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Frontex au menu de la votation populaire du 15 mai

Le peuple suisse votera le 15 mai sur l’augmentation de la participation financière de la Suisse à Frontex. Illustration: Kristine Kostava / Voix d’Exils.

Témoignages d’exilé.e.s ayant croisé Frontex sur leur chemin

Le 15 mai prochain, le peuple suisse votera sur « la reprise du règlement de l’Union Européenne (UE) relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (développement de l’acquis de Schengen) », c’est-à-dire l’augmentation de la participation de la Suisse à Frontex:  l’Agence européenne des garde-frontières et des garde-côtes

Créée en 2004, Frontex surveille les frontières extérieures de l’espace Schengen. Ses missions sont de lutter contre la criminalité transfrontalière, le trafic d’êtres humaines, le terrorisme et la migration clandestine. L’agence est financée par l’Union européenne (UE) et les pays signataires de l’accord de Schengen non membres de l’UE (comme la Suisse).

Les principaux enjeux de la votation sur Frontex

En raison de l’accord de Schengen, la Suisse doit augmenter sa contribution financière au garde-frontière Frontex. Certains partis politiques de gauche et des organisations de soutien à la population migrante ont lancé un référendum pour dénoncer les mauvais traitements infligés aux migrants et le non respect de leurs droits fondamentaux. Les promoteurs du référendum remettent en cause la politique migratoire de Frontex et demandent plus d’ouverture de la part de l’Europe. Ils considèrent également que l’agence a « une politique migratoire européenne basée sur la violence » . Ils et elles dénoncent une « militarisation des frontières » et une « criminalisation des migrations ». Ils soulignent aussi que plusieurs enquêtes sont en cours contre Frontex, pour mise en danger des personnes migrantes et pour sa participation à des opérations refoulements de personnes migrantes. Pratiques qui violent la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, car les personnes expulsées de l’espace Schengen ne peuvent pas déposer de demandes l’asile.

A cause de la crise migratoire de 2015, l’UE a décidé de renforcer le contrôle de ses frontières en investissant davantage de ressources financières et humaines. En tant que membre de l’espace Schengen, la Suisse est invitée à augmenter sa contribution financière à Frontex. Cette contribution s’est élevée à 24 millions de francs en 2021. Mais d’ici à 2027, ce chiffre pourrait augmenter jusqu’à 61 millions de francs par an si le peuple dit oui à la réforme de Frontex le 15 mai. Le Conseil fédéral et le Parlement soutiennent cette augmentation de la contribution de la Suisse avec les Etats signataires de Schengen et Dublin. Selon le gouvernement et le Parlement suisse, un « non » mettrait en péril la coopération de la Suisse avec les pays voisins membres de l’espace Schengen et aurait également des conséquences négatives sur la sécurité, l’asile, le trafic transfrontalier, le tourisme et l’économie en général du pays.

Logo de Frontex. Source: Wikipedia

Collaboration avec le Bla-Bla Vote

En tant que rédacteurs et rédactrices de Voix d’Exils, site d’information destiné à l’expression libre des personnes migrantes, nous avons choisi de donner la parole aux personnes qui ont rencontré Frontex sur leur chemin d’exilé.e.s. Nous avons interviewé 5 apprenants d’une classe de français de l’EVAM sur Frontex parce qu’ils se trouvent en Suisse en tant que personnes demandeuses d’asile. Ils ont traversé les frontières de l’Europe pour atteindre la Suisse et ils ont rencontré les garde-frontières et les garde-côtes de Frontex sur leur chemin. Nous avons réalisé ces interviews dans le cadre d’une collaboration avec le projet Bla-Bla Vote: un débat citoyen et une émission radio qui a lieu un peu avant les votations populaires fédérales à la Maison de Quartier de Chailly à Lausanne. Son but est de rendre plus compréhensible un des objets politiques sur lequel la population doit voter pour permettre aux participant.e.s de se faire leur propre opinion. Après le débat, le Bla-Bla Vote est diffusé en podcast sur la webradio d’Eben-Hézer Lausanne. Le sujet du dernier Bla-Bla Vote était Frontex et le débat a eu lieu le 8 mai. Les invités étaient Laurent Wehrli conseiller national, membre du Parti libéral-radical (PLR) et Aline Favrat, membre du comité référendaire No Frontex.

Dans le cadre de cette collaboration, la classe de français de l’EVAM a participé à un atelier qui leur a présenté le sujet de la votation sur Frontex en français facile à lire et à comprendre. A la fin de l’atelier, la rédaction de Voix d’Exils a enregistré les questions des apprenants et certaines d’entre elles ont été posées aux invités pendant le Bla-Bla Vote du 8 mai. Après l’atelier, nous avons aussi mené des interviews avec les membres de la classe (voir ci-dessous); et à partir de ces interviews, nous avons réalisé un sujet de 4 minutes qui a été diffusé durant l’émission radio du Bla-Bla Vote. Cliquez ici pour écouter toute l’émission du Bla-Bla Vote du 8 mai sur Frontex.

Voix aux personnes ayant croisé Frontex sur leur chemin

Interview #1
Interview #2
Interview #3
Interview #4
Interview #5

Renata Cabrales

en collaboration avec la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




FLASH INFOS #86

Kristine Kostava / Voix d’Exils

Sous la loupe : Des extrémistes allemands interceptés près de la frontière avec la Pologne / Le conflit s’intensifie entre la Pologne et la Biélorussie / 600 personnes exilées interceptées à la frontière américaine

Des extrémistes allemands interceptés près de la frontière avec la Pologne

Courrier international, le 25.10.21

Dans la nuit du 23 au 24 octobre, environ cinquante membres du parti d’extrême droite Der Dritte Weg (« La Troisième Voie ») ont été appréhendés par la police allemande près de Guben, ville frontalière avec la Pologne. Lourdement armé.e.s lors de leur interpellation et soupçonné.e.s de vouloir stopper les personnes exilées, les partisan.e.s ont simplement affirmé vouloir « se faire une idée de la situation migratoire » à la frontière. Ces derniers et dernières ayant été incriminé.e.s, ils ont désormais l’interdiction de se rendre dans la région.

L’immigration illégale a fortement augmenté dans cette région suite à la décision du président biélorusse Loukachenko « d’ouvrir la route vers l’UE ». L’Allemagne et d’autres États européens, préoccupés par l’instrumentalisation de la question migratoire, demandent d’imposer de nouvelles sanctions à la Biélorussie.

Charlotte

Contributrice externe de Voix d’Exils

 

Le conflit s’intensifie entre la Pologne et la Biélorussie

Le Point, le 16.11.2021

Le 16 novembre dernier, les forces de sécurité polonaises ont fait usage de gaz lacrymogènes contre des personnes en situation d’exil qui étaient massées devant le poste-frontière de Bruzgi, proche du village polonais de Kuznica. Les personnes exilées jetaient des pierres sur les soldats qui les empêchaient de traverser la frontière avec la Biélorussie. Un soldat a été grièvement blessé lors des altercations. Tandis que la Russie dénonce le comportement de la Pologne, l’Union Européenne (UE) menace la Biélorussie en annonçant des mesures punitives.

Rachid Boukhemis

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

600 personnes exilées interceptées à la frontière américaine

Le Matin, le 21.11.2021

Samedi 20 novembre dernier, deux camions de transport ont été interceptés dans l’État de Veracruz au sud-est du Mexique alors qu’ils se dirigeaient vers la frontière américaine. Les véhicules transportaient près de 600 personnes exilées, 145 femmes et 455 hommes provenant pour la majorité des pays pauvres d’Amérique du Sud (Guatemala, Honduras et Nicaragua).  Le groupe était constitué autant de mineurs, de femmes enceintes que de personnes malades qui étaient entassés dans les conteneurs des camions.

L’Institut National de Migration (INM) du Mexique doit désormais se décider quant aux conditions de séjour de ces personnes qui bénéficieront soit d’un « retour assisté », soit d’une « opportunité de rester » grâce à une démarche de régularisation. Cette prise de décision intervient dans un contexte de hausse massive du flux d’immigration dans la région, une hausse favorisée notamment par l’institution de Joe Biden en tant que président des États-Unis et sa plus grande ouverture envers les demandeurs et demandeuses d’asile que l’ancien président, Donald Trump.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Nous remercions chaleureusement les étudiant.e.s de la Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL) pour leurs contributions à cette édition n°86 du Flash INFOS qui ont été réalisées à l’occasion d’un atelier dispensé par la rédaction vaudoise de Voix d’Exils entre octobre et novembre 2021.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Les femmes en Suisse sont en grève le 14 juin

Senawbar, originaire d’Afghanistan. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Zoom : six migrantes vivant en Suisse témoignent de la condition des femmes dans leur pays d’origine

En cette journée du 14 juin 2019, LA journée tant attendue par les femmes en Suisse, les rédactrices de Voix d’Exils se sont intéressées aux migrantes inscrites dans des programmes d’activité proposés par l’EVAM (Établissement vaudois d’accueil des migrants). Elles leur ont demandé quelle est la situation des femmes dans leur pays d’origine : ce qui leur est accessible en matière de scolarité, de vie familiale et professionnelle, d’héritage, de soutien social, de latitude à s’organiser en associations pour revendiquer leurs droits…

Six d’entre elles: Wafa, Merveille, Senawbar, Diana, Gladys et Oumalkaire ont accepté de témoigner.

 

Wafa, Yéménite

Wafa, originaire du Yemen. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Yemen. Source: Wikipedia

« Avec la guerre qui ravage le pays depuis 2014, les femmes tentent de faire face à la situation d’urgence. Elles voient leurs pères, frères, maris et fils partir au front, certains pour ne jamais revenir. Tandis qu’un embargo frappe le Yémen et le paralyse – il dépend à 90% des importations – les enfants meurent de faim ou de maladies bénignes tandis que les femmes décèdent en nombre affligeant sur les tables d’accouchement.

Dans ce contexte, les Yéménites ont commencé à dire NON au système patriarcal et à participer à la vie politique. Exposées et rendues vulnérables par la violence ambiante, beaucoup d’entre elles se sont mobilisées. Résultat : sur les 565 personnes appelées à rédiger la nouvelle constitution et à penser le nouveau Yémen voulu par le peuple, le quart sont des femmes.

Certes les choses changent, mais il reste du chemin avant que la société yéménite très conservatrice et très à cheval sur la loi islamique autorise les femmes à remplacer leurs pères, frères et maris dans la prise de décisions portant sur leur éducation (en particulier dans les milieux ruraux) ou sur le choix de leur époux, pour ne mentionner que ces exemples-là.

Actuellement, les préoccupations premières des femmes restent centrées sur les questions basiques de survie au quotidien en temps de guerre ; des questions tellement graves et aigües, que malgré leur bravoure, elles ne peuvent se disperser dans d’autres revendications. »

 

Merveille, Congolaise

Merveille, originaire de RDC. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

RDC Congo. Source: Wikipédia

« En République démocratique du Congo (RDC), les femmes jouissent des mêmes droits fondamentaux que les hommes, tels que l’accès automatique à l’éducation à tous les niveaux, le droit à une succession équitable, le droit de voter et de se faire élire.

Cependant, la route vers l’égalité est encore longue. Par exemple, la majorité des Congolaises doivent obtenir l’autorisation de leur mari pour pouvoir travailler. Et quand elles reçoivent cette précieuse autorisation, ce n’est pas gagné pour autant. En raison du peu de confiance personnelle qu’elles ont développé depuis leur enfance, certaines préfèrent s’auto-écarter, laissant le chemin libre aux hommes pour occuper les postes à responsabilités.

Par ailleurs, les Congolaises se sentent libres de porter plainte – et le font souvent – en cas de harcèlement sexuel. Mais quand on les questionne sur le viol et les violences conjugales, elles se renferment et gardent le silence. Bien que des structures d’accompagnement existent et sont là pour les aider, la peur du jugement de la société est la plus forte.

Le même comportement de repli sur soi s’observe par rapport à l’homosexualité qui n’est pas du tout toléré et qui est même considéré comme une abomination. Par peur d’être rejetées, les femmes concernées n’osent pas faire leur « coming out ».

Fortement désapprouvé dans une société où les familles sont généralement nombreuses et les femmes mariées valorisées pour leur fécondité, l’avortement est peu répandu, illégal et se pratique par conséquent dans la clandestinité. »

 

Senawbar, Afghane

Senawbar, originaire d’Afghanistan. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Afghanistan. Source: Wikipédia.

« Malgré le recul général consécutif à l’arrivée des Talibans dans les années 90, les Afghanes participent depuis plusieurs décennies à la vie politique de leur pays. Elles sont représentées à 27,7% au Parlement et au Sénat et bénéficient d’un quota de 20% dans les conseils communaux.

Mais il ne faut pas se fier aux apparences, car ici encore l’égalité hommes-femmes reste à conquérir. Les conditions de vie, dictées par la politique et la loi musulmanes – qui se confondent -, ne sont pas favorables aux femmes. C’est le cas notamment pour le droit de succession. Certes, les Afghanes peuvent hériter, mais la part qui leur est réservée s’élève à 25% contre 75% pour leurs frères.

Considérées comme d’éternelles mineures, leur liberté de mouvement est, quant à elle, assujettie à l’autorisation soit de leur père ou de leur frère quand elles ne sont pas mariées, soit à l’autorisation de leur mari quand elles le sont.

Théoriquement, les Afghanes ont le droit d’étudier, de travailler et de s’organiser en associations, mais dans les régions où la loi islamique est dure, elles le font à leurs risques et périls. Sans compter que celles qui travaillent gagnent beaucoup moins que leurs collègues masculins et sont souvent menacées de mort. »

 

Diana, Syrienne

Diana, originaire de Syrie. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Syrie. Source: Wikipedia

« En Syrie, les femmes chrétiennes bénéficient de beaucoup plus de droits

que les femmes musulmanes. Elles sont libres de choisir notamment: de leurs choix, notamment leurs études, leur carrière, leur mari, etc.

Les chrétiennes participent à la vie politique, économique et administrative du pays, et bénéficient de l’autonomie de gestion de leur patrimoine. Cependant, beaucoup d’entre elles sont dans une vision traditionnelle de la femme et préfèrent s’occuper de leur mari et des enfants.

En cas d’abus sexuels, elles ont le droit de porter plainte et sont encouragées à le faire. Mais, en raison du poids de « la réputation » sur la vie sociale, les femmes renoncent à dénoncer leur agresseur.

En général, les femmes syriennes ont une bonne opinion d’elles-mêmes et sont admirées et respectées par leur entourage. Catholiques et musulmanes partagent des règles communes : la virginité avant le mariage, l’interdiction de l’avortement, etc.

Celles qui ont dû s’exiler suite à la guerre souffrent d’être loin de chez elles, mais découvrent avec intérêt la liberté de pouvoir travailler comme les hommes le jour, et redevenir femmes et mères le soir ! »

 

Gladys, Ivoirienne

Côte d’Ivoire. Source: Wikipédia.

« En Côte d’Ivoire, les femmes ont le droit de voter depuis 1955. Tout n’est pas rose pour autant. Bien que la politique de l’État prône l’éducation pour tous, la scolarité des femmes reste mal vue dans les régions rurales, en raison de certaines coutumes locales  passéistes. Mais dans les régions urbaines, on constate des ouvertures en faveur d’une intégration des femmes dans la vie professionnelles.

En matière de travail et d’égalité de salaires, les Ivoiriennes ont trouvé en leurs maris leurs meilleurs avocats. En effet, les hommes qui ont besoin des revenus de leurs compagnes pour qu’elles contribuent financièrement au ménage, revendiquent et se battent avec elles pour leurs droits !

Alors que les femmes sont absentes des milieux masculins tels que l’armée et l’ingénierie, au cours de ces cinq dernières années, on a relevé des avancées dans d’autres domaines tels que la police et la gendarmerie qui se féminisent peu à peu.

Paradoxalement, les Ivoiriennes bénéficient de l’autonomie pour gérer leurs biens alors qu’elles n’ont pas de droits en matière de succession…

Concernant les violences faites aux femmes, la Côte d’Ivoire ne recense que peu de structures dédiées à l’accueil et à l’accompagnement des victimes. Malgré quelques avancées, la société ivoirienne reste très fermée sur des points tels que le respect des coutumes, les bonnes mœurs, l’importance de la famille, et préfère que le « linge sale se lave en famille ».

Des sujets comme l’homosexualité – qui peut entraîner la peine de mort – restent tabous. Une vision partagée aussi bien par la société que par l’Etat. »

 

Oumalkaire, Djiboutienne

Oumalkaire, originaire de Djibouti. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Djibouti. Source: Wikipédia.

« A 100% musulman, depuis son indépendance en 1977, Djibouti se montre plutôt favorable à l’octroi de droits aux femmes. Elles vont à l’école comme leurs camarades masculins, ont le droit de voter depuis belle lurette (acquis avant l’indépendance), et connaissent une certaine indépendance matérielle que leur prodigue leur droit au travail et à une rémunération équitable.

De même que les Ivoiriennes, les Djiboutiennes bénéficient de l’appui de leurs maris qui apprécient l’aide financière apportées par le travail féminin pour subvenir aux frais du ménage.

Malheureusement, le droit de succession n’est pas respecté et a besoin d’un bon coup de pouce. La femme n’a droit qu’à la moitié de ce que reçoit son frère.

Donc, les parts de deux femmes comptent pour celle d’un homme. Elles n’ont pas le droit de se plaindre contre une décision prise par un membre masculin de la famille ou de porter des revendications politiques.

Malgré les violences conjugales ou autres formes de violences commises à leur encontre, les femmes ne peuvent pas compter sur l’aide d’associations, car celles-ci sont quasiment inexistantes. »

Propos recueillis par :

Marie-Cécile Inarukundo

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils