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Suspecté d’être qui je suis

Auteur: Voix d'Exils
Auteur: Voix d’Exils.

Les premiers pas d’un requérant d’asile en Suisse

Je suis venu en Europe en septembre 2013, dans le but de demander une protection contre les persécutions politiques que je subissais dans mon pays. J’étais alors à mille lieues d’imaginer ma nouvelle vie de requérant d’asile en Suisse.

En juin 2014, au Centre d’Enregistrement et de Procédure (CEP) de Vallorbe, aux environs de 18 ou 19 heures, je suis fouillé par la sécurité de la tête aux pieds. Mon sac à dos est également inspecté. J’ai pu ensuite rentrer dans le centre où j’ai été logé.

Bienvenue à Vallorbe

Au début, j’ai cru que ça allait être facile. Mais tout a basculé dans le sens inverse. Je ne m’attendais pas à voir une telle foule dans le centre d’enregistrement et de procédure d’asile. Les personnes sont superposées sur des lits, on dirait des sardines. Elles font la queue pour chercher à manger, comme des prisonniers.

Dans ce centre, j’ai rencontré diverses ethnies, cultures et religions venues d’un peu partout dans le monde mais, le plus souvent, de pays comme la Syrie ou l’Érythrée. Tous demandent une protection contre les persécutions, contre les guerres. Nous avions tous des mentalités différentes.

Au bout de quelques jours, je commence à tisser des relations, à sortir du centre pour prendre l’air chez Mama Africa, et à me balader. Mais, à chaque fois que nous, requérants d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale, rentrons après les balades, nous sommes contrôlés et fouillés par la sécurité. Nous étions en particulier la cible de ces contrôles. Pourquoi est-ce que l’on nous pose tant de questions ? On ne comprenait pas ce qu’il se passait et pourquoi on nous fouillait tout le temps ? A chaque retour au centre, même si les gardiens nous avaient vu entrer et sortir à dix reprises durant la journée, ils nous enlevaient nos chaussures et nous déshabillent presque. Pour mieux comprendre ce qui nous arrivait, nous, les nouveaux arrivants, avons questionné les anciens Africains du centre. Ils nous ont répondu alors que ceux qui viennent d’Afrique de l’Ouest et du centre sont considérés comme des dealers. Comment pouvons-nous donc avoir notre chance alors, ici en Suisse ?

Auteur: Keepps (CC BY-NC-SA 2.0) "The Orbe flowling through town"

Auteur: Keepps (CC BY-NC-SA 2.0) « The Orbe flowling through town »

Ma nouvelle vie

Après deux semaines à Vallorbe, j’ai été transféré à Lausanne et j’ai été logé dans un bunker ouvert de 18 à 9 heures du matin. Le matin à 9 heures, tout le monde sortait pour rejoindre la structure de jour. Là, encore, j’ai été confronté à une vie complétement différente de celle que je connaissais : dormir dans un bunker et passer toute une journée à errer dehors, sans rien faire. Un exemple de cette « nouvelle vie » se déroula quelques semaines plus tard. J’étais contrôlé par la police qui me demande mon permis. Le policier me lance : « Ah! Tu es d’Afrique de l’Ouest ! Vous êtes parmi les plus grands dealeurs de ce pays. » Je me suis alors rappelé ce que mon compatriote m’avait dit à Vallorbe. Une deuxième anecdote : un policier me demande ce qui m’a amené ici, en Suisse, et pourquoi je ne rentre pas chez moi. Je réponds que je suis en danger chez moi. Finalement, troisième exemple : un policier me demande mon permis. Il regarde la date d’expiration et constate que je suis en séjour légal (il me reste deux mois encore de validité). Puis il le jette à terre et me balance un « merde ». Il me dit de rentrer chez moi, dans mon bunker. J’ai l’informe que « Je ne peux pas rentrer à cette heure car c’est le week-end ». Il me répond, alors, que s’il me revoit, « ça va mal tourner ».

Changer les mentalités

Je me vois comme une personne haïe, bousculée de part et d’autre, une personne vue par autrui comme « suspecte », qui n’a pas de place dans cette société dans laquelle j’ai demandé refuge. Il faut que le monde change de mentalité! Il ne faut jamais juger tout le monde et penser qu’ils ont le même caractère, le même comportement… Il suffit juste de savoir qui est qui et de donner une chance à chacun et chacune, au lieu de mettre tout le monde dans le même panier. Chaque personne a sa propre éducation, sa propre vision de l’avenir. Et donc, pour tout ce qui précède, je suggère :

– De juger chacun séparément en fonction de son caractère et de sa manière d’agir.

– De donner une véritable chance à ceux qui font preuve de volonté d’intégration dans cette société.

Mahibra

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




La fabrication d’un dealer

Daniel Lofredo Rotta "Drug dealer from Golden Gate Park" (CC BY-NC-SA 2.0)

Daniel Lofredo Rotta
« Drug dealer from Golden Gate Park »
(CC BY-NC-SA 2.0)

Le trafic de drogues obnubile les médias et la figure du dealer hante aujourd’hui la population suisse. Qui se cache derrière le dealer posté au coin de la rue ? Quelles sont les raisons qui peuvent pousser à dealer? Comment se sortir de la spirale du trafic de drogues ?

Témoignage exclusif d’un ex-dealer – également rescapé d’un massacre perpétré par les djihadistes de Boko Haram – qui a réussi à s’extraire des tentacules du deal.

Né au sud du Nigeria, plus précisément dans la région de Calabar de parents chrétiens, Edouard a aujourd’hui 40 ans et a suivi dans son pays des brillantes études universitaires couronnées par un diplôme d’ingénieur. Par la suite, il est engagé par une importante société basée au nord du Nigeria. Il s’installe alors dans la ville de Kano et mène une vie très paisible et confortable. Marié et père de trois enfants, il est parmi les membres influents d’une église locale qu’il fréquente chaque dimanche accompagné de sa famille. Jusqu’à ce fameux jour en printemps 2004 où, en plein culte, l’église est attaquée par la secte islamiste nigériane Boko Haram. Le bilan est lourd : l’église est brulée, plusieurs fidèles sont assassinés, des femmes et des enfants sont massacrés, et sur la liste des victimes figure sa belle-sœur !

La route vers l’exil forcé

Édouard, qui ne comprend pas encore les raisons de cette attaque, et encore moins qui sont les assaillants (comme la quasi-totalité des Nigérians à l’époque) réussit à se mettre à l’abri avec sa femme et ses trois enfants. Il se faufile dans la brousse pour regagner son domicile et se rend compte que sa maison a été pillée et brulée, comme la majorité des maisons appartenant aux chrétiens de cette ville à majorité musulmane. Pris de panique, il profite de la nuit et de l’obscurité pour fuir avec sa famille. Il juge alors plus prudent de rejoindre le Niger – pays voisin limitrophe, accessible à pieds et dont le trajet est moins exposé à d’éventuelles embuscades des assaillants – que de se rendre dans sa ville d’origine qui se trouve au sud du Nigeria, ce qui nécessiterait, pour l’atteindre, de traverser tout le nord avec les risques que cela entraîne.

 Talatu Carmen (CC BY-NC-SA 2.0)

Talatu Carmen
(CC BY-NC-SA 2.0)

Traverser le désert et la mer

Ainsi, Édouard se retrouve du jour au lendemain avec sa famille au Niger, et pose ses valises à Agadez, une ville connue comme une véritable plaque tournante de l’immigration vers l’Europe par le désert. Édouard n’a plus assez d’argent pour continuer la route avec sa famille et, surtout, il ne veut pas risquer la vie de ses enfants dans le désert. Il se confie au prêtre de l’unique Eglise catholique de la ville et ce dernier accepte d’héberger ses enfants et sa femme pour «le temps qu’il faudra». Edouard affronte alors le Sahara dans un pick-up 4×4 dans lequel les passagers sont «entassés comme des bagages», avec la peur au ventre d’y laisser sa peau, mais aussi avec l’espoir de se retrouver sur un continent qui, selon lui, respecte les droits de l’homme et où règne la paix. Après une semaine passée dans le désert, le convoi arrive en Libye. Édouard se débrouille pour regagner Tripoli dans un autre pick-up, toujours par le Sahara, pour déjouer les contrôles de police car il est à présent un clandestin. Une fois à Tripoli avec ses compagnons de fortune, ils sont conduits dans des ghettos où habitent d’autres Africains tous dans l’attente de traverser la mer pour l’Europe… «l’Eldorado».

Six mois plus tard, à Tripoli, Édouard a déjà réussi à rassembler la somme d’argent exigée par le passeur, lui qui n’avait plus rien à son arrivée, notamment en travaillant dans des chantiers. Il embarque en pleine nuit dans une pirogue de fortune avec une centaine d’autres immigrés clandestins venus des quatre coins du monde (dont l’Afrique de l’ouest, le Maghreb et l’Asie). Après avoir passé toute une nuit d’angoisse en pleine mer, ils arrivent enfin à l’île italienne de Lampedusa. Ils sont arrêtés par les garde-côtes italiens et transportés dans un camp de réfugiés. Certains sont emmenés à l’hôpital. Il décide alors de quitter l’Italie car, dit-il, «je voulais aller au cœur de l’Europe, là où je raconterai mon histoire sans peur d’être rejeté, au pays connu de par le monde pour son hospitalité légendaire, au pays connu pour son respect des droits de l’homme, le pays qui symbolise le respect des droits des réfugiés : la Suisse!»

L’Eldorado Suisse…

Il arrive en Suisse et dépose une demande d’asile dans le centre d’enregistrement basé à Vallorbe. Il est ensuite transféré dans un centre pour demandeurs d’asile du Canton de Vaud. Là-bas, le jeune ingénieur africain sombre dans la dépression ou presque. Après toutes ses tentatives pour décrocher un emploi il baisse les bras. Il s’ennuie à longueur de journées et fait la rencontre de quelques compatriotes. Tous ou presque ne travaillent pas en raison de leur statut. On lui explique que sa demande d’asile ne va pas aboutir, comme la majorité d’entre eux, «car il est Nigérian». Il n’arrive pas à en croire ses oreilles. Il se dit qu’avec ce qu’il a vécu, il mérite la protection de la Suisse: «et puis, c’est mon histoire qui compte et non mes origines» se dit-il en y croyant dur comme fer. Ses compatriotes tentent de lui expliquer qu’ici, ils sont tous «associés à des dealers, à de vulgaires vendeurs de drogues». Quel que soit son parcours académique en Afrique, ici il n’est plus rien. Des propos qui ont le mérite de le choquer. Il met ces allégations sur le compte du fait que la plupart des compatriotes qu’il a rencontré au centre n’ont pas son niveau d’éducation et donc ont peu de chances de s’en sortir. Lui croit avoir plus de ressources… Mais il n’arrive toujours pas à décrocher un travail pour envoyer de quoi vivre à sa famille restée à Agadez à cause de son statut de demandeur d’asile.

(CC BY-NC-SA 2.0) Drugs Elle Kay "Drugs" (CC BY-NC-SA 2.0)

Elle Kay
« Drugs »
(CC BY-NC-SA 2.0)

La tentation

Chaque matin, certains de ses compatriotes sortent du centre et ne rentrent que le soir. Ceux-ci ont de l’argent. Certains envoient «de grosses sommes» pour soutenir leurs familles restées au pays. Edouard reste toute la journée couché. Un matin, il reçoit un coup de fil de sa femme depuis le Niger qui lui annonce une terrible nouvelle : sa fille est tombée gravement malade. Il lui faut urgemment de l’argent pour la soigner, mais il n’a rien pour lui venir en aide. Il essaie de faire un emprunt auprès de certains de ses compatriotes qui sont toujours «bourrés de fric», mais personne ne veut lui donner un coup de main. Ils lui reprochent d’être «un peureux qui ne veut pas prendre de risques, un saint». Un seul lui propose de lui venir en aide, mais avec…cinq grammes de cocaïne. Faudra-t-il «mettre de côté ses valeurs, risquer de perdre sa liberté pour avoir de quoi soigner sa fille?» Cette question taraude son esprit toute une nuit. Le matin suivant, il décide d’accepter l’offre et entre alors dans l’engrenage du deal. Il se retrouve dans le centre-ville de Lausanne pour «tacler» (ndlr : tacler signifie dans le jargon des dealers «accoster les clients de différentes manières»). Avec «une peur olympique au ventre», il réussit à écouler la fameuse marchandise. Lui qui méprisait auparavant les dealers, bizarrement, il prend goût  au «métier». Édouard sent alors qu’il est «transformé par le système».

«Je n’avais jamais imaginé qu’un jour je vendrai de la drogue. Je ne savais même pas à quoi ça ressemblait. A force de chercher du travail en Suisse j’étais prêt à faire n’importe quoi et à laisser tomber ma profession d’ingénieur. J’ai vraiment fait tout ce qui était possible. A force de recevoir des réponses négatives à cause de mon statut temporaire en Suisse, je me suis retrouvé le dos au mur».

Marco Gomes "Crack” (CC BY-NC-SA 2.0)

Marco Gomes
« Crack”
(CC BY-NC-SA 2.0)

La rédemption par la foi

Mais, après des mois de «taclage» sous le soleil, la pluie et la neige; à courir devant les gendarmes en civil, Édouard est fatigué de cette vie gagnée dans l’illégalité. Dans son cœur, il sait que cette vie ne lui convient pas et qu’elle ne reflète pas ses valeurs. Malgré le fait qu’il parvienne maintenant à envoyer régulièrement de l’argent à sa famille, il décide de couper court avec sa vie de dealer ! Il dit être aidé dans cette «difficile décision» par «sa foi en Dieu». Il «s’est rapproché de Dieu», il prie beaucoup et croit fermement que «Dieu à un plan plus propre, plus juste pour lui». Aujourd’hui, Edouard n’a toujours pas une situation stable, il ne vit qu’avec l’aide donnée aux demandeurs d’asile, il a des problèmes pour subvenir aux besoins de sa famille restée en Afrique, mais il vit au moins dans la légalité !

*Nom d’emprunt

FBradley Roland

Journaliste-éditorialiste, contributeur externe de Voix d’Exils




« Les noirs sont vulnérables et mis à l’index par le système politique »

Derou Georges Blezon, Président de MouReDiN. Photo: Voix d'Exils

Derou Georges Blezon, Président de MouReDiN. Photo: Voix d’Exils.

Le Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir (MouReDiN), est une association à but non lucratif basée à Lausanne depuis 2006. Elle défend une cohabitation dans le respect de la différence, des libertés et des droits de l’Homme entre étrangers et autochtones vivant en Suisse. Elle a aussi pour but de réorienter et d’aider les jeunes grâce à des projets créés et soutenus par des partenaires associatifs comme ACOR SOS-Racisme ou la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA). Ces projets visent essentiellement à éveiller les consciences et à encourager les jeunes noirs et étrangers à s’intégrer et à organiser leur avenir professionnel. Derou Georges Blézon, Président et responsable de MouReDiN, répond aux questions de Voix d’Exils.

Voix d’Exils : Quand et pourquoi avez-vous créé MouReDin?

Derou Georges Blézon : MouReDin a été créé le 1er août 2006, à la suite d’une intervention de la police chez moi, à Lausanne, où j’habitais à l’époque. Je recevais la visite de jeunes qui sollicitaient mes conseils, il y avait des sans papiers comme moi, des jeunes ayant des permis C ou B et des jeunes requérants d’asile. La police a fait l’amalgame entre les jeunes et moi, parmi lesquels il y avait des vendeurs de drogue. L’un d’entre eux a été interpellé d’une façon que j’ai jugé indigne et très violente. Cette indignation a suscité de la colère et de la frustration. Nous avons alors décidé, avec ACOR SOS-Racisme et Point d’Appui, de créer un mouvement politique : le Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir (MouReDiN). Pourquoi un mouvement politique? Parce que le comportement de certaines personnes vis-à-vis des noirs n’est autre qu’un comportement purement politique.

Quelle est la mission principale de votre association ?

Sa mission principale est de véhiculer un message du bien vivre ensemble, quelle que soit la couleur de la peau et d’éviter les amalgames. Si on y regarde de près, on s’aperçoit que l’Etat est davantage raciste que la population. C’est pourquoi, face à une telle situation, il fallait une association crédible et digne de ce nom.

Quelles sont concrètement les actions et activités de votre association ?

On a un conseil juridique, un conseil social et une orientation au niveau de la formation, ainsi qu’un conseil d’ordre administratif pour les déboutés. Dans ce cas, MouReDiN intervient compte tenu de l’ancienneté et des bonnes relations qu’il dispose auprès des associations alliées.

A qui s’adressent vos services ?

Nos services s’adressent aux noirs en priorité, parce qu’ils sont très vulnérables et mis à l’index par le système d’accueil et politique. Pour la simple raison qu’ils sont la minorité la plus visible et la moins défendue. En effet, les noirs ont presque toujours des emplois subalternes, comme: nettoyeurs, aides en cuisine, peintres en bâtiment, et mécaniciens… La précarité de leur situation économique, sociale et administrative a de nombreuses retombées directes sur la vie des parents et sur celle de leurs enfants. Les enfants qui veulent poursuivre des études – ce qui n’est pas envisageable dans la majeure partie des cas parce qu’ils sont trop tôt livrés à la rue par manque de contrôle parental -, sont confrontés à un périple sans issue.

Quels sont les secteurs ou régions où vous êtes le plus actifs ?

Le mouvement est basé actuellement à Lausanne, mais il a une ambition internationale. Au regard de toutes les associations ou ligues de défense des droits de l’Homme en Europe, dont MouReDiN lui-même est partenaire, MouReDiN veut se faire connaître en élargissant le champ de ses actions dans les années à venir. Ainsi, nous avons davantage travaillé du côté de la Suisse romande qu’au niveau de la Suisse alémanique.

Comment fonctionne votre association ?

Nous disposons de 15 membres actifs et sommes en collaboration avec des partenaires associatifs comme ACOR SOS-Racisme, la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA), le Forum des Etrangères et Etrangers de Lausanne (FEEL), Point d’Appui, le Centre Social Protestant FRAT- CSP et certains partis politiques comme les Verts, et le Syndicat Unia dont je suis membre.

En 2008, vous avez lancé le projet « Jeunes MouRedin 2008 », et en 2009 « Quelle valeur a mon permis / ma nationalité ? ». Depuis, plus rien, le silence… Pour quelle raison?

En réalité ce n’est pas un silence absolu, ces deux projets ont été confrontés à plusieurs problèmes d’ordre administratif d’où le silence. Le projet « Jeunes MouReDiN 2008 » était soutenu par le canton de Vaud et la Confédération Suisse. Notre objectif était d’aider les jeunes en rupture scolaire, de les appeler à faire preuve de retenue, à les ramener à la raison pour qu’ils retrouvent la voie de la scolarisation. Tout d’abord, on a assisté au silence de nos jeunes à qui le projet était destiné, ensuite nous avons découvert que le service d’orientation en Suisse, auquel les jeunes sont assignés, n’était pas tout à fait ce l’on pensait, en ce sens que ce dernier est un espace de blocage et de stockage pour les jeunes noirs et étrangers.

Aujourd’hui, quel bilan tirez-vous de votre action et quel avenir pour MouReDin?

De 2006 à 2013 le bilan n’a été ni négatif ni positif. Nous sommes actuellement dans un moment de turbulence. Pour assurer une permanence qui réponde aux préoccupations des jeunes en rupture scolaire et aux parents en difficultés, face à la complexité du problème, il nous faut environ 30’000 francs de fonds. Mais nous sommes sereins quant à l’avenir de MouReDiN. Si, depuis un certain temps, nous avons disparu de la scène politique et administrative, il s’agit d’un recul préparatoire, car actuellement les membres du mouvement ainsi que moi-même sommes en formation. La plupart des membres du mouvement sont des jeunes qui ont grandi en Suisse, qui ont le permis C ou le passeport suisse. Ils sont actuellement en préparation d’examens. A la création du mouvement, nous avions comme objectif d’aller sur le terrain. En 2006 a eu lieu pour la toute première fois en Suisse « la Marche des Noirs » qui a compté 250 manifestants, avec également le soutien de nombreux partenaires comme le parti communiste et ACOR SOS-Racisme. Dans cette marche des noirs, on a compté non seulement des dealers, des personnes déboutées, mais aussi des noirs et étrangers qui sont employés en Suisse depuis plusieurs années.

Quel est votre message à l’endroit des populations étrangères ?

En faisant référence à mon ex-président Laurent Gbagbo qui disait : « Le bon ambassadeur, c’est chaque individu qui représente son pays dans un autre pays ». Autrement dit, c’est par ton comportement que tu incites au respect de ton pays d’origine. Nous, les étrangers, disposons de différents canaux pour arriver en Suisse et en Europe, comme la voie de la clandestinité que j’ai moi-même empruntée, la voie de l’asile et d’autres formes. Et je pense que la manière dont nous nous comportons individuellement montre qui nous sommes et d’où nous venons. Nous venons avec nos cultures et nos mentalités, mais une fois ici, nous sommes appelés à nous intégrer, à cohabiter. Je ne dis pas « devenir blancs », mais il faut être responsable de notre vie en sachant faire la part des choses. Ne fais pas dans le pays d’accueil ce que tu ne ferais pas dans ton pays.

Propos recueillis par El sam

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 Infos:

Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir (MouReDiN)

c/o Dérou Georges Blézon

Route de la Clochatte 9

1018 Lausanne

Email: mouredin@dignitenoire.ch

Email: blezonderougeorges@dignitenoire.ch

Site web: http://www.dignitenoire.ch

Tél: 079 385 92 59




Violences à Nyon, la parole aux requérants

Dans l'abri PC de Nyon

Débat à propos de l’altercation à Nyon. Photo: Gervais NJIONGO DONGMO

Une altercation s’est produite le mardi 4 janvier entre les requérants de l’abri PC (Protection Civile) de Nyon faisant un blessé. La police, venue en nombre, a été la cible de jets de pierres et d’extincteurs. Un rédacteur de Voix d’Exils s’est rendu sur place et revient sur ces événements à travers les témoignages des requérants.

Ce mercredi 5 janvier, le ciel est très couvert sur Nyon et le thermomètre affiche des températures négatives au lendemain d’une sanglante bagarre qui s’est déroulée dans l’abri PC où séjournent des requérants d’asile. Des requérants qui n’ont jamais suscité autant d’intérêt auprès de la population, des autorités et des médias. Si certains pensent que les catastrophes sont les fêtes des pauvres alors ils ont trouvé, peut être, la formule idéale. A notre arrivée, l’entrée de l’abri PC, qui abrite le centre nyonnais, ressemble à l’entrée du tombeau de Jésus de Nazareth – pour ceux qui ont vu le film – ou simplement à un tunnel. Les requérants du lieu prennent l’air en petits groupes aux alentours et sont sollicités par des journalistes de télévisions, de radios et de journaux, pour témoigner de la nuit agitée qui a secoué le centre. Tous parlent de l’argent qui à disparu du casier d’un résident et de la situation qui s’est très vite envenimée : des Nigérians ont accusé un Algérien du vol. Ils se sont dirigés vers sa chambre, et c’est alors que le surveillant du foyer a tenté de les repousser. Au cours de la bousculade, un des protagonistes a planté a plusieurs reprises un couteau dans la cuisse gauche de l’Algérien. S’en est suivi une bagarre générale impliquant environ 90 résidents sur les 130 qui habitent dans le centre. Alertée, la police a identifié l’auteur des coups de couteau mais, lorsqu’elle a voulu l’emmener, ses camarades ont fait bloc pour le défendre en lançant des pierres et des extincteurs sur les agents. L’affrontement a fait trois blessés chez les policiers.

Le ras le bol des noirs Africains

Pour comprendre ces violences, nous avons choisi de donner la parole aux résidents. Un requérant Ghanéen, au centre depuis cinq mois, confie : « Nous n’avons pas de problèmes avec la population, ni avec le personnel de l’EVAM (Etablissement Vaudois d’accueil des Migrants), mais nous en avons avec les agents de la sécurité présents dans le centre 24 heures sur 24. Ils sont partiaux dans leur travail et ils écrivent des rapports arbitraires. Quant à la police, lorsqu’il y a un problème entre les requérants noirs Africains et les autres, les noirs sont coupables d’avance ! » Les requérants de l’abri PC de Nyon pointent du doigt les agents de sécurité et s’interrogent sur la formation des policiers : « Sont-ils formés pour éviter les réflexes xénophobes ? ». Echaudés, les requérants font la liste de leurs griefs : « les dérapages à répétitions », « les investigations intempestives » « l’amalgame entre Africains et dealers, Africains et violences ». Tous demandent un traitement équitable.

Un requérant Nigérian, au centre depuis quatre mois, demande à être entendu. Il a la voix grave, la respiration saccadée: « La fois dernière, lors d’une de leurs multiples visites ici, les policiers ont vu un noir assis à l’extérieur. Ils ont exigé de lui qu’il rentre. Mais il a répliqué qu’il se sentait mieux dehors. Alors les policiers l’ont brutalement jeté dans la neige. C’était horrible ! C’est vrai qu’il y a du trafic de drogue, mais nous ne sommes pas tous des dealers et nous aimerions être traités avec humanité ». A ces propos, un Monsieur de couleur blanche à la barbe grisonnante secoue la tête comme pour reconnaître les souffrances de ses compagnons de misères.

Les acteurs de l’ombre

Des membres de l’Association EDEA (Europe Development Entertainment Association), constituée en majorité de Nigérians bien intégrés socialement et professionnellement, est également sur place ce mercredi 5 janvier. Ils ont pour but de porter une aide concrète et un enseignement aux immigrés en détresse, délaissés, et surtout à ceux en contact avec le milieu de la drogue ou de la prostitution. Vêtus de tee-shirt jaunes, ils discutent avec les requérants Nigérians et tentent ensemble de trouver une solution. C’est ainsi que la colère redescend d’un cran. Vincent Ofamchiks, président de l’association, tient aussi à témoigner: «Il ressort que le vol est une réalité dans cette histoire, mais les Africains ont l’impression que la police s’acharne sur les requérants noirs et ne fait pas la différence entre ce problème de vol et les problèmes de drogue. Je les encourage à dialoguer et non a recourir à la violence afin d’éviter la récidive ».

Entrée de l'abri PC de Nyon en Suisse

Un membre de l’association EDEA devant l’entrée de l’abri de Nyon.

L’EDEA a conclu un contrat avec la Municipalité de Nyon, afin d’exercer ses activités au sein de l’abri PC de Nyon, qui a supplanté celui conclu avec l’EVAM qui est arrivé à terme le 31 décembre dernier. Maintenant, l’association compte rencontrer la Municipalité pour lui faire part des ressentiments des requérants. Néanmoins, Vincent Ofamchiks fait aussi passer ce message auprès des requérants : « Les Nigérians doivent s’intégrer, notamment en apprenant le français. Celui qui ne fait pas cet effort, n’a pas sa place en Suisse. Notre Association propose des places de bénévoles dans des magasins africains et des rôles d’acteur dans des films ».

Reprise des renvois à destination du Nigéria en vue

 

Le Nigéria, ce géant africain présidé depuis février dernier par Jonathan Goodluck, a du pain sur la planche avec la gestion de la crise dans le Delta du Niger et les affrontements ethniques et religieux. De plus, le pays semble avoir perdu sa couronne en Suisse et en Europe, où ses ressortissants sont considérés comme des dealers. Sans oublier le décès d’un requérant Nigérian le 17 mars 2010 à l’aéroport de Zurich Kloten. Ce drame a entraîné un blocus des opérations de rapatriements. Aujourd’hui, malgré le laxisme des autorités nigérianes, il semblerait que des vols de retour soient en train de s’organiser, ce qui pourrait constituer une source de tension supplémentaire selon certains requérants de l’abri PC de Nyon.

La fermeture de l’abri PC de Nyon est-elle vraiment imminente ?

Prévu comme une solution provisoire, l’abri PC nyonnais accueille actuellement quelques 130 âmes. 354 résidents y ont transités depuis son ouverture le 16 février 2009. Des résidents qui affichent toujours le même profil : des hommes seuls en bonne santé physique et psychique, en dépit de la fragilité de certains. Des hommes qui vivent une jeunesse sans perspective professionnelle et qui seront refoulés, le moment venu, comme une balle de ping-pong dans leur premier pays de transit, pour les cas Dublin, et dans leur pays d’origine pour les déboutés. L’essentiel restant, selon les personnes que nous avons rencontré, que malgré tous les problèmes évoqués précédemment, la cohabitation avec la population nyonnsaise reste bonne.

Gervais NJIONGO DONGMO

Membre de la rédaction de Voix d’Exils




When you are imprisoned while avoiding drug dealing

Le rédacteur Voix d'Exils Shawn Wakida

Shawn Wakida, rédacteur à Voix d’Exils

Just like me, there are so many cases where by many immigrants who are not dealers find or have found themselves in prisons and even found guilty of drugs dealings. This is because of their friends who are dealers or because of the miscalculation of police investigations.

In August 2007, while at the Centre d’enregistrement et de Procédure de Vallorbe (CEP) for my asylum procedure, I was residing in a room of eight persons. During an afternoon, I was approached by one of my roommate who offered to show me how it is like making real money without hustling. I listened to him carefully, but he never told me what the real job was. He told me that if I was interested, I had to follow him to Lausanne that day for a night, and that’s when he will show me to the people who will give me what to do. And this is what brought me hesitations because I was not allowed to sleep even a single night outside CEP – Vallorbe without the permission of the authority. I therefore decided to go and talk over it with my friend who is a person that I had started having a little trust in and he is also a devoted Christian. He advised me not to go and that person has no job for me other than recruiting me into drugs business. I took his advice and I never went to Lausanne and that was that.

My transfer from Vallorbe to EVAM foyer at Crissier

I was later given a transfer after being in Vallorbe for two months but with a negative response my asylum procedure. And I was sent to the EVAM Centre at St-Croix where I stayed for two months and later transferred to EVAM centre in Crissier. But while in Crissier, I decided to go for a Sunday Church service and once again, I met this same former Vallorbe roommate and he asked me what I was doing with my life in Switzerland. I told him that I am always at the EVAM centre in Crissier doing nothing apart from eating and sleeping but can’t even go for French lessons because Bern sent me a second negative response on my case. And therefore I have no right on anything in this country. And this time, he really talked to me seriously on how it is like living in a country where they no longer want you anymore and worst of all sitting there doing nothing. “What if they send you back home today, what will you show for yourself as a benefit from Switzerland?” He asked, and I just remained silent thinking about it. In fact I was even hungry at that time because I had no money to buy even bread because EVAM had two weeks earlier stopped giving me financial support. And then, he continued telling all kinds of encouraging things that when I started thinking about it all. I was indeed a poor neglected person who needed serious spiritual and financial help. As he was leaving, he gave me CHF 50 and told me to buy some food for myself and for me CHF 50 was just like CHF 500. And he also gave me his telephone number and we then departed in different directions. But deep inside me, I felt he indeed had a generous heart more than even EVAM and ODM. I later went to the centre and as I was lying on my bed, I began thinking of all my friend talked to me and even started crying wondering if really Switzerland wanted me to have a good life. I believed him in some areas of what he talked to me and even started having positive thinking on joining drugs business. But as usual, I knelt down and turned to my Lord for guidance and as I pray something told me that drugs are not meant for me, and I promised my Lord never to indulge myself in drugs or related stuff.

The time for prison

I was later transferred from Crissier to the Foyer d’aide d’urgence de Vennes believed by immigrants who reside there as “the swiss Guantanamo” regarding it to the Guantanamo prison in Cuba. I lived in this centre in a room of two persons for one year and eight months but with serious health problems. So on Saturday the 29th August, 2009, I went to my friend’s place for a weekend and stayed there until Monday the 31st. I left there at around 22hrs, and by the time I reached Vennes, it was coming to midnight. When I arrived at the Foyer d’aide d’urgence de Vennes, the Security personnel at the entrance told me that I have been transferred to Bex, and I wondered how I could get a transfer without a letter of transfer notice. But I argued with him for a while and he told me to wait from one of the rooms opposite their office which I obediently did. As I was barely 10 minutes in that room, three police officers swung in and handcuffed me immediately and told me not to say anything. I was taken to the police cells at Hotel de Police in Lausanne. But I defied that after reaching at Hotel de Police and I asked them why I was being held, “we are not allowed to tell you anything therefore the inspector will explain to you why you are here when you meet him tomorrow”, one of them responded. I spent the entire night in the a room and on leather mattress, oooh men it was damn cold in there, and I never even thought of sleeping wondering what I might have done wrong to face all what I was going through at the time.

The next morning of the 1st September 2010

Now its 10h17 the next morning and two traffic police officers come in to open the door of my cell and they ask me to follow them of which I did. They put me in a lift and we went to another floor where I was put into another cell for another one hour. And later the inspector came in to take me to his office. Reaching his office, he asked me if I knew why I was at the Hotel den Police and I responded with a big “NO”. Then he showed me one photo and asked me if I knew the person it represents, “Yes, he is my roommate at the centre”, I replied.  “And what’s his name?” He asked. I gave him his name. He kept quiet for a few seconds and then opened a cabinet and brought out a bunch of white stuffs and asked me if I knew what it was and of which I replied with a “no”. He then became mad and banged the table, “this is cocaïne!”, he said. I couldn’t imagine myself before police because of drugs something I have refused to deal in. I told him I have never seen cocaïne before in that form and the one I usually see on televisions are not like that. He then told me that I was just a witness who had to cooperate with them if not I will as well be considered a suspect. I assured him of my cooperation on everything I know. He later called in a female judge who appreciated my cooperation but asked me if I was mistreated at the time of my arrest and detention. “Yes Madame!” I replied, “I was handcuffed and am still wondering why they had to handcuff an innocent person like me and above all why I had to be detained through a ruthless cold night”. She forwarded the question to the inspector who replied by saying that “anyone can be handcuffed if they try to resist arrest”. But I told them that “I never resisted arrest and the whole process of my arrest was done without my resistance”. All in all, I was later released at 2pm after they had taken a photo of me and finger prints. It’s one of the days I will never forget in my life.

The police’s perspectives on african Immigrants and what the swiss police has to do

My case is far to be an isolated one! The swiss police has come under serenity for the way they look at african immigrants in the name of fighting drug trafficking. I myself remember one story from the then free news paper called le Matin Bleu, one UDC politician was quoted saying that when police officers pass a black man without controlling him, they are bypassing drugs. And I believe the police have responded well to this. It’s really very rare that a black immigrant can pass police officers without asking him to stop and they control to extent that one has to remove all his clothes to prove to them he is clean. And this has brought anger within the majority of african immigrants towards the police and most of them have vowed not to cooperate with the police in fighting drugs trafficking even when they know the drug dealers. The police has to create a better image before the immigrants to show that they are indeed not fighting immigrants but rather fighting drugs if they need help from the immigrants on fighting drugs trafficking. The police has to put it in mind that not everyone who talks to a drugs trafficker is a trafficker. There are so many innocent immigrants who innocently associate with traffickers when they don’t know who they are. This is not easy to know who is who, but with the help of more intelligence, this can be over came and fewer innocent people will suffer in the process. When you are given a place to sleep after the transfer from the Centre d’enregistrement et de Procédure (CEP), one can never know who they are going to share a room with. And this makes it so hard to avoid sharing a room or associating with a trafficker.

 Conclusion

Drugs trafficking are not only done by african immigrants, but also a lot of Swiss and European people are in this business. Yes, it’s true there are many africans on the street hocking drugs but who are the suppliers?

 Shawn WAKIDA