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The rise and fall of a city in the endless Game of Thrones

la ville de Qamishili. Source: page Facebook de Qamishili.

la ville de Qamishili. Source: page Facebook de Qamishili.

An important part of my job as a legal translator in my city Qamishli, situated in north-eastern Syria on the border with Turkey, was working with asylum-seekers and refugees, especially Iraqis who had fled their country following the American invasion in 2003 and wanted to find refuge in the asylum countries. 

I was preparing their dossiers: translating the documents, fixing appointments with the embassies, filling the formulas etc. Hundreds of families came to my office, each had an extremely painful story of deportation, persecution and displacement. It was very distressing to hear the narratives of these unfortunate people, who once had lived a fairly stable and comfortable life, then all of a sudden their world turned upside down and having lost everything they found themselves homeless refugees in other countries.

Being myself a descendant of a refugee family, their stories were not totally strange to me. My grandfather was the only survivor of an extended family massacred during the Armenian genocide perpetrated by the Ottoman government against the Armenians and the other Christians of Turkey during and after the World War I. In 1920, like many of his compatriots, my grandfather could only survive by miracle, traversing on foot the enormous territory separating his ancestral village situated in the province of Diyarbakır in southeaster Turkey and the Syrian border town of Ras al Ayn. Therefore, tales of displacement and mass killing had always haunted my memory since I was a child.

Nevertheless, putting myself then in the shoes of the Iraqi refugees, I could not help thinking of what might happen to me and my family had we experienced the same devastating war in Syria? The mere thought of it was terrifying and nightmarish.

But, what I then thought as something incredible soon became a reality in 2011. The civil war started in Syria and the Pandora box, with all the evils of the world, was opened widely. This time, the troubled faces of my countrymen started streaming into my office, carrying alongside their precious documents, gruesome stories of kidnappings, lootings and killings as the entire security system in the country collapsed, the vital services completely crumpled and considerable territories surrounding the city fell into the hands of Daesh ISIS.

Ironically, the grandchildren of the refugees who one hundred years ago had founded this beautiful frontier city as a safe haven from persecution, were now frantically fleeing from the impending apocalyptic devastation and killing, by seeking refuge in Sweden, Germany and other European countries.

The lights of the lively, multi-ethnic, prosperous city of Qamishli suddenly dimmed, the buzzing activities died down and the streets became deserted and lifeless.

Another sad story of the rise and fall of a city in the endless game of the thrones.

DONO Hayrenik

Membre de la redaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

Version française de l’article parue le 21.09.2016 sur voixdexils.ch




Réflexion sur l’ascension et la chute d’une ville

La guerre dans les villes Syriennes. Photos: Voix d'Exils

La guerre dans les villes Syriennes. Photos: Voix d’Exils.

Quand la vie bascule du jour au lendemain 

Une partie importante de mon travail en tant que traducteur juridique dans ma ville Qamishli, située dans le nord-est de la Syrie, à la frontière avec la Turquie, était de travailler avec les demandeurs d’asile et les migrants ; particulièrement les Irakiens qui avaient fui leur pays après l’invasion américaine en 2003. A cette époque, je ne pouvais en aucun cas imaginé que je me retrouverais dans leur situation.

Je préparais leurs dossiers, traduisais des documents, prenais rendez-vous avec les ambassades et remplissais les formulaires etc. Des centaines de familles sont passées par mon bureau. Chacune avait une histoire extrêmement douloureuse de persécutions subies ou de déplacements forcés. Il était très pénible d’entendre les récits de ces malheureux qui, jadis, menaient des vies assez confortables avant qu’elles ne soient subitement chamboulées par la guerre qui les a contraints à fuir pour se retrouver au final sans abri dans des pays étrangers.

Étant moi-même un descendant d’une famille de réfugiés, leurs histoires n’étaient pas totalement inconnues pour moi. Mon grand-père était le seul survivant d’une famille élargie massacrée pendant le génocide arménien, mené par le gouvernement ottoman contre les Arméniens et les autres chrétiens de la Turquie, pendant et après la Première Guerre mondiale. En 1920, à l’instar de nombreux compatriotes, il survécu miraculeusement en traversant à pied l’immense territoire qui sépare son village natal dans la province de Diyarbakır, au sud-est de la Turquie, et la ville frontalière syrienne de Ras al Ayn. C’est ainsi que les récits de déplacements et de massacres avaient déjà largement abreuvé ma mémoire depuis mon plus jeune âge.

La guerre dans les villes Syriennes. Photos: Voix d'Exils

La guerre dans les villes Syriennes. Photos: Voix d’Exils

Néanmoins, en me mettant à la place de ces réfugiés irakiens, je ne pouvais pas m’empêcher de penser ce qui aurait pu m’arriver à moi et à ma famille si nous avions vécu la guerre dévastatrice en Syrie. Le seul fait de songer à cette idée était terrifiant, cauchemardesque.

Alors que je considérais ce fait à l’époque comme quelque chose d’impensable est brutalement devenu une réalité en 2011. La guerre civile a éclaté en Syrie et la boîte de Pandore, avec tous les maux du monde, a été grande ouvert. Cette fois-ci, ce sont les visages troublés de mes compatriotes qui ont commencé à affluer dans mon bureau, portant aux côtés de leurs précieux documents des histoires horribles d’enlèvements, de pillages et de meurtres. La sécurité intérieure et les services vitaux du pays étaient déjà complètement disloqués et de larges territoires qui entouraient ma ville étaient tombés entre les mains de l’Etat Islamique.

Ironiquement, les petits-enfants des réfugiés qui avaient, il y a cent ans, fondé cette ville frontière comme un refuge pour parer à la persécution se retrouvent aujourd’hui à fuir frénétiquement la dévastation apocalyptique imminente et la mort en cherchant à leur tour un refuge en Suède, en Allemagne et dans d’autres pays européens.

Les lumières de la ville animée, multiethnique et prospère de Qamishli se sont soudainement éteintes; les activités bourdonnantes se sont tues et les rues se sont vidées pour longtemps.

Une triste histoire de l’ascension et de la chute d’une ville dans un guerre sans fin.

Hayrenik DONO

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils