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FLASH INFOS #85

Kristine Kostava / Voix d’Exils

Sous la loupe : Résultats de l’enquête sur la violence dans les centres d’asile / Des milliers de migrants piégés entre la Pologne et la Biélorussie / Frontex sous le feu des accusations

Résultats de l’enquête sur l’usage de la violence dans les centres d’asile

Le Nouvelliste, le 18.10.2021

L’ancien juge fédéral Niklaus Oberholzer, mandaté par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) pour mener une enquête administrative concernant l’usage de la violence dans les centres d’asile, confirme qu’il y a certains dysfonctionnements dans la gestion des centres, mais que l’usage de la violence n’est pas systématique et concerne, d’après lui, quelques cas isolés.

Niklaus Oberholzer émet différentes recommandations à l’adresse du SEM. Il s’agit notamment de vérifier et d’améliorer la formation des agent.e.s de sécurité ainsi que de placer les collaboratrices et collaborateurs du SEM possédant une formation policière à certains postes-clés.

Amnesty International, de son côté, salue ces recommandations, mais demande de recourir à des mesures plus ambitieuses. Selon l’organisation « ce qui manque, c’est un dispositif opérationnel et une protection efficace pour les lanceurs d’alerte qui signalent des abus dans les centres ». Elle insiste en plus sur la mise en place d’un « mécanisme de plainte véritablement indépendant pour les victimes de violences ».

Maureen Zimmermann

Contributrice externe de Voix d’Exils

 

Des milliers de personnes migrants piégées en zone interdite entre la Pologne et la Biélorussie

Franceinfo, le 04.11.2021

Des milliers de personnes exilées se trouvent, depuis cet été, prises au piège dans une zone interdite établie par les autorités polonaises le long de la frontière avec la Biélorussie. La mise en place de contrôles de police et la mobilisation des douanes et de l’armée bloquent complètement l’accès à la zone, y compris pour les associations d’aide humanitaire telle que la Croix-Rouge Internationale. Depuis le 10 août 2021, 10 morts sont officiellement recensés dans la zone de non-droit. Un rescapé des lieux témoigne de la situation :  insulté, battu, il s’est retrouvé sans nourriture et sans eau et a passé plusieurs jours sans dormir.

Les personnes migrantes souhaitant accéder à la Pologne se trouvent systématiquement refoulées malgré le principe fondamental du non-refoulement faisant partie de la Convention de l’ONU de 1951 sur le statut des réfugiés signée tant par la Pologne que par la Biélorussie.

Joachim

Contributeur externe de Voix d’Exils

 

Frontex sous le feu des accusations

Le Point, le 31.10.21

Selon une enquête du Monde publiée le 31 octobre 2021, l’agence européenne Frontex aiderait la Libye dans la bataille de sauvetage qui se déroule dans la « zone de recherche et de sauvetage » (Search and Rescue ; SAR) en renvoyant des personnes migrantes sur ses terres précaires plutôt qu’en Europe. Cette zone de 300 km2 se divise en trois parties qui sont sous la responsabilité respective de l’Italie, de Malte et de la Libye. L’enquête révèle que la partie libyenne de la zone, créée en 2017, serait la plus surveillée par Frontex qui mobilise des drones pour surveiller la région et pour renvoyer les personnes migrants en Libye, où ils sont soumis à la torture par les garde-côtes. Il est à noter que ce pays est reconnu comme dangereux pour les personnes migrantes par la Commission européenne.

Rachid Boukhamis

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Nous remercions chaleureusement les étudiant.e.s de la Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL) pour leurs contributions à cette édition n°85 du Flash INFOS qui ont été réalisées à l’occasion d’un atelier dispensé par la rédaction vaudoise de Voix d’Exils entre octobre et novembre 2021.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 

 

 




« J’ai vu des scènes de violences physiques et psychiques au Centre de Boudry »

Kristin Kostava / Voix d’Exils.

Témoignage d’un ancien pensionnaire du Centre

À la suite de dénonciations d’abus commis par certains agents de la société Protectas, chargée de la sécurité des Centres fédéraux pour requérants d’asile (CFA), notre rédacteur Alcibíades Kopumi a jugé nécessaire de témoigner de son séjour de deux mois au Centre de Boudry dans le canton de Neuchâtel.

Alcibíades Kopumi.

Durant mon séjour de deux mois au Centre fédéral pour requérants d’asile (CFA) à Boudry, j’ai vu de mes propres yeux des scènes de violences physiques, mais aussi psychiques commises envers des requérants d’asile. Je me réjouis de savoir que des mesures disciplinaires ont été prises, que des enquêtes sont menées et que d’autres sont en cours afin d’établir d’éventuelles responsabilités pénales.

Il est vrai que le défi de maintenir l’ordre est énorme au vu de la diversité de cultures et de provenances des personnes hébergées dans le Centre. Certaines ont des comportements agressifs pouvant potentiellement mener à de graves perturbations et remettre en cause la tranquillité voire l’intégrité physique des autres personnes migrantes, voire du personnel actif sur le lieu. Je pense en particulier aux assistant.e.s sociaux qui ont un contact direct et journalier avec les personnes requérantes d’asile. Des insultes, des provocations et des bagarres peuvent survenir ou éclater à tout moment.

Le container-prison

Toutefois, j’ai pu constater que quelques mesures disciplinaires mises en place et la posture de certains agents de sécurité étaient excessivement punitives et parfois disproportionnés. Je peux, par exemple, vous parler du « container-prison ». Durant mon séjour au Centre de Boudry, ce lieu sinistre recevait régulièrement des « locataires ». Selon la confidence qui m’avait été faite par un ami qui s’y était rendu à deux reprises pour y faire le ménage; même vide, le container était un lieu malsain qui sentait fortement l’urine et était mal chauffé en hiver.

Le Centre compte une dizaine de bâtiments. Certains abritent les services administratifs du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) et trois servent à héberger des requérants d’asile : Cèdres, Érables et Buis (ce dernier accueille les mineurs et les personnes vulnérables). Chaque bâtiment avait un container qui se trouvait dans la cour. Toutefois, étant cantonné dans le bâtiment des Cèdres, j’ignore ce qui se passait dans les autres zones du Centre.

Ainsi, au mois de décembre 2020, nous nous sommes fait grandement du souci pour la vie de l’un de nos compagnons qui s’était retrouvé en hypothermie à la suite d’un enfermement dans un de ces containers. Il aurait pu y laisser sa vie si une équipe d’ambulanciers n’était intervenue pour lui fournir les premiers secours, avant de l’évacuer vers un hôpital.

J’ai suivi la funeste scène à travers une fenêtre devant laquelle nous nous étions rassemblés avec d’autres requérants d’asile pour voir dans quel état était le pauvre homme. Au moment ou les ambulanciers l’ont soulevé en le tenant par les bras et les jambes afin de le mettre sur une civière et qu’ils l’ont recouvert d’un papier d’aluminium de couleur orange – me semble-t-il -, nous avons cru qu’il était mort et une grande agitation s’en est suivie. Nous avons vécu un moment de désespoir et d’indignation. Personnellement, j’étais déçu de voir qu’en Suisse une personne pouvait être traitée de cette manière.

Un homme laissé dans le froid glacial plus de 24 heures

Au début du mois de janvier 2021, j’ai assisté à une autre situation malheureuse. Cette fois-ci, un jeune homme avait été laissé plus de 24 heures devant le portail principal du bâtiment dit des Érables, dans le froid et sans nourriture. Le lendemain, alors que notre équipe de travail, encadrée par un assistant social, sortait à bord d’une voiture afin de se rendre à un Travail d’Utilité Publique (TUP), ce jeune homme désespéré, qui pleurait de faim et de froid, s’est jeté à terre devant notre voiture en demandant d’être renversé afin de trouver la mort !

La violence psychique était également bien présente. Elle s’exprimait sous la forme de diverses intimidations et d’un comportement arrogant de la part des agents de sécurité.

Faire la lumière sur les cas dénoncés

En dépit de ces tristes épisodes, je garde quand même de bons souvenirs du Centre fédéral de Boudry. Là-bas, je me suis fait pas mal de connaissances parmi les personnes requérantes et les membres du personnel. Personnellement, j’ai toujours été traité de façon respectueuse.

J’espère que les enquêtes en cours vont permettre de faire la lumière sur tous les cas dénoncés, afin d’établir les responsabilités. J’espère également que ces enquêtes auront un impact positif sur les relations entre le personnel des Centres et les requérants d’asile, et que ceci améliorera la qualité de l’accueil qui leur est réservé..

Alcibiades Sebastião KOPUMI  

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




Revue de presse #61

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : Italie : plus de 1’400 personnes migrantes sont arrivées à Lampedusa / Fouille des portables des requérants d’asile approuvée par le Conseil national / Le SEM sous pression suite à des révélations chocs

Italie : plus de 1’400 personnes migrantes sont arrivées à Lampedusa

RTS, le 10 mai 2021

Selon les médias italiens, plus de 1’400 personnes migrantes de différentes nationalités sont arrivées entre le 8 et le 9 mai sur l’île de Lampedusa. Des centaines d’autres seraient en proie à des difficultés au large de Malte. Par ailleurs, le week-end passé également, les autorités siciliennes ont renouvelé l’interdiction empêchant toute intervention en mer du navire de sauvetage Sea-Watch 4 qui s’était retrouvé bloqué à Palerme pendent six mois en raison de « normes sécuritaires ». Pour les membres de l’ONG allemande, l’inspection entreprise par les autorités a été une manière détournée de bloquer le navire pour l’empêcher de porter secours aux personnes migrantes se trouvant à la dérive en mer.

Fouilles des portables des requérants d’asile approuvée par le Conseil National

RTS, le 4 mai 2021

Le 4 mai, le Conseil national a approuvé, avec une large majorité, un projet permettant aux autorités de saisir et fouiller les téléphones portables des personnes en procédure d’asile afin d’établir leur identité. Actuellement, dans la majorité des cas, il n’est pas possible de définir avec certitude l’identité des principaux concerné.e.s qui, pour la plupart du temps, entrent en Suisse sans papiers, mais avec un portable. Cette procédure est déjà en vigueur dans certains pays européens, dont l’Allemagne et les Pays-Bas. Par ailleurs, la faisabilité du projet a été testée durant 6 mois au sein de deux centres fédéraux pour personnes en procédure d’asile. Toutefois, les partis de gauche ont manifesté une forte opposition. Ils dénoncent une atteinte aux droits fondamentaux et soulignent que le nombre de demandes d’asile en Suisse ne montre pas une situation de surcharge qui nécessiterait de telles mesures. A cet effet, Karin Keller-Sutter – la conseillère fédérale en charge du Département de justice et police – a soutenu que le projet respecte le principe de la proportionnalité ainsi que la protection des données des personnes.

En 2018, notre rédaction a consacré deux articles à cette question de la fouille des téléphones portables des personnes requérantes d’asile :

Le SEM sous pression suite à des révélations chocs

RTS, le 6 mai 2021

Suite aux révélations faites par la RTS et la SRF, quant aux violences et abus commis dans les centres fédéraux pour personnes en procédure d’asile, Mario Gattiker – le secrétaire d’État aux migrations – s’est montré déterminé à éclaircir l’affaire en ouvrant une enquête externe. Pour le moment, un audit interne est également en cours et le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a fait suspendre 14 employé.e.s des sociétés privées en charge de la gestion des centres fédéraux. Le SEM est désormais sous pression, ce d’autant plus que le monde politique s’intéresse maintenant de près aux dysfonctionnements de ces centres. En effet, des interpellations ont été déposées au Parlement fédéral et une commission de surveillance du Conseil national a ouvert une enquête.

Pour rappel, selon l’enquête de la RTS, de la Rundschau et de la Wochenzeintung, plusieurs centres fédéraux d’asile sont concernés par des cas de mauvais traitements et d’usage abusif de la force contre des personnes en procédure d’asile, notamment à Boudry (Neuchâtel). En outre, des rapports ont parfois été truqués par les agents de sécurité pour couvrir leurs méfaits.

La rédaction de voix d’Exils




Interview de Dick Marty

Dick Marty au Salon du livre romand 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

Au Salon du livre romand

Ancien procureur général, parlementaire et magistrat chargé d’enquêtes internationales auprès du Conseil de l’Europe, Dick Marty s’est engagé dans toutes ses missions avec courage et sans concessions.

Il a travaillé en tant que rapporteur dans des dossiers sensibles au Kosovo, en Tchétchénie et sur les prisons secrètes de la CIA, mais aussi en Suisse dans son rôle de procureur sur des enquêtes difficiles liées au trafic de drogues et au terrorisme.

En 2018, lors d’une longue convalescence, Dick Marty décide de réunir ses souvenirs dans un livre au titre explicite :

« Une certaine idée de la justice ».

Dans ce récit, l’auteur ose dénoncer les implications de nos démocraties occidentales dans les conflits au Moyen-Orient et ailleurs. C’est aussi un livre émouvant qui relate ses rencontres avec des victimes d’injustices partout dans le monde. Car pour Dick Marty, il ne faut jamais perdre de vue les victimes a qui l’on doit reconnaissance et réparation.

Son livre se termine par un hommage dédié aux femmes courageuses qu’il a rencontré dans ses nombreuses missions : « Les femmes qui sauront bien mieux que nous avons su le faire, œuvrer pour un monde plus juste. »

Marie-France Hamou

Contributrice à Voix d’Exils

Interview de Dick Marty

Photos de Dick Marty au Salon du livre romand 2019

 

Dick Marty au Salon du livre romand 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

 

Dick Marty au Salon du livre romand 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

 

Dick Marty et la rédaction de Voix d’Exils au Salon du livre romand 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils