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FLASH INFOS #137

Sous la loupe : Tremblement de terre en Turquie et Syrie / Demande d’asile en hausse en Suisse / Le préapprentissage d’intégration

 

Tremblement de terre en Turquie et Syrie

Info migrants, le 13 février 2023

 

Demande en hausse, Berne pointe du doigt la Turquie et la Serbie

20min, le 13 février 2023

 

Préapprentissage d’intégration : niveau de satisfaction élevé et légère baisse du nombre de participants

admin.ch, le 02 février 2023

 

 La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Music is a universal language that crosses all borders

Auteur: pixabay.com

Enrico Macias song « J’ai quitté mon pays » then and now

Lire la version français de l’article ici

Music is a universal language that crosses all borders; a tool for arousing emotions and feelings, as well as for bringing hope and healing. It is said that the Arab philosopher and musician Al-Farabi, (872–950), was able to make people laugh and then make them cry by his wonderful performance on the Oud.

I was born and grown up in the rural north east of Syria, a neglected, impoverished region, considered as the center of numerous ethnic groups. Tough, resilient people, mostly descendants of refugees fled from atrocities in Turkey. Strongly attached to their ethnic music and culture; perhaps because of the relief it brought to them from long years of deprivation and traumatism.
As an adolescent, my mind was receptive to this rich, multi-ethnic music. At those days, the mid-seventies, we didn’t have a TV set. My parents had an old cassette-recorder, where I used to spend long hours listening to the charming songs of the diva of Arab music, Oum Kalthoum, and the adored youth singer Abdoul Halim Hafez, as well as to Adis (1), M.Shekho (2) and many others.

Tom Jones, Charles Aznavour, Julio Iglesias, Enrico Macias…!

However, those years brought us also western music and songs recorded on audio cassettes, mostly from Beirut-Lebanon, the cultural hub of the Arab world at that time. Like many of my peers, I was fascinated by Tom Jones, Aznavour, Julio Iglesias, Enrico Macias…!

I had a guitar those days, and was trying to learn to play simple tunes. So naturally, I developed a liking for Enrico, particularly his song « J’ai quitté mon pays ».

J’ai quitté mon pays
J’ai quitté ma maison
Ma vie, ma triste vie
Se traîne sans raison

I loved this song! I don’t know why! Certainly, not because of its nostalgic lyrics, or the moving historical background: Enrico Mascias left his native country Algeria and went into exile in 1961. My knowledge of French was very little then. But probably, because of its melancholic oriental melody and the heartfelt performance on the guitar! It was tender and relaxing, evoking mixed emotions of joy and sorrow! In fact, my interpretation of the song was purely romantic and emotional!

The magic city of Aleppo!

At those carefree days, during my college years in Aleppo, Syria, my mind was full of rosy things and wild expectations. Part of it was connected to my fascination with this magical city, where history and modernity combine. Where the Citadel of Aleppo , the Great Mosque the madrasas and the aroma of spices in the old souks and Khans of the old city, carry you away with caravans that used to cross the city from China, Bukhara and Isfahan to the West, during the Golden Age of the Silk Roads from 12th to the early 15th centuries…

It was time of optimism and dreams! How could I have imagined what destiny had in store for Syria!

Then, years rolled by… And one day, all of a sudden, the sky fell on our heads and turned our world upside down! The country was ripped apart and the civil war ruined all aspects of life, including the magic city of Aleppo!

Diaspora

At this point came the moment of revelation with all its poignancy and intensity! Uprooted from homeland, we have become a diaspora! A displaced people, thrown to strange shores and under makeshift camps! Our warm houses, our childhood playgrounds, our blue sea, everything… were all stolen from us!

Having been transferred to a completely different reality, I have come to fully understand what Enrico went through some sixty years ago, when he was forced to sing farewell to his beloved city of Constantine, Algeria!

J’ai quitté mon soleil
J’ai quitté ma mer bleue
Leurs souvenirs se réveillent
Bien après mon adieu

The lovely melody of « J’ai quitté mon pays », which once used to cheer me up and arouse feelings of joy and love, now evokes multiple memories and images, extremely poignant! Extremely nostalgic!

H. DONO

Contributeur externe de Voix d’Exils

1. A popular Armenian singer
2. A popular Kurdish singer

 

 




La revue de presse #7

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous la loupe : Le dérapage raciste de deux experts français / Les autorités sanitaires britanniques saluent le travail des étrangers / Face au Covid 19, les Algériens se montrent solidaires et créatifs

Non, les Africains ne sont pas des cobayes !

Jeune Afrique, 4 mars 2020

Invités sur le plateau de LCI le 2 avril 2020, Camille Locht, directeur de recherche de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), et Jean-Paul Mira, chef du service de réanimation de l’hôpital Cochin ont créé la polémique…

Un des experts demande : « Est-ce qu’on ne devrait pas faire une étude sur le coronavirus en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation ? Un peu comme on l’a fait d’ailleurs pour certaines études sur le sida. Chez les prostituées, on a essayé des choses parce qu’on savait qu’elles sont hautement exposées et qu’elles ne se protègent pas. » L’autre expert lui répond : « Vous avez raison, on est d’ailleurs en train de réfléchir à une étude en parallèle en Afrique ».

Cet échange pour le moins douteux a suscité une vague d’indignation sur l’ensemble du continent africain. Petit échantillonnage des commentaires postés sur les réseaux sociaux : « Covid 19 – Nous ne sommes pas des rats de labo » – « Covid 19 – #Testez chez vous »- « Covid 19 – Faut-il rappeler que le dénuement africain n’est pas un fait de nature, mais résulte notamment d’un pillage continu ? »

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a été saisi par l’association SOS Racisme. Un collectif d’avocats africains menace de faire de même. Quant aux deux experts incriminés, ils ont fait leur mea culpa et se sont excusés. Pas sûr que cela suffise pour éteindre l’incendie qu’ils ont allumé…

 

La Grande-Bretagne rend hommage au personnel de santé étranger

The Guardian, 6 mars 2020

Dans les hôpitaux britanniques, il aura fallu que le Covid-19 frappe des médecins nés ailleurs ou nés de parents immigrés, qui se sont portés volontaires ou officient normalement, pour que ces derniers obtiennent une certaine reconnaissance de la part des autorités.

Accusés jusqu’ici d’être «des immigrants qui n’apportent rien aux institutions et en retirent tout », les docteurs non européens du National Health Service (NHS), étaient à la merci, entre autres difficultés, d’un processus administratif complexe et onéreux pour le renouvellement de leur visa. Un seul maillon venait à manquer dans le processus et c’était la débâcle, ils se retrouvaient sans emploi.

Pourtant, les docteurs El-Hawrani, El Tayar, Alfa Saadu et Habib Zaidi, tous morts « sur le champ de bataille Covid19 » faisaient partie des 44 % du personnel médical qui est BAME (Black, Asian & Minority Ethnies – Noirs, Asiatiques et Ethnies Minoritaires). Quant à Areema Nasreen, infirmière urgentiste également décédée, elle faisait partie des infirmiers-ères et des sages-femmes dont un sur cinq est BAME, alors que dans certaines régions comme Londres, quatre sur dix le sont.

Au vu de l’apport essentiel des travailleurs étrangers dans le domaine de la santé en ces temps de pandémie, la machine administrative s’est adoucie. Le gouvernement a ainsi décidé de renouveler automatiquement le visa de tous les infirmiers, médecins, ambulanciers et professionnels de la santé, et cela pour une année et sans frais.

Le secrétaire à la santé, Matt Hancock, qui avait insinué que NHS était « le National Health Service et non le International Health Service», a salué les membres du personnel du NHS qui ont péri du coronavirus comme des «personnes venues dans ce pays pour faire la différence ». Un bel hommage, rendu malheureusement post mortem.

 

En Algérie, des actions solidaires pour résister au coronavirus

Le Monde Afrique, 6 mars 2020

Le confinement a été officiellement décrété et il n’est plus possible de travailler à moins d’être employé dans la santé ou tout autre domaine essentiel. Alors, les Algériens se mobilisent.

A Bejaïa, à 200km d’Alger. Fahim Ziani, 49 ans, propriétaire d’une salle de fête a une idée de génie : sur Facebook, il annonce qu’il met sa salle à disposition des sans abri. Élus locaux, bénévoles, protection civile, particuliers, tous relaient l’information et forment une chaîne de solidarité pour accueillir les premiers sans-abris. Sous l’avalanche de dons reçus, ils sont obligés d’en réorienter une partie vers les associations d’entraide.

A Oran, deuxième ville du pays. Plusieurs initiatives de solidarité naissent spontanément : on y fabrique des protections pour le personnel soignant, on collecte des aliments pour les ménages les plus touchés économiquement, on confectionne des repas pour les hôpitaux, on fait des spots de sensibilisation. Provisoirement, les oppositions politiques sont reléguées dans les tiroirs.

A Baba Ali, en périphérie sud de la capitale. Ryadh Brahimi, entrepreneur de 39 ans et une trentaine de ses employés sont confinés dans les locaux de la Global Algerian Technology. En réponse à un appel d’offres du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche pour un respirateur artificiel, ils se mettent « gracieusement » à l’œuvre, car dit-il « Nous avons compris que les procédures allaient nous faire perdre du temps et nous avons prévenu que nous étions prêts à commencer tout de suite. »

Avec l’aide des universitaires, des médecins et de la diaspora, les ingénieurs parviennent à sortir un prototype en deux semaines. « C’est une machine de guerre, pas un respirateur de la qualité de ceux produits par des multinationales avec des années d’expériencesMais si ça permet de sauver une vie, on aura réussi. »

Marie-Cécile / Voix d’Exils




« Paul Biya dilapide l’argent des Camerounais à Genève »

L’Hôtel Intercontinental de Genève. Photo: FBradley Roland, Voix d'Exils

L’Hôtel Intercontinental de Genève. Photo: FBradley Roland, Voix d’Exils

Le 19 janvier dernier, des membres de la diaspora camerounaise ont mené une action internationale pour tenter de déloger le président Paul Biya de l’Hôtel Intercontinental de Genève et alerter l’opinion publique mondiale sur la situation catastrophique du Cameroun. Selon la diaspora camerounaise, Paul Biya louerait à l’année un étage entier de cet hôtel de luxe genevois pour lui et une cinquantaine de proches aux frais du contribuable Camerounais. Un train de vie opulent qui contraste fortement avec la misère de son pays, qu’il dirige d’une main de fer depuis plus de 30 ans, et qui s’enfonce  dans un désastre socio-économique.

Ils sont venus à Genève des quatre coins du globe : du Canada, des États-Unis, de Belgique, de France et de Suisse pour « déloger » Paul Biya de l’Intercontinental et attirer l’attention de l’opinion internationale sur la situation qui sévit au Cameroun. Un beau pays, très riche en ressources naturelles, appelé l’Afrique en miniature de par sa diversité ethno-culturelle. Mais, selon ces militants qui se sont rendus à la cité de Calvin du 16 au 19 janvier dernier, « il est temps de faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard. Car le Cameroun va mal, très mal ».

La misère criante du peuple camerounais

Les populations tirent le diable par la queue et le panier de la ménagère se vide jour après jour. « Depuis plusieurs mois, la grande majorité des Camerounais luttent pour avoir une baguette de pain au petit déjeuner. Le prix des produits de première nécessité augmente à un rythme exponentiel, enfonçant le contribuable dans une misère ambiante. La gabegie des dirigeants est dégoutante », nous confie un français marié à une Camerounaise. Il y a plus de deux ans le Fonds Monétaire International (FMI) dressait un rapport «  d’une rare sévérité » sur la gestion économique du Cameroun. « La liste des critiques adressées aux dirigeants Camerounais est très longue. Les experts du FMI relèvent pêle-mêle le manque d’infrastructures, la piètre gouvernance et le mauvais climat des affaires », dont le résultat est aujourd’hui « la stagnation économique du pays et sa vulnérabilité à la récente crise financière », relève Radio France Internationale, dans un article d’août 2010.

« Un étage entier de l’Hôtel Intercontinental de Genève loué à l’année »

Pendant ce temps, Paul Biya se prélasse dans l’un des hôtels les plus chers du monde… l’Hôtel Intercontinental de Genève où, selon nos sources, il louerait tout le 6ème étage à l’année et ce, pour une somme pharaonique. Une enclave cossue de Genève des bords huppés du Lac Léman. Un havre de bonheur des grands de ce monde : princes arabes à la pelle, hommes d’états, hommes d’affaires triés sur le volet. Bill Clinton y a d’ailleurs séjourné. Herbert Schott, après avoir passé 35 ans à la tête de l’Hôtel Intercontinental de Genève, jusqu’en 2002, raconte des dizaines d’anecdotes à propos de ses clients les plus célèbres, dans son livre intitulé « L’HÔTELIER », paru en 2007. L’on peut lire que parmi les 157 chefs d’Etats ayant séjourné lors de sa direction à l’Hôtel Intercontinental, Paul Biya est celui qui l’a le plus marqué. Quant à ses trois enfants, ils ont également leur place dans le paradis lémanique, où ils étudient dans le très select Collège du Léman, à Genève. Un établissement scolaire haut de gamme dont les frais de scolarité et d’internat coûtent la bagatelle de 78’000 euros par année et par étudiant, selon Jeune Afrique. « Comment peut-on s’offrir un luxe aussi insolent, quand le pays qu’on dirige est classé PPTE (Pays Pauvre Très Endetté) par les institutions de Bretton Woods » ?, s’offusque un activiste, du nom de Thierry, avant d’ajouter que « Paul Biya est dangereux, méchant et sanguinaire et qu’il faut à tout prix l’empêcher de noyer, de détruire le Cameroun par tous les moyens possibles ». Une situation et un comportement que la plupart des Camerounais trouvent choquants, voire insultants, car la grave crise économique mondiale qui sévit actuellement a aussi des répercussions sur l’Afrique et le Cameroun n’est pas épargné.

«Tentative désespérée pour  déloger le dictateur par la force »

De quoi expliquer la colère des activistes qui se sont rendus à Genève pour protester contre Paul Biya et dont certains n’ont pas hésité à pénétrer dans l’Hôtel Intercontinental, le 19 janvier dernier, lors d’une tentative désespérée pour «déloger le dictateur par la force ». « Nous avons expliqué au personnel et aux dirigeants de cet hôtel que l’argent que Biya et ses amis dépensent dans cet hôtel appartient au peuple Camerounais», tonnaient en chœur quatre activistes Camerounais qui ont pu pénétrer à l’intérieur de l’établissement avant d’être stoppés net par des policiers suisses et la sécurité de l’établissement. Ils ont juré qu’ils le « traqueront partout où il ira gaspiller l’argent des Camerounais ».

Une lettre rédigée par un collectif au nom de « Cameroun libre » a d’ailleurs été envoyée aux autorités Suisses, pour demander l’expulsion de Paul Biya du territoire helvétique. « L’hôtel Intercontinental de Genève se fait complice dans l’accentuation de la misère et la clochardisation du peuple Camerounais. Nous invitons les Camerounais, les amis de Camerounais, les Suisses, et le monde entier à ajouter leur voix à la campagne pour demander à cet hôtel de ne plus accepter Biya et ses amis comme clients. Nous devons clairement faire savoir aux dirigeants de l’Hôtel Intercontinental que le peuple Camerounais ne va pas se taire, tant qu’ils choisiront de participer au pillage de notre pays », concluaient les activistes.

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

« Je parle des Camerounais pour lesquels boire de l’eau potable est devenu un luxe »

« Je ne parle pas du Cameroun des courtisans du président, des opportunistes qui l’entourent, qui lui sont proches, des vautours (ministres, directeurs généraux, et autres conseillers) qui n’attendent que le moment venu (après la mort du président) pour sauter dessus et prendre le relais.

Je parle des Camerounais qui n’ont plus aucun espoir dans la vie malgré tous leurs efforts.

Je parle des Camerounais de la capitale et de la majorité des villes Camerounaises pour qui boire de l’eau potable est devenu un luxe.

Je parle du Cameroun de l’insécurité, du trafic d’organes humains, de la corruption endémique, du tribalisme, de la pédophilie et devant lesquels les pauvres citoyens-immigrés que nous sommes sont devenus impuissants.

Je parle des Camerounais qui vivent dans un pays ou l’anarchie est devenue la règle. Oui, au Cameroun, les gens sont tués et mutilés dans une indifférence à faire froid dans le dos.

Je parle des Camerounais qui n’éprouvent plus aucune émotion devant la violence.

Je parle des Camerounais qui vivent dans un pays où les hôpitaux publics sont devenus des mouroirs.

Je parle des Camerounais qui subissent une injustice flagrante sans qu’aucun de leurs bourreaux ne soient inquiétés.

Je parle du Cameroun ou les journalistes, écrivains, et autres penseurs sont arrêtés, emprisonnés, certains sont morts en prison.

Je parle des Camerounais qui, malgré des diplômes universitaires, bravent les mers du monde pour fuir la terre de leurs ancêtres et subissent l’humiliation à travers le monde.

Je parle de ce pays où la promotion au mérite a été enterrée depuis très longtemps.

Je parle de ce pays sans modèles ni héros.

Je parle de ce pays où rien ne marche et où le temps s’est arrêté.

Je parle de ce pays dont les talentueux enfants à travers le monde sont tout simplement oubliés pendant que d’autres profitent de leurs compétences. Les sportifs, médecins, journalistes, ingénieurs Camerounais n’hésitent plus à prendre la nationalité de leurs pays hôtes.

Je parle de ce pays dont le vide institutionnel est à l’origine de toutes les dérives. Un pays pris en otage par une poignée de Camerounais (un homme et sa famille) depuis plus de trente ans ».

Propos d’un activiste Camerounais d’une trentaine d’années vivant aux États-Unis qui a fait le déplacement pour participer à l’action internationale de Genève du 19 janvier dernier.




14 ème Sommet de la Francophonie : retour sur un événement aux enjeux considérables

Joseph Kabila, président du la RDC. Photo Galerie du Parlement Européen (CC BY-NC-ND 2.0)

Le 14 octobre dernier, les projecteurs s’éteignaient sur le 14ème Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu du 13 au 14 octobre 2012 à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo, sur le thème des « enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale ». Bilan politique, diplomatique et économique de ce Sommet controversé.

Seize chefs d’Etat ont fait le déplacement à Kinshasa. Dès le vendredi 12 octobre, on a noté l’arrivée du président du Gabon, Ali Bongo, du Cameroun, Paul Biya, du Niger, Mahamadou Issoufou, de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara, de la Guinée, Alpha Condé, de Centrafrique, François Bozizé, du Burkina Faso, Blaise Compaoré, du Burundi, Pierre Nkurunziza, et de la Tunisie, Moncef Marzouki, de Haïtie, Michel Martelly. Le président français François Hollande, est arrivé le samedi 13 octobre. On notera aussi la présence du président Denis Sassou Nguessodu du Congo Brazza, du président comorien, Ikililou Dhoinine, du premier ministre canadien, Stephen Harper. La Suisse était représentée par le vice-président du Conseil fédéral, Ueli Maurer.

Mais si ce dernier ce Sommet a fait couler tant d’encre et de salive, c’est justement à cause de son caractère hyper politisé, car les enjeux étaient considérables, tant pour ses organisateurs que pour ses détracteurs. Revenons sur cet événement afin de comprendre les raisons de cet excès de politisation et d’en dresser le bilan.

Les contestations

Avant le Sommet, plusieurs voix se sont levées pour condamner sa tenue dans un pays qui a connu « les pires élections du monde » à en croire Radio France Internationale. Des Congolais de l’intérieur du pays et ceux de la diaspora se sont mobilisés, en France, en Belgique, au Canada, en Suisse et ailleurs, pour dire non à ce qu’ils appellent « la francophonie du sang » ; celle qui, en organisant son Sommet au Congo, est une insulte à la misère du peuple congolais dans le contexte politique actuel.

Si les appels de ses contestataires n’ont pas réussi à faire délocaliser le Sommet, ils ont néanmoins contribué à sa sur-médiatisation et surtout à semer le doute, à entretenir l’incertitude, à faire durer le suspens et à montrer que le Congo va mal, au point qu’à un certain moment, la thèse de délocaliser le Sommet à l’Ile Maurice avait été évoquée dans certains milieux proches des organisateurs. Abordons maintenant les raisons qui ont contribué à l’hyper politisation du 14eme Sommet de la Francophonie. Pour commencer, le contexte politique international a beaucoup joué dans l’appréciation de ce Sommet.

La France a un nouveau président Hollande

Monsieur François Hollande a été élu à la tête de la France sur la base d’un programme de campagne qui prône « le changement ». Une fois arrivé au pouvoir, il a voulu prendre ses distances avec son prédécesseur, Monsieur N. Sarkozy. Homme de « la présidence normale », le nouveau locataire de Élysée doit prendre ses marques sur toutes les questions, tant sur le plan  de la politique nationale qu’internationale.

En perte de vitesse quant à sa côte de popularité et faisant face à l’écart entre les promesses de campagne et les réalités politiques qui dictent les contraintes du terrain, François Hollande doit inventer un mode de gouvernance qui entretient, tant que faire se peut, l’image de celui qui peut tirer la France de la crise, la sauver du spectre des possibles délocalisations des entreprises, de ses multiples plans sociaux, bref, arrêter l’hémorragie d’un mécontentement qui risque de se généraliser.

Dans ce contexte, le Sommet de la Francophonie est une tribune toute trouvée pour le président français afin de réaffirmer sa détermination pour le changement, dont il se veut le garant pour la France et toutes les zones où s’entend sa sphère d’influence.

Mais ce Sommet est en même temps un test pour le « président normal ». Aller à Kinshasa, c’est honorer la Francophonie. Dans ce contexte de crise, ce voyage est aussi un soutien aux entreprises françaises présentes au Congo comme AREVA et bien d’autres. Mais, en même temps, le Congo est présenté par plusieurs observateurs comme un pays qui s’est construit sur une dictature, à en croire le dernier rapport d’Amnesty International sur les droits de l’homme au Congo.

Devant ce dilemme, Monsieur Hollande décide alors de jouer le morceau à sa manière. Le 9 octobre, soit cinq jours avant l’ouverture du Sommet et devant le Secrétaire Général de l’ONU, Monsieur Ban Ki-moon, il critique ouvertement le pouvoir en place au Congo : « la situation dans ce pays est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l’opposition. » Cette prise de position avait suscité plusieurs réactions. Certains trouvaient les propos du président français adéquats, tandis que d’autres les trouvaient inutiles et mal placés.

On notera la réaction du gouvernement congolais à travers son ministre de l’information, Monsieur Lambert Mende, qui a affirmé que Monsieur Hollande ne connaissait rien de la réalité congolaise. Alors qu’un des membres de l’opposition, Monsieur Vital Kamerhe, invitait les proches du président Kabila à voir dans les propos du président français une correction fraternelle.

Dans les milieux proches de la présidence française, on affirme qu’il s’agit d’une détermination de François Hollande qui a une autre approche de la Françafrique. Mais pour Jean-Pierre Mbelu, un analyste politique congolais vivant en Belgique, les propos de Monsieur Hollande étaient destinés à la consommation de l’opinion internationale et aux médias français, confie-t-il à Etienne Ngandu du blog CongoOne  .

Kabila et sa quête de légitimité

Les dernières élections présidentielles et législatives au Congo avait suscité un immense espoir au sein de la population, plus que jamais assoiffée de changement démocratique, gage d’un développement qui la tirerait de sa misère injuste. Mais ce rêve a vite tourné au cauchemar, car le changement tant attendu n’a pas eu lieu. Monsieur Kabila s’est maintenu à la tête du pays à l’issue d’un processus électoral qualifié de « chaotique », selon l’expression de la rédaction de Radio France International du 29.11.2011.

La contestation qui s’en est suivie était sans précédent. La violence et les arrestations arbitraires au sein de l’opposition qui revendiquait la victoire de son leader Etienne Tshisekedi, ont contribué à décrédibiliser ce processus. A cela s’ajoute, l’absence de la liberté d’expression, l’emprisonnement des opposants et les assassinats politiques que connaît le pays, qui ont fini par ternir l’image d’un pouvoir qui avait déjà du mal à se faire accepter. Et même si le soutien tacite à Kabila s’est fait par le silence de la communauté internationale, son régime est considéré par une certaine opinion comme infréquentable.

A sa prestation de serment, sur tous les chefs d’Etat étrangers attendus, seul le très controversé Robert Mugabé du Zimbabwe était venu à Kinshasa. Notons que son voisin le plus proche de Kinshasa, Congo Brazzaville, n’avait délégué que son ministre des transports. Cela fut perçu comme une sorte de boycott.

Ainsi, le Sommet de la Francophonie était une occasion toute trouvée pour Joseph Kabila et ses proches d’essayer de redevenir un État fréquentable, ne serait-ce que l’espace d’un weekend. C’est aussi cela qui explique la détermination du pouvoir de Kinshasa à organiser ce Sommet au Congo par tous les moyens.

Bilan économique

Les travaux préparatifs du 14ème Sommet de la Francophonie ont coûté la bagatelle de 22,6 millions de dollars, soit 17 millions d’euros pour un pays dont le budget 2012 est de près de 8 milliards de dollars. Dans un pays où des enseignants, des fonctionnaires de l’Etat, des médecins et bien d’autres travailleurs totalisent plusieurs mois impayés, un tel luxe pose un sérieux problème de priorités et de choix du pouvoir de Kinshasa. D’autant plus que toutes les dépenses n’ont concerné que l’aspect extérieur de la capitale et les endroits que devaient visiter les caméras occidentales.

A ce jour, il est difficile de parler de retombées financières pour le pays, tellement tout a été centré sur la récupération politique du Sommet. Aucune annonce des investisseurs à qui le Sommet aurait permis de signer des contrats dans le sens de la création d’emplois par exemple. Aucun rapport sur les retombées touristiques et culturelles. Ce qui justifie le scepticisme du Congolais moyen pour qui ce Sommet ne peut rien apporter à la population. «Tous ces beaux discours des participants changent quoi dans la vie des Congolais qui continuent à verser le sang? Ce Sommet ne peut déboucher que sur une « grande messe » inutile pour la population congolaise », commente un congolais sur le site de Radio Okapi , une radio locale.

Sur le plan politique

Sur le plan politique, le gouvernement de Kinshasa peut être satisfait d’avoir relevé le défi dans un contexte extrêmement incertain et tendu, avec la guerre de l’Est que mène la rébellion du M 23 : le Mouvement du 23 mars; celle dans le Kasaï avec Jonh Tshibangu ainsi que les contestations à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Comme l’exprime Monsieur Alain Simoubam, du groupe de presse Liberté, « jamais Sommet de la francophonie n’aura autant suscité de polémiques et autant mis mal à l’aise les autorités du pays hôte. » Braver tout cela et réussir le Sommet sur le plan des infrastructures et de la sécurité, peut être considéré comme un succès pour le pouvoir de Kinshasa. Mais les objectifs politiques de ce dernier ont-ils été atteints ?

A ce niveau, avoir réussi à organiser le Sommet à Kinshasa ne semble pas avoir tout arrangé pour Joseph Kabila. L’équilibriste François Hollande n’a pas manqué de gestes peu diplomatiques et pour le moins humiliants à l’encontre de Monsieur Kabila. Devant la presse internationale et à côté de Kabila, il affirme espérer voir le processus en cours au Congo aller jusqu’à son terme. Il fait attendre Kabila pendant près de 42 minutes au Palais du Peuple où se tient le Sommet et ne se donne pas la peine d’applaudir Kabila à la fin de son discours comme le fait toute l’assistance. Bref, cela a créé plutôt le malaise que le triomphe. Et l’inauguration par François Hollande de la médiathèque du Centre culturel français de Kinshasa baptisée du nom de Floribert Chebeya, ce militant et défenseur des droits de l’Homme assassiné en juin 2010, est gênant pour Kinshasa qui semble avoir des choses à cacher dans cet assassinat que d’aucun qualifie de crime d’Etat.

Et pour couper court à l’illusion de se faire reconnaître par des chefs d’Etat étrangers, le leader de l’opposition, Monsieur Etienne Tshisekedi, celui qui s’est toujours considéré comme le vainqueur des élections du 28 novembre 2012, enfonce le clou et affirme, à l’issue de son entretien avec François Hollande, que « la légitimité du pouvoir au Congo ne peut venir que du peuple congolais. » Le président du parti politique l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social), s’est dit satisfait de son entretien avec le président français, entretien qu’il a qualifié de fraternel.

Pour Vital Kamrhe qui s’exprimait sur les ondes de Radio Okapi, à Kinshasa, « le Sommet de Kinshasa a été un échec. Il a permis au peuple congolais de comprendre qu’il se pose en RDC un problème de déliquescence de l’Etat et de leadership responsable ».

Sur le plan diplomatique

Une chose est d’accueillir les autres dirigeants chez soi, mais en tirer des dividendes diplomatiques en est une autre. Le bilan diplomatique ne pourrait pas être un succès. Si le pouvoir de Kinshasa peut se targuer d’avoir reçu le soutien de quelques présidents étrangers, notamment de Blaise Kampaoré du Burkina-Faso, les attitudes et les propos du président français sont restés dans toutes les têtes comme les moments importants de ce Sommet, qui ne sont pas glorieux pour Kinshasa.

En outre, le conflit à l’Est de la RDC a fait l’objet d’un traitement diplomatiquement discutable. Pour l’opposant Vital Kamerhe, «la qualification de ce conflit laisse voir la faiblesse de la diplomatie congolaise.»  Le mystère sur les vrais soutiens des rebelles demeure entier. « Comment expliquer, se demande Kamerhe, que de l’avis du ministre de l’information de la RDC et de beaucoup d’autres acteurs, on parle de l’agression de la RDC. Le ministre nomme le Rwanda comme l’agresseur ; mais quand nous suivons le président de la République, il dit que la paix est troublée à l’Est par des forces négatives avec un appui extérieur d’un Etat voisin, sans dire lequel alors que nous avons neuf voisins. »

Même le fait que Kinshasa ait réussi à faire rédiger une déclaration qui demande au Conseil de sécurité de Nations Unies de condamner l’agression dont est victime l’Est du Congo, ceci n’a pas été un franc succès dans la mesure où le plus grand accusé comme soutien de cette rébellion, le Rwanda, n’a pas signé le communiqué final.

Ainsi, le 14ème Sommet de la francophonie aura été un pari réussi par ses organisateurs, mais son bilan laisse un goût amer qui a contribué plus à mettre à nu les problèmes congolais sans la moindre lueur de solution. En même temps, ce Sommet a une fois de plus montré l’incapacité de toutes ces organisations internationales à rencontrer les préoccupations existentielles des peuples sans défense. Au point que ce même dimanche 14, pendant que se clôturait le Sommet, un congolais de la base à qui une télévision étrangère a tendu le micro, s’est exclamé en ces termes : « il s’agit d’un Sommet pour eux ; eux les puissants de ce monde qui se moquent de nos malheurs. Ils partiront et rien ne changera à notre situation. Nous continuerons à souffrir au vue de tout le monde. Nos femmes et nos filles continueront d’être violées et nos ressources alimenteront toujours de nouvelles guerres. Le changement au Congo ne doit venir que de nous-mêmes.»

Ainsi va le monde : les uns gémissent, les autres jubilent et l’histoire suit son cours.

Angèle BAWUMUE NKONGOLO

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils