1

FLASH INFOS #65

Illustration réalisée par Kristine Kostava/Voix d’Exils

Sous la loupe : Réunion du premier Parlement suisse des réfugiés / Royaume-Uni : 4000 migrants déboutés évitent l’expulsion / L’Italie bloque un navire de secours aux migrants

La revue de presse devient le FLASH INFOS de Voix d’Exils. Une formule revisitée de notre rubrique hebdomadaire qui met davantage en valeurs les compétences graphiques et visuelles de nos rédactrices et rédacteurs et qui inclut d’autres nouveautés pour encore mieux vous informer.

Logo réalisé par Kristine Kostava / Voix d’Exils.

Réunion du premier Parlement suisse des réfugiés

RTS, le 6 juin 2021

Le 6 juin 2021, s’est déroulée la réunion du premier Parlement suisse des réfugiés. A cet effet, environ 75 personnes issues de 19 cantons et de 15 pays différents se sont réunies à Berne. Cette réunion a été l’occasion pour les principaux concernés par les questions migratoires de formuler des propositions ayant pour but d’améliorer leur condition. Ainsi, les participants ont émis le souhait d’avoir un meilleur accès à la formation et de rendre possible des visites des familles dans l’espace Schengen pour les personnes admises provisoirement. La question des apprentis déboutés étant en cours de formation a également été soulevée. Un vote favorable au regroupement familial étendu aux parents d’enfants déjà en Suisse a également été accordé par le Parlement. Des membres du Conseil national et du Conseil des Etats étaient présents et pourraient donc relayer ces demandes sous forme de motions au Parlement fédéral. L’événement a été organisé par le National Coalition Building Institute (NCBI).

Royaume-Uni : 4000 migrants déboutés évitent l’expulsion en raison de la crise sanitaire

InfoMigrants, le 28 mai 2021

Selon les informations publiées par le journal britannique The Guardian, les requérants d’asile déboutés – environ 4000 personnes – ne seront pas expulsés de leur logement fourni par l’Etat. Pour rappel, au mois d’avril, le gouvernement du pays avait décidé de reprendre les expulsions « avec effet immédiat » des personnes qui n’avaient pas obtenu de protection internationale, et ce, malgré la crise sanitaire. Néanmoins, les autorités de santé avaient émis un avis négatif face à cette politique. Les représentants de diverses organisations humanitaires avaient également critiqué la décision du gouvernement. Cependant, la politique d’expulsion sera à nouveau envisagée une fois que le Royaume-Uni aura effectué un retour à la normal prévu pour fin juin.

L’Italie bloque un navire de secours aux migrants

Le Monde, le 5 juin 2021

Le 4 juin, un navire de secours aux migrants appartenant à l’ONG Sea-Eye a été bloqué par les garde-côtes italiens après avoir débarqué 415 personnes migrantes. En effet, suite à une inspection, des problèmes de nature technique et sécuritaire ont été relevés. Selon les autorités italiennes, les équipements de sauvetage du navire ne semblaient pas suffisant pour garantir l’évacuation de toutes les personnes à bord. L’ONG allemande a pour sa part dénoncé la décision des autorités italiennes. Pour rappel, l’Italie est l’un des principaux points d’entrée en Europe pour les personnes migrantes en provenance d’Afrique du Nord de Tunisie et de Libye d’où les départs sont en forte hausse par rapport aux années précédentes.

Rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Berne et Dublin tétanisent les requérants d’asile

Courrier du Secrétariat d'Etat aux migration annonçant que la Suisse est responsable du traitement de la demande d'asile du recourant. Par conséquent, la procédure d'asile sera poursuivie en Suisse.

Courrier du Secrétariat d’Etat aux migration annonçant que la Suisse est responsable du traitement de la demande d’asile du recourant. Par conséquent, sa procédure d’asile sera poursuivie en Suisse.

Venus de divers horizons, certains demandeurs d’asile du Canton de Vaud sont accueillis dans des abris de protection civile (abris PC). Les pensionnaires de ces « bunkers », généralement adultes, sont encore visiblement marqués par les stigmates de leurs voyages difficiles. Loin d’être sorti de l’auberge, un fait nouveau vient s’ajouter à leurs inquiétudes : la réception quotidienne de courriers administratifs. Parmi ces plis, ceux estampillés « Berne » génèrent une véritable psychose dans les centres d’accueils.

De Vallorbe aux abris PC

Dans le Canton de Vaud, le centre d’enregistrement et de procédures (CEP) de Vallorbe reste, parmi d’autres, un lieu de passage obligatoire. Ce centre est célèbre pour les migrants qui cherchent la protection de la Suisse contre les persécutions politiques dans leurs pays. Certains y passent même trois mois pour les besoins des interviews sur leurs motifs d’asile.

Après les transferts dans les cantons d’attribution, la déception se lit toujours sur les visages une fois arrivés dans les abris souterrains. Une nouvelle vie commence, mieux que celle dans les CEP, mais moins attrayante que dans un lieu d’habitation normal. Le séjour prolongé dans les abris PC est unanimement décrié par les requérants d’asile à cause des mauvaises conditions d’aération et d’hygiène. Surtout en période estivale où on assiste souvent à l’accroissement du nombre de pensionnaires dû aux entrées massives de migrants en Suisse. Une chaleur infernale change l’atmosphère des lieux, d’où la fréquence de rixes et de mouvements d’humeurs.

En sus de toutes ces considérations sur l’accueil, un autre facteur s’invite dans cette angoisse qui ne cesse de saper leur moral : la réception quasi quotidienne de correspondances administratives. Pour cela, deux noms hantent le sommeil des demandeurs d’asile : Berne et Dublin.

La sentence Dublin

Dans les abris PC, l’anxiété rôde tous les soirs, aux heures d’ouvertures (18 heures). Les regards se fixent sur les courriers distribués par les agents de sécurité avant l’accès aux dortoirs et aux autres locaux. La plupart d’entre eux, venant de pays non-francophones, ont souvent du mal à déchiffrer les messages contenus dans ces enveloppes blanches. Très souvent, les quelques rares camarades bilingues (français-anglais) s’improvisent en traducteurs pour annoncer « la sentence Dublin ».

La réalité est que, parmi les migrants, presque tous ont transité légalement ou illégalement par un pays de l’Union européenne pour venir déposer leur demande d’asile en Suisse. Certains ayant même entamés une procédure d’asile dans le pays de transit, choisissent finalement de continuer leur chemin vers un autre pays. Cette situation les plonge au cœur de cette loi européenne appelée le Règlement Dublin. En effet, la procédure Dublin vise à « déterminer rapidement l’État membre responsable [pour une demande d’asile ndlr] », et prévoit le transfert du demandeur d’asile vers cet État membre. Habituellement, l’État membre responsable sera l’État par lequel le demandeur d’asile a premièrement fait son entrée dans l’Union européenne.

La loi sur le retour au pays de transit n’est pas sans effets sur le quotidien du nouveau migrant. Les très mauvaises conditions d’accueil dans certains pays de l’Espace Schengen, ou la nécessité de rejoindre des membres de la famille, les poussent à poursuivre leurs chemins, affirment certains. Cet état de fait, qui n’est pas une alternative sage, est souvent l’objet de non-entrée en matière sur beaucoup demandes d’asile, surtout pour ceux qui ont déjà effectué un premier dépôt.

Invitation de la Poste à retirer au guichet un courrier recommandé de Berne. Photo: Voix d'Exils.

Invitation de la Poste à retirer au guichet un courrier recommandé de Berne. Photo: Voix d’Exils.

Berne : « La missive Janus »

Comme un jour fatidique qui s’annonce, les avis (en bande jaune) de retrait de courriers recommandés envoyés par la Poste sont très redoutés dans les abris PC, car représentant la venue d’une décision administrative plus ou moins bonne. Ils font souvent l’objet d’intenses conciliabules. La seule mention du nom de Berne, Vallorbe, Lausanne permet à chacun de développer son propre commentaire sur le contenu du pli encore au bureau de Poste. Pour plus d’assurance sur le sens véritable de ces lettres juridiquement codifiées, les bureaux des assistants sociaux dans les structures de jour sont toujours pris d’assaut.

Dans la société des hommes, les différentes perceptions des terminologies peuvent révéler des comportements sociologiques insoupçonnés. A cause de certains courriers, on ne mange plus, on est stressé, déprimé et parfois même suicidaire. Pour le migrant, Berne est un nom tabou, un colis porteur de joie ou de tristesse. Une bureaucratie peu clémente à l’endroit de ceux qui viennent chercher protection sous les cieux de l’Helvétie. Il est comme les deux faces de Janus: l’une tournée vers le passé (retour à la case de départ) et l’autre vers le futur (espoir d’une vie nouvelle plus sereine).

Gravées dans les mémoires des demandeurs d’asile, la grande Berne et la lointaine Dublin ne sont plus seulement les métropoles de la Suisse et de l’Irlande. Ces noms sonnent désormais comme un appel à la potence ou l’obtention de sésames annonçant les débuts d’une autre vie. Une vie qui correspond à l’attente de ceux qui sont venus d’ailleurs avec l’espoir de renaître.

Issa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




Une manifestation réclame la régularisation des sans-papiers et des requérants d’asile

Photo: Hochardan

Le  mercredi 22 février à Lausanne, les collectifs de défense des droits des sans-papiers accompagnés de sympathisants et de militants se sont réunis sur la place de la Riponne  à Lausanne pour manifester et réclamer la régularisation immédiate de tous les sans-papiers et des requérants d’asile. Cette manifestation était organisée par le collectif Droit de rester, le Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers (CVSSP) et le Collectif de soutien et de défense des sans-papiers de la Côte,  avec l’appui de beaucoup d’associations et de syndicats venus également de Berne et de Fribourg.

Cette manifestation avait pour but selon les organisateurs « de contester les stigmatisations, les discriminations et le racisme ainsi que de s’opposer à un système qui assigne les immigrés à la condition d’êtres inférieurs et subordonnés ». Leur message était le suivant : « Marchons dans la rue, crions haut et fort, montrons que nous ne sommes ni des criminels, ni des abuseurs, ni des délinquants, mais que nous sommes des êtres humains dignes de valeur et que nous avons des droits et des devoirs ».

Photo: Hochardan

« Nous avons quitté un pays mais non l’humanité ! »

À 17h00, la place de la Riponne était presque saturée de manifestants d’ethnies, de races, de cultures, de langues différentes, comme lors d’une conférence mondiale. Et en effet, il y avait là des personnes venues des quatre coins du monde qui ont marché jusqu’à la place du Château où elles ont adressé une lettre signée par les trois collectifs organisateurs au Conseil d’Etat, lui demandant la régularisation collective de tous les sans-papiers.

Durant leur marche, les manifestants scandaient : « Nous n’avons qu’un seul monde, nous partageons une même condition humaine. » « Nous ne voulons pas que les êtres humains soient classés, encadrés, contrôlés, réprimés et donc traités de manière inégalitaire ». Sur les banderoles, des slogans dénonçaient les abus faits aux droits de l’homme. Certaines exprimaient la valeur de l’humain : « Nous avons quitté un pays mais non l’humanité » et « Expulsez les lois racistes pas les êtres humains ! ».

 « L’origine n’est pas un crime ! »

Au moment où les manifestants passaient  dans la rue du Grand-Pont, une partie d’entre eux se sont allongés dans la rue portant des tissus sur lesquels était écrit : « L’origine n’est pas un crime ».  Des dizaines de requérants ont pris la parole : « Que nous soyons passés par la filière de l’asile ou que nous soyons venus clandestinement, notre seul objectif est d’avoir aspiré à une vie meilleure. » « L’Etat nous met dans des situations pénibles : il nous interdit de séjour, nous exclut d’une existence légale, nous enlève toute perspective d’avenir, nous en sommes réduits à travailler au noir ou à nous terrer dans des abris de protection civile. » « Ça suffit ! Qu’on le veuille ou non, nous sommes ici, nous participons activement à construire la société dont nous faisons partie ! »

Photo: Hochardan

« L’immigration n’est pas un choix, mais c’est une chance ! »     

 La majorité des manifestants vivent des souffrances, des peurs, des angoisses et de l’incertitude quant à leur sort. Beaucoup d’entre eux sont en Suisse depuis plusieurs années. Qu’ils vivent dans des abris, dans des centres d’aide d’urgence ou ailleurs, ils revendiquaient tous le droit de vivre librement et de sortir de cette situation précaire. «Marre de se cacher, on vit ici, on reste ici », grognaient-ils. Tout au long de leur marche, les manifestants ont adressé au peuple suisse un message à travers le slogan : « L’immigration n’est pas un choix, mais c’est une chance ».

Malgré le fait que la situation soit précaire, que la vie soit difficile, que l’angoisse soit présente, même si le chagrin et la peur sont permanents, ils gardent pourtant l’espoir et le rêve de revoir un jour ceux qui leur sont chers, disaient-ils en écho au grand martyr américain Martin Luther King qui a dit lors de la manifestation du 28 octobre 1963 à Washington : « Je rêve que mes quatre jeunes enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés pour la couleur de leur peau, mais à la mesure de leur caractère. »

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

« La Suisse a longtemps été un pays d’émigration »

Graziella de Coulon, membre du collectif Droit de rester a accordé une interview à Voix d’Exils.

Voix d’Exils : Quel est le but de cette manifestation ?

Graziella de Coulon : Nous demandons la régularisation de tous les sans-papiers et de tous les déboutés de l’asile. Ce sont des personnes qui sont mises à l’écart, elles font partie des gens qui n’ont plus de droits, plus rien.

Qu’espérez-vous de cette manifestation en tant que défenseur des sans-papiers ?

On n’espère pas grand chose de cette manifestation. C’est pour rassembler les gens et pour dire : « On est toujours là, et on continue de réclamer la même chose ! » Mais, cette fois, nous avons adressé nos revendications aux Conseillers d’Etat. Vu que maintenant, la majorité est de gauche… (elle rigole). Nous demandons surtout que Vaud défende à Berne les personnes qui ont été acceptées par le canton. Et non pas que le canton dise : « Berne ne les veut pas ! ».

Photo: Hochardan

Quels sont les obstacles que vous rencontrez avec le Département de l’Intérieur ?

Ils disent qu’ils n’ont pas de marge de manœuvre et que c’est Berne qui décide… Ce qui n’est pas vrai, le canton a une marge de manœuvre. Il peut, par exemple, mettre ou pas à l’aide d’urgence un débouté, mais il les met tous à l’aide d’urgence. Donc, le canton fait le bon élève auprès de Berne, et c’est ça  que nous contestons. La majorité au Conseil d’Etat est de gauche, mais c’est une gauche qui n’a pas le courage politique d’affirmer une autre position que celle de la droite musclée de Berne, qui est celle qui régit maintenant toutes les questions d’immigration.

Photo: Hochardan

Qu’éprouvez-vous face aux expulsions ?

Déjà une grande honte pour le pays qui viole le droit de ces personnes au point de les obliger à partir dans leur pays, alors que pour certaines ce n’est plus leur pays. Parmi les personnes expulsées, certaines sont en Suisse depuis 10 ans et plus ! C’est une honte, la façon dont on les expulse. Les expulser vers le néant, vers aucune autre solution, alors qu’elles pourraient rester ici.  Il y en a beaucoup qui ont du travail, mais par la faute des lois uniques qui ont été votées, maintenant elles sont toutes déboutées… Personnellement, je ressens vraiment une grande honte et puis un grand regret pour ces personnes parce que souvent je les connais. Après leur expulsion, on les perd… On ne sait pas du tout ce qu’elles deviennent dans leur pays.

On voit souvent des blacks arrêtés et fouillés. Ils vivent dans la peur et la menace permanente. Qu’en dites-vous ?

Photo: Hochardan

Ce qu’il faut dire, c’est que ces personnes ont quitté leur pays et ont traversé la Méditerranée en risquant leur vie et beaucoup sont morts. Personne n’a quitté son pays et fait ce trajet pour venir vendre de la coke ou devenir un criminel ici. Ce sont les conditions de vie dans lesquelles ces gens sont ici qui font qu’ils sont obligés à un certain moment de se mettre dans cette criminalité qui est une petite criminalité de survie. Les gens ne peuvent pas rester ici sans être jamais heureux, sans avoir la possibilité de travailler, sans avoir des contacts avec les gens. N’être vus que comme des criminels…. Ce n’est pas possible ! A un certain moment ils deviennent, oui, des  criminels parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement.

Comment expliquez-vous que le peuple suisse ait voté des lois qui sont contre l’immigration ?

Aux Suisses, j’aimerais premièrement dire de se souvenir de leur passé, parce que pendant de longues années, la Suisse a été un pays d’émigration. Les Suisses devaient émigrer parce qu’on ne mangeait pas assez dans ce pays.  Maintenant, ils ont oublié et veulent fermer toutes les frontières, ils veulent laisser tous les pauvres en dehors. C’est vraiment une lutte des pauvres contre les riches. Et quand on dit que ces lois ont été votées par la population, il faut voir sous quelles pressions et avec quelle propagande elles ont été votées. Les personnes qui défendent les requérants ou qui défendent l’immigration n’ont pas un grand espace de parole pour convaincre les gens. Et les gens ont peur parce que pour eux aussi cela ne va pas bien : ils ont peur du chômage, ils ont peur pour l’éducation de leurs enfants, ils ont peur pour leur logement et ils prennent juste l’immigration comme bouc émissaire. Mais ça, c’est l’UDC et  les partis de droite qui disent ça au peuple, et le peuple vote. Mais finalement, il y a quand même beaucoup de solidarité en Suisse, il n’y a pas que ça…

Propos recueillis par Hochardan