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14 ème Sommet de la Francophonie : retour sur un événement aux enjeux considérables

Joseph Kabila, président du la RDC. Photo Galerie du Parlement Européen (CC BY-NC-ND 2.0)

Le 14 octobre dernier, les projecteurs s’éteignaient sur le 14ème Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu du 13 au 14 octobre 2012 à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo, sur le thème des « enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale ». Bilan politique, diplomatique et économique de ce Sommet controversé.

Seize chefs d’Etat ont fait le déplacement à Kinshasa. Dès le vendredi 12 octobre, on a noté l’arrivée du président du Gabon, Ali Bongo, du Cameroun, Paul Biya, du Niger, Mahamadou Issoufou, de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara, de la Guinée, Alpha Condé, de Centrafrique, François Bozizé, du Burkina Faso, Blaise Compaoré, du Burundi, Pierre Nkurunziza, et de la Tunisie, Moncef Marzouki, de Haïtie, Michel Martelly. Le président français François Hollande, est arrivé le samedi 13 octobre. On notera aussi la présence du président Denis Sassou Nguessodu du Congo Brazza, du président comorien, Ikililou Dhoinine, du premier ministre canadien, Stephen Harper. La Suisse était représentée par le vice-président du Conseil fédéral, Ueli Maurer.

Mais si ce dernier ce Sommet a fait couler tant d’encre et de salive, c’est justement à cause de son caractère hyper politisé, car les enjeux étaient considérables, tant pour ses organisateurs que pour ses détracteurs. Revenons sur cet événement afin de comprendre les raisons de cet excès de politisation et d’en dresser le bilan.

Les contestations

Avant le Sommet, plusieurs voix se sont levées pour condamner sa tenue dans un pays qui a connu « les pires élections du monde » à en croire Radio France Internationale. Des Congolais de l’intérieur du pays et ceux de la diaspora se sont mobilisés, en France, en Belgique, au Canada, en Suisse et ailleurs, pour dire non à ce qu’ils appellent « la francophonie du sang » ; celle qui, en organisant son Sommet au Congo, est une insulte à la misère du peuple congolais dans le contexte politique actuel.

Si les appels de ses contestataires n’ont pas réussi à faire délocaliser le Sommet, ils ont néanmoins contribué à sa sur-médiatisation et surtout à semer le doute, à entretenir l’incertitude, à faire durer le suspens et à montrer que le Congo va mal, au point qu’à un certain moment, la thèse de délocaliser le Sommet à l’Ile Maurice avait été évoquée dans certains milieux proches des organisateurs. Abordons maintenant les raisons qui ont contribué à l’hyper politisation du 14eme Sommet de la Francophonie. Pour commencer, le contexte politique international a beaucoup joué dans l’appréciation de ce Sommet.

La France a un nouveau président Hollande

Monsieur François Hollande a été élu à la tête de la France sur la base d’un programme de campagne qui prône « le changement ». Une fois arrivé au pouvoir, il a voulu prendre ses distances avec son prédécesseur, Monsieur N. Sarkozy. Homme de « la présidence normale », le nouveau locataire de Élysée doit prendre ses marques sur toutes les questions, tant sur le plan  de la politique nationale qu’internationale.

En perte de vitesse quant à sa côte de popularité et faisant face à l’écart entre les promesses de campagne et les réalités politiques qui dictent les contraintes du terrain, François Hollande doit inventer un mode de gouvernance qui entretient, tant que faire se peut, l’image de celui qui peut tirer la France de la crise, la sauver du spectre des possibles délocalisations des entreprises, de ses multiples plans sociaux, bref, arrêter l’hémorragie d’un mécontentement qui risque de se généraliser.

Dans ce contexte, le Sommet de la Francophonie est une tribune toute trouvée pour le président français afin de réaffirmer sa détermination pour le changement, dont il se veut le garant pour la France et toutes les zones où s’entend sa sphère d’influence.

Mais ce Sommet est en même temps un test pour le « président normal ». Aller à Kinshasa, c’est honorer la Francophonie. Dans ce contexte de crise, ce voyage est aussi un soutien aux entreprises françaises présentes au Congo comme AREVA et bien d’autres. Mais, en même temps, le Congo est présenté par plusieurs observateurs comme un pays qui s’est construit sur une dictature, à en croire le dernier rapport d’Amnesty International sur les droits de l’homme au Congo.

Devant ce dilemme, Monsieur Hollande décide alors de jouer le morceau à sa manière. Le 9 octobre, soit cinq jours avant l’ouverture du Sommet et devant le Secrétaire Général de l’ONU, Monsieur Ban Ki-moon, il critique ouvertement le pouvoir en place au Congo : « la situation dans ce pays est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l’opposition. » Cette prise de position avait suscité plusieurs réactions. Certains trouvaient les propos du président français adéquats, tandis que d’autres les trouvaient inutiles et mal placés.

On notera la réaction du gouvernement congolais à travers son ministre de l’information, Monsieur Lambert Mende, qui a affirmé que Monsieur Hollande ne connaissait rien de la réalité congolaise. Alors qu’un des membres de l’opposition, Monsieur Vital Kamerhe, invitait les proches du président Kabila à voir dans les propos du président français une correction fraternelle.

Dans les milieux proches de la présidence française, on affirme qu’il s’agit d’une détermination de François Hollande qui a une autre approche de la Françafrique. Mais pour Jean-Pierre Mbelu, un analyste politique congolais vivant en Belgique, les propos de Monsieur Hollande étaient destinés à la consommation de l’opinion internationale et aux médias français, confie-t-il à Etienne Ngandu du blog CongoOne  .

Kabila et sa quête de légitimité

Les dernières élections présidentielles et législatives au Congo avait suscité un immense espoir au sein de la population, plus que jamais assoiffée de changement démocratique, gage d’un développement qui la tirerait de sa misère injuste. Mais ce rêve a vite tourné au cauchemar, car le changement tant attendu n’a pas eu lieu. Monsieur Kabila s’est maintenu à la tête du pays à l’issue d’un processus électoral qualifié de « chaotique », selon l’expression de la rédaction de Radio France International du 29.11.2011.

La contestation qui s’en est suivie était sans précédent. La violence et les arrestations arbitraires au sein de l’opposition qui revendiquait la victoire de son leader Etienne Tshisekedi, ont contribué à décrédibiliser ce processus. A cela s’ajoute, l’absence de la liberté d’expression, l’emprisonnement des opposants et les assassinats politiques que connaît le pays, qui ont fini par ternir l’image d’un pouvoir qui avait déjà du mal à se faire accepter. Et même si le soutien tacite à Kabila s’est fait par le silence de la communauté internationale, son régime est considéré par une certaine opinion comme infréquentable.

A sa prestation de serment, sur tous les chefs d’Etat étrangers attendus, seul le très controversé Robert Mugabé du Zimbabwe était venu à Kinshasa. Notons que son voisin le plus proche de Kinshasa, Congo Brazzaville, n’avait délégué que son ministre des transports. Cela fut perçu comme une sorte de boycott.

Ainsi, le Sommet de la Francophonie était une occasion toute trouvée pour Joseph Kabila et ses proches d’essayer de redevenir un État fréquentable, ne serait-ce que l’espace d’un weekend. C’est aussi cela qui explique la détermination du pouvoir de Kinshasa à organiser ce Sommet au Congo par tous les moyens.

Bilan économique

Les travaux préparatifs du 14ème Sommet de la Francophonie ont coûté la bagatelle de 22,6 millions de dollars, soit 17 millions d’euros pour un pays dont le budget 2012 est de près de 8 milliards de dollars. Dans un pays où des enseignants, des fonctionnaires de l’Etat, des médecins et bien d’autres travailleurs totalisent plusieurs mois impayés, un tel luxe pose un sérieux problème de priorités et de choix du pouvoir de Kinshasa. D’autant plus que toutes les dépenses n’ont concerné que l’aspect extérieur de la capitale et les endroits que devaient visiter les caméras occidentales.

A ce jour, il est difficile de parler de retombées financières pour le pays, tellement tout a été centré sur la récupération politique du Sommet. Aucune annonce des investisseurs à qui le Sommet aurait permis de signer des contrats dans le sens de la création d’emplois par exemple. Aucun rapport sur les retombées touristiques et culturelles. Ce qui justifie le scepticisme du Congolais moyen pour qui ce Sommet ne peut rien apporter à la population. «Tous ces beaux discours des participants changent quoi dans la vie des Congolais qui continuent à verser le sang? Ce Sommet ne peut déboucher que sur une « grande messe » inutile pour la population congolaise », commente un congolais sur le site de Radio Okapi , une radio locale.

Sur le plan politique

Sur le plan politique, le gouvernement de Kinshasa peut être satisfait d’avoir relevé le défi dans un contexte extrêmement incertain et tendu, avec la guerre de l’Est que mène la rébellion du M 23 : le Mouvement du 23 mars; celle dans le Kasaï avec Jonh Tshibangu ainsi que les contestations à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Comme l’exprime Monsieur Alain Simoubam, du groupe de presse Liberté, « jamais Sommet de la francophonie n’aura autant suscité de polémiques et autant mis mal à l’aise les autorités du pays hôte. » Braver tout cela et réussir le Sommet sur le plan des infrastructures et de la sécurité, peut être considéré comme un succès pour le pouvoir de Kinshasa. Mais les objectifs politiques de ce dernier ont-ils été atteints ?

A ce niveau, avoir réussi à organiser le Sommet à Kinshasa ne semble pas avoir tout arrangé pour Joseph Kabila. L’équilibriste François Hollande n’a pas manqué de gestes peu diplomatiques et pour le moins humiliants à l’encontre de Monsieur Kabila. Devant la presse internationale et à côté de Kabila, il affirme espérer voir le processus en cours au Congo aller jusqu’à son terme. Il fait attendre Kabila pendant près de 42 minutes au Palais du Peuple où se tient le Sommet et ne se donne pas la peine d’applaudir Kabila à la fin de son discours comme le fait toute l’assistance. Bref, cela a créé plutôt le malaise que le triomphe. Et l’inauguration par François Hollande de la médiathèque du Centre culturel français de Kinshasa baptisée du nom de Floribert Chebeya, ce militant et défenseur des droits de l’Homme assassiné en juin 2010, est gênant pour Kinshasa qui semble avoir des choses à cacher dans cet assassinat que d’aucun qualifie de crime d’Etat.

Et pour couper court à l’illusion de se faire reconnaître par des chefs d’Etat étrangers, le leader de l’opposition, Monsieur Etienne Tshisekedi, celui qui s’est toujours considéré comme le vainqueur des élections du 28 novembre 2012, enfonce le clou et affirme, à l’issue de son entretien avec François Hollande, que « la légitimité du pouvoir au Congo ne peut venir que du peuple congolais. » Le président du parti politique l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social), s’est dit satisfait de son entretien avec le président français, entretien qu’il a qualifié de fraternel.

Pour Vital Kamrhe qui s’exprimait sur les ondes de Radio Okapi, à Kinshasa, « le Sommet de Kinshasa a été un échec. Il a permis au peuple congolais de comprendre qu’il se pose en RDC un problème de déliquescence de l’Etat et de leadership responsable ».

Sur le plan diplomatique

Une chose est d’accueillir les autres dirigeants chez soi, mais en tirer des dividendes diplomatiques en est une autre. Le bilan diplomatique ne pourrait pas être un succès. Si le pouvoir de Kinshasa peut se targuer d’avoir reçu le soutien de quelques présidents étrangers, notamment de Blaise Kampaoré du Burkina-Faso, les attitudes et les propos du président français sont restés dans toutes les têtes comme les moments importants de ce Sommet, qui ne sont pas glorieux pour Kinshasa.

En outre, le conflit à l’Est de la RDC a fait l’objet d’un traitement diplomatiquement discutable. Pour l’opposant Vital Kamerhe, «la qualification de ce conflit laisse voir la faiblesse de la diplomatie congolaise.»  Le mystère sur les vrais soutiens des rebelles demeure entier. « Comment expliquer, se demande Kamerhe, que de l’avis du ministre de l’information de la RDC et de beaucoup d’autres acteurs, on parle de l’agression de la RDC. Le ministre nomme le Rwanda comme l’agresseur ; mais quand nous suivons le président de la République, il dit que la paix est troublée à l’Est par des forces négatives avec un appui extérieur d’un Etat voisin, sans dire lequel alors que nous avons neuf voisins. »

Même le fait que Kinshasa ait réussi à faire rédiger une déclaration qui demande au Conseil de sécurité de Nations Unies de condamner l’agression dont est victime l’Est du Congo, ceci n’a pas été un franc succès dans la mesure où le plus grand accusé comme soutien de cette rébellion, le Rwanda, n’a pas signé le communiqué final.

Ainsi, le 14ème Sommet de la francophonie aura été un pari réussi par ses organisateurs, mais son bilan laisse un goût amer qui a contribué plus à mettre à nu les problèmes congolais sans la moindre lueur de solution. En même temps, ce Sommet a une fois de plus montré l’incapacité de toutes ces organisations internationales à rencontrer les préoccupations existentielles des peuples sans défense. Au point que ce même dimanche 14, pendant que se clôturait le Sommet, un congolais de la base à qui une télévision étrangère a tendu le micro, s’est exclamé en ces termes : « il s’agit d’un Sommet pour eux ; eux les puissants de ce monde qui se moquent de nos malheurs. Ils partiront et rien ne changera à notre situation. Nous continuerons à souffrir au vue de tout le monde. Nos femmes et nos filles continueront d’être violées et nos ressources alimenteront toujours de nouvelles guerres. Le changement au Congo ne doit venir que de nous-mêmes.»

Ainsi va le monde : les uns gémissent, les autres jubilent et l’histoire suit son cours.

Angèle BAWUMUE NKONGOLO

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Paul Biya : un dictateur sanguinaire au service de la France

Nicolas Sarkozy en compagnie de Paul Biya

Le Cameroun est susceptible d’exploser à tout moment. Son pouvoir est depuis des lustres confisqué par un dictateur soutenu par la France, dont les intérêts économiques et d’autres  aux caractéristiques mafieux sont nombreux dans ce pays et ce au mépris de considérations démocratiques et éthiques.

Le président camerounais Paul Barthélémy Biya, au pouvoir depuis 1982, a été réélu pour un sixième mandat à l’issue d’un scrutin très contesté. L’opposition camerounaise parle de « mascarade électorale », les Etats-Unis estiment, eux aussi, que la présidentielle du 9 octobre dernier était entachée « d’irrégularités à tous les niveaux ».

Hold up électoraux en cascade

Paul Biya, celui-là même dont l’élection en 1992 a procédé d’une véritable arnaque contre son principal adversaire – John Fru Ndi – et dont les réélections (dans des scrutins boycottés par l’opposition) en 1997 et en 2004 ont été plus que contestables. À 78 ans, cet autocrate en place depuis 29 ans et qui est donc le plus ancien du pré-carré néocolonialiste français est un véritable cauchemar pour les Camerounais. Ce dictateur affairiste, ami (marionnette) de la France, tient le pays d’une main de fer. L’emprise tentaculaire de son parti-État, le RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais), n’est pas sans rappeler celle du RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique), la formation dévouée à Zine el-Abidine Ben Ali, le dictateur tunisien déchu. Aucun secteur n’échappe au RDPC. Il contrôle tout : le système politique, mais aussi l’économie, la culture et la société.

Le règne de la répression

«On ne peut lever la tête et manifester, au Cameroun, sans se faire tabasser par des éléments de la sinistre brigade d’intervention rapide (BIR), une milice à la solde du régime. Dans les prisons comme dans les commissariats, la torture est si répandue qu’elle s’est banalisée dans l’esprit des gens», rapporte une source anonyme sur place.

Ce régime assure sa survie par l’achat des consciences ou par la répression. Et en matière de répression, le pouvoir camerounais n’a rien à envier aux régimes dictatoriaux balayés par les «printemps arabes». Un recensement exhaustif des atteintes aux droits de l’homme et aux libertés dans ce pays relève de la gageure, car la violence politique au Cameroun est une habitude. Elle vise tout le monde, du jeune chômeur au syndicaliste, de l’étudiant au journaliste ; et prend périodiquement la forme de sanglants massacres. Ainsi, en 1992, les premières élections législatives, consécutives à la légalisation du multipartisme, avaient donné lieu à une répression féroce qui avait fait plus de 400 morts. Plus récemment, en février 2008, les émeutes de la faim, qui s’étaient conjuguées aux protestations contre la révision constitutionnelle destinée à assurer à Biya la présidence à vie, ont été écrasées dans le sang. Un rapport de l’Observatoire national des droits de l’homme du Caméroun, intitulé « Une répression sanglante à huis clos» recense, au terme d’une minutieuse enquête, au moins 139 morts. Des milliers de personnes ont été arrêtées arbitrairement et traduites en justice pendant et après ce mouvement social. A noter qu’aucune commission d’enquête n’a été constituée afin d’établir la vérité sur cette répression violente et disproportionnée.

Rappelons encore que, dans une période toute proche, le musèlement de la presse et les intimidations et persécutions contre les journalistes se sont multipliés. Des journalistes ont été arrêtés, inculpés de « faux et usages de faux » et écroués; certains sont décédés à la prison centrale de Kodengui-Yaoundé « après tortures et privation de soins » notaient plusieurs websites et journaux camerounais et internationaux comme Mutations, Reporteur sans frontières ou RFI

Jusqu’ici, l’opposition politique n’a pas pris la direction politique de ces mouvements sociaux et n’a pas réussi à les structurer et à les ancrer dans les quartiers populaires. L’enjeu est d’être capable d’offrir une alternative aux luttes populaires afin qu’elles ne soient pas dévoyées par des fractions du clan Biya en des conflits ethniques. Ce défi peut être relevé, ce d’autant que dans les débats de l’opposition des ailes de gauche se dessinent.

Au service de l’impérialisme

Revoici donc les Camerounais soumis à une nouvelle frasque de Biya transformant l’élection présidentielle en faire-valoir de son régime aux abois qui ne permet pas qu’on remette en cause son autorité et qui réprime avec force toute velléité de contestation politique ou sociale. Un pouvoir qui – pour consolider sa position – exacerbe les rivalités tribales et régionales pour apparaître comme le seul garant de la paix.

La clef de ce forcing ? : La défense des intérêts impérialistes (Les réseaux France-Afrique notamment) au Cameroun et de ceux des clientèles locales ethniques et affairistes auxquels il est lié. Ainsi, Paul Biya est à cette place pour préserver les intérêts des multinationales françaises. Il a vendu le Cameroun à Bolloré, à Bouygues, à Total bref à la France. Au fond, c’est une espèce de sous-préfet. Loïk Le Floch-Prigent, l’ex-patron d’Elf, expliquait en 1996: «Les intérêts français ont déterminé la mise en place de ce chef d’État comme dans plusieurs autres ex-colonies. Le président Biya ne prend le pouvoir qu’avec le soutien d’Elf pour contenir la communauté anglophone de ce pays.»

Vieux pilier de la Françafrique, Paul Biya appartient à cette génération d’autocrates qui n’ont pas hésités à sacrifier les intérêts de leurs peuples pour ceux de l’ex-puissance coloniale.

Entreprises étrangères comme camerounaises sont en grande attente d’une « amélioration du climat des affaires ». Il faut entendre par là : entendre amélioration de leurs profits, facilitation des pillages des ressources du pays et de l’exploitation des populations… Héritier de ceux qui ont luttés militairement avec les colonisateurs français durant la guerre qui a sévi entre 1955 et 1970 contre le mouvement d’indépendance nationale incarné, à l’époque, par l’UPC (Union des populations du Cameroun), une guerre qui fera des milliers de morts et où l’armée française n’hésitera pas à utiliser le napalm et à massacrer près de 8000 civils désarmés. L’administrateur colonial français Pierre Messmer a organisé l’assassinat de nombreux leaders de l’UPC, ainsi que des expéditions punitives. Lors de l’l’indépendance, le 1er janvier 1960, Jacques Foccart y installe un gouvernement fantoche, présidé par son ami Ahmadou Ahidjo. Le jour même, le jeune État signe un accord d’assistance militaire avec la France. Charles de Gaulle dépêche alors cinq bataillons commandés par le général Max Briand. Entre février et mars 1960, cent cinquante-six villages bamilékés sont incendiés et rasés. Des dizaines de milliers de personnes sont massacrées. De cette terrible répression, la presse française, muselée et aveuglée par la crise algérienne, ne dira mot. Finalement, le 2 octobre de la même année, le leader de l’UPC, Felix Moumié, est assassiné à… Genève par les services secrets français. Biya est aussi là pour tout cela.

En tout cas, le contexte est aujourd’hui à une tension qui accélère la crise attisée par la modification constitutionnelle de 2008. Les conditions actuelles pouvant générer des contestations post-électorales potentiellement explosives.

Vers un « printemps subsaharien » ?

Les observateurs de tout bord de ce pays du Golfe de Guinée avec une population estimée a plus de 19 millions d’habitants ont inscrit le Caméroun en tête de liste des pays qui sont susceptibles de s’embraser si jamais les révolutions arabes venaient à se propager au sud du Sahara.

Le régime de Paul Biya et Biya lui-même doivent être tenus pour responsables de la situation chaotique vers laquelle le pays s’achemine de plus en plus. L’opposition et la société civile estiment que Biya a verrouillé le système électoral pour s’assurer une réélection sans difficultés. Biya espère, ni vu ni connu, se faire réélire dans l’indifférence de la communauté internationale via la mascarade électorale qu’il a concoctée cette fois-ci après avoir réussi à exclure du jeu les concurrents potentiels dans son camp grâce à l’Opération anti-corruption Épervier… 

N’incombe-t-il pas aux occidentaux aujourd’hui de dénoncer inconditionnellement le Gouvernement français qui, depuis des décennies et jusqu’à maintenant, apporte son soutien au dictateur Biya ?

Fbradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils