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FLASH INFOS #98

Photo: SEM / Twitter

Sous la loupe : En 2021, les demandes d’asile ont augmenté en Suisse / L’UE en pourparlers pour déployer Frontex en Afrique / Polémique : une influenceuse traverse la Méditerranée sur une embarcation de personnes migrantes

En 2021, les demandes d’asiles ont augmenté en Suisse

RTS, le 15.02.2022

L’an dernier, 14’928 personnes ont demandé l’asile en Suisse, soit 35,2% de plus qu’en 2020. Avec l’assouplissement des restrictions de voyage consécutives au COVID-19, les migrations liées à l’asile sont reparties à la hausse. L’Afghanistan a été le principal pays d’origine des requérant·e·s, suivi de la Turquie, l’Erythrée, la Syrie et l’Algérie.

Par ailleurs, la Suisse a demandé l’an passé à d’autres États Dublin de prendre en charge 4’936 requérant·e·s. Elle a reçu en retour 3’381 demandes de prise en charge provenant de ces autres États et 745 personnes ont été effectivement transférées en Suisse.

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

L’UE en pourparlers pour déployer Frontex en Afrique

Le Figaro, le 11.02.2022

Durant une conférence de presse qui s’est tenue à Dakar le 11 février dernier, la commissaire européenne Ylva Johansson a annoncé que l’Union Européenne entend déployer l’Agence européenne des gardes-frontière et garde-côtes (Frontex) au Sénégal. Pour rappel, la mission de Frontex est d’aider les États membres de l’UE à gérer les frontières extérieures de l’espace Schengen. Frontex serait alors basée au Sénégal, une première pour cette institution qui n’agissait jusqu’à présent pas en dehors de l’Europe.

Le projet vise à ce que l’agence transmette son expérience des opérations de recherche et de sauvetage en mer aux garde-côtes sénégalais. Ces derniers bénéficieraient notamment d’une assistance technique et de la mise à disposition de drones et de navires de surveillance.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Polémique : une influenceuse traverse la Méditerranée sur une embarcation de personnes migrantes

Franceinfo, le 15.02.2022

En décembre dernier, une jeune fille tunisienne avait posté des vidéos sur son profil Instagram à ses deux millions d’abonné.e.s dans lesquelles elle expliquait qu’elle se rendrait illégalement en Italie à bord d’un petit bateau avec des jeunes personnes exilées originaires d’Afrique. Dans les vidéos en question, elle montrait notamment les conditions difficiles de la traversée de la mer Méditerranée.

Aujourd’hui, ces vidéos font polémique. Si certain.e.s condamnent l’incitation à la traversée et la banalisation des dangers qu’elle présente, d’autres admirent le courage de la jeune femme qui met en lumière le malheur de certain.e.s jeunes d’Afrique.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




La situation en Gambie se dénoue

Auteure: Amanda Lucidon / White House. Domaine public.

Auteure: Amanda Lucidon / White House.
Domaine public.

 Yahya Jammeh accepte de quitter le pouvoir et s’exile en Guinée Equatoriale

Après plusieurs tractations entre la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), certains présidents de l’Afrique de l’Ouest et le désormais ancien président gambien Yahya Jammeh, ce dernier a enfin mis les voiles en direction de la Guinée-Equatoriale qui a accepté son exil.

L’Assemblée nationale avait, le 17 janvier 2017 dernier, accepté l’état d’urgence demandé par Jammeh permettant à l’homme fort de Gambie de rester encore 3 mois au pouvoir en tant que Président. Mais, cette résolution n’a eu aucun succès. En effet, l’Union Africaine, l’Union Européenne et l’ONU ont demandé au Président sortant d’accepter sa défaite à la présidentielle de décembre 2016 qui a consacré son rival, Adama Barrow. La CEDEAO lui a dès lors donné un ultimatum le vendredi 20 janvier, faute de quoi, des forces armées issues de cinq pays de la région, déjà positionnées sur le territoire gambien, passeraient à l’action.

Jammeh cède le pouvoir

Après une longue journée de médiation le vendredi 20 janvier avec les chefs d’Etats mauritanien et guinéen, Yahya Jammeh marqué par la peur d’être isolé, a finalement accepté de quitter le pouvoir sous certaines conditions. Il a émis le souhait de rester dans son pays : option qui a été refusée. À cela s’ajoute une demande de garantie de sécurité pour lui, sa famille et son entourage composé de cadres et de fonctionnaires qui l’ont accompagné durant son mandat, mais aussi de soldats qui lui sont restés fidèles.

L’exile de Yahya Jammeh

Yahya Jammeh a finalement quitté la Gambie le samedi 21 janvier 2017 au soir en direction de la Guinée-Conakry pour s’exiler en Guinée Equatoriale. Quant au nouveau Président gambien Adama Barrow, nouvellement élu, il a fait son investiture et prêté serment depuis l’ambassade de Gambie à Dakar au Sénégal.

Lamine, Niangu et Désiré

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Commentaire

Le tableau actuel de l’Afrique n’est pas totalement sombre. En effet, les actions de la CEDEAO ont permis ces dernières années d’y résoudre des crises politiques, à l’image de l’intervention d’une de ses missions pour le maintien de la paix: l’ECOMOG au Libéria. Les évènements en Gambie posent toutefois des questions quant à la situation en Afrique de l’Est, dans les pays des Grands Lacs, en Afrique centrale, mais aussi en Afrique de l’Ouest. En se référant à ce qui est arrivé au Burkina Faso pour Blaise Compaoré ou en Côte d’Ivoire pour Laurent Gbagbo, il est légitime de s’interroger sur le rôle de l’Unité africaine,  dont l’objectif et de promouvoir la démocratie, la paix et les droits de l‘homme sur le continent africain.

Lamine et Niangu

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Principales sources :

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/01/17/le-president-sortant-decrete-l-etat-d-urgence-en-gambie_5064336_3212.html

http://www.rfi.fr/afrique/20170123-gambie-yahya-jammeh-demenage-palais-quittant-banjul




« J’ai fui la Guinée car j’étais menacé de mort par des militaires et un imam »

Photo: Bruno Ben MOUBAMBA (CC BY-NC-SA 2.0)

Photo: Bruno Ben MOUBAMBA (CC BY-NC-SA 2.0)

Moussa Diallo, Peul guinéen de 21 ans, était éleveur de vaches dans son Fouta-Djalon natal. Membre d’un parti politique d’opposition, il a échappé à la mort lors d’un rassemblement politique dans le plus grand stade de Conakry réprimé dans le sang par le pouvoir en place. Il sera poursuivi avant de s’exiler en Suisse. Témoignage.

Logé au centre d’accueil de Perreux, dans le canton de Neuchâtel,  depuis moins d’un mois, en passant par le centre d’enregistrement pour requérants d’asile de Vallorbe et le cantonnement militaire des Pradières, toujours à Neuchâtel, il raconte les motifs qui l’ont poussés à s’exiler et comment il est arrivé en Europe.

Le tournant du rassemblement du 28 septembre 2009 à Conakry
« Je suis fils unique. Ma mère est décédée alors que je n’avais que trois mois. Un jour, je participais avec mon père aux réunions politiques de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), principal parti d’opposition dirigé par Celou Dalein Diallo, challenger du président guinéen Alpha Condé lors de la présidentielle de 2010. Après ces réunions, les militaires nous agressaient et nous menaçaient de mort. C’est ainsi que lors d’un rassemblement en date du 28 septembre 2009, j’étais sur les gradins du plus grand stade de Conakry en compagnie de mon père. Il y avait beaucoup d’opposants, comme Cellou Dalein Diallo, Sydia Touré et Mouctar Diallo. La foule avait littéralement envahi le stade. Les bérets rouges sont alors entrés dans le stade et ont commencé à tirer à bout portant, à lancer des gaz lacrymogènes et à violer des femmes. Une balle a alors touché mon père aux côtes et il est tombé. Dans cette cacophonie, j’ai fui de peur d’être touché à mon tour. On a emmené mon père à l’hôpital national de Donka et je l’ai retrouvé là-bas. Il ne parlait plus. Hormis le 1er janvier 2010 lorsqu’il me dit ceci: « Abdoulaye (c’est le nom de son petit frère qui vit en Angola), je te confie les vaches ». Après, il rendit l’âme. J’ai fui l’hôpital et Conakry, car j’étais recherché par les militaires du capitaine Claude Pivi, devenu entre-temps lieutenant-colonel, qui voulaient me supprimer.

 

En fuite pour l’Europe
Rentré à Fouta-Djalon pour élever les sept vaches laissées par mon père, j’ai été obligé de quitter mon village en octobre 2012, suite aux menaces de mort de l’imam local. Ce dernier, qui ne s’entendait pas avec mon père, m’accusait d’avoir mis enceinte sa troisième épouse, qui avait le même âge que moi, surtout que le bébé me ressemblait comme deux gouttes d’eau. Il faut ici préciser que la femme de l’imam me nourrissait et m’aidait à élever les chevaux. Face aux menaces de mort de l’imam, j’ai alors fui le village le 1er octobre 2012, en marchant huit kilomètres à pieds jusqu’à Labe et, de là, je suis monté à bord d’une voiture pour me rendre au Sénégal, où je suis arrivé le 3 octobre 2012. Dans un parc à Dakar, j’ai rencontré une Guinéenne, mariée à un Mauritanien. Elle m’a amené à Nouakchott, en Mauritanie, où j’y ai passé un mois et 26 jours. A Nouakchott, je subsistais en travaillant dans la menuiserie. Un jour, une personne venue m’acheter des armoires m’a proposé de me rendre en Europe. Je n’y croyait pas mais il avait tout préparé. Le 1er décembre 2012, j’ai quitté Nouakchott pour Nouadibo où j’embarquais gratuitement pour l’Espagne.
La traversée dura sept jours. Mon sac de voyage, où se trouvaient ma carte d’identité et ma carte de membre de l’UFDG, ainsi que mes habits sont passés par dessus bord. Arrivé à Malaga, en Espagne, on m’a dit de fuir. J’ai passé la nuit dans une maison abandonnée. Le matin, un Noir m’a vu et m’a invité chez lui, où j’ai passé huit jours en sa compagnie. Le huitième jour, nous avons pris un bus en partance pour Madrid en Espagne. De Madrid, nous avons pris un train pour Lyon, en France et, de Lyon, nous avons changé de train pour atteindre Genève, en Suisse, le 17 décembre 2012.

Nous avons passé la nuit à Genève chez un ami du Noir rencontré en Espagne. Le 18 décembre, je me suis présenté à Vallorbe, où je suis resté quatre jours, avant d’être transféré au cantonnement militaire des Pradières à Neuchâtel, où j’ai logé pendant deux mois et six jours.

Aux Pradières, on mangeait de la nourriture non cuite, parfois de la viande pourrie. J’ai vu des gens qui cassaient leurs assiettes pour protester contre la mauvaise qualité des aliments qu’on nous servait. A Vallorbe, on était 16 personnes dans une chambre mais, aux Pradières, on était 20. De la gare des Geneveys, sur Coffrane, pour atteindre les Pradières, on faisait une heure et demie de marche, sauf le week-end où le bus nous déposait à la gare.

Pour conclure, je peux dire que mon arrivée en Europe est une aubaine pour moi car je n’ai rien dépensé et j’ai tout laissé derrière moi. Je suis persuadé que c’est Dieu qui m’a aidé. J’aimerais apprendre n’importe quel métier pour ne pas vendre de la drogue. Aujourd’hui, j’ai peur de circuler avec des amis requérants d’asile parce qu’ils peuvent être des dealers sans que je le sache et si on nous arrête ensemble, on peut aussi m’accuser de dealer alors que je ne suis pas un dealer. En Guinée, je n’ai plus de famille depuis la mort de mon père. Il me disait qu’il avait un frère qui vit en Angola, mais je ne l’ai jamais rencontré et je ne sais pas s’il est toujours en vie. Les Peuls sont menacés par le pouvoir politique, du fait qu’ils ont le pouvoir économique. En Suisse, j’ai trouvé la sécurité, la paix et tout est beau ici. En Guinée, je vivais tout le temps dans la peur d’être tué, soit par les militaires du lieutenant colonel Pivi ou les gris-gris de l’imam de Fouta-Djalon ».

Propos recueillis par :

Paul Kiesse
Membre de la rédaction neuchâteloise