1

Voix d’Exils est sur Spotify !

Logo de Voix d’Exils sur Spotify.

La rédaction renforce sa production de podcasts afin d’élargir son public

Aujourd’hui, nous avons le grand plaisir de vous annoncer un nouveau développement de Voix d’Exils avec l’ouverture d’un compte sur la plateforme de diffusion de podcasts Spotify. Avec près de 600 millions d’utilisateurs actifs dans le monde, Spotify s’est imposé comme un site incontournable pour partager des contenus.

La diffusion de podcasts sur Spotify contribue d’abord à poursuivre la mission première de Voix d’Exils qui est de « porter la voix des personnes migrantes dans l’espace public ». En renforçant la production de podcasts, Voix d’Exils ouvre un nouveau chapitre dans son aventure.

Ce nouvel outil constitue une opportunité pour trois principales raisons :

  • Voix d’Exils s’adapte aux nouveaux modes de consommation de l’information. Près de 600 millions d’utilisateurs sont actifs dans le monde sur la plateforme et, en Suisse, plus d’un tiers de la population utilise Spotify.
  • La présence de Voix d’Exils sur Spotify permettra de revisiter nos archives en mettant en valeur quelques pépites parmi les 1’200 contenus que nous avons publié ces 14 dernières années, en transformant certains articles écrits en podcasts.
  • La réalisation de podcasts sera accompagnée d’un atelier d’entraînement et de production, ce qui permettra de renforcer les compétences transversales et spécifiques des membres de la rédaction comme: la confiance en soi, le travail d’équipe, l’expression orale et écrite. Cet atelier s’inscrit dans la ligne du projet Opinions! que nous avons mené dans le cadre de la formation multimédia de 2023 dont l’objectif est de renforcer l’expression orale des membres de la rédaction.

Logo de Spotify / Gerçois / CC BY 4.0 DEED

Chaque civiliste qui rejoint l’aventure de Voix d’Exils est invité à imaginer un projet de développement. Malcolm Bohnet, civiliste de septembre 2023 à avril 2024, a initié ce projet novateur qui rejoint l’envie des rédacteurs et rédactrices d’explorer davantage les possibilités qu’offre le podcast. La rédaction le remercie pour la pertinence de sa proposition!

Pour son lancement, la rédaction publiera un podcast par semaine pendant un mois, puis nous suivrons un rythme de publication d’environ deux podcasts par mois. Nous dresserons un bilan de l’expérience à la fin de l’année.

Rendez-vous dès à présent sur le compte Spotify de Voix d’Exils en tapant « Voix d’Exils » dans la barre de recherche de Spotify ou en cliquant sur ce lien: https://open.spotify.com/show/6o6hyO4pVQzmLCOe9Q5swD. Puis abonnez-vous en cliquant sur le bouton « s’abonner ».

Omar Odermatt

Responsable de la rédaction




« Nous » de Ievgueni Zamiatine

1ères de couverture de « Nous ».

Recension – des fictions dystopiques devenues les miroirs de notre réalité ?

Ievgueni Ivanovitch Zamiatine (1884 – 1937), est un écrivain russe, créateur d’un genre unique et moderne : le roman anti-utopique ou dystopique. Ceux qui ont déjà lu des ouvrages du genre dystopique, comme « 1984 » de George Orwell ou encore « Le meilleur des mondes » de Aldous Huxley, ne savent peut-être pas que le pionnier de ce genre est justement Zamiatine. Tout commence avec son roman « Nous ». Cet article est le premier d’une nouvelle rubrique de Voix d’Exils qui consiste en des recensions de livres et de films qui éclairent notre réalité d’aujourd’hui. 

Écrit en 1920, « Nous », connu également sous le titre « Nous autres », a tout d’abord été traduit et publié en anglais en 1924. En raison du contexte soviétique, l’œuvre ne sera publiée en Russie, pays d’origine de son auteur, qu’en 1988. La version française, quant à elle, est parue aux éditions « Gallimard » en 1929 sous le titre « Nous autres » puis a été rééditée en 2017 par la maison d’édition « Actes Sud » sous le titre « Nous ».

Le récit du roman se situe dans le futur et se concentre sur « D-503 », un ingénieur de l’espace vivant dans le « One State » ou l’État Unique. Il s’agit d’une nation urbaine construite presque entièrement en verre, ce qui facilite la surveillance de masse. Dans le roman, les habitants et habitantes de l’État unique sont dépersonnalisés. Il n’y a pas d’autres moyens de se référer aux gens que par le nombre qui leur est attribué. Ces derniers sont également constamment vêtus d’un uniforme ce qui les dépersonnalise encore plus. Le comportement de l’individu et la société dans laquelle ils évoluent sont basés sur la logique définie par l’État unique grâce à des formules et des équations produites par lui-même. Le travail de « D-503 » consiste en la fabrication d’un vaisseau spatial destiné à convertir les civilisations extraterrestres au bonheur, ces dernières ayant été soi-disant découvertes par l’État Unique. Alors que cet État totalitaire définit avec précision toutes les activités de ses habitants, « D-503 » commence à envier le passé et à être attiré par un autre monde plus ancien…

Pourquoi (re)lire « Nous » de Zamiatine aujourd’hui ?

Il apparaît que la lecture « Nous » de Zamiatine est intéressante à plusieurs titres. Tout d’abord, car il s’agit d’un roman fondateur du genre dystopique, un genre très populaire actuellement. Deuxièmement, car le contexte historique dans lequel s’est déroulé la publication de l’œuvre est controversé. En outre, il regorge d’allusions à des expériences personnelles de son auteur ainsi qu’à la culture et à la littérature. Le roman reste très actuel.

Avec ce roman, Zamiatine prédit la tendance à la concentration des pouvoirs au niveau d’un seul parti (communisme, fascisme, nazisme) et entre les mains d’un chef unique qui contrôle tous les autres pouvoirs concurrents au sein et en dehors du parti. Notre continent a connu des expériences totalitaires similaires au cours du XXe siècle avec les régimes communistes, fascistes et nazi qui vouaient un culte absolu au chef (Lénine, Staline, Mussolini, Hitler, etc.). La réactualisation du roman de Zamiatine intervient à un moment où l’on assiste à une réactivation des structures totalitaires des pouvoirs politiques que l’on rencontre ces dernières décennies dans certains régimes d’Europe centrale et orientale.

La recension: une nouvelle rubrique de Voix d’Exils

J’ai débuté cette rubrique en choisissant « Nous » pour deux raisons principales :

Premièrement, connu seulement des lecteurs et lectrices spécialisés, Zamiatine n’est pas assez crédité en tant que fondateur de la dystopie, ce qui lui fait, à mon avis, du tort en quelque sorte. Nous connaissons principalement Orwell ou encore Huxley cités plus haut. Dernièrement, Margaret Atwood est également arrivée sur le devant de la scène avec son conte « La Servante Ecarlate ». L’œuvre d’Atwood, une romancière que j’apprécie et dont j’ai traduit des poèmes en albanais est, je pense, une pâle tentative d’approche du roman dystopique avec sa fin très faible et controversée.

Deuxièmement, nous vivons à une époque où toute la science-fiction ainsi que les réalités les plus incroyables issues des romans dystopiques écrits au début du XXe siècle semblent se transformer en réalités telles des prophéties. Alors que les romans dystopiques semblaient dévoiler les réalités les plus absurdes issues de l’imagination des auteurs, nous pouvons nous demander si ce genre littéraire qui a précédé les régimes totalitaires que le monde a connu (et continue de connaître) remplit toujours sa fonction compte tenu de la réalité dans laquelle nous évoluons? La question que je me pose également est la suivante : quelles connaissances ou quel pouvoir avaient ces écrivains pour prévoir une réalité qui désormais dépasse la fiction d’une certaine manière ? Cette interrogation me fait penser que durant les premiers mois de la pandémie, il y a eu la redécouverte d’un livre où tout ce qui se passait était en train d’arriver en quelque sorte. Je parle du roman de Dean Koontz « Les Yeux des ténèbres » dans lequel est évoqué un virus dont les propriétés sont proches de celles du coronavirus. Ainsi, l’œuvre décrit les ravages causés par une pneumonie perçue comme une arme biologique.

Elvana Tufa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 




Echapper à la gueule du serpent

Source: pixabay.com

Suspense et frissons

Est-ce qu’une nouvelle littéraire a sa place sur le site de Voix d’Exils ? Une histoire de frissons, comme on aime à en raconter pour se faire peur ? Une histoire à la Edgar Allan Poe ? Les avis étaient partagés. Son auteur, Samir Sagadatoglu, a quitté l’Azerbaidjan en décembre 2017 et a demandé l’asile en Suisse ; ses motifs de fuite ont été reconnus et il a reçu récemment le statut de réfugié. Au pays, il était écrivain. Ici, il est aussi écrivain. Qui devrait s’en étonner ? Seule sa langue d’expression a changé, il écrit désormais en français. Son texte est un témoignage de liberté ; il contredit l’idée que l’expérience de l’exil broie fatalement les individus. Dans beaucoup d’esprits, même les mieux intentionnés, ce biais existe, qui fait du réfugié l’icône victimaire ultime, qu’on assigne à un registre d’expression « acceptable ». Mais un exilé peut vouloir sortir du cadre et rester fidèle, ici et maintenant, à celui qu’il était dans son pays d’origine. Sa vie, il ne la recommence pas, il la continue.
La seule vraie question, finalement, est de savoir si ce texte est un bon texte. Vous ne le saurez que si vous le lisez… Plongez !

Il était rédacteur en chef d’un journal provincial, et s’il y avait un métier au monde qu’il n’aimait pas, c’était bien celui de journaliste.
Comme il n’avait nulle part où aller et aucun autre travail à faire, il avait décidé de ruiner sa vie maudite précisément dans cette profession. Il était probablement impossible de trouver un meilleur moyen de se venger de lui-même.
Cela faisait presque une heure qu’il s’était mis à neiger et les flocons tombaient de bon cœur et joyeusement.
La neige l’avait déjà recouvert d’une fine couche blanche. Il fit de petits sauts sur le trottoir parce qu’il avait froid. Dans ces cas, on attend toujours longtemps avant qu’une voiture s’arrête. Il est rare qu’un chauffeur s’aventure dans ces régions, la nuit, surtout par temps enneigé. Mais il s’entêtait, décidé à regagner sa ville.
Lorsqu’il était venu à la conférence régionale depuis le district voisin, il pleuvait légèrement et personne n’aurait pu penser que cette douce pluie, qui calmait les nerfs, se transformerait bientôt en gros flocons de belle neige. Croyez-moi, même si une personne dormait, elle n’aurait pu rêver d’une telle chose. Il maudissait son destin en se haïssant lui-même, son travail et la neige qui continuait de blanchir le monde. Il attendait depuis longtemps déjà, sans apercevoir une seule voiture. La neige devenait de plus en plus lourde, envahissant tout l’espace.
Soudain, un chien aboya quelque part, puis une lumière apparut du côté opposé de la route. Au début, cela ressemblait plus à une incandescence qu’à une lumière. Mais peu à peu, elle se précisa et grandit jusqu’à devenir double. Il devint évident qu’il s’agissait des phares d’une voiture qui venait en sens inverse. Dès qu’il se rendit compte qu’une voiture arrivait, il ne sentit subitement plus le froid ; il se frotta les mains de joie et se mit à sautiller.
Il n’eut pas même besoin de signaler sa présence, le chauffeur ralentit et s’arrêta à côté de lui.
Le rédacteur en chef du journal provincial ouvrit la portière de la voiture et s’assit à côté du chauffeur :
«Je vais à la ville voisine», dit-il.
«Eh bien, je vais aussi dans cette direction», assura le propriétaire de la voiture.
L’étrangeté de la voix du chauffeur fut la toute première chose qui attira l’attention du rédacteur en chef. La voix de ce garçon barbu, âgé d’une trentaine d’années, ressemblait plus à la voix d’un vieil homme qu’à celle d’un jeune homme. Elle était rauque, froide, rugueuse, comme s’il était fatigué depuis des années, comme s’il avait déjà vu tous les visages de ce monde maudit. Il faisait chaud à l’intérieur de la voiture et le rédacteur en chef se renversa sur son siège pour profiter de ce bien-être apaisant. Il neigeait sans arrêt, les essuie-glaces de la voiture fonctionnaient lentement et le conducteur parlait au rythme des essuie-glaces.
Contrairement à lui, le chauffeur était des plus bavards. Il avait des choses à dire sur l’air, la pluie, la neige, les routes glissantes et divers événements internationaux. Le rédacteur en chef, engourdi par la chaleur, sentit ses paupières se fermer involontairement.
Soudain, la conversation changea. Le chauffeur parla tout d’abord d’un gros chien noir, disant qu’il était capable de s’exprimer comme un humain. Le chauffeur en parlait avec tant d’enthousiasme que le rédacteur en chef fut forcé de l’écouter avec attention.
«Laissez-moi vous dire que j’ai aussi un beau serpent rouge», dit le propriétaire de la voiture, passant à un autre sujet. – «Permettez-moi de vous poser une question. En général, que pensez-vous des serpents?»
Le rédacteur en chef fut surpris par la question. Une vague de sueur froide lécha tout son corps. S’il y avait une chose au monde qu’il craignait, c’était les serpents. Il tremblait de peur à la vue d’un serpent, qu’il soit mort ou vif.
«Que les serpents soient maudits !» – s’exclama-t-il.
«Mais il y a des gens qui sont plus venimeux et effrayants que les serpents», – objecta le chauffeur avec colère.
«C’est une vieille philosophie, nous avons entendu beaucoup de choses comme ça», – assura le rédacteur en chef, pour mettre fin à la conversation une fois pour toutes.
«Non, cher frère, ce n’est pas une vieille histoire» rétorqua le chauffeur, apparemment décidé à ne pas abandonner avant d’avoir convaincu son passager.
«Il y a un dicton selon lequel si vous ne marchez pas sur la queue d’un serpent, cela ne vous fera pas de mal. Pensez-vous que le serpent n’a pas de cœur? Oui, le serpent a un cœur. Mais les gens ont-ils essayé de comprendre ce cœur au moins une fois? »
La question resta sans réponse. Le silence s’était installé, interrompu uniquement par le bruit régulier des essuie-glaces.
«Regardez, j’élève ce serpent rouge dans ma maison», – dit à nouveau le chauffeur. – «Je dois dire aussi que j’ai deux jeunes enfants, mais ce serpent ne les a jamais effrayés jusqu’à présent. J’ai construit un petit nid avec des pierres dans la cour pour lui. Je mets sa nourriture et sa boisson devant lui de mes propres mains. Quand je rentre tard à la maison, ma femme ou les enfants lui donnent à manger et à boire. Il ne touche personne. Il se lève tranquillement, mange et boit, et après avoir satisfait son estomac, retourne à son nid. »
Le chauffeur parlait de ce maudit serpent rouge avec autant d’enthousiasme et de douceur que s’il avait parlé de servir un parent âgé ou malade.
«Que lui donnez-vous à manger ?» – demanda le rédacteur en chef.
«Pas de cheval, pas de chameau. Il mange de la terre, de la terre ordinaire. Je la prends dans ma main, la frotte, la broie et la verse devant lui. Ou un seau de lait. J’ai deux vaches, j’ai plus de dix litres de lait chez moi le matin et le soir, très savoureux. Si nous ne pouvons pas nourrir un serpent, comment pouvons-nous être des hommes? Il mange, boit et se réjouit. Il sait que nous ne lui ferons pas de mal. Il parle probablement à d’autres serpents au sujet des humains, il leur dit de ne pas mordre et de ne pas empoisonner les gens, que tous ne sont pas mauvais, qu’il y en a de bons. Il y a aussi ceux qui entendent et comprennent les serpents.
«Depuis combien d’années gardez-vous ce serpent?»
«Depuis sa naissance» répondit le chauffeur. – «Il a maintenant neuf ans. Je m’occupe de lui depuis exactement neuf ans. Je l’aime comme mon propre enfant. Quand je ne le vois pas un jour, mon cœur explose presque de chagrin. Il me manque tellement que… Je pense que c’est mon fils.»
«Comment connaissez-vous son sexe?»
«C’est une bonne question. Comment je le sais ? Oui, c’est un garçon. Un garçon rouge et courageux. Et un bon fils.»
«Comment sais-tu ça ?» demanda sarcastiquement le rédacteur en chef, qui commençait à douter de la santé mentale du conducteur.
«Notre voisin a une fille, il est tombé amoureux d’elle, alors je sais que c’est un homme.»
A ces mots, le rédacteur en chef, qui ne doutait plus que le chauffeur soit fou, parla avec anxiété:
«Frère, regarde la route, tu peux voir à quel point il neige. Alors fais tout ce que tu peux pour que nous rentrions à la maison entiers et en bonne santé.
«Ne vous inquiétez pas, je vous ramènerai chez vous sain et sauf. Mais je vous demande de prendre ma parole au sérieux. Ce serpent est vraiment tombé amoureux de la fille d’à côté. Mais personne ne l’a compris. Laissez-moi vous dire, les serpents aiment comme les serpents. Plus fort que les hommes, plus férocement que les hommes. Pourquoi pensez-vous qu’ils ne peuvent pas aimer? Comme je l’ai dit plus tôt, les serpents ont aussi un cœur, fait pour aimer et vouloir être aimé.»
«Eh bien, disons que je suis d’accord avec vous. Dites-moi, comment savez-vous que le serpent aime la fille d’à côté?»
«D’une manière très simple. La fille du voisin a voulu se marier trois fois. Chaque fois, avant le mariage, on s’est aperçu au réveil que le serpent avait passé la nuit dans son lit. Il était recroquevillé tranquillement, soit sous le matelas, soit sous l’oreiller, soit quelque part dans le lit. Evidemment, le mariage a été reporté à chaque fois. Les parents ont réalisé que si la fille épousait quelqu’un, le serpent la tuerait. Le serpent l’aime, et il ne permet pas à la femme qu’il aime d’appartenir à quelqu’un d’autre.
Le rédacteur en chef du journal provincial était complètement ébranlé : il n’arrivait pas à savoir si le chauffeur se moquait de lui ou s’il était vraiment sérieux. Pour mettre fin à cette incertitude, il demanda :
«Donne-moi ton adresse. Je veux venir te rendre visite et voir de mes propres yeux ce serpent amoureux».
Le chauffeur fut ravi de ces mots :
«Par Dieu, j’étais sérieux, je ne comprends vraiment pas pourquoi les gens détestent les serpents. Partout où ils voient un serpent, ils s’enfuient, pris de peur ou essaient de le tuer. Chacun sait pourtant que leur poison est aussi un médicament. Mais savez-vous que les serpents ont aussi besoin de gentillesse et d’amour? Les serpents doivent également être compris et aimés. Aimez-les, s’il vous plaît, aimez-les…»
Le propriétaire de la voiture parlait sans cesse et sa voix devenait de plus en plus rauque. Le rédacteur en chef, qui regardait depuis un moment l’obscurité blanche derrière la vitre de la voiture, se retourna lentement et le regarda. Le chauffeur avait disparu et un serpent rouge était recroquevillé sur le volant.
Le rédacteur en chef ne comprit pas au début, il se frotta les yeux avec ses mains froides et glacées. Il regarda à nouveau le siège chauffeur. Il ne pouvait y avoir aucun doute: Le chauffeur n’était plus à sa place, et un serpent rouge, enroulé sur le volant, tendait sa tête vers lui en lui chuchotant quelque chose…
Le rédacteur en chef ouvrit précipitamment la portière et sauta sur le sol. «A l’aide, à l’aide !» et il se mit à courir dans la neige. Il entendit le bruit des freins et réalisa que la voiture s’était arrêtée. Il courut droit devant lui sans se retourner. Soudain, il tomba dans la neige.
Et la neige pleuvait de joie, sans retenir son souffle…

Samir Sadagatoglu

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils