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FLASH INFOS #81

Kristine Kostava / Voix d’Exils

Sous la loupe : Réhabilitation d’un athlète réfugié diffamé / La Pologne se barricade / « La jungle » de Calais immortalisée par un photographe

Réhabilitation d’un athlète réfugié diffamé

asile.ch  le 07.10.2021

Le Comptoir des médias assure une veille médiatique sur les questions d’asile et de migration. Cette fois, le Comptoir des médias a porté son attention sur un article qui présente un athlète éthiopien qui a quitté son pays d’origine et qui est réfugié en Suisse depuis 20 ans. Son nom est Tolossa Chengere. Pour lui, comme pour tous les autres réfugiés, c’était très difficile de s’adapter : apprendre une nouvelle langue, ses diplômes qui ne sont pas reconnus, être très loin de sa famille. Son sport, la course à pieds, la beaucoup aidé à s’intégrer.

En juillet 2021, un article qui parle de Tolossa a été publié dans différents titres de Tamedia par Kurt Pelda, un journaliste de la cellule enquête de Tamedia. « Athle.ch », le site d’information romand sur l’athlétisme a réagi à l’article de Kurt Pelda dans un commentaire qui décrit une réalité très différente, puisque ses auteurs connaissent Tolossa Chengere depuis vingt ans.

Selon le Comptoir des médias, l’article de Kurt Pelda avait comme pour but de traquer Tolossa Chengere. Mais Kurt Pelda avait tort d’avoir des doutes sur l’honnêteté de cet athlète réfugié en lui prêtant des mauvaises intentions. Selon le Comptoir des médias, cet article de Kurt Pelda contribue à renforcer les préjugés sur la population issue de l’asile.

L’article « Tolossa Chengere lynché publiquement par un « journaliste d’investigation » » a été publié le 24 juillet 2021 sur le site Athle.ch

Anahit

 

La Pologne se barricade

Franceinfo, le 17.10.2021

Jeudi 14 octobre, le parlement polonais a approuvé un amendement à la loi sur les étrangers qui légalise le refoulement des personnes migrantes pratiqué à la frontière de l’Union européenne, entre la Pologne et la Biélorussie, pour les pousser à retourner en Biélorussie. Cet amendement autorise aussi le gouvernement à construire un mur frontalier dont la réalisation est estimée à 353 millions d’euros. Cette décision a eu pour conséquence que des milliers de manifestant.e.s se se sont réunis à Varsovie, la capitale, et dans plusieurs autres villes polonaises pour dénoncer les refoulements des personnes migrantes. Depuis cet été, 7 personnes ont perdu la vie à cette frontière. Le régime biélorusse est accusé par l’Union Européenne d’organiser ce flux migratoire en représaille de ses sanctions consécutives à la répression de l’opposition biélorusse.

Rachid Boukhemis

 

« La jungle » de Calais immortalisée par un photographe

Human right watch, le 12.10.2021

Les autorités françaises ont démantelé il y a 5 ans un grand camp de réfugiés appelé « la jungle » et ont envoyé des centaines de femmes, d’hommes et d’enfants dans des centres d’accueil dans tous les pays. Mais, en raison du fait que cette région est la porte d’entrée de l’Angleterre, les personnes migrantes sont revenues presque immédiatement dans la région.

Abdul Sabur est un photographe de 29 ans qui est né alors que sa mère fuyait l’Afghanistan pour se rendre au Pakistan. Il a passé une grande partie de son enfance au Pakistan où il a appris l’anglais. À son retour en Afghanistan, il a travaillé comme interprète de l’OTAN jusqu’à ce qu’il soit menacé par les talibans. Il fuit alors l’Afghanistan pour se rendre en France, dépose une demande d’asile, et s’installe à Calais où il passe beaucoup de temps. Il a pris des photos de la vie quotidienne dans les camps ainsi que dans les camps près du Grand Sinte, où les gens subissent des expulsions massives et du harcèlement par la police.

Zara

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




«Combattre l’injustice, c’est mon leitmotiv»

Josiane Jemmely, présidente de la Commission "Migrations féminines" du canton de Neuchâtel

Josiane Jemmely, présidente de la Commission « Migrations féminines » du canton de Neuchâtel

Josiane Jemmely est membre de la Communauté de Travail pour l’Intégration des Etrangers (CTIE) du canton de Neuchâtel depuis 2005 et préside la Commission « Migrations féminines » qui s’occupe des problèmes que rencontrent les migrantes lors du processus d’intégration. Voix d’Exils s’est entretenu avec elle pour parler des difficultés que doivent surmonter les migrantes vivant à Neuchâtel, ainsi que des actions que mène sa Commission afin d’améliorer leurs conditions de vie dans le pays d’accueil. Interview.

Voix d’Exils : Pouvez-vous nous présenter les missions assignées à la Commission « Migrations féminines » ?

Josiane Jemmely : La Commission «Migrations féminines» est une branche de la Communauté de Travail pour l’Intégration des Etrangers qui deviendra prochainement la Commission d’Intégration de la Cohésion Multiculturelle (CICM). Elle s’occupe essentiellement des problèmes liés à la migration féminine, en faisant notamment au début de chaque législature des recommandations afin de faciliter l’intégration professionnelle et sociale des concernées.

Quelles sont les principales difficultés que rencontrent les migrantes en matière intégration dans le canton de Neuchâtel?

Les difficultés sont de plusieurs ordres. Il y d’abord des difficultés au niveau de la langue. Certaines femmes ne maîtrisent pas la langue du pays d’accueil, qui est ici la langue française, en particulier celles qui viennent des pays anglophones et lusophones. Une autre difficulté est liée à l’intégration professionnelle. Certaines femmes n’arrivent pas à s’intégrer parce qu’elles rencontrent des difficultés au niveau de l’embauche car leurs diplômes ne sont pas reconnus. Ces femmes se sont formées dans leur pays d’origine mais pas dans le pays d’accueil et ont, du coup, de la peine à trouver un travail. Ce problème est en train d’être résolu par une structure mise en place par Berne qui s’occupe de ce problème spécifique. Nous avons aussi le problème de la violence conjugale qui affecte les mariages mixtes. Dans ce cas de figure, les femmes migrantes rencontrent beaucoup de difficultés à s’intégrer dans le pays d’accueil, parce qu’elles sont dépendantes de leur époux qui est tributaire du permis de séjour. Les maris peuvent alors abuser de leur autorité, comme c’est souvent le cas, en privant leurs femmes d’une indépendance financière par l’interdiction totale de travailler ou d’avoir des contacts avec des compatriotes ou avec toute personne pouvant leur apporter une éventuelle émancipation. Bien entendu, des cas d’exception existent. Mais les barrières à l’intégration liées à ces agissements pervers demeurent. Notre Commission a donc pour mission d’identifier ces problèmes, de les recenser, pour ensuite les traiter et trouver des solutions.

Vous occupez-vous aussi des migrantes qui sont en procédure d’asile ?

Partiellement. C’est vrai que ce champ d’action ne nous est pas trop permis et je pense qu’on a jamais demandé une autorisation pour visiter ces femmes. Nous savons que des problèmes existent dans les centres d’accueil, mais nous n’avons jamais entrepris une quelconque action pour aller les visiter dans leur lieux d’hébergement provisoire. Mais nous les approchons une fois qu’elles sont placées en deuxième accueil, c’est-à-dire dans les appartements. Celles qui sont au courant de l’existence de notre structure nous demandent de suivre des dossiers en retard relatifs à l’attribution de logements, à la réparation d’appareils ménagers défectueux ou au suivi scolaire pour leurs enfants.

Concrètement, quelles sont les actions que mène votre Commission pour favoriser l’intégration des migrantes?

Nous détectons premièrement les difficultés et essayons d’y remédier. La concrétisation se fait une fois que le problème est identifié. Les femmes viennent nous exposer leurs problèmes, on essaie ensemble d’en discuter et, ensuite, avec l’accord de la coordinatrice et des membres de la CTIE, ainsi que du chef du service de la cohésion multiculturelle (COSM), nous trouvons des solutions pour soulager les peines de ces femmes.

Quelles solutions proposez-vous aux migrantes qui ont connu des problèmes comme les mutilations génitales féminines (MGF) et les mariages forcés?

Pour les mutilations génitales féminines, le Conseil d’État neuchâtelois a pris position face au risque qui existait de voir cette pratique se développer sur son territoire, en mettant en place une stratégie cantonale coordonnée en matière de MGF. Ce, bien avant que la mesure ait été clarifiée au niveau fédéral.

La stratégie cantonale coordonnée en matière de MGF prévoit un plan d’action qui se déploie en trois axes:

L’axe «traitement» poursuit l’objectif d’assurer une réponse optimale des services de santé publique dans la prise en charge des femmes migrantes victimes des MGF.

L’axe «prévention» a pour objectif d’assurer une action ciblée de prévention continue et coordonnée auprès des populations migrantes potentiellement concernées par la problématique des MGF.

L’axe «sanction» consiste à dénoncer les cas avérés de MGF en faisant intervenir le cadre légal à travers des sanctions pénales, mais aussi administratives comme la perte du titre de séjour ou le refus de l’octroi de la nationalité.

Quelles valeurs les migrants doivent-ils adopter pour faciliter la coexistence pacifique avec la population suisse ?

Aujourd’hui, les migrants ont compris que l’intégration est une adaptation réciproque, mais ils attendent de l’autochtone une ouverture d’esprit. En principe, un migrant responsable est conscient de son devoir d’intégration. Le migrant a beaucoup de valeurs à mettre en avant. Pour lui, le travail est une valeur. Le respect des citoyens et des institutions est une valeur. Les échanges culturels avec les amis d’ici et d’ailleurs sont des valeurs. La reconnaissance de ce que le pays d’accueil leur apporte est une valeur. La paix et la sécurité dont jouit leur pays d’adoption est aussi une valeur.

Depuis 1995, le Conseil d’État neuchâtelois a institué le prix «Salut l’étranger» et vous l’avez obtenu en 2007. Peut-on connaître votre mérite?

Je ne parlerais pas de mérite, mais je pense que c’était simplement le résultat d’une volonté d’aider, d’apporter cette pierre à la construction de l’édifice dans lequel on a été accueilli. Moi, j’ai toujours été une activiste, une militante. J’ai la volonté de combattre l’injustice et c’est mon leitmotiv. Vouloir changer les choses, c’est-à-dire : aller vers l’autre, voir ce qu’il a, ce que je peux lui apporter, ce que lui peut m’apporter, s’il y a des besoins à couvrir et si j’ai peut-être les moyens et la disponibilité pour pallier à ses besoins, alors j’entre en matière. J’ai envie de partager, de découvrir. C’est vraiment ces motivations-là qui m’ont amené à obtenir ce prix : la volonté d’aller vers l’autre pour découvrir et aussi apporter à l’autre ce dont il a besoin.

Vous êtes  par ailleurs conseillère générale, députée suppléante à La Chaux-de-Fonds et cadre du parti socialiste neuchâtelois.  Nous savons que le canton de Neuchâtel est aujourd’hui dirigé par un Conseil d’État à majorité socialiste. Cependant, lors de la votation de la loi sur le durcissement de l’asile, le canton a massivement voté oui. Comment expliquez-vous cet état de fait ?

Pour moi, c’est une déception. Je ne m’attendais pas à un vote aussi tranché de la part de mon canton d’origine. Mais il faut comprendre qu’aujourd’hui la migration est un problème pour la population d’accueil, même si on nous dit qu’il faut faire avec ceux qui sont intégrés. On réalise sur le terrain que ça reste un problème compliqué et difficile à résoudre. Le migrant reste quand même une difficulté pour la personne qui l’accueille, c’est aussi la raison pour laquelle on a eu ce vote qui exprime bien ce qu’est la pensée intérieure des gens. Ce vote a bien exprimé que le migrant n’est plus du tout apprécié, surtout le migrant en provenance des pays du tiers-monde. Peut-être parce qu’il n’apporte pas grand chose sur le plan financier.

Le fait que le canton vire à gauche n’augure-t-il pas de un changement positif pour les migrants?

Oui et non. Parce que la gauche ne peut pas tout changer, elle doit aussi composer avec ses adversaires de la droite et ceux-ci ne partagent pas du tout la même vision de l’immigration. Elle va certes vouloir apporter des améliorations dans le cadre de l’intégration sur le plan cantonal et régional, mais elle ne règlera pas tous les problèmes liés à la migration et à son intégration. Nous restons confiants quant à l’avenir, car la gauche de notre canton a toujours une écoute attentive et fait tout ce qui est en son pouvoir pour donner une place et une visibilité aux minorités de notre République neuchâteloise.

Que pensez-vous de Voix d’Exils?

J’ai déjà lu Voix d’Exils alors qu’il était encore un journal papier. Mais, depuis qu’il est devenu un blog, je ne l’ai pas relu. Ce média qui informe les autochtones et les étrangers sur l’actualité de la problématique migratoire a toute sa raison d’être. Je ne peux que lui souhaiter une longue existence et m’engage à le lire.

Propos recueillis par :

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




« On part toujours de l’expérience professionnelle, car elle est la richesse de la personne »

Table ronde organisée par Mode d'emploi le 16.11.12 à l'Université de Lausanne pour célébrer ses 20 ans d'existence. Photo: Pastodelou.

Table ronde organisée par Mode d’emploi le 16.11.12 à l’Université de Lausanne dans le cadre d’un événement à l’occasion de son 20 ème anniversaire. Photo: Pastodelou.

Au service de l’insertion professionnelle et sociale depuis 20 ans, la fondation Mode d’emploi a pour principale mission d’œuvrer contre l’exclusion sociale et professionnelle. Elle s’occupe, en Suisse romande, des personnes en difficultés sur le marché du travail.

 

Voix d’Exils s’est donc penché sur les activités de cette fondation, étant donné que les requérants d’asile sont confrontés à l’exclusion professionnelle. Plus particulièrement, nous avons tenté d’éclairer le cas de ceux qui ont le droit de travailler, mais qui parviennent trop rarement à décrocher un emploi. Patricia Hurzeler, responsable de prestations et membre du comité de direction de la fondation Mode d’emploi a répondu à nos questions.

Voix d’Exils : Mode d’emploi propose aux migrants des cours de mise à niveau et des cours de techniques de recherche d’emploi. Quand tout se déroule bien, le migrant trouve un stage en entreprise dans l’économie privée et reçoit ensuite un certificat qui contribue à son intégration.

Patricia Hurzeler : Quand cela se passe mieux encore, la personne est engagée ! On a eu plusieurs fois des personnes qui ont fait des stages et l’employeur nous a dit «  sur dossier, on ne l’aurait pas engagé mais, par contre, maintenant qu’on l’a vu travailler, on peut l’engager. »

Tenez-vous compte de l’expérience professionnelle acquise à l’étranger par les personnes migrantes?

Oui bien sûr. Je peux vous donner l’exemple d’un monsieur d’origine vietnamienne qui nous avait été adressé par l’Office Régional de Placement avec un projet professionnel de nettoyeur. En essayant de discuter avec lui pour élaborer un CV, j’apprends qu’il était professeur d’université et journaliste au Vietnam, mais qu’il ne l’avait jamais mentionné car quelqu’un lui avait dit que ça ne comptait pas. Nous avons discuté à ce sujet et, le lendemain, il m’a amené sa carte de journaliste ; il écrivait encore dans une revue vietnamienne située au Canada. Nous avons alors pu orienter la recherche d’une place de travail sous un autre angle, d’autant que ce monsieur savait bien lire et écrire en français. Par contre, sa prononciation rendait la compréhension difficile, ce qui ne nous a pas permis d’envisager un projet professionnel dans l’enseignement. En revanche, il a pu réaliser un stage dans une bibliothèque et bénéficier d’un excellent certificat de travail validant ses compétences dans ce domaine.

Les exigences des entreprises sont-elles différentes en Suisse ?

Le niveau exigé dans le pays d’origine des migrants n’est pas forcément le même qu’en Suisse, ce dont nous devons tenir compte. Dans certains cas, le stage permet de valider auprès d’un employeur suisse l’employabilité de la personne dans un domaine, voire d’identifier les formations possibles qui lui permettrait de postuler pour un poste similaire. Mais on part toujours de l’expérience professionnelle, car elle est la richesse de la personne.

Les diplômes étrangers sont-ils reconnus par Mode d’emploi ?

On aide les migrants à faire une demande d’équivalence à Berne, cela nous permet de savoir à quoi correspondent leurs diplômes en Suisse. Mais, la plupart des requérants arrivent sans leurs diplômes et cela pour différentes raisons. C’est le cas, par exemple, des réfugiés politiques qui sont partis précipitamment et qui n’ont pas pu prendre leurs papiers avec eux.

Quels sont les éléments qui maximisent les chances d’un migrant d’obtenir du travail grâce à l’aide de Mode d’emploi ?

Premièrement, la langue française. Un bon nombre des gens que nous avons reçus l’année passée avaient un niveau de français insuffisant. Ils avaient juste bénéficié d’un cours qui les a amenés à un niveau A2. Ils ont fait, pour certains, de très bons stages dans des professions qui n’exigent pas beaucoup de qualifications, mais souvent l’employeur nous disait : « Si son français était meilleur on pourrait envisager de l’engager, mais pas aujourd’hui, il y a trop de choses qu’il ne comprend pas… » Deuxièmement, le permis de travail. Pour une personne titulaire d’un permis F ou N, par exemple, deux éléments font souvent hésiter l’employeur : le risque de départ précipité et les démarches à entreprendre même si, pour ces dernières, nous sommes prêts à apporter notre aide à l’employeur.

Propos recueillis par :

Pastodelou et Chulio

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils