1

Flash Infos #189

Sous la loupe : Les personnes migrantes victimes de violences mieux protégées / Le renforcement de la coopération mondiale est essentiel pour répondre aux migrations provoquées par le changement climatique / Au Royaume-Uni, le coût de l’expulsion des demandeurs d’asile au Rwanda passe mal 

Nos sources : 

Les étrangères victimes de violences en voie d’être régularisées

20minutes, le 28 février 2024

Le renforcement de la coopération mondiale est essentiel pour répondre aux migrations provoquées par le changement climatique.

OIM, le 26 février 2024

Au Royaume-Uni, le coût de l’expulsion des demandeurs d’asile au Rwanda passe mal

Rfi, le 1 mars 2024

Ce podcast a été réalisé par : 

Zana Mohammed et Vishnu Nagalingam, membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils et Malcolm Bohnet, civiliste à la rédaction.




FLASH INFOS #92

Photo: Wikilmages / Pixabay.com

Sous la loupe : Joe Biden contre le programme « Rester au Mexique » / Suisse : vers une augmentation des demandes d’asile ? / Le problème des centres pour migrant.e.s en Lituanie

Joe Biden contre le programme « Rester au Mexique »

Tribune de Genève, le 30.12.2021

L’actuel président des États-Unis Joe Biden s’est récemment positionné en faveur d’une interruption du programme d’immigration « Rester au Mexique », officiellement nommé « Protocoles de protection de l’immigration » (PPM).

Cette politique d’immigration controversée, mise en œuvre en 2019 par l’administration de l’ancien président Donald Trump, permet de renvoyer les demandeurs et demandeuses d’asile au Mexique pendant que leur dossier est en cours de traitement.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Suisse : vers une augmentation des demandes d’asile ?

Tribune de Genève, le 30.12.2021

Dans une interview parue jeudi 30 décembre dans le journal alémanique « le Blick », le chef du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) Mario Gattiker a annoncé s’attendre à une hausse des demandes d’asile en Suisse pour l’année à venir. Il l’estime à environ 15’000 pour 2022, contre 14’500 en 2021.

L’augmentation de ces demandes serait liée à l’instabilité politique dans plusieurs pays d’Afrique, où la pandémie a aggravé la détresse économique.

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Le problème des centres pour migrants en Lituanie

infomigrants.net, le 24.12.2021

En raison de la multiplication des flux migratoires passant par la Biélorussie, le nombre de personnes en situation d’exil tentant de rejoindre la Lituanie de manière irrégulière a connu une hausse sans précédent. Pour y faire face, ce pays voisin de la Biélorussie a mis en place en urgence des centres pour exilé·e·s où les conditions de vie s’avèrent problématiques.

C’est le cas du centre de Medininkai qui est divisé en cinq parties, séparées par des clôtures bâchées dont deux sont réservées aux hommes et trois autres aux femmes, aux familles et aux personnes homosexuelles. Au total, le centre compte environ 800 personnes. Les exilé·e·s dorment dans des containers installés à la hâte et manquent de tout, principalement de savon. Il arrive également que l’eau dans les douches reste froide une journée complète, ce même lorsqu’il fait moins -10 °C. Les personnes dans le centre s’irritent facilement car les garde-frontières lituaniens ont tendance à leur manquer de respect sans raison, en les traitant de « criminels » ou de « voyous ».

De nombreuses personnes dans cette situation ont fait appel après avoir vu leur demande d’asile rejetée. Le Parlement lituanien a d’ailleurs approuvé des amendements sur le statut juridique des personnes étrangères, autorisant à les garder en détention jusqu’à 12 mois lorsque le pays est en situation d’urgence, comme c’est le cas actuellement. Leur détention peut dorénavant être prolongée de six mois si leur demande est refusée.

L. B. et Z. A.

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Marche solidaire à Sion

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Les interrogations de Souwayba

Pour mobiliser la vague émotionnelle provoquée par la détresse des migrants qui doivent survivre à la mer et aux frontières, Myriam Darioli Bongi, du parti des Verts valaisans et Anne-Christine Willa d’Amnesty International pour le Valais central ont appelé à une marche silencieuse de soutien aux migrants en ville de Sion, le 7 octobre dernier dans la soirée.  

Le parcours reliait la Place de la Planta à celle du Scex. Cette manifestation a vu la participation de certains partis politiques de sensibilité de gauche, des institutions religieuses, des ONG et associations actives dans le domaine de l’asile sans oublier tous les autres anonymes que la condition humaine ne laisse pas indifférents.

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Fait marquant : beaucoup d’enfants ont participé à cette marche. Les manifestants brandissaient des pancartes portant des messages forts pour la protection de la dignité humaine, le respect des droits humains, à l’image de ces deux messages portés par la jeune Souwayba (huit ans) et son papa, dont l’un revendique « Davantage de voies sûres et légales vers l’Europe ! », et l’autre scandant « Stop aux noyades en mer Méditerranée ! »

L’intérêt que porte la petite Souwayba à cet évènement se percevait dans les questions qu’elle posait à son papa, même si elle n’appréhende pas encore la totalité la problématique de l’immigration :

Que veut dire « des voies sûres et légales » ?

Que faut-il faire pour que les noyades s’arrêtent ?

A chaque humain d’y répondre.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils




«Séquestrée et contrainte à me prostituer en Suisse»

Galerie de Ira Gelb. (CC BY-ND 2.0)

Photo: galerie d’Ira Gelb. (CC BY-ND 2.0)

Certaines « filles de joie » essaient d’échapper à la spirale de la prostitution. Tant bien que mal. C’est le cas de Sonia, que nous avions rencontré l’année passée dans le cadre de notre enquête sur la prostitution et ses dangereuses illusions. Aujourd’hui, Sonia n’est plus dans la rue. Elle est sortie de cet enfer et se bat pour ne plus y sombrer à nouveau. Témoignage d’une difficile reconversion.

Il y a un monde où les femmes ne sont pas considérées comme des êtres humains, mais comme de simples objets, presque comme des papiers hygiéniques. « Utilisées » par toutes sortes d’hommes : mariés, célibataires, riches, pauvres, intellos, malades mentaux et autres. Ce monde, c’est celui des maisons closes, aussi appelées bordels. Ces bordels cachent une réalité sociale aussi ancienne qu’invisible.  Les maîtresses authentiques de ces corps qui se déshabillent pour de l’argent sont emplies de sentiments et de souffrances; de cauchemars et de rêves, de désirs et d’amour. Elles se retrouvent, parfois malgré elles, dans un monde impitoyable fait de masques, toutes seules. Un monde dans lequel il est beaucoup plus facile d’y entrer que d’en sortir… Mais Sonia a réussi à s’extraire de ce cauchemar et nous raconte son histoire.

« Seule dans la rue, la nuit, avec mon fils de cinq ans »

 « Mon cauchemar n’a pas commencé dans un trottoir pour prostituées, mais dans un centre de demandeurs d’asile en Suisse. Un jour, alors que j’étais sur le point de me rendre à l’hôpital, car j’avais rendez-vous avec le médecin de mon fils de cinq ans qui était malade, je reçois un coup de fil de mon avocat. Il me dit « d’être prête » car à tout moment je risquais d’être expulsée. En effet, l’ambassade de mon pays avait signé un « laissez-passer » : le document permettant mon expulsion de Suisse. Sur le coup, je me suis sentie sonnée, abattue, dépassée par la situation. La nuit tombée, sans réfléchir, j’ai pris mon fils sous le bras et nous sommes partis sans savoir où nous allions nous rendre. Une fois dans la rue, le froid, la fatigue de mon fils qui était convalescent, la peur d’être interpellée par une patrouille de police, tellement de sentiments différents, mélangés en une seule et même nuit, que j’ai songé à me suicider. Mais, le fait d’abandonner mon fils, qui n’avait pas demandé à venir dans ce monde, m’avait dissuadée de commettre l’irréparable ».

« J’aurais pu en tuer un. Je me voyais avec un couteau »

« Alors que ces pensées noires me taraudaient l’esprit, J’ai vu une voiture garée. Un monsieur en sort et me demande ce que nous faisons mon fils et moi en pleine rue, tard dans la nuit. Je lui explique brièvement notre situation et il nous emmène dans un café. Il nous offre à boire et me propose de nous héberger chez lui, le temps qu’il faut. Sans réfléchir, j’accepte. C’est en réalité le début d’un autre calvaire. Ce monsieur va me forcer à me prostituer. Il va aller jusqu’à me menacer de me livrer à la police ou de tuer mon fils, si je n’accepte pas de me prostituer pour lui. Il exige alors que je le lui ramène au moins 2000 francs suisse par jour. Je me retrouve donc séquestrée et contrainte à me prostituer, malgré moi, pour ensuite lui remettre cet argent. Lui, il reste à la maison avec mon fils. Il me dépose les premières nuits « là où ça se passe ». Entre le quartier des Pâquis à Genève et la rue de Genève à Lausanne et même parfois à Zurich.

Je découvre alors l’univers du trottoir, la violence, les agressions par des clients, les vols, la concurrence entre les filles, le déchaînement des passants… Chacune d’entre nous – les prostituées – garde en mémoire une poignée d’agressions qui lui a marqué le cœur ou la peau. Mais très peu d’entre nous les racontent, ou les dénoncent. La plupart préfèrent se terrer dans le silence. La prostitution, c’est un gigantesque mensonge : la prostituée ment, le client ment. L’ouvrier devient patron et le mari célibataire. Il faut se « livrer à tous », y compris à des malfrats, à des assassins, des drogués et autres. On a envie de leur dire que ce sont des abrutis, mais on est obligées de leur faire des compliments. De devoir supporter ces types, ça me prenait aux tripes. J’aurais pu en tuer un. Je me voyais avec un couteau ».

 

« Je vis aujourd’hui avec le minimum, mais je suis en accord avec moi-même »

« C’était terrible, je n’en pouvais plus. Je pleurais, j’implorais mon Dieu. Un jour, une dame, Mme Mbog, qui distribuait souvent des préservatifs aux prostituées m’a demandé de lui dire pourquoi je pleure tout le temps. Face à mon hésitation, elle s’est montrée très convaincante et digne de confiance. M’assurant notamment qu’elle dirigeait une ONG, qu’elle pouvait m’aider et qu’elle était là pour ça. Je lui ai alors raconté mon histoire. Elle m’a demandé si mon fils était toujours là-bas, chez le proxénète. La réponse était oui. Elle m’a demandé de rentrer, comme si de rien n’était, tout en prenant mon adresse complète (ou plutôt l’adresse de mon proxénète puisque je vivais chez lui avec mon fils). Mme Mbog est arrivée le lendemain accompagnée de deux autres personnes. Heureusement ou malheureusement, le proxénète était absent. Je ne voulais pas qu’elle appelle la police, car j’avais peur d’être rapatriée. Elle nous a alors amené chez elle en France.

Elle m’a aidé à trouver un logement, mon fils est scolarisé, je travaille et suit une formation en informatique. J’essaie d’oublier cet enfer, mais ce n’est pas facile. Pendant toutes ces années, j’ai vu des psychologues, je suis allée aux centres pour personnes dépendantes car je buvais pas mal. Mais je trouvais des excuses bidons et racontais des faux problèmes, parce que je ne pouvais pas dire que j’étais une prostituée. En fait, je me rends compte maintenant que je lançais des appels au secours en permanence. Mais les réponses, les aides, on ne les obtient pas, parce qu’on ne peut pas dire l’essentiel. J’ai toujours eu honte de ce passé. Il n’y a personne pour le comprendre, pour le déchiffrer. Mais, Mme Mbog elle est toujours là, bien qu’elle ne puisse pas m’aider en tout, vu qu’elle suit aussi d’autres filles et qu’elle dispose de moyens limités. J’ai eu des problèmes de retards de loyer et j’ai été menacée d’expulsion par le propriétaire de mon logement ; car des gens ont raconté que je menais des activités de prostitution dans mon appartement, alors que je ne recevais jamais personne. J’avais commis l’erreur de parler de mon passé en Suisse à une voisine que je considérais comme une amie. Elle a alors raconté cela aux autres voisines. Tout le quartier sait désormais que j’étais une prostituée. Elle n’a rien compris et c’est très dur à vivre. Je n’aurais jamais imaginé que même le concierge où je vis allait s’en servir pour tenter de me détruire. Certaines croient que j’ai de l’argent, car j’ai été une prostituée en Suisse. Mon passé douloureux dans ce pays me suit jusqu’ici. Tout est un combat. Si on avait de l’argent, on n’irait pas se prostituer. Aujourd’hui, je suis dans une situation très précaire financièrement. Mais je n’y retournerai pas. C’est irréversible. Je réapprends à vivre. Je travaille. Je suis contente de toucher un salaire, même si je gagnais en deux jours ce que je gagne aujourd’hui en deux semaines. Mais je donnais presque tout à mon proxénète, et même si c’était pour moi, je considère ça comme de l’argent sale. Je vis actuellement avec le minimum, mais je suis en accord avec moi-même ».

Propos recueillis par :

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Lire aussi: « Les dangereuses illusions de la prostitution », article publié sur Voix d’Exils le  27.04.2012, en cliquant ici