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A la rencontre des écoliers valaisans

Marcus jouant au "Awele", un jeu typique de l'Afrique de l'Ouest

Marcus jouant au « Awele » avec les élèves, un jeu typique d’Afrique de l’Ouest. Photo: Voix d’Exils.

En Valais depuis près de 3 ans, Marcus est toujours dans l’expectative concernant sa demande d’asile. En attendant une réponse des autorités suisses, cet Ougandais en exil perfectionne son français et apprend à découvrir le canton et ses habitants. Dernièrement, il a collaboré à un projet pédagogique mené dans les écoles de la région. Une expérience unique pour un contact privilégié avec les étudiants valaisans et leurs enseignants. Des rencontres qui ont inspiré Marcus.

 

 

 

Depuis quelques temps, je n’ai plus beaucoup écrit. Plusieurs raisons à cela : d’abord, j’ai essayé d’améliorer mon français, que ce soit écrit ou parlé. Durant quelques mois, j’ai également participé à un programme d’intégration.

Cette période n’a bien sûr pas été uniquement faite de travail. J’ai aussi pris beaucoup de plaisir. J’ai d’ailleurs développé de nouveaux intérêts en plus de mon obsession pour la course à pied, à commencer par la danse et… les combats de reine, que j’ai découverts au Châble, près de Verbier, invité par un ami suisse. Quel suspense ! J’ai adoré regarder lutter ces animaux bien nourris. Peut-être vous en dirai-je d’avantage dans mon prochain article.

Cette fois, je voudrais vous faire part des quelques jours que j’ai passés à Conthey dans le cadre d’une exposition au cycle d’orientation «CO de Derborence». Je n’étais pas là en tant qu’étudiant, mais pour partager ma culture, mon expérience avec les élèves de l’établissement. Un labyrinthe leur montrait également le processus que les requérants d’asile traversent avant de se voir octroyer ou non le titre de réfugié.

Quelques jours avant l’exposition, l’excitation et la peur se mêlaient en moi. J’étais heureux d’avoir à pratiquer ma nouvelle langue, content de pouvoir redonner aux Suisses un peu de ce qu’ils m’avaient offert. Mais j’étais aussi apeuré à l’idée du défi linguistique qui m’attendait. La crainte envahissait mon esprit : et si les enfants ne comprennent pas ce que je leur dis ? Aujourd’hui, je suis juste heureux que le positivisme et le courage aient surpassé ma peur.

Le premier jour, la réception chaleureuse des enseignants et des étudiants a rendu les choses plus faciles. Répondre à leur intérêt était très encourageant. A ma grande surprise, les étudiants étaient très intéressés à apprendre quelques chose de nouveau, alors qu’ils n’auront peut-être jamais à jouer à nos jeux ou à parler nos langues. J’y vois là une des raisons qui fait le succès de la Suisse : ce besoin inné d’apprendre est un pas vers la créativité.

Lorsque je leur présentais l’un des jeux pratiqués dans mon pays, l’Awele/Manchala, les enfants et enseignants m’écoutaient religieusement. Au début, je voyais bien que le nombre de graines dans le support en bois sculpté les faisait douter. Ils se demandaient s’ils pourraient un jour apprendre ce jeu. Mais, à la fin de la séance, leurs sourires ne mentaient pas. Certains m’ont même demandé où ils pouvaient acheter ce jeu. Qu’aurais-je pu demander de plus : non seulement ils ont compris le jeu, mais en plus ils l’ont aussi apprécié.

Une autre leçon importante pour moi a été de constater la paix et le calme qui régnaient dans cette école. Étant donné l’âge des élèves, pour la plupart adolescents, j’ai été stupéfait par l’harmonie qui y régnait. Aucun signe de gang ou d’agression entre étudiants. Je comprends maintenant pourquoi beaucoup de parents vivant dans d’autres pays veulent envoyer leurs enfants dans des écoles helvétiques.

J’ai aussi découvert le secret qui se cache derrière la paix en Suisse. C’est la formation donnée aux enfants. De gros fusils et une armée de l’air hypersophistiquée protègent peut-être contre une agression extérieure, mais la paix civile ne peut être maintenue que par la bonne éducation des enfants à la maison, à l’école et dans la société.

Depuis, il n’est plus surprenant pour moi d’être arrêté par ces charmants enfants qui me tendent une main et me saluent. J’oublie peut-être leurs noms, mais je me rappelle clairement de leurs visages défilant devant les stands où nous présentions nos cultures, dans une ambiance familiale.

Le dernier jour, lorsque nous nous sommes dit au-revoir, les émotions étaient très fortes. J’aurais aimé passer plus de jours dans cette école mais comme le disait le roi Salomon : il y a un temps et une saison pour chaque chose. La saison était arrivée à sa fin. Nous devions partir.

Durant cette période, les souvenirs de mes écoles primaire et supérieure me sont également revenus. Je me suis aperçu à quel point les années passent. Les générations vont et viennent comme le monde continue de tourner.

Quand nous avons passé l’enceinte de l’école, je me suis rappelé de la diversité de toutes les cultures à l’école : les enfants d’Asie, d’Afrique et de différentes parties d’Europe. Discrètement, je me suis mis à chanter le refrain d’une chanson populaire appelée «Black and white », de Three dogs a night. Voici quelques paroles de sa version originale : «The paper is white, the ink is black, the child black, the child is white and together we learn to read and write. What a wonderful world».

Marcus

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d‘Exils

 

Le labyrinthe, qu’est-ce que c’est ?

Le labyrinthe. Photo: Voix d'Exils

Le labyrinthe. Photo: Voix d’Exils

Le labyrinthe est un parcours cheminant entre des panneaux en bois. Il permet de suivre l’histoire du requérant arrivé en Suisse et plus précisément en Valais.

Des dessins de François Maret accompagnent des textes basés sur des histoires réelles. Des jeux d’adresse et de mémoire proposent également aux visiteurs de s’adonner à des activités.

Ce labyrinthe a été conçu par le centre «Le Botza», qui forme et occupe des requérants d’asile. Le projet est né de l’envie de montrer le chemin physique et émotionnel de la personne qui arrive en Valais. Il doit permettre aux visiteurs de se rendre compte des difficultés rencontrées par les migrants, mais aussi de leurs étonnements à notre égard.

La première ouverture au public de ce parcours didactique a eu lieu en 2013 dans le cadre du Festival des Cinq Continents à Martigny. Depuis, il est exposé au cycle d’orientation de Derborence, à Conthey.




Des requérantes apprivoisent la montagne valaisanne

La beauté des montagnes valaisannes. Photo: Voix d'Exils.

La beauté des montagnes valaisannes. Photo: Voix d’Exils.

Récit

Certains parlent d’intégration, d’autres agissent. Alice Berthod, jeune animatrice socioculturelle, a eu l’idée de proposer à des requérantes d’asile une immersion dans un concentré de l’identité valaisanne : la montagne. Nous sommes treize femmes originaires d’Érythrée, du Sri Lanka et d’Éthiopie à avoir relevé le défi le week-end du 5 au 7 juillet. Et nous ne l’avons pas regretté !

Le premier jour, nous avons pris la direction de l’Alpage de Flore, où un impressionnant troupeau de 130 vaches nous attendait… Nous avons assisté à une démonstration de traite mobile et à la fabrication du fromage, suivie d’une petite dégustation.

Ensuite, les choses «sérieuses» ont commencé et nous nous sommes mises en route pour une randonnée jusqu’au gîte de Lodze, dans la superbe réserve de Derborence. Oh mon Dieu, pour résumer, ce fut une aventure ! Nous étions fatiguées, essoufflées et transpirantes comme jamais ! Pour dire vrai, nous étions toutes absolument dépourvues de cette culture de la marche en montagne qu’ont les Suisses.

Et nous n’étions pas au bout de nos émotions puisque, le jour suivant, nous passions à l’escalade ! Très nerveuses, nous avons rejoint Séverine Salamin, guide de montagne, au pied d’une paroi de grimpe. Elle nous a accueillies chaleureusement et nous a tout de suite invitées à l’imiter. Nous étions impressionnées et paralysées par la peur, mais Séverine a su nous encourager: «Nous, les femmes, nous sommes fortes. Allez-y, vous pouvez le faire !». A ce moment, l’esprit du groupe a changé : il y a bien sûr eu quelques cris et hurlements, mais tout le monde s’est dépassé.

Le soir, nous avions prévu de faire la fête et de partager un repas traditionnel érythréen. Le repas a bien eu lieu, la fête aussi, mais bien plus modeste et courte que prévue, car tout le monde n’avait qu’une idée : dormir…

Le lendemain, nous avons participé à la messe qui se déroule traditionnellement au gîte de Lodze le premier week-end du mois de juillet. Une centaine de personnes étaient présentes, ainsi que la chorale «Le Temps de vivre». Nous avons beaucoup apprécié cette ambiance ; et ce fut un grand moment d’échanges avec les Valaisans. Certains, audacieux, ont même essayé quelques pas de danse «à l’africaine» quand nous avons chanté des chants traditionnels érythréens.

Nous sommes toutes rentrées enthousiastes, avec l’envie de continuer à parcourir les chemins de montagne et d’explorer d’autres sports apparentés. Nous remercions Alice pour son idée et Olivier Flaction, notre hôte, propriétaire du gîte, qui a pris en charge toute l’organisation de ce week-end inoubliable.

Emily

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils