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Pourquoi pas généraliser l’opération Papyrus ?

Lancement de l’opération Papyrus à Genève le 28 février 2017. Photo: Voix d’Exils.

Le bilan très positif de l’opération genevoise Papyrus pourrait inspirer d’autres cantons

L’opération Papyrus est une initiative du canton de Genève dont le but est de régulariser les personnes sans-papiers vivants sur son territoire. Elle a débuté en février de 2017 et s’est achevée le 31 décembre de 2018. Depuis son lancement, elle a permis de régulariser la situation des 2390 personnes. Il s’agit dans la plupart des cas de familles, mais il y a aussi des centaines de célibataires. Notons aussi que la très grande majorité des dossiers qui ont été traités touche au secteur de l’économie domestique.

 

Un podcast qui vous est proposé par:

Valéry Martseniuk

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Pour aller plus loin:

Sources: site internet du canton de Genève

Une lueur d’espoir au bout du tunnel des sans-papiers genevois, un article paru dans Voix d’Exils le 30 mars 2017.

 

 




Formation, emploi, intégration

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Interview de Madame Anne Poffet, responsable du Bureau d’Insertion Professionnelle du Canton du Valais

 « Nous y arriverons »-« Wir schaffen das ». Tel fut l’engagement d’Angela Merkel, chancelière de la République allemande, quand elle ouvrit ses frontières, en septembre 2015, à près d’un million de réfugiés. Madame Anne Poffet, responsable du Bureau d’Insertion Professionnelle (BIP) à Sion, dans le Canton du Valais, exprime la même volonté de réussir, face à la rédaction valaisanne de Voix d’Exils venue à sa rencontre. Là s’arrête la comparaison. Car après, à chacune ses responsabilités et ses armes face aux hommes, au temps et à l’espace.

Voix d’Exils : Pouvez-vous nous présenter le BIP ?

Madame Anne Poffet : Le BIP est un bureau d’insertion professionnelle mis en place à l’intention des personnes relevant du droit d’asile en Valais. Nous sommes installés dans des bureaux au centre-ville de Sion depuis une année et demi, et regroupés en deux structures : le Service promotion de la Croix-Rouge Valais qui s’occupe des personnes avec un permis de réfugié F ou B et la plateforme emploi de l’Office de l’asile qui s’occupe des permis N ou F admission provisoire. Nous sommes six collaborateurs à plein temps pour aider et accompagner toutes ces personnes de l’asile à trouver du travail.

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils. Anne Poffet (deuxième depuis la gauche) entourée des rédactrices et rédacteurs de la rédaction valaisanne

VE : Quelles sont les opportunités offertes ici ?

A.P : Il y a des différences selon le permis que vous avez : pour les permis N, en premier emploi, il y a six domaines d’activités autorisés: la santé, l’agriculture, l’économie domestique, l’hôtellerie-restauration, la boucherie, et la boulangerie. Attention, il n’est pas possible de passer par une agence de travail temporaire pour un premier emploi. Le premier travail doit être une activité lucrative (le bénévolat ou la participation à un programme de formation ne sont pas pris en considération).

Les permis F, F réfugiés et B sont autorisés selon leurs compétences à exercer dans tous les domaines d’activité sans restriction.

Je tiens à signaler que chez nous, en Suisse et en Valais, 75% des embauches se font grâce au réseau. C’est pour ça qu’il est important de faire des stages, pour rencontrer des gens, se faire des contacts.

VE : Avec un CFC est-on sûr d’avoir un travail ?

A.P : Non, mais c’est une bonne clé. Le salaire sera plus élevé pour une personne qui a un CFC que pour une personne qui n’en a pas.

VE : Comment peut-on demander le soutien du BIP ?

A.P : La demande de soutien au BIP passe toujours par l’assistant(e) social(e). Ce dernier doit vérifier certains critères avant d’inscrire son client au BIP. Il doit notamment voir s’il y a des possibilités de garde d’enfants pour les familles monoparentales, vérifier que le niveau de langue est suffisant (minimum A2), que la personne n’a pas de problèmes de santé physique ou psychique empêchant l’exercice d’une activité lucrative et que la personne est motivée et proactive dans son insertion professionnelle

VE : Est-il possible de trouver du travail en dehors du canton, le BIP s’implique-t-il ?

A.P : Nous avons le mandat d’aider les personnes qui habitent en Valais et qui veulent travailler en Valais. Pour travailler à l’extérieur du canton, avec un permis B, les démarches seront plus faciles qu’avec un N. Dans tous les cas, les administrations cantonales sont impliquées et c’est le canton de l’employeur qui prend la décision finale; le BIP aidera le candidat à remplir les papiers nécessaires.

VE : Y a-t-il une limitation d’âge pour accéder à certaines formations ?

A.P : il n’y a pas de limitation d’âge. Il y aura toujours un niveau de maîtrise de la langue selon les études à entreprendre. On exigera au moins le niveau B1 pour le CFC. Pour l’Université : B1, B2, voire C1. La principale difficulté, pour une personne plus âgée, c’est de se rendre compte que les cours vont vite, et qu’elle sera assise sur les bancs aux côtés de personnes bien plus jeunes !

VE : Pouvez-vous nous parler de la collaboration entre le BIP et l’EVAM de Lausanne par rapport à la formation dans le domaine de la santé?

A.P : Oui, l’EVAM propose un Certificat d’auxiliaire de santé sur 6 mois spécialement pour les personnes migrantes. Jusqu’ici, deux ou trois places par session sont réservées aux candidats valaisans et, en échange, les Vaudois peuvent obtenir des places dans les formations en Valais, notamment dans l’agriculture.

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VE : Peut-on devenir son propre patron ?

Mme A.P : Pour les permis N, ce n’est pas possible en premier emploi. Et pour les permis F et B, il faut faire une demande spéciale accompagnée d’un business plan cohérent. qui sera soumise au Service Industrie, Commerce et Travail. Le futur entrepreneur ne recevra cependant pas d’argent du bureau ou de l’assistance, il doit investir son propre argent.

VE : Y a-t-il déjà un bilan de votre action ? Des statistiques ?

A.P : Il est difficile de parler du bilan du BIP. Il serait plus juste de parler du bilan global de tout l’Office de l’asile, car l’intégration professionnelle est une priorité actuellement. Tous les collaborateurs, qu’ils soient assistants sociaux, professeurs de français, responsables d’ateliers de formation sont, à leur mesure, des agents d’insertion. Mais voici quelques chiffres: 85% des personnes suivies par le BIP et la Croix-Rouge Valais ont été placées dans des entreprises pour des stages, et plusieurs ont trouvé un emploi fixe. C’est très encourageant.

Une grande partie de notre travail reste consacrée à informer les patrons et les employeurs potentiels – car certains ne connaissent pas toujours bien ce que nous faisons – afin de construire avec eux de solides liens de confiance.

Les efforts de l’équipe du BIP sont en train de changer les perspectives des requérants d’asile en Valais. Ce constat fait, il ne faut pas oublier qu’il répond à une demande fondamentale des requérants eux-mêmes : comme n’importe quel être humain, chacun a envie de se réaliser à travers un travail.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Ps: depuis notre entretien, la Confédération a fait passer l’aide à l’intégration des migrants de 6’000 CHF à 18 000 CHF par individu (réfugiés et admissions provisoires)




Plus de 100’000 sans-papiers sont discrètement exploités en Suisse

Martin Sharman  "So on into life" (CC BY-NC-SA 2.0)

Martin Sharman
« So on into life »
(CC BY-NC-SA 2.0)

Témoignages de cinq femmes sans-papiers employées dans l’économie domestique

Ils viennent d’un peu partout : du Maghreb, d’Asie, d’Amérique du Sud, d’Afrique et même parfois d’Europe. Les sans-papiers sont généralement des femmes, mais il y a aussi des hommes. Certains vivent et travaillent en Suisse depuis de longues années. Voix d’Exils est allé à la rencontre de ces travailleurs et travailleuses de l’ombre exploités par des patrons peu scrupuleux.

Il est ardu de dénombrer les sans papiers car cette population est quasi invisible. Les chiffres avancés par différentes sources varient parfois considérablement entre 90’000 et 300’000. Selon le Centre de Contact Suisses-Immigrés Genève (le CSSI), ils seraient environ 150’000 actuellement. Ils sont généralement actifs dans des emplois peu qualifiés dans les secteurs de l’économie domestique, la construction, le déménagement, l’agriculture, l’hôtellerie et la restauration.

La plupart d’entre eux paient des cotisations AVS. Très discrets, ils endurent des horaires, des conditions de vie et de traitement dignes de l’esclavagisme. Ils supportent en silence le stress d’une vie dans l’ombre, sans certitudes sur l’avenir. Ils sont confrontés à toutes sortes d’abus : exploitation, escroquerie, harcèlement sexuel… Les sans-papiers sont loin de leur famille et, malheureusement, tout cela contribue à dégrader leur santé.

Bien que l’économie suisse ait besoin de ces travailleurs de l’ombre, leur grand problème est la quasi-impossibilité d’obtenir un permis de travail. Pour les ressortissants en dehors de l’Union Européenne, le seul moyen de régulariser leur situation est le mariage.

«Quand sa femme n’était pas là, mon patron posait sa main sur mon épaule et me faisait savoir que je lui plaisais et qu’il voulait aller plus loin…»

Stewart Leiwakabessy  "Narrow" (CC BY-NC-SA 2.0)

Stewart Leiwakabessy
« Narrow »
(CC BY-NC-SA 2.0)

Amal, Algérienne, 34 ans, en Suisse depuis quatorze ans

 «Une dame, dont les parents habitaient à côté de chez moi, en Algérie, m’a vendu un visa pour Frs. 2000.-. Elle a fait une demande au Contrôle des habitants, en prétendant que j’étais une parente et qu’elle m’invitait à passer un mois de vacances chez elle, en Suisse. Elle m’a hébergée quelques jours, puis une copine à elle m’a trouvé du travail.

J’ai été engagée par un couple de Suisses qui avaient deux enfants et une grande maison sur trois étages avec une piscine. Moi, j’avais une chambre à la cave, sans fenêtre. Ma patronne était très sévère et maniaque. Elle contrôlait tout ce que je faisais à la loupe. Je commençais mon travail à six heures du matin en préparant le petit déjeuner de toute la famille. J’aidais les enfants à s’habiller, à manger, je préparais leur cartable et je les emmenais à l’école. Après, je retournais à la maison, je faisais le ménage, je nettoyais les vitres des salles de bains, car ma patronne était très exigeante. Je mettais en marche les machines à laver le linge et la vaisselle, je faisais la liste des choses à acheter et je partais faire les courses. Ensuite, je retournais en courant à la maison, car je devais préparer le repas pour les petits, les chercher à l’école et leur donner à manger. Enfin, je m’accordais une pause pour me nourrir et je reprenais le ménage car la maison était très grande et je devais tout nettoyer. A, 16h00, j’allais chercher les enfants, je leur donnais le goûter et nous partions en promenade. A 18h00, c’était l’heure du bain, puis la préparation du souper pour les enfants. Je les aidais à faire leurs devoirs et les mettais au lit. Mais ma journée de travail n’était pas encore finie. Je rangeais la cuisine, je mangeais et je descendais faire le repassage. Vers 22h00, je pouvais enfin regagner ma chambre et me reposer.

Je travaillais six jours sur sept. Le dimanche, malgré que c’était mon jour de repos, je devais tout ranger et préparer à manger avant de sortir. J’étais jeune et jolie. Quand sa femme n’était pas là, mon patron posait sa main sur mon épaule et me faisait savoir que je lui plaisais et qu’il voulait aller plus loin… Mais moi, je lui répondais que cela ne m’intéressait pas même si j’avais peur de perdre ma place. Mon salaire était de Frs 1200.- par mois. Il était déclaré, sauf que la famille ne déclarait pas toutes mes heures de travail. »

Nick Kenrick, (CC BY-NC-SA 2.0)

Nick Kenrick, (CC BY-NC-SA 2.0)

«On m’a donné un petit coin dans une cave, alors qu’il y avait des pièces non occupées dans la maison»

Ilda, Brésilienne, 27 ans, en Suisse depuis trois ans

«J’ai trois enfants que j’ai laissés au pays. Je suis sans statut légal. Au Brésil, il y a un réseau qui vend des visas. C’est le couple qui m’a engagée qui m’a procuré un visa et l’a payé. Ma patronne m’a fait passer pour sa nièce qu’elle invitait pour des vacances en Suisse. J’ai travaillé dans cette famille brésilienne avec trois enfants. Ils habitaient une grande maison et m’ont donné un petit coin dans une cave, alors qu’il y avait des pièces non occupées. Ma journée commençait à 6h00 du matin par la préparation du petit déjeuner. J’aidais les deux filles de 5 et 8 ans à s’habiller, je leur préparais le goûter, car elles restaient à l’école jusqu’à 16 heures. A 07:30, le bus de l’école privée venait les chercher. Après je m’occupais de la petite dernière, un bébé de 8 mois. Ma journée entière était consacrée aux enfants, à la maison qui comptait douze chambres et trois salles de bains. Le soir, coiffer et sécher les cheveux des filles me prenait beaucoup de temps. Les enfants mangeaient à la cuisine et les parents dans la salle à manger. Après le souper, les parents s’occupaient un peu de leurs enfants pendant que je rangeais, lavais, repassais… Je gagnais 1000 francs déclarés. Sauf que mes patrons ne déclaraient pas l’intégralité des mes heures. J’ai quitté la famille après une année, en espérant trouver de meilleures conditions de travail ailleurs.»

« J’étais maltraitée, mais comme ils m’avaient confisqué mon passeport, j’étais piégée »

.pipi. « window » (CC BY-NC-SA 2.0)

.pipi. « Window » (CC BY-NC-SA 2.0)

Afa, Tunisienne, 35 ans, en Suisse depuis 10 ans

 «Une cousine m’a fait un visa pour la France, elle avait une amie qui habitait en Suisse et elle m’a mis en contact avec elle. Comme je n’avais pas de travail et que je vivais dans une grande précarité, je me suis dit que j’allais tenter ma chance en Suisse. J’avais 25 ans, ça fait dix ans, que je suis là.

J’ai fait des petits boulots à gauche et à droite. Déjà, c’est très difficile de trouver un travail à cause de ma nationalité. Quand j’en trouvais un, c’était toujours très mal payé et les conditions étaient très difficiles. J’ai travaillé pour un couple. Monsieur était Suisse et travaillait dans une banque et Madame était Italienne et travaillait dans une société. Ils avaient trois enfants. Ils me donnaient Frs. 800.- par mois. J’étais ni nourrie, ni logée. Je partageais une chambre avec une autre dame portugaise. Je travaillais 6 jours sur 7 et ils ne me payaient pas le transport. Le matin, j’arrivais à 07:30, je préparais le grand, je l’accompagnais à l’école et je retournais à la maison pour m’occuper des deux petits et du ménage. Je faisais tout le travail de maison. Le mercredi et le samedi, j’allais faire les courses au marché, parce que Monsieur et Madame avaient des goûts de luxe. J’étais maltraitée, mais comme mes patrons m’avaient confisqué mon passeport, j’étais piégée. Parfois, je restais jusqu’à une heure du matin pour garder les enfants, pendant que les parents avaient une invitation. Je suis restée quatre ans dans cette situation, car j’avais peur qu’on me dénonce si jamais je partais. Avec l’argent que je touchais, je pouvais seulement payer mon loyer et mes transports. Je n’avais même pas assez d’argent pour me nourrir, et je ne pouvais pas me soigner. A l’époque il n’y avait pas de service à l’hôpital cantonal qui soigne les sans-papiers gratuitement comme c’est le cas actuellement. Ma vie de sans-papiers est très compliquée. Pour chaque petite chose, je dois demander à un tiers : pour un abonnement de portable, pour le logement… Je ne suis pas libre et ce n’est pas facile de vivre dans ces conditions de précarité. Le seul moyen de régulariser ma situation, c’est le mariage»

«Je me suis trouvée à la rue sans argent après six années de travail»

Fabiana Zonca, Shadow of a woman - the light at the end of the tunnel, (CC BY-NC-SA 2.0)

Fabiana Zonca, « Shadow of a woman – the light at the end of the tunnel », (CC BY-NC-SA 2.0)

Remziya, Turque de 40 ans

Je suis arrivée en Suisse à l’âge de 20 ans. C’est ma cousine qui m a fait un visa touristique pour un mois, mais je ne suis jamais repartie car elle avait besoin de moi pour l’aider à la maison avec ses enfants. Je ne parlais pas un mot de français et je n’avais pas de contact avec l’extérieur. Je suis restée dans cette situation quatorze ans et ma cousine ne m’a jamais rien payé. Elle disait que chez elle j’avais besoin de rien car j’étais nourrie, logée et blanchie.

Ensuite, j’ai travaillé dans une famille suisse, et comme je ne pouvais plus loger chez ma cousine, ils ont pris un appartement à leur nom. Pour la caution, ils prélevaient chaque mois Frs. 50.- en plus du loyer qui était de Frs. 700.-. J’ai travaillé chez eux pendant six ans. Je me suis occupée de leurs quatre enfants. Le couple était froid. Je faisais partie des meubles. Tous les matins, je me réveillais à 05:00. Je me préparais pour allez travailler. Je sortais de chez moi a six heure et je devais changer à trois reprises de bus, car la famille habitait la compagne genevoise. J’arrivais vers 07:30 quand le couple partait au travail. Ils travaillaient les deux dans le secteur bancaire. Je commençais le travail en préparant le petit déjeuner de la grande, et les biberons des trois petits. Les enfants étaient adorables. J’avais toujours un accueil très chaleureux avec des câlins et des bisous. Je m’occupais d’eux jusqu’à dix-huit heures jusqu’à ce que les parents rentrent à la maison. La sixième année, la dame est tombée malade d’un cancer, malheureusement. J’étais très attachée à leurs enfants, mais la vie était devenue impossible, car il y avait beaucoup de violence au sein du couple. Puis, comme l’état de santé de la maman s’était dégradé, je devais alors m’occuper de leurs enfants 24 heures sur 24, 6 jours sur 7. Pendant une année, mon salaire est resté le même de Frs. 1000.- et mon loyer de Frs. 700.- malgré les heures de travail supplémentaires que je faisais. Mais, malheureusement, l’appartement était à leur nom. Ils m’ont alors mise dehors et ils ont pris une jeune fille au-pair canadienne, qu’ils allaient payer seulement Frs. 600.-. Ils m’ont expliqué que, soi-disant, la dame ne travaillait plus et ils n’avaient plus assez d’argent pour me payer. J’avais donné une caution de trois mois de loyer qu’ils ne m’ont jamais remboursé et je me suis retrouvée a la rue, sans argent, après six ans de travail. Les gens ont toujours des astuces pour profiter de la vulnérabilité des sans-papiers.

« Je gagnais 100 francs par mois et pendant des mois je n’ai plus rien reçu »

João Almeida  "Blurry silhouette" (CC BY-NC-SA 2.0)

João Almeida
« Blurry silhouette »
(CC BY-NC-SA 2.0)

 Najat, Marocaine de 40 ans

 Je travaillais pour une dame marocaine comme nounou au Maroc. Cette dame s’est mariée avec un Suisse et elle est venue s’installer à Genève, avec ses enfants. Comme j’étais attachée à ses enfants et que les enfants étaient aussi attachés à moi, un ami de cette dame m’a fait un visa. Je ne sais pas vraiment comment il a réussi à l’avoir. Mon salaire est resté le même : 100 francs par mois et pendant des mois je n’ai plus rien reçu.

Une autre dame marocaine m’a proposé du travail chez elle. Ma journée commençait à six heures du matin au restaurant de la dame. Je devais nettoyer et éplucher les légumes. A dix heures, elle arrivait pour commencer à préparer le menu et vers onze heures je devais me rendre à la maison pour récupérer les enfants et leur préparer à manger. Vers 13:00, je les amenais à l’école, puis je retournais à la maison pour tout nettoyer, ranger et faire le repassage. A 16:00, je devais chercher les enfants à l’école et m’occuper d’eux jusqu’à 18:00. Une jeune fille prenait après la relève et je devais retourner au restaurant pour aider Madame jusqu’à la fermeture. Ensuite, Madame partait avec des amis faire la fête. Quand je rentrais à la maison, la personne qui venait garder les enfants rentrait chez elle et moi, je prenais la relève. Madame rentrait en général à 05:00 du matin avec Monsieur. Elle ne m’a pas payé pendant plusieurs mois en prétextant que son restaurant ne fonctionnait pas bien et comme je ne parlais pas un mot de français et que je dépendais vraiment d’eux, j’acceptais la situation.

Sandra

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

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