1

La Suisse: mon nouvel abri

L’expérience d’Eddy-Claude, rédacteur valaisan

Originaire du Burundi, réfugié en Suisse, Eddy-Claude est avocat et journaliste de formation. Père d’une jeune famille en exil au Rwanda depuis près de 8 ans, il partage avec nous son expérience, loin des siens.

« Nous sommes en exil depuis que les médias burundais ont été la cible du régime qui ne supporte pas la critique de voix discordantes. »

Réfugié statutaire depuis fin août 2022, j’ai été attribué en septembre au canton du Valais pour poursuive ma destinée de vie d’exil. Avec cette chance de ne pas être obligé d’apprendre le français, je m’attèle à mon intégration. Bien que cela ne soit pas facile, je fais des recherches sur le marché de l’emploi dans les domaines compatibles avec ma formation. Je m’y mets à chaque fois qu’une offre se présente et envoie une postulation. Ne dit-on pas « qui ne tente rien n’a rien ! » ?

« Bienvenue à la cuisine ! »

Je me réjouis des découvertes que je ne cesse de faire dans ce canton viticole et riche de cultures variées. C’est une expérience nouvelle dans les domaines de la religion, des sports d’hiver, de la gastronomie, etc.

Arrivé fraîchement dans les montagnes de la belle commune touristique de Crans-Montana, je découvre une autre vie au foyer Sanaval: une vie différente de celle de chez moi et des centres d’accueil pour requérants d’asile en Suisse car je dois me préparer à manger en faisant moi-même les commissions. C’est un vrai défi quand on n’a jamais été à la cuisine ou au marché faire des achats de denrées alimentaires. Je demande parfois conseil à des amis et pourquoi pas en téléphonant à mon épouse qui doit être informée de la vie quotidienne du père de ses enfants !

Je n’oublierai jamais ma première soirée dans la cuisine quand je me suis blessé le doigt en épluchant des pommes de terre. Et pour compatir, mon épouse m’a simplement dit en rigolant : « Bienvenue à la cuisine ! ».

Peu à peu, on apprend et l’intégration se fait. 

L’obligation d’entretien de la famille en exil : un grand souci !

Le père en exil doit veiller coûte que coûte à sa survie personnelle quotidienne et à celle des siens, également en exil. La responsabilité est grande, sans travail des deux côtés puisque mon épouse elle aussi est sans emploi. Il faut payer le loyer mensuel, l’eau et l’électricité, les frais de scolarité de nos deux enfants, etc… L’obligation d’entretien parental se pose comme une équation à plusieurs inconnues.

Je perçois une aide sociale du fait de mon statut de réfugié en Suisse. Lors du premier versement du mois, je réserve une part à ma famille en exil pour assurer entre autre le paiement du loyer mensuel tous les débuts du mois, l’eau et l’électricité à hauteur de 250 CHF. Lors du deuxième versement du mois, une part sera réservée à la ration alimentaire. Par chance, les enfants ne tombent pas souvent malade et les coûts mensuels de la ration alimentaire sont minimisés.

Le regroupement familial : notre espoir

Depuis que j’ai obtenu le statut de réfugié, la suite très attendue est le regroupement familial. J’ai constitué à la mi-novembre un dossier de demande avec l’aide du Centre Suisses-Immigrés à Sion. Cependant, la patience est de mise avant d’avoir une réponse positive pour passer au regroupement effectif de ma famille.

J’espère que ma femme et mes enfants me rejoindront bientôt. Je me réjouis de pouvoir leur présenter leur nouveau pays!

Eddy-Claude Nini

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




« En Suisse, je me sens valorisée et acceptée »

Source: pixabay.com

La culture de l’encouragement

Lorsqu’elle dépose sa demande d’asile en Suisse, il y a cinq ans, Zahra découvre progressivement ce qu’on pourrait définir comme la culture de l’encouragement. A son grand étonnement, plutôt que de relever son ignorance des us et coutumes locaux, ses différents interlocuteurs répondent à sa curiosité, la soutiennent dans ses démarches et la félicitent pour ses progrès. Malgré son statut précaire – elle est à l’aide d’urgence -, la jeune Kurde veut croire qu’elle a un avenir possible dans ce pays où elle se sent bien.

Elle a souhaité partager avec les lecteurs et lectrices de Voix d’Exils quelques expériences marquantes et dire sa reconnaissance aux personnes qui l’ont aidée depuis son arrivée sur le sol helvétique.

En Iran, on échange beaucoup de critiques et peu de compliments

« En 2016, j’habitais dans le foyer d’accueil des migrants de Sainte-Croix, dans le canton de Vaud. Grâce à l’aide d’un groupe de bénévoles qui venaient trois soirs par semaine nous donner des cours, j’ai appris le vocabulaire de base pour me débrouiller dans la vie quotidienne.

Un jour, j’ai reçu un courrier pour un rendez-vous médical mais sans précision de l’adresse. J’ai croisé mon assistante sociale dans les corridors et je lui ai demandé si elle pouvait m’aider. Pascal, le responsable du foyer qui passait par là, m’a entendue et il a pris la peine de s’arrêter pour me complimenter sur mes progrès en français.

J’ai été très surprise par la façon chaleureuse et encourageante dont il s’est adressé à moi. D’ailleurs, des années plus tard, je m’en souviens comme si c’était hier… Pour que vous compreniez ma réaction, je dois préciser que dans mon pays d’origine, ça ne se passe pas du tout comme ça. Les relations interpersonnelles sont plutôt rugueuses, et les compliments sont très rares contrairement aux critiques qui sont faites pour un oui ou pour un non.

En Suisse, mon handicap n’a pas été une barrière

Avant d’arriver à Sainte-Croix, j’avais été hébergée pendant deux semaines dans le foyer de Vallorbe. Je venais d’arriver en Suisse, et je découvrais une nourriture dont le goût, la préparation, les couleurs étaient très différents de la nourriture que j’avais l’habitude de manger en Iran. Comme le domaine culinaire m’a toujours beaucoup intéressée, j’ai cherché des informations sur Internet et j’ai aussi posé des questions aux cuisiniers du foyer pour connaître les recettes et les ingrédients des plats qui nous étaient proposés. Ils ont répondu à ma curiosité avec une patience et une gentillesse qui m’ont beaucoup touchée.

Par la suite, je me suis inscrite dans le Programme cuisine proposé aux migrant.e.s par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (l’EVAM). J’avais peur de ne pas être acceptée, parce que j’ai une main handicapée à laquelle il manque des doigts. Mais j’ai été rapidement rassurée, mon handicap ne constituait pas une barrière pour la réalisation de mon projet qui était d’obtenir le certificat d’aide en cuisine. J’ai fait une semaine de stage préliminaire dans le self-service de l’EVAM à Lausanne et tout s’est très bien passée. Là encore, personne ne m’a fait de remarques désobligeantes, et personne n’a mis en doute mes capacités à travailler en cuisine.

A la fin de ma formation, avant d’obtenir mon certificat, j’ai fait un mois de stage à la Fondation Mère Sophia, à Lausanne. Avec une petite équipe de bénévoles, nous préparions la soupe que nous servions tous les soirs, dans la grande salle de la fondation, aux personnes dans le besoin. J’épluchais et je coupais les légumes, le travail était simple et se faisait dans une très bonne ambiance. Les bénévoles m’ont tout de suite adoptée et j’ai pu prolonger le stage d’un mois. J’aurais bien voulu continuer, mais l’expérience s’est ensuite arrêtée parce que mon statut – je suis à l’aide d’urgence -, ne me donne pas le droit de travailler.

J’ai été rassurée sur mes compétences

Je suis une jeune femme célibataire qui – comme beaucoup de migrant.e.s – vit seule, loin de sa famille. Mes parents et une de mes sœurs sont restés en Iran. Mon autre sœur habite en Suisse alémanique, dans le canton d’Argovie, mais je la vois seulement deux-trois fois par année, car le train coûte très cher et j’ai un tout petit budget.

Cet isolement est difficile à supporter. Comme tout le monde, j’ai besoin de contacts humains pour préserver mon équilibre, j’essaie aussi d’avoir des objectifs, un but à atteindre. J’ai l’espoir de voir ma demande d’asile évoluer. Je rêve d’obtenir le permis B et de pouvoir enfin travailler dans mon domaine de formation qui est la comptabilité.

En attendant, et pour ne pas rester les bras croisés après mon passage en cuisine, je me suis intéressée à une autre activité proposée par l’EVAM : le Programme Cybercafé. Ma mission consistait à gérer de façon presque autonome le relais internet destiné prioritairement aux migrants hébergés dans le foyer de Sainte-Croix. Malheureusement, un mois après mes débuts dans ce programme, le Cybercafé a été fermé pour cause de Covid…

Que faire ? J’ai alors été orientée vers le Programme Voix d’Exils. Omar, mon responsable, m’a proposé d’écrire des articles pour le site Voix d’Exils. Le premier jour, je n’avais aucun sujet d’article à proposer. Pour moi, qui vient de la comptabilité, c’était un exercice très difficile. J’étais très stressée et déçue, j’étais sûre que Omar allait me dire que je n’avais pas les compétences nécessaires et que je ne pouvais pas rester. Mais, à ma grande surprise, il m’a rassurée, il m’a dit qu’on allait en parler avec Afif, le deuxième responsable du programme. Les deux ont pris le temps de m’expliquer à nouveau quel était mon rôle et ce qu’ils attendaient de moi. Comme ils m’ont fait confiance et qu’ils m’ont encouragée, je n’ai pas voulu les décevoir, je me suis accrochée et maintenant, cinq mois après mes débuts, grâce à l’aide et au soutien de différents collaborateurs de ce média en ligne, j’ai écrit et publié plusieurs articles dont je suis très fière.

Ma situation n’est pas facile, mais j’essaie d’avancer, de ne pas perdre l’espoir. À toutes les personnes qui, depuis mon arrivée en Suisse, m’ont soutenue, à toutes celles et ceux qui m’ont redonné confiance et qui m’ont permis de grandir, je voudrais ici vous dire : MERCI !

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils