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Sarkozy guillotiné ?

Une guillotine. Source: http://www.flickr.com/creativecommons/

Après cinq années passées au sommet de l’Etat français, Nicolas Sarkozy a été battu hier aux élections présidentielles par le socialiste François Hollande. Apparu quelques minutes seulement au palais de la mutualité à Paris après l’annonce par les médias français de sa défaite, il s’est montré très ému et a notamment affirmé qu’il redeviendra « un citoyen comme les autres ». Tout porte à croire qu’il prendra ses distances avec la politique. Or, c’est la justice qui risque fort bien de le rattraper aujourd’hui !


/wiki/Jacques_Chirac »>Jacques Chirac
, président de la République Française pendant 12 ans de 1995 à 2007, avait été condamné
à deux ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris le jeudi 15 décembre 2011, pour une affaire d’emplois fictifs à la ville de Paris qui remonte au début des années 1990, alors qu’il était maire de la capitale. Protégé pendant son séjour à l’Elysée par une généreuse immunité de fonction, ce politicien de 79 ans, considéré par certains spécialistes de la politique intérieur française comme « le maître du pot-de-vin politique », avait donc été jugé plus de quinze ans après les faits. Il est le premier et le seul ancien président de la République Française condamné en correctionnelle. Mais ce palmarès, pour le reste peu glorieux, risque fort bien de s’enrichir avec la probable arrivée de Nicolas Sarkozy dans la liste.

Des ambitions communes et un destin partagé

Car plutôt que de mettre fin au problème de financement illicite, les condamnations de Chirac ont simplement exposé comment la corruption, le détournement de fonds publics, l’abus de confiance, la prise illégale d’intérêt, le trafic d’influence étaient devenus des institutions en France. Et Sarkozy, le successeur de Chirac au sommet de l’Etat, aurait même fait pire. Son goût effréné pour le luxe lui aurait sans doute joué des sales tours. Et à voir l’allure que prend la tournure des événements, il est « mal barré », car sa chute de hier soir marque peut-être le début d’un long calvaire qui le conduira probablement du palais de l’Elysée à la prison de la santé à Paris, si la justice venait à prendre au sérieux les nombreuses chefs d’inculpation qui pèsent sur lui. Pire, Sarkozy risque fort de tomber comme Louis XVI (Roi de France de 1774 à 1791) exécuté le 21 janvier 1793 par la guillotine, sur la place de la Révolution à Paris. En effet, il serait impliqué dans plusieurs scandales politico-judiciaires et, avec sa défaite au second tour des élections présidentielles hier ainsi que la perte de l’immunité juridique qui s’en suivra, le futur ex- président français Nicolas Sarkozy pourrait être confronté à toute une série de procès.

Sarkozy éclaboussé par « l’affaire Karachi »

Le nom du président sortant apparaît notamment dans « l’affaire Karachi », où il est accusé de corruption. Pendant sept ans, Al-Qaïda avait été soupçonnée d’être derrière l’attentat du 8 mai 2002 à Karachi, au Pakistan, contre des employés de la Direction des constructions navales (DCN), qui avait fait 14 morts, dont 11 Français. Mais depuis 2009, c’est la thèse d’un règlement de comptes lié au non-versement de commissions par l’Etat français qui est privilégiée. Cette enquête a mis au jour des mécanismes occultes qui pourraient avoir financé illégalement la campagne d’Edouard Balladur aux élections présidentielles françaises en 1995, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole. En 1994, lors de la signature des contrats avec le Pakistan, Nicolas Sarkozy occupait le poste de ministre du Budget. C’est à ce titre qu’il aurait validé la création d’une société offshore luxembourgeoise par laquelle auraient transité les fameuses rétro-commissions, selon plusieurs journaux français.  Les journaux qui ajoutent avec un brin de malice que pendant la campagne de Balladur, Sarkozy n’aurait pas été qu’un simple porte-parole. Mais, selon les précisions de l’Elysée en septembre 2011, (sur le site web de la présidence française) Nicolas Sarkozy « n’a jamais dirigé la campagne d’Edouard Balladur » et n’a « jamais exercé la moindre responsabilité dans le financement de cette campagne ». Dans cette affaire, plusieurs proches de Sarkozy ont été mis en examen. D’autres ont été condamnés à des peines avec sursis, comme Thierry Gaudet, condamné jeudi passé, le 3 mai 2012, à dix-mois de prison avec sursis pour malversations financières.

Le colonel Kadhafi, mécène de la campagne présidentielle de Sarkozy en 2007 ?

Un document daté du 10 décembre 2006, publié par Mediapart (un site web d’information français) samedi 28 avril, indique que le régime Kadhafi aurait débloqué une somme de 50 millions d’euros pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy de 2007. La note ne précise pas si le financement a effectivement eu lieu. Nicolas Sarkozy, qui a qualifié ces soupçons de « grotesques » sur Bfm tv, a annoncé qu’il allait porter plainte contre Mediapart. Tant qu’il sera président, Nicolas Sarkozy ne risque rien juridiquement. Comme …Chirac, cité plus haut. Son immunité l’empêche d’être mis en cause et interdit aux juges d’enquêter sur lui nommément concernant des actes extérieurs à sa fonction. L’article 67 de la Constitution française, modifié en février 2007 par….. Jacques Chirac, précise que le président de la République « ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite ». En cas de réélection, Nicolas Sarkozy aurait donc pu être crédité d’un sursis de cinq années supplémentaires avant de se risquer de comparaître devant les tribunaux français, comme l’avait déjà fait Chirac lors de sa réélection….Hélas pour lui, l’histoire ne s’est pas répétée !

Les liasses de Liliane Bettencourt

Eric Woerth, trésorier de l’UMP et de la campagne de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2007, avait rendu visite à l’héritière de L’Oréal, Liliane Bettencourt en 2007. L’ancienne comptable de la milliardaire affirme que le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, aujourd’hui en prison, lui avait demandé 150’000 euros en liquide pour les remettre à Eric Woerth. Une somme largement supérieure aux dons autorisés dans le cadre d’une campagne électorale. L’ex-comptable des Bettencourt a aussi affirmé qu’un témoin avait vu Nicolas Sarkozy en personne recevoir de l’argent. Le témoin en question, une ex-infirmière de Liliane Bettencourt, avait démenti.

Selon L’Express, (journal français) du 28 mars, « derrière le nom de Woerth, c’est celui de Nicolas Sarkozy qui s’inscrit en filigrane ». Mais « pour être inquiété, il faudrait toutefois qu’Eric Woerth cite nommément le chef de l’Etat dans cette affaire ». Ce qui est toutefois peu probable car « Eric Woerth jouera le rôle de fusible », assure à l’hebdomadaire Christian Eckert, vice-président du groupe PS à l’Assemblée. A moins que les juges d’instruction parviennent à prouver que Nicolas Sarkozy a lui-même reçu de l’argent.

Sarkozy parviendra-t-il à se soustraire à la justice ?

A voir toutes ces affaires en cours, sans compter d’autres qui s’en suivront probablement, l’ont peut se demander comment Sarkozy parviendra à se faufiler entre les mailles du filet de la justice française. Eva Joly, ancienne juge d’instruction anti-corruption, connue notamment pour avoir « jeté » l’ancien tout-puissant PDG d’ELF, Loïk Lefloch Prigent, en prison, aujourd’hui convertie en ex candidate politique des verts aux élections présidentielles, avait déjà donné le ton pendant la campagne en organisant notamment un « Sarko-Tour », qui consistait à emmener des journalistes dans un bus pour visiter les biens de Sarkozy, ce qui visait à étayer ses soupçons de malversations. Aujourd’hui, avec l’élection de François Hollande à la présidence française, Eva Joly risque fort bien de prendre les commandes du ministère de la justice et de vouloir « finir le boulot ».

Sarkozy n’a pas été réélu comme c’était le cas pour Jacques Chirac, il va donc probablement perdre son immunité. Mais il pourra toujours recourir à d’autres échappatoires s’il n’arrive pas à prouver son innocence dans les différentes affaires en cours. Par exemple, il pourrait s’inspirer encore une fois de… Chirac par exemple en « tombant gravement malade » pour échapper à la justice. Personne ne veut, ni ne peut contester la maladie de Monsieur Chirac, faute de véritables preuves. Il faut cependant admettre qu’il existe un épais brouillard sur sa maladie. Souffrant officiellement « d’Anosognosie » selon le site français ladepeche.fr, un mot bien barbare pour définir la maladie de l’ancien président, dont l’une des caractéristiques est l’amnésie et qui semble avoir été taillée sur mesure afin de lui éviter de répondre de ses actes devant les tribunaux.

Sarkozy pourrait toujours emprunter le yacht ou le Falcon de son ami milliardaire Vincent Bolloré, comme il l’avait fait au lendemain de son élection à la présidence française en Mai 2007, pour fêter sa victoire ! Avec la différence que cette fois-ci, il utiliserait son yacht, non pas pour fêter une autre victoire, mais pour prendre le large : cap sur le golfe de Guinée, destination ?… Le Cameroun, où il pourrait déposer une demande d’asile politique au pays de son autre ami, le dictateur Paul Biya.

En tous cas, le pire pour Sarkozy serait d’affronter la justice française et de risquer le destin similaire et peu enviable de Louis XVI et sa femme Marie-Antoinette (pour la petite histoire elle était aussi glamour que Carla Bruni, l’actuelle première dame de France). Tous les deux ont fini guillotinés! Sarkozy a peut-être commencé sa marche funeste vers l’échafaud de la justice hier soir. Mais nous ne savons toujours pas si Carla Bruni subira le même sort que Marie-Antoinette. Wait and see.

Fbradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Paul Biya : un dictateur sanguinaire au service de la France

Nicolas Sarkozy en compagnie de Paul Biya

Le Cameroun est susceptible d’exploser à tout moment. Son pouvoir est depuis des lustres confisqué par un dictateur soutenu par la France, dont les intérêts économiques et d’autres  aux caractéristiques mafieux sont nombreux dans ce pays et ce au mépris de considérations démocratiques et éthiques.

Le président camerounais Paul Barthélémy Biya, au pouvoir depuis 1982, a été réélu pour un sixième mandat à l’issue d’un scrutin très contesté. L’opposition camerounaise parle de « mascarade électorale », les Etats-Unis estiment, eux aussi, que la présidentielle du 9 octobre dernier était entachée « d’irrégularités à tous les niveaux ».

Hold up électoraux en cascade

Paul Biya, celui-là même dont l’élection en 1992 a procédé d’une véritable arnaque contre son principal adversaire – John Fru Ndi – et dont les réélections (dans des scrutins boycottés par l’opposition) en 1997 et en 2004 ont été plus que contestables. À 78 ans, cet autocrate en place depuis 29 ans et qui est donc le plus ancien du pré-carré néocolonialiste français est un véritable cauchemar pour les Camerounais. Ce dictateur affairiste, ami (marionnette) de la France, tient le pays d’une main de fer. L’emprise tentaculaire de son parti-État, le RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais), n’est pas sans rappeler celle du RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique), la formation dévouée à Zine el-Abidine Ben Ali, le dictateur tunisien déchu. Aucun secteur n’échappe au RDPC. Il contrôle tout : le système politique, mais aussi l’économie, la culture et la société.

Le règne de la répression

«On ne peut lever la tête et manifester, au Cameroun, sans se faire tabasser par des éléments de la sinistre brigade d’intervention rapide (BIR), une milice à la solde du régime. Dans les prisons comme dans les commissariats, la torture est si répandue qu’elle s’est banalisée dans l’esprit des gens», rapporte une source anonyme sur place.

Ce régime assure sa survie par l’achat des consciences ou par la répression. Et en matière de répression, le pouvoir camerounais n’a rien à envier aux régimes dictatoriaux balayés par les «printemps arabes». Un recensement exhaustif des atteintes aux droits de l’homme et aux libertés dans ce pays relève de la gageure, car la violence politique au Cameroun est une habitude. Elle vise tout le monde, du jeune chômeur au syndicaliste, de l’étudiant au journaliste ; et prend périodiquement la forme de sanglants massacres. Ainsi, en 1992, les premières élections législatives, consécutives à la légalisation du multipartisme, avaient donné lieu à une répression féroce qui avait fait plus de 400 morts. Plus récemment, en février 2008, les émeutes de la faim, qui s’étaient conjuguées aux protestations contre la révision constitutionnelle destinée à assurer à Biya la présidence à vie, ont été écrasées dans le sang. Un rapport de l’Observatoire national des droits de l’homme du Caméroun, intitulé « Une répression sanglante à huis clos» recense, au terme d’une minutieuse enquête, au moins 139 morts. Des milliers de personnes ont été arrêtées arbitrairement et traduites en justice pendant et après ce mouvement social. A noter qu’aucune commission d’enquête n’a été constituée afin d’établir la vérité sur cette répression violente et disproportionnée.

Rappelons encore que, dans une période toute proche, le musèlement de la presse et les intimidations et persécutions contre les journalistes se sont multipliés. Des journalistes ont été arrêtés, inculpés de « faux et usages de faux » et écroués; certains sont décédés à la prison centrale de Kodengui-Yaoundé « après tortures et privation de soins » notaient plusieurs websites et journaux camerounais et internationaux comme Mutations, Reporteur sans frontières ou RFI

Jusqu’ici, l’opposition politique n’a pas pris la direction politique de ces mouvements sociaux et n’a pas réussi à les structurer et à les ancrer dans les quartiers populaires. L’enjeu est d’être capable d’offrir une alternative aux luttes populaires afin qu’elles ne soient pas dévoyées par des fractions du clan Biya en des conflits ethniques. Ce défi peut être relevé, ce d’autant que dans les débats de l’opposition des ailes de gauche se dessinent.

Au service de l’impérialisme

Revoici donc les Camerounais soumis à une nouvelle frasque de Biya transformant l’élection présidentielle en faire-valoir de son régime aux abois qui ne permet pas qu’on remette en cause son autorité et qui réprime avec force toute velléité de contestation politique ou sociale. Un pouvoir qui – pour consolider sa position – exacerbe les rivalités tribales et régionales pour apparaître comme le seul garant de la paix.

La clef de ce forcing ? : La défense des intérêts impérialistes (Les réseaux France-Afrique notamment) au Cameroun et de ceux des clientèles locales ethniques et affairistes auxquels il est lié. Ainsi, Paul Biya est à cette place pour préserver les intérêts des multinationales françaises. Il a vendu le Cameroun à Bolloré, à Bouygues, à Total bref à la France. Au fond, c’est une espèce de sous-préfet. Loïk Le Floch-Prigent, l’ex-patron d’Elf, expliquait en 1996: «Les intérêts français ont déterminé la mise en place de ce chef d’État comme dans plusieurs autres ex-colonies. Le président Biya ne prend le pouvoir qu’avec le soutien d’Elf pour contenir la communauté anglophone de ce pays.»

Vieux pilier de la Françafrique, Paul Biya appartient à cette génération d’autocrates qui n’ont pas hésités à sacrifier les intérêts de leurs peuples pour ceux de l’ex-puissance coloniale.

Entreprises étrangères comme camerounaises sont en grande attente d’une « amélioration du climat des affaires ». Il faut entendre par là : entendre amélioration de leurs profits, facilitation des pillages des ressources du pays et de l’exploitation des populations… Héritier de ceux qui ont luttés militairement avec les colonisateurs français durant la guerre qui a sévi entre 1955 et 1970 contre le mouvement d’indépendance nationale incarné, à l’époque, par l’UPC (Union des populations du Cameroun), une guerre qui fera des milliers de morts et où l’armée française n’hésitera pas à utiliser le napalm et à massacrer près de 8000 civils désarmés. L’administrateur colonial français Pierre Messmer a organisé l’assassinat de nombreux leaders de l’UPC, ainsi que des expéditions punitives. Lors de l’l’indépendance, le 1er janvier 1960, Jacques Foccart y installe un gouvernement fantoche, présidé par son ami Ahmadou Ahidjo. Le jour même, le jeune État signe un accord d’assistance militaire avec la France. Charles de Gaulle dépêche alors cinq bataillons commandés par le général Max Briand. Entre février et mars 1960, cent cinquante-six villages bamilékés sont incendiés et rasés. Des dizaines de milliers de personnes sont massacrées. De cette terrible répression, la presse française, muselée et aveuglée par la crise algérienne, ne dira mot. Finalement, le 2 octobre de la même année, le leader de l’UPC, Felix Moumié, est assassiné à… Genève par les services secrets français. Biya est aussi là pour tout cela.

En tout cas, le contexte est aujourd’hui à une tension qui accélère la crise attisée par la modification constitutionnelle de 2008. Les conditions actuelles pouvant générer des contestations post-électorales potentiellement explosives.

Vers un « printemps subsaharien » ?

Les observateurs de tout bord de ce pays du Golfe de Guinée avec une population estimée a plus de 19 millions d’habitants ont inscrit le Caméroun en tête de liste des pays qui sont susceptibles de s’embraser si jamais les révolutions arabes venaient à se propager au sud du Sahara.

Le régime de Paul Biya et Biya lui-même doivent être tenus pour responsables de la situation chaotique vers laquelle le pays s’achemine de plus en plus. L’opposition et la société civile estiment que Biya a verrouillé le système électoral pour s’assurer une réélection sans difficultés. Biya espère, ni vu ni connu, se faire réélire dans l’indifférence de la communauté internationale via la mascarade électorale qu’il a concoctée cette fois-ci après avoir réussi à exclure du jeu les concurrents potentiels dans son camp grâce à l’Opération anti-corruption Épervier… 

N’incombe-t-il pas aux occidentaux aujourd’hui de dénoncer inconditionnellement le Gouvernement français qui, depuis des décennies et jusqu’à maintenant, apporte son soutien au dictateur Biya ?

Fbradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils