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Revue de presse #3

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils.

Au plus près de l’actualité internationale de la migration

Sympathisante de l’État islamique, elle risque de perdre sa nationalité suisse

24 heures, 04 février 2020

Ce serait la deuxième fois, depuis la Seconde Guerre mondiale, qu’une personne de nationalité suisse se verrait privée de sa nationalité. Il reste à voir si la femme concernée a déposé un recours en temps voulu auprès d’une ambassade à l’étranger. Dans le cas contraire, le retrait de ses droits civils deviendra effectif en début de semaine prochaine (le 17 février). Âgée de 30 ans, celle qui possède également la nationalité française est originaire de Berolle, petite commune vaudoise.
Juridiquement, le SEM (Secrétariat d’Etat aux Migrations) peut retirer la nationalité suisse à une personne ayant la double nationalité si elle a causé un préjudice aux intérêts ou à la réputation de la Suisse et met la sécurité du pays en danger. Le site internet du Tages-Anzeiger rapportait début janvier que la femme est née et a grandi à Genève. Elle est partie en 2016 en Syrie dans les territoires sous contrôle de l’organisation Etat islamique (EI) avec ses deux filles aînées à l’insu des deux pères. A noter que le retrait du passeport suisse n’est possible que si la personne concernée possède une autre nationalité. Dans le cas contraire, la Suisse créerait des apatrides, ce qui est interdit par le droit international.

L’accélération de la nouvelle procédure d’asile aux dépens de la qualité ?

Le Temps, 03 février 2020

Depuis mars 2019, les procédures d’asile sont mises en œuvre de manière accélérée au sein de six principaux centres fédéraux. Quel est le premier bilan et les chiffres de l’asile ? Dans une interview accordée au Temps, Miriam Behrens, directrice de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) – organisation qui a soutenu la nouvelle procédure accélérée, également approuvée par la population en 2016 – constate des dysfonctionnements. Après dix mois d’application, le nouveau système en place, plus rapide que le précédent, ne garantit pas un traitement équitable des demandes. Miriam Behrens relève notamment que le taux de renvois est actuellement de 16,8%, alors qu’il n’était que de 4,8% avant la réforme. L’OSAR s’occupe de la protection juridique des requérants dans quatre des six régions d’asile de Suisse. Dans chacune d’entre elles, un recours sur trois a été admis ou renvoyé au SEM. Selon l’OSAR, cela démontre de graves problèmes de qualité dans la procédure d’asile.

Toujours moins de requérants d’asile choisissent la Suisse

24 heures, 31 janvier 2020

Le recul de la migration par la Méditerranée centrale explique en partie la diminution du nombre de requérants qui demandent l’asile en Suisse. Au total, 14 269 demandes ont été déposées en 2019, soit 6,5% de moins que l’année précédente. Il s’agit du niveau le plus bas depuis douze ans. Avec 2899 demandes, l’Erythrée est le principal pays de provenance des requérants d’asile.
Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a traité 19 140 demandes en première instance et accordé l’asile à 5551 personnes.
Le taux de reconnaissance de la qualité de réfugié est en augmentation. Il est passé de 25,9% en 2018 à 31,2% en 2019.
Les cas en suspens se sont élevés à 8377, soit 3217 de moins que l’année précédente.
Les départs volontaires en 2019 ont légèrement augmenté à 1631, contre 1613 en 2018. A l’inverse, 2985 personnes ont été rapatriées vers leur Etat d’origine, ou renvoyés vers un Etat tiers, soit 281 personnes de moins qu’en 2018. Les transferts dans un Etat Dublin ont aussi légèrement baissé, passant de 1560 à 1521.
Pour 2020, le SEM table sur environ 15 000 nouvelles demandes.

Valmar / Voix d’Exils

Pour aller plus loin:

Révision de la loi sur l’asile, article publié le 10 janvier 2019 sur Voix d’Exils

Des procédures d’asile accélérées dès le 1er mars, article publié le 21 février 2019 sur Voix d’Exils




Méditons Méditerranée

Bord de la mer, Casablanca. Auteur: Youssrawiki CC BY-SA 3.0

Bord de la mer, Casablanca. Auteur: Youssrawiki CC BY-SA 3.0

Le scenario de la mort relayé en direct par les médias ne finit toujours pas de révéler ses horreurs en pleine mer. La Méditerranée s’est mue en nécropole sous le regard médusé des forces navales d’une Europe qui veut se barricader face à l’afflux des migrants. Mais n’oublions pas que cette situation dramatique est en partie le fruit des politiques d’ajustements structurels qui, autrefois, frappaient l’Afrique et qui, aujourd’hui, ravagent l’Europe.

Fuir la mort ou la pauvreté est, en soi, un réflexe inhérent à notre espèce, quel que soit notre origine géographique. Mais fuir la pauvreté ou la mort pour une autre mort est devenu un phénomène inquiétant qui mériterait une réflexion plus sérieuse de la part du gotha politique de ce monde.

Les ravages des ajustements structurels

En Afrique subsaharienne, les politiques d’ajustements structurels des années 90, édictées par les institutions financières internationales, ont jeté les bases d’une fragilisation du tissu social. Déjà, les signes avant-coureurs d’une déroute s’annonçaient à cause des mauvaises gestions des gouvernants. C’était l’époque de ce qu’on appelait les « départs volontaires » et les « retraites anticipées » issus des réformes économiques recommandées par la Banque mondiale et le Fond Monétaire International. Ces « départs volontaires » étaient des mesures concertées de déflation du personnel, encouragées par l’État, pour alléger sa masse salariale jugée trop lourde. Une indemnité substantielle était alors versée aux fonctionnaires candidats à cette démission négociée. Les ajustements structurels ont conduit à la suppression des subventions et des aides de l’État aux secteurs primaire et secondaire. Ces secteurs, piliers importants de l’économie, avaient encore besoin d’appuis financiers pour assurer un fonctionnement convenable. Ces mesures politiques et économiques n’ont finalement pas porté leurs fruits, mais ont plutôt mené à la corruption et à l’affairisme au sein des élites politiques, ainsi que l’accentuation de l’exode rurale des paysans appauvris vers les grandes villes dans l’espoir d’une vie meilleure. Cette masse d’hommes, venus des villages, démunis des ressources permettant d’affronter un marché de l’emploi quasi inexistant, se lance alors dans l’entrepreneuriat. Ainsi se développent, ce qu’on appelle dans certaines métropoles africaines, les « marchands-ambulants » : des petits commerçants qui vendent leurs marchandises à la sauvette dans les rues.

Tout allait plus ou moins bien jusqu’au moment où l’inflation, le coût exorbitant de la vie et le chômage des jeunes étaient devenus intenables à cause de ces politiques économiques inhumaines et inadéquates. Certains États africains, dans la même lancée, ont même encore jetés de l’huile sur le feu en délivrant des licences de pêche aux grands chalutiers européens qui sont alors venus vider les côtes poissonneuses. Une initiative qui n’a pas tardé à tuer ce secteur avec la raréfaction des poissons qui, par conséquent, sont devenus plus chers dans les marchés locaux.

« Barca-Barsakh »

Ce fut le début d’une aventure meurtrière, de l’explosion de la bombe à retardement qui ne finit de faire des victimes jusqu’à présent. En effet, lorsque les jeunes pêcheurs d’Afrique de l’Ouest commençaient à rentrer bredouille car ne trouvant plus de poissons en mer, l’idée d’émigrer en pirogues était enfin une alternative plus lucrative que cette pêche devenue moribonde. Alors, le phénomène « Barca-Barsakh » (Barcelone ou la Mort) est devenu la nouvelle formule pour rallier l’Europe en pirogues. Beaucoup de jeunes candidats à l’exil: hommes, femmes et parfois même enfants s’embarquent dans les barques de la mort pour tenter l’impossible au péril de leur vie. Tout était bon pour payer le billet de la traversée : les parents vendaient bijoux, propriétés ou même leurs maisons dans l’espoir de voir un fils revenir un jour nanti et plus apte à entretenir toute la famille dans de meilleures conditions.

Hélas, les échecs des premiers voyages par la mer n’ont pas été assez dissuasifs pour les candidats potentiels. D’autres ont quitté le Mali, le Nigeria, la Gambie, les deux Guinées (Conakry et Bissau) pour rallier les côtes sénégalaises en vue de tenter l’aventure des pirogues.

Que d’espoirs perdus, que de jeunes engloutis par la mer, que de familles anéanties…

Le spectre de la mondialisation

Aujourd’hui, il faut aussi dire que le spectre de la mondialisation ne cesse toujours de menacer, avec ses gros nuages sombres qui n’augurent que le désespoir pour une certaine jeunesse. Les pirogues du « Barca-Barsakh » sont devenues désuètes, car des accords entre les gouvernements sénégalais et espagnol ont permis de stopper et de décourager le flux migratoire qui empruntait cette voie.

Face à un manque de mesures d’accompagnement concrètes pour l’insertion des jeunes dans certains pays africains, et face aux nombreux régimes dictatoriaux qui emprisonnent, persécutent ou musèlent les peuples, le mouvement migratoire humain continue de plus belle sa longue marche vers « l’Eldorado » européen.

Après la chute du régime de Kadhafi en 2011, et la pagaille politique en Libye qui s’en est suivie, le désert du Sahara voit de nouveaux caravaniers venus du Moyen-Orient et de l’ouest du continent africain s’ajouter à ceux d’Érythrée, du Soudan, de Somalie pour affronter la grande bleue méditerranéenne.

Que de peines, que de souffrances, mais pas de regrets de la part de ces candidats qui préfèrent laisser leur peau en essayant de joindre l’autre rive, plutôt que de mourir dans la fatalité d’une vie qui semble leur réserver que de l’adversité.

La Méditerranée est devenue sujette à méditations. Sa traversée, par cette jeunesse qui ne semble pas craindre d’y rester, doit plus que heurter les consciences, elle doit encourager une réflexion plus humaniste pour une solution durable.

ISSA

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils