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FLASH INFO #128

Sous la loupe: le Prix Diaspora & Développement / l’Allemagne hausse le ton / Le statut S maintenu jusqu’en mars 2024

Le Prix Diaspora & Développement

Albinfo.ch, le 03.11.2022

Un prix récompense les meilleurs projets menés par des personnes migrantes en faveur de leur pays d’origine. La fédération vaudoise de coopération et ses partenaires, dont Albinfo, ont remis le Prix Diaspora et Développement à quatre projets portés par des associations de diasporas. L’objectif est de valoriser l’impact des personnes migrantes dont le rôle gagne en reconnaissance dans le domaine de la coopération internationale.

Charles Williams Soumah

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

L’Allemagne hausse le ton face aux migrants qui traversent librement le territoire suisse

RTS Info, le 01.11.2022

L’Allemagne accuse la Suisse de ne pas respecter les accords de Dublin. En effet, de nombreuses personnes en quête de protection traversent la Suisse pour se rendre dans un autre pays sans être retenues par les autorités helvétiques. Pourtant, selon Berne, il n’y a rien d’inhabituel à cela.

Charles Williams Soumah

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Le statut de protection « S » pour les Ukrainiens en Suisse est maintenu au moins jusqu’en mars 2024

RTS info, le 09.11.2022

Le statut de protection « S » accordé aux personnes réfugiées ukrainiennes continuera d’être maintenu. Le Conseil fédéral a indiqué qu’il n’était pas question de l’abolir avant mars 2024. La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter précise toutefois qu’il s’agit d’un statut provisoire et orienté vers le retour dans le pays d’origine. A ce jour, plus de 67’000 personnes originaires d’Ukraine ont obtenu la protection en Suisse depuis l’introduction du permis S.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Le silence est dangereux

Illustration: Harith Ekneligoda / rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Libérer la parole pour s’émanciper de l’oppression

En opposition à de nombreux proverbes ou phrases bibliques qui invitent au silence, déclarant qu’il est sage de se taire, aujourd’hui nous devons clamer haut et fort que le silence est aussi dangereux!

Selon Clint Smith, professeur et écrivain américain, « le silence est le résultat de la peur et peut parfois être si nocif qu’il peut causer de graves problèmes sociaux tels que l’oppression, la discrimination, la violence et même les guerres. »

Combattre la peur seul nous mène à une défaite certaine mais, lorsque nous racontons notre peur à d’autres, cette peur s’estompe.

Pendant de nombreuses années, le silence a été utilisé comme une arme de soumission : au temps de l’esclavage, les esclaves devaient garder le silence face à l’humiliation et aux mauvais traitements de leur maître. Dire quelque chose, se plaindre ou ne pas se soumettre aux ordres du maître signifiait l’immédiate violence des coups de fouet et même la mort, non seulement pour celles et ceux qui osaient rompre le silence, mais aussi pour toute leur famille.

Dans le passé, les femmes ont été victimes de soumission : elles devaient se taire face aux abus de leur mari, de leurs parents, de leurs frères ; elles devaient se taire devant la société. On pourrait dire que le silence était l’allié de la peur, de la soumission et du manque de droits des femmes, jusqu’au jour où certaines d’entre elles, dont l’histoire a retenu les noms, ont décidé de briser ce silence et d’affronter leur peur. Elles ont alors commencé à écrire, parler, raconter ce qui se passait et à revendiquer les droits qui leur revenaient en tant que membres à part entière de la société.

Des peurs qui durent longtemps et qui finissent par être destructrices

Mais ne regardons pas seulement le passé : aujourd’hui encore, combien de femmes sont maltraitées et n’osent pas dénoncer leur agresseur, situations qui se terminent régulièrement par un féminicide ? Combien de filles et de garçons sont victimes d’abus sexuels commis par leurs proches, sans oser les dénoncer ? Combien d’enfants qui subissent du harcèlement à l’école n’osent pas dire ce qui leur arrive et finissent par se suicider ?

Les personnes qui demandent l’asile, elles aussi, souffrent du silence. Elles ont déjà essayé d’échapper à des traumatismes en fuyant leur pays et se retrouvent pourtant en dépression ou en clinique psychiatrique à cause de la pression et de nombreuses injustices, discriminations, abus d’autorité, racisme… provenance parfois des autorités d’asile qui les accueillent.

Un silence qui n’est plus que peur et totale soumission permet de perpétuer les abus et les mauvais traitements. Et à la fin, tous les abus cachés à la connaissance du public remplissent une boîte à secrets appelée « Silence » dans laquelle sont conservés les larmes, les cris, la rage et la souffrance.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils.




FLASH INFOS #99

Photo: Voix d’Exils

Sous la loupe : Polémique autour d’un projet de centre sécuritaire à la gare de Lausanne / L’exposition « Quitter la Suisse » à découvrir au Musée national / Des travailleur·euse·s migrant·e·s dénoncent des violences dans une usine en Malaisie

Polémique autour d’un projet de centre sécuritaire à la gare de Lausanne

RTS, le 19.02.2002

Depuis le lundi 21 février, le collectif « Droit de rester » et des personnalités des milieux culturels, associatifs et politiques lausannois manifestent leur opposition au nouveau projet de grand centre sécuritaire à la gare de Lausanne. Ce projet vise à construire un centre de 3’000 m2 sous les rails qui réunirait les administrations de la douane, de la police des transports et un bureau de la police cantonale.

Les opposant·e·s au projet craignent une possible augmentation des renvois ainsi que la mise en place de cellules de rétention et de salles d’audition. La conseillère d’Etat vaudoise en charge de la Sécurité – Béatrice Métraux – a pris la parole suite à ces oppositions et a déclaré que le projet ne prévoyait pas la construction de cellules pour renvoyer des personnes migrantes.

Une lettre ouverte à signer du collectif « Droit de rester » est accessible en ligne à l’adresse suivante: https://chng.it/25GynJXY

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

L’exposition « Quitter la Suisse » à découvrir au Musée national

RTS, 18.02.2022

Ouverte jusqu’au 24 avril au Musée national Suisse à Zurich, l’exposition « Quitter la Suisse » expose les récits de personnes qui sont parties du pays à la recherche de meilleures conditions de vie. Elle rend compte de la façon dont la famine et le climat ont rythmé l’exil des Suisses.

La Suisse étant réputée être un pays où l’on s’établit et où l’émigration est rare, l’exposition a l’avantage de mettre en lumière qu’en réalité plus d’un dixième de la population part s’installer à l’étranger.

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Des travailleur·euse·s migrant·e·s dénoncent des violences dans une usine en Malaisie

Centre de Ressources sur les Entreprises et Les Droits de l’Homme, le 21.02.2022

En Malaisie, des travailleurs et travailleuses migrant·e·s d’une usine fabriquant des produits Dyson ont décrit à la chaîne britannique Channel 4 News les conditions de travail difficiles et les abus qu’ils subissent.

Ces derniers sont notamment amenés à travailler de longues heures, (parfois 18 heures par jour). De plus, nombre d’entre eux vivent dans des conditions insalubres et des logements surpeuplés, avec dans certains cas 80 personnes dans une chambre.

Zahra AHMADIYAN

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Harcèlement sexuel dans l’espace public

Photo: Ahmad Mohammad / Voix d’Exils

Le ras-le-bol des femmes d’ici et d’ailleurs

Hors de leur foyer, les jeunes Iraniennes courent le risque de se faire lourdement draguer, insulter, voire agresser par des hommes qui règnent en maîtres dans l’espace public. Leurs comportements déplacés et violents pèsent sur la liberté de mouvement des femmes et leur équilibre psychique. Moins touchée, la Suisse n’est pourtant pas épargnée par ce phénomène. Notre rédactrice iranienne Zahra raconte.

En Iran, les hommes se sentent supérieurs aux femmes. Ils nous embêtent soi-disant pour rire et pour le plaisir. Ils prétendent que ce qu’ils appellent des « taquineries » sont un moyen de communiquer avec nous et que nous aimons être taquinées. De notre point de vue, c’est complètement faux ! Les hommes n’ont rien à gagner avec des comportements sexuellement agressifs et des paroles déplacées. Mais ils ne nous écoutent pas ! Pour eux, la parole des femmes ne compte pas. Pour illustrer cette réalité, je vais vous raconter trois situations vécues par des amies et par moi-même.

Zahra, 15 ans, victime d’un violent attouchement dans la rue

J’habitais la ville iranienne de Sardasht. C’était la fin de l’année scolaire et, après avoir passé un examen, je rentrais à la maison à pied en compagnie d’une camarade. Nous étions deux adolescentes sans histoires et complices qui papotent tout en marchant. Alors qu’on traversait une ruelle, deux garçons à moto nous ont dépassées et le passager m’a frappée sur les fesses. Cet acte à la fois sexuel et violent m’a profondément choquée. Après, j’en ai longtemps tremblé de peur.

En arrivant chez moi, je n’ai pas osé parler avec mes parents de ce qui m’était arrivé. Je n’avais rien fait et pourtant je me sentais coupable. J’avais peur qu’ils se fâchent et me grondent… C’était inutile aussi de dénoncer ces violences à la police. En Iran, la police prend généralement le parti des agresseurs: « Si tu t’étais bien comportée et si tes habits t’avaient couverte décemment le corps, alors il ne te serait rien arrivé… », voilà la réaction habituelle.

On attendrait de la police qu’elle se montre compréhensive, qu’elle soutienne les femmes qui portent plainte, qu’elle dise que les hommes qui les harcèlent sont des malades, qu’ils n’ont pas d’éducation, mais la plupart des policiers ne valent pas mieux que les harceleurs.

Personnellement, je n’avais rien à me reprocher, je n’étais pas provocante du tout, j’étais habillée avec une longue robe et je portais le voile. Cela n’a pas empêché un inconnu de se sentir autorisé à me donner une fessée. Après cet épisode, je me suis sentie très vulnérable. A chaque fois que je sortais dans la rue, je regardais autour de moi pour m’assurer que je n’allais pas à nouveau me faire agresser.

Farzaneh, 25 ans, victime d’un rodéo-drague sur l’autoroute

Les hommes de mon pays se font un plaisir de harceler aussi les femmes qui conduisent. Il y a quelques temps, mon amie Farzaneh, qui habite dans la ville d’Ouromiye, avait pris sa voiture pour se rendre au travail.

En entrant sur l’autoroute, elle s’est aperçue qu’un homme la suivait. Il se comportait comme s’il était fou : pendant tout le trajet, il se déplaçait à sa hauteur sur la piste de dépassement, lui faisait de grands gestes obscènes et puis revenait derrière elle en la collant pare-chocs contre pare-chocs, il allumait et éteignait ses phares, il la klaxonnait…

Au début, elle a juste pensé que c’était une mauvaise plaisanterie sans importance, puis le comportement et les gestes de cet homme lui ont vraiment fait peur. Elle s’est sentie en danger. En sortant de l’autoroute près de son travail, elle a pensé qu’il allait laisser tomber. En fait, il l’avait suivie discrètement dans les ruelles et lorsqu’elle s’est garée, elle l’a vu surgir devant sa voiture.

A ce moment-là, elle s’est sentie impuissante, elle ne savait pas comment réagir. Et puis, elle s’est reprise, elle a fait marche arrière et elle est partie. Cette fois, l’homme ne l’a pas suivie. Il avait probablement atteint son objectif : lui faire peur et lui montrer qu’il était le plus fort…

Mon amie n’a même pas pensé à noter la plaque de la voiture de cet homme pour le dénoncer à la police. De toute façon, ça n’aurait probablement servi à rien.

Bafrin, 22 ans, victime de gestes déplacés dans un taxi

Alors qu’elle rentrait à la maison en taxi, Bafrin, étudiante à l’université de Khoy a vécu une mésaventure particulièrement stressante.

C’était le début des vacances scolaires et, après 6 heures de bus elle était enfin arrivée à la gare principale. Elle avait encore un peu de chemin à faire et elle a opté pour le taxi. Il était 19h, il faisait déjà sombre en cette fin d’après-midi d’automne et elle ne voulait pas marcher seule dans la rue. Elle pensait être en sécurité à l’arrière du taxi dans lequel elle était montée. Mais lorsque le chauffeur a démarré, il a commencé à lui caresser la jambe et lui a proposé des relations sexuelles.

Heureusement, Bafrin n’a pas perdu tous ses moyens. Elle a eu le réflexe d’appeler discrètement son père et de mettre sur haut-parleur sa conversation avec le chauffeur sans que ce dernier ne s’en rende compte.

Le père, qui entendait tout ce qui se disait dans le taxi, a compris que sa fille était en danger. Il a pris sa voiture et sur la base des indications que sa fille lui donnait indirectement, – elle citait les lieux par lesquels le taxi passait -, il a pu les retrouver.

Quand le chauffeur de taxi s’est rendu compte qu’il était suivi, il a aussitôt fait descendre Bafrin. Mais son père avait eu le temps de noter le numéro de plaque et il a porté plainte au commissariat au nom de sa fille. D’homme à hommes, le courant est passé. La police a pris la situation de ce père outragé au sérieux. Elle a arrêté le chauffeur et l’a emprisonné en attente de sa comparution devant le juge.

Lors de son jugement, il a prétendu qu’il était innocent, mais le père de Bafrin qui avait enregistré la discussion dans le taxi a pu prouver le contraire. Comme le chauffeur avait menti, il a été frappé en plein tribunal devant Bafrin… Pour elle, cette pénible expérience suivie par des actes de violence jusque dans un tribunal ont été très traumatisantes. Elle n’est plus jamais montée seule dans un taxi.

En Suisse aussi…

En parlant autour de moi de cet article sur le harcèlement dans l’espace public vécu par mes compatriotes, j’ai réalisé que cette problématique dépassait le cadre de mon pays. A Lausanne, mon amie Julie a, elle aussi, été victime de harcèlement. Elle a accepté de témoigner d’un épisode qui l’a durablement marquée.

Julie, 18 ans, victime d’un harceleur au petit matin

Après avoir fait la fête à Lausanne, Julie descendait seule la rue très pentue du Petit-Chêne en direction de la gare. A un moment, elle a senti une présence derrière elle. Elle s’est retournée, elle a vu un homme et s’est demandée avec un début d’inquiétude s’il avait l’intention de la draguer. Elle a continué sa route en se disant qu’elle se faisait un film dans sa tête et qu’elle ne risquait rien.

A cette heure avancée – il devait être près de 3 heures du matin – le seul souhait de Julie était de pouvoir prendre son train sans être molestée et de rentrer à la maison.

Mais, en continuant son chemin, elle a compris que cet inconnu la suivait réellement. Il s’était rapproché d’elle et lui faisait des propositions sexuelles. Elle avait beau lui répondre qu’elle n’était pas intéressée en espérant qu’il allait laisser tomber, il insistait.

Plus elle avançait, et plus il se rapprochait. Elle accélérait, il faisait de même. Ils étaient seuls dans la rue. Elle avait tellement peur qu’elle s’est mise à courir jusqu’à la gare pour rejoindre un endroit avec du passage et des personnes qui pourraient éventuellement l’aider.

Arrivée à la gare, elle avait constaté que l’individu ne la suivait plus. Aujourd’hui encore, elle se souvient du tremblement de ses mains et de son cœur battant. Pour trouver du réconfort, elle avait appelé un ami qui était avec elle en ville ce soir-là. Elle avait besoin de lui raconter sa mésaventure et de lui demander de la rejoindre au plus vite afin d’être rassurée.

Zahra Ahmadyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

EyesUp: une application pour lutter contre le harcèlement

Le harcèlement sexuel s’invite partout : dans la rue, dans le bus, en soirée, mais également à la salle de sport ou au travail. Et ses victimes sont nombreuses. A titre d’exemple, 72 % des jeunes Lausannoises ont été confrontées, au moins une fois, à un épisode de harcèlement de rue au cours des 12 derniers mois.

La plupart du temps, pour les femmes harcelées, il est impossible de réagir sans se mettre en danger. Elles baissent les yeux, rasent les murs, accélèrent le pas et tentent d’oublier au plus vite ces pénibles moments… D’où des sentiments d’injustice, de colère et d’impuissance.

Pour aider les femmes à relever la tête, un groupe de bénévoles Lausannois a mis au point EyesUp: une application pour smartphones qui permet de signaler les comportements déplacés à caractère sexuel, tout en restant anonyme. Plus largement, l’objectif de EyesUp est de documenter, sur la base des signalements reçus, le phénomène du harcèlement pour que les pouvoirs publics réalisent son niveau de gravité et prennent des mesures pour en libérer les femmes.

Sur son site, EyesUp regroupe des ressources pour soutenir, informer et sensibiliser. Elle rassemble des articles de vulgarisation scientifique, des fiches d’informations, des astuces ainsi qu’un recueil des associations actives dans les domaines pouvant toucher au harcèlement sexuel.

Z.A

Pour aller plus loin :

Consultez le site internet de Eyesup:

eyesup – l application contre le harcèlement (eyesupapp.ch)

 

 




En Iran, les fumeuses risquent des insultes, des coups, et même la prison

Ahmad Mohammad / Voix d’Exils.

La liberté de fumer : un marqueur d’égalité hommes – femmes

« Lorsque je suis arrivée en Suisse, il y a 5 ans, j’ai été très surprise de voir des femmes fumer dans l’espace public » confie Zahra, rédactrice à Voix d’Exils. « Je me suis posée beaucoup de questions : Ça ne dérange pas les hommes que les femmes fument ? Leurs familles ne leur disent rien ? Les femmes sont-elles vraiment libres de fumer ?

Je viens d’une petite ville au nord-ouest de l’Iran. Dans mon pays, il y a plusieurs cultures, chacune a sa langue – le farsi, le turc, l’arabe et le kurde -, sa cuisine, sa musique, ses traditions. Le point commun entre ces différentes cultures, c’est que les femmes ne sont pas libres.

« Après la révolution islamique, les femmes n’ont plus eu le droit de fumer »

Prenons l’exemple des fumeuses… Depuis la Révolution islamique de 1979, les femmes ont l’interdiction de fumer. A l’époque du Shah, entre 1941 et 1979, la situation était différente. Ma grand-mère, qui a toujours fumé, m’a raconté qu’elle avait grandi dans une société qui laissait beaucoup de liberté aux femmes. Elles avaient le droit de fumer, de porter des minijupes, de ne pas se voiler, de voter… comme en Europe.

Ma grand-mère était une femme de caractère qui avait élevé 15 enfants. Elle avait planté du tabac dans le potager de la ferme pour la consommation familiale. Ma mère était la petite dernière de la fratrie, elle fumait elle aussi avant de se marier.

Après la révolution islamique de 1979 menée par l’ayatollah Khomeini, les femmes n’ont plus eu le droit de fumer. Dans les grandes villes, celles qui ne respectaient pas cet interdit étaient sévèrement punies. Là où habitait ma grand-mère, la situation était un peu différente. Dans la société rurale, fumer était considéré comme une activité de détente qui n’était pas réservée aux hommes.

« Les femmes qui fument se font traiter de prostituées »

Lorsque ma mère s’est mariée, elle est allée habiter en ville et mon père lui a demandé d’arrêter de fumer. Mon père, qui était lui-même un homme ouvert d’esprit, n’avait pas d’autre choix. Si ma mère avait continué de fumer, elle aurait été considérée comme une femme de mauvaise vie, une citoyenne qui ne respecte pas les lois islamiques.

Aujourd’hui certaines Iraniennes fument en cachette. Malheur à celle qui allume une cigarette dans l’espace public : elle se fera insulter, se verra traiter de putain et pourra même recevoir des coups donnés par des hommes que ce geste – perçu comme une provocation – rend complètement fous. Dans certains cas, ce comportement considéré comme « déviant » peut occasionner une dénonciation auprès de la police et la « fautive » risque alors l’emprisonnement.

Il y a pourtant une catégorie de femmes qui échappent à cette interdiction. Ce sont les femmes âgées, que leur ancienneté protège, et qui peuvent fumer sans porter préjudice à l’honneur familial.

« L’interdiction de fumer est une oppression parmi tant d’autres »

En Iran, le système patriarcal et religieux décide de ce qui est bon pour les femmes et les traite comme des citoyens de second plan. L’interdiction de fumer n’est finalement qu’une oppression parmi tant d’autres. Mais ce système injuste suscite toujours plus de mécontentement. Aujourd’hui, les Iraniennes sont nombreuses à contester des lois sexistes qui les privent de leurs droits fondamentaux. Elles en ont assez de ne pas pouvoir choisir leurs habits, de devoir obligatoirement porter le voile, elles veulent penser par elles-mêmes, travailler, être indépendantes.

Elles sont courageuses, mais le chemin vers la liberté est encore long. »

 

Zahra AHMADIYAN

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils