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La Mère jungle

Une légende colombienne #6

Voici la sixième « histoire du monde de Voix d’Exils ». A chaque publication de la série: une légende, un mythe ou une fable du pays d’origine d’un rédacteur ou d’une rédactrice. 

La légende de la Mère Jungle est une histoire profondément ancrée dans la tradition orale de l’Amazonie colombienne et d’une partie des plaines orientales. La légende raconte que les paysans et les bûcherons qui l’ont vu disent qu’elle est une dame corpulente et élégante, vêtue de feuilles fraîches et de mousse verte. La Mère Jungle est généralement représentée comme une femme forte et belle, mi-femme et mi-montagne, avec un chapeau couvert de feuilles vertes et de plumes qui ne laisse pas voir son visage.

Certains et certaines prétendent entendre ses cris et ses sifflements lors des nuits sombres et orageuses. Elle vit loin du bruit de la civilisation dans des endroits enchevêtrés avec des arbres feuillus et dans des forêts chaudes en compagnie d’animaux sauvages.

Les paysans disent que lorsque Mère Jungle se baigne dans les sources des rivières, celles-ci deviennent boueuses et débordent. Elle provoque aussi aussi des inondations et de fortes tempêtes dont résulte de terribles dégâts.

La légende de la Mère Jungle peut servir d’avertissement pour notre époque car les êtres humains détruisent la planète au point de créer un important réchauffement climatique ce qui montre que la Mère Jungle ou la Terre Mère est furieuse contre toute l’humanité.

Renata Cabrales

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« L’art : mon nouveau départ »

Photo: Sahar Zaire

Sahar Rezaï, une femme pleine de talents

Cette jeune femme de 21 ans très talentueuse habite Sion, une ville proche des montagnes valaisannes. Elle est arrivée en Suisse en 2017 quand elle avait 14 ans. Sahar Rezaï vient de vernir sa première exposition de peinture à Aigle qui est visible jusqu’au 2 mai à l’Espace AMIS.

Sahar a commencé à peindre à l’âge de 13 ans. C’est en Grèce qu’elle a commencé à peindre après avoir quitté l’Afghanistan, son pays d’origine. Dans l’interview qu’on a réalisé avec elle, Sahar Rezaï nous confie son parcours souriante avec un regard rempli d’espoir devant ses tableaux : « J’ai commencé à peindre après avoir quitté mon pays d’origine. On était avec ma famille dans un camp de réfugiés en Grèce. Par chance, un bénévole et journaliste du nom de Théodore m’a vue assise seule parmi les autres enfants qui jouaient juste devant moi et il m’a offert un cadeau. J’étais jeune, dans une chaise roulante à cause de la poliomyélite, une maladie que j’ai attrapée quand j’avais 2 ans, et je n’arrivais pas à jouer comme les autres enfants. Désespérée de tout ce qu’on avait vécu avec ma famille, je m’ennuyais beaucoup mais ce cadeau de ce bon samaritain m’as redonné de l’espoir. C’était le meilleur des cadeaux : un sac rempli de matériel pour faire de la peinture : les couleurs, les toiles des pinceaux etc. Et depuis ce jour, je n’ai plus jamais lâché mes pinceaux ». 

Un retour impossible en Afghanistan

En 2016, Sahar et sa famille ont été victimes d’une fatwa des talibans et ont décidé de quitter leur pays d’origine pour la Grèce qui a été la première étape de leur exil. Arrivée en Suisse au printemps 2017 avec ses parents et son petit frère, elle a commencé à chercher ce qu’elle pourraient faire ici. Sarah était troublée et disait qu’elle ne pouvait plus continuer à peindre ses tableaux. Elle nous confie « Je me demandais si je pouvais continuer à peindre car mon enfance me manquait beaucoup et les montagnes suisses me rappellent celles de chez nous. Mais c’est un sujet tabou à cause de ce qu’on a traversé dans notre pays. Du coup, je ne voulais plus continuer mes dessins parce que ça m’aidait à traverser cette période. Et aussi, j’avais remarqué que la vie en Suisse est chère et je ne pouvais plus continuer à me procurer du matériel; mais heureusement, des bénévoles suisses m’ont aidé à reprendre mon activité de peintre ».   

 

Sahar Zaire et Alix Kaneza. Photo: Voix d’Exils

« L’art m’a sauvée »

« L’art a été un nouveau départ pour moi. il a soigné mes blessures du passé parce que je me demandais ce que je pouvais faire ici en Suisse ou ailleurs. Mais quand je commence à dessiner, je n’arrive plus à quitter la toile. Je voulais sortir toutes les souffrances qui étaient en moi et je voulais parler à travers mes dessins de tout ce que je ressens. Et quand les autres jouaient, moi je préférais être devant mes tableaux. J’ai commencé à traduire mes tristesses et mes ressentis dans mes tableaux » s’exclame Sahar.

Dans la parole qu’elle a prise lors de son vernissage qui s’est déroulé à Aigle le jeudi 13 avril à 18h, Sahar a partagé avec confiance et espoir son rêve de travailler dans l’humanitaire et son projet de faire davantage de tableaux pour venir en aide aux jeunes filles qui n’arrivent pas à aller à l’école et aux femmes non scolarisées en Afghanistan.

Alix Kaneza et Renata Cabrales

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Informations sur l’exposition

Sahar Rezai expose ses toiles à Aigle dans la hall de l’Espace AMIS, Chemin de la Planchette 1, 1860 Aigle jusqu’au 2 mai 2023

 




Tu as osé

A toi ma sœur

Quand tu as décidé de ne pas te taire face à l’injustice, tu as osé.

Quand tu as décidé de ne plus écouter celui qui t’a blessée avec ses paroles, celui qui n’a pas reconnu ta valeur et t’a fait douter de qui tu étais, tu as osé.

Tu as osé, quand tu as décidé de rompre ton silence et de dénoncer celui qui avait abusé sexuellement de toi.

Tu as osé, quand tu as décidé de dénoncer celui qui te frappait au visage, celui qui détruisait ton estime de toi-même.

Quand tu as décidé de dénoncer le patron qui t’a exploitée au travail, tu as osé.

Quand tu as décidé de rompre avec les règles et les traditions qui t’étaient imposées et avec lesquelles tu n’étais pas d’accord, quand tu as commencé à vivre ta propre vie, celle dans laquelle tu pouvais te sentir en sécurité, complètement heureuse, tu as osé.

Oui, tu as osé, quand ils se moquaient de toi, quand ils t’humiliaient, quand ils te disaient que ce qui était à toi ne valait rien, que ce que tu faisais ne servait à rien, quand ils te disaient que tu n’étais rien et que tu n’arriverais à rien. Quand tu as décidé de croire en toi et que tu as continué, ignorant les bruits qui voulaient te distraire, quand tu as décidé de croire en toi, seulement en toi. Oui, tu as osé.

Oui, tu as osé quand, malgré le fait que le monde se refermait sur toi, et que tu ne trouvais pas d’issue, et que les tôles étaient lourdes, et que les portes avaient de gros verrous, tu t’es levée et tu as décidé de te mettre à marcher, quand tu as commencé à détruire les murs qui t’environnaient et à ouvrir les serrures avec les clés magiques que tu as trouvées à l’intérieur de toi.

Tu as osé quand, malgré la peur, tu as décidé d’avancer ; quand, malgré la peur, tu as décidé de te battre pour tes droits, pour ton bien-être, pour tes rêves, pour tes objectifs ; quand, avec peut-être des larmes qui battaient ton âme comme un fleuve furieux, avec des difficultés, des obstacles, et en brisant des barrières, tu as décidé de continuer ton chemin, en te créant un nouveau monde, en construisant de tes mains l’espace où tu voulais vivre, en développant ce que tu aimais faire.

Je te le dis, tu as été la plus audacieuse.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 




Cicatrices

Photo: Saif Memom / Usplash.com

Un poème de notre rédactrice Martha Campo

Je ne peux pas effacer les étapes franchies

Et ne le voudrais pas

Car elles font partie de qui je suis

En tant que femme, en tant que personne

Elles font partie de la construction de l’être humain

Qu’aujourd’hui je suis devenue.

 

Je ne peux pas effacer les baisers donnés

Ni les caresses reçues

En un instant, ils m’ont comblée

Et ont perfectionné mon Art d’aimer.

 

Je ne peux pas retourner le calendrier de ma vie

Car chaque année, chaque jour, chaque seconde

Ont fait et font partie de qui je suis

Ou peut-être de tout.

 

Je ne peux pas effacer les amours

Et les déchirements qui ont traversé ma vie

J’ai appris de chacun d’eux

Et ils sont dans mes souvenirs

Agréables ou difficiles

Mais ils sont là comme une encre indélébile

Sur la toile de ma vie.

 

Je ne peux pas passer une journée

Sans considérer les cicatrices sur mon âme

Car elles m’ont fait grandir.

 

Je peux rire, vivre et jouir librement

Car j’accepte ma vie, mes chemins parcourus

Mes erreurs, mes réussites, mes peurs et mes faiblesses

Mais surtout j’apprends sur le nouveau chemin

Qui s’ouvre sous mes pas

Où je m’avance transformée et confiante en moi-même,

Où la seule et la plus convaincante sécurité

Est que j’avance d’un pas ferme

Seconde par seconde, sans attendre plus

Que ce qui vient.

 

Car je prends soin de profiter

Du moment où je respire

Du moment où j’aime et je suis aimée

Du rire et des pleurs,

Des émotions et des tendresses

Du moment que je vis…

 

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




La violence à l’encontre des femmes en Afghanistan

Photo: Renata Cabrales / Voix d’Exils.

Parole à Jamail Baseer : jeune femme afghane refugiée en France

À leur retour au pouvoir en Afghanisant le 14 août 2021, les Talibans ont fermé les écoles aux filles et aux femmes et les ont exclues de l’espace public ce qui a provoqué l’indignation de la communauté internationale.

« En Afghanistan, j’ai travaillé comme traductrice avec des journalistes français, j’ai aussi travaillé en collaboration avec une ONG. Ma sœur était footballeuse professionnelle et travaillait avec un ingénieur civil. Ce n’était pas notre choix de quitter le pays. Le 15 août 2021, ma famille et moi avons quitté le pays. Ce sont les premiers mots de Jamail, une jeune femme afghane qui partage avec nous son témoignage de victime du système extrémiste mis en place par les talibans.

Perspective historique

Quelques faits historiques tirés d’un vieil article de la BBC montrent qu’en 1973, Zahir Shah a été renversé par le militant de gauche Mohammed Daoud Khan, mettant ainsi fin à plus de 200 ans de monarchie en Afghanistan. Depuis lors, sous la République dite d’Afghanistan, les droits des femmes ont progressé puisque qu’elles ont pu entrer au parlement, recevoir une éducation universitaire et obtenir des fonctions publiques. Tout cela grâce aux régimes soutenus par l’Union soviétique à la fin des années 1970, lorsque le Parti démocratique populaire (marxiste) d’Afghanistan a pris le pouvoir lors de la révolution d’avril 1978. La progression de ces droits s’est poursuivie donc après l’invasion soviétique en 1979.

Cependant, lorsque les talibans sont arrivés au pouvoir en 1996, les droits des femmes à l’éducation et à l’emploi ont été totalement anéantis. Les femmes afghanes ne pouvaient sortir qu’accompagnées d’un parent masculin et devaient porter une burqa qui les couvre entièrement. Elles ont également été condamnées à des mesures cruelles imposées par des règles fondamentalistes et rétrogrades, telles que les décapitations et les lapidations, pour une prétendue désobéissance.

Plus tard, lors de l’invasion américaine, la situation a un peu changé, non qu’elle se soit améliorée, car selon le mouvement des femmes RAWA, l’Association révolutionnaire des femmes d’Afghanistan, leurs droits ont été obtenus à cette époque grâce à la lutte du mouvement et non à l’intervention des États-Unis.

Cependant, ce répit a été de courte durée car après le retrait des troupes américaines en août 2021, les talibans (un mot qui signifie ironiquement « étudiants ») sont revenus au pouvoir, redoublant toutes les formes de misogynie. Puis les femmes ont commencé à subir les mêmes violences puis les portes des écoles et des universités leur ont été fermées.

« Nous aidons les professeurs à enseigner à certaines filles, car nous savons que les écoles sont fermées et que, dans les villages, la plupart des familles ne permettent pas à leurs filles d’aller à l’école. C’est donc une bonne occasion pour elles d’étudier près de chez elles » explique Jamail qui, d’ailleurs, avec sa sœur Fanoos, recherchent des aides financières pour les enseignants qui scolarisent clandestinement les filles en Afghanistan.

En guise de protestation contre les nouvelles réformes des talibans, une jeune femme afghane s’est tenue à l’entrée d’une université le 25 décembre 2022 (alors que le monde entier – ou presque – célébrait les fêtes de fin d’année), en tenant une pancarte sur laquelle était inscrit en arabe : « iqra » qui signifie « lire »;  la première parole révélée par Dieu au prophète Mahomet selon la religion musulmane. « Dieu nous a donné le droit à l’éducation. Nous devrions craindre Dieu, pas les Talibans, qui veulent nous priver de nos droits » a déclaré la jeune femme à la BBC. Après avoir exclu les filles de la plupart des écoles secondaires au cours des 16 derniers mois, les talibans ont également interdit il y a quelques jours l’enseignement universitaire aux femmes qui y voyaient le seul moyen de se libérer du joug religieux imposé par le gouvernement fondamentaliste des talibans.

L’Afghanistan aujourd’hui

Aujourd’hui, l’Afghanistan est un pays frappé par la misère que les gens fuient chaque jour à la recherche d’une vie meilleure car s’ils ne sont pas tués par la faim, ils sont tués par les affrontements entre groupes religieux extrémistes. Des familles entières font d’interminables voyages à la recherche d’un avenir meilleur mais, selon la plupart des gouvernements des pays où elles arrivent, il n’y a pas de guerre officielle en Afghanistan. C’est la raison pour laquelle de nombreuses demandes d’asile sont rejetées.

« Il y a aussi beaucoup de femmes exerçant une profession, comme maîtresse d’école, qui mendient dans les rues, ce qui me fait vraiment pleurer » raconte Jamail, les larmes aux yeux. Puis, reprenant son souffle, elle poursuit : « Ce n’était pas notre choix de quitter notre pays. Tout d’un coup, en une heure, beaucoup de gens ont dû quitter l’Afghanistan. Aujourd’hui, ma famille et moi sommes sûres que nous aurons une vie meilleure ici, mais nos pensées sont toujours dans notre pays bien-aimé. Pour ma part, les rues illuminées de Shari, une place célèbre à Kaboul, me manquent toujours. Ma maison, ma chambre et toutes mes affaires me manquent encore, celles que je n’ai pas pu emporter en France… Je ne suis pas heureuse » regrette la jeune femme.

Propos recueillis par:

Renata Cabrales

Membre de la rédaction de Voix d’Exils

 

Jamail Baseer

Je m’appelle Jamail Baseer. J’ai 33 ans et j’ai quitté l’Afghanistan le 17 août 2012. J’étais traductrice en Afghanistan pour des journalistes français et je travaillais également avec des ONG internationales. J’ai travaillé comme interprète et traductrice auprès de journalistes français et de militants des droits des femmes en Afghanistan. Maintenant, je vis en France en tant que réfugiée.