles hier ainsi que la perte de l’immunité juridique qui s’en suivra, le futur ex- président français Nicolas Sarkozy pourrait être confronté à toute une série de procès.

Sarkozy éclaboussé par « l’affaire Karachi »

Le nom du président sortant apparaît notamment dans « l’affaire Karachi », où il est accusé de corruption. Pendant sept ans, Al-Qaïda avait été soupçonnée d’être derrière l’attentat du 8 mai 2002 à Karachi, au Pakistan, contre des employés de la Direction des constructions navales (DCN), qui avait fait 14 morts, dont 11 Français. Mais depuis 2009, c’est la thèse d’un règlement de comptes lié au non-versement de commissions par l’Etat français qui est privilégiée. Cette enquête a mis au jour des mécanismes occultes qui pourraient avoir financé illégalement la campagne d’Edouard Balladur aux élections présidentielles françaises en 1995, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole. En 1994, lors de la signature des contrats avec le Pakistan, Nicolas Sarkozy occupait le poste de ministre du Budget. C’est à ce titre qu’il aurait validé la création d’une société offshore luxembourgeoise par laquelle auraient transité les fameuses rétro-commissions, selon plusieurs journaux français.  Les journaux qui ajoutent avec un brin de malice que pendant la campagne de Balladur, Sarkozy n’aurait pas été qu’un simple porte-parole. Mais, selon les précisions de l’Elysée en septembre 2011, (sur le site web de la présidence française) Nicolas Sarkozy « n’a jamais dirigé la campagne d’Edouard Balladur » et n’a « jamais exercé la moindre responsabilité dans le financement de cette campagne ». Dans cette affaire, plusieurs proches de Sarkozy ont été mis en examen. D’autres ont été condamnés à des peines avec sursis, comme Thierry Gaudet, condamné jeudi passé, le 3 mai 2012, à dix-mois de prison avec sursis pour malversations financières.

Le colonel Kadhafi, mécène de la campagne présidentielle de Sarkozy en 2007 ?

Un document daté du 10 décembre 2006, publié par Mediapart (un site web d’information français) samedi 28 avril, indique que le régime Kadhafi aurait débloqué une somme de 50 millions d’euros pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy de 2007. La note ne précise pas si le financement a effectivement eu lieu. Nicolas Sarkozy, qui a qualifié ces soupçons de « grotesques » sur Bfm tv, a annoncé qu’il allait porter plainte contre Mediapart. Tant qu’il sera président, Nicolas Sarkozy ne risque rien juridiquement. Comme …Chirac, cité plus haut. Son immunité l’empêche d’être mis en cause et interdit aux juges d’enquêter sur lui nommément concernant des actes extérieurs à sa fonction. L’article 67 de la Constitution française, modifié en février 2007 par….. Jacques Chirac, précise que le président de la République « ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite ». En cas de réélection, Nicolas Sarkozy aurait donc pu être crédité d’un sursis de cinq années supplémentaires avant de se risquer de comparaître devant les tribunaux français, comme l’avait déjà fait Chirac lors de sa réélection….Hélas pour lui, l’histoire ne s’est pas répétée !

Les liasses de Liliane Bettencourt

Eric Woerth, trésorier de l’UMP et de la campagne de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2007, avait rendu visite à l’héritière de L’Oréal, Liliane Bettencourt en 2007. L’ancienne comptable de la milliardaire affirme que le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, aujourd’hui en prison, lui avait demandé 150’000 euros en liquide pour les remettre à Eric Woerth. Une somme largement supérieure aux dons autorisés dans le cadre d’une campagne électorale. L’ex-comptable des Bettencourt a aussi affirmé qu’un témoin avait vu Nicolas Sarkozy en personne recevoir de l’argent. Le témoin en question, une ex-infirmière de Liliane Bettencourt, avait démenti.

Selon L’Express, (journal français) du 28 mars, « derrière le nom de Woerth, c’est celui de Nicolas Sarkozy qui s’inscrit en filigrane ». Mais « pour être inquiété, il faudrait toutefois qu’Eric Woerth cite nommément le chef de l’Etat dans cette affaire ». Ce qui est toutefois peu probable car « Eric Woerth jouera le rôle de fusible », assure à l’hebdomadaire Christian Eckert, vice-président du groupe PS à l’Assemblée. A moins que les juges d’instruction parviennent à prouver que Nicolas Sarkozy a lui-même reçu de l’argent.

Sarkozy parviendra-t-il à se soustraire à la justice ?

A voir toutes ces affaires en cours, sans compter d’autres qui s’en suivront probablement, l’ont peut se demander comment Sarkozy parviendra à se faufiler entre les mailles du filet de la justice française. Eva Joly, ancienne juge d’instruction anti-corruption, connue notamment pour avoir « jeté » l’ancien tout-puissant PDG d’ELF, Loïk Lefloch Prigent, en prison, aujourd’hui convertie en ex candidate politique des verts aux élections présidentielles, avait déjà donné le ton pendant la campagne en organisant notamment un « Sarko-Tour », qui consistait à emmener des journalistes dans un bus pour visiter les biens de Sarkozy, ce qui visait à étayer ses soupçons de malversations. Aujourd’hui, avec l’élection de François Hollande à la présidence française, Eva Joly risque fort bien de prendre les commandes du ministère de la justice et de vouloir « finir le boulot ».

Sarkozy n’a pas été réélu comme c’était le cas pour Jacques Chirac, il va donc probablement perdre son immunité. Mais il pourra toujours recourir à d’autres échappatoires s’il n’arrive pas à prouver son innocence dans les différentes affaires en cours. Par exemple, il pourrait s’inspirer encore une fois de… Chirac par exemple en « tombant gravement malade » pour échapper à la justice. Personne ne veut, ni ne peut contester la maladie de Monsieur Chirac, faute de véritables preuves. Il faut cependant admettre qu’il existe un épais brouillard sur sa maladie. Souffrant officiellement « d’Anosognosie » selon le site français ladepeche.fr, un mot bien barbare pour définir la maladie de l’ancien président, dont l’une des caractéristiques est l’amnésie et qui semble avoir été taillée sur mesure afin de lui éviter de répondre de ses actes devant les tribunaux.

Sarkozy pourrait toujours emprunter le yacht ou le Falcon de son ami milliardaire Vincent Bolloré, comme il l’avait fait au lendemain de son élection à la présidence française en Mai 2007, pour fêter sa victoire ! Avec la différence que cette fois-ci, il utiliserait son yacht, non pas pour fêter une autre victoire, mais pour prendre le large : cap sur le golfe de Guinée, destination ?… Le Cameroun, où il pourrait déposer une demande d’asile politique au pays de son autre ami, le dictateur Paul Biya.

En tous cas, le pire pour Sarkozy serait d’affronter la justice française et de risquer le destin similaire et peu enviable de Louis XVI et sa femme Marie-Antoinette (pour la petite histoire elle était aussi glamour que Carla Bruni, l’actuelle première dame de France). Tous les deux ont fini guillotinés! Sarkozy a peut-être commencé sa marche funeste vers l’échafaud de la justice hier soir. Mais nous ne savons toujours pas si Carla Bruni subira le même sort que Marie-Antoinette. Wait and see.

Fbradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils