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FLASH INFOS #150

Sous la loupe : En première ligne pendant le Covid-19, des milliers de médecins étrangers menacés de ne plus pouvoir exercer / Etude: la Suisse devenue pays d’immigration / Jamais les Suisses n’ont autant émigré

Nos sources

En première ligne pendant le Covid-19, des milliers de médecins étrangers menacés de ne plus pouvoir exercer

Info Migrants, le 28 avril 2023

Etude: la Suisse devenue pays d’immigration

Le Temps, le 09 mai 2023

Jamais les Suisses n’ont autant émigré

Le Matin, le 7 mai 2023




«Diver’cité»

Photo: Elvana Tufa / Voix d’Exils.

Une fête qui renforce les liens humains depuis 1983

«Diver’cité » est une belle collaboration entre l’EVAM et le groupe d’appui aux réfugiés de Bex (GAR), dont l’édition 2022 s’est tenue à Bex le 19 août dernier. En organisant une journée festive et rassembleuse, le GAR continue de soutenir les habitants et les habitantes du Foyer EVAM de Bex, et ce depuis 1983 !

De nos jours, la vie est difficile pour tout le monde. Mais elle peut être encore plus difficile lorsque vous êtes une personne exilée, et encore davantage lorsque vous n’avez pas de permis et que vous attendez que votre statut soit décidé. C’est presque insupportable. C’est ce que doivent ressentir la plupart des personnes exilées comme moi : exerçant momentanément leur patience, ils et elles doivent faire face à la vie, aux dilemmes et à la stagnation dans un pays étranger, faisant face à des sentiments et des approches différentes. Nous prenons pour acquis la haine, l’indifférence et le mépris de certains et certaines, de beaucoup, en fait, mais nous nous réjouissons du soutien, des sourires et de l’attention de beaucoup d’autres.

Nous venons peut-être, à coup sûr, de milieux, de cultures, de traditions, de pays ou même de continents différents. Mais nous sommes là, une multitude de tout cela dans un petit pays auquel nous avons demandé de la protection et du soutien, une protection et un soutien qui souvent ne viennent pas de l’État, mais des personnes que nous avons en face de nous, à nos côtés. Les vrais qui se mettent à notre place, qui essaient de voir la réalité de notre point de vue et vous pouvez dire qu’il n’y a que de la bonté et de la sympathie dans leur regard et leur approche – au maximum même quelques blagues -, juste comme le dit Raymond Queneau; et je suis entièrement d’accord avec lui, des exercices de style, mais pas de bureaucratie, pas la moindre trace de celle-ci.

Il y a quelques semaines, j’ai croisé Madame Christine Blatti, responsable du foyer EVAM de Bex, qui m’a invité à la fête annuelle de la Fête des Réfugiés  « Diver’cité ». J’étais heureuse d’y aller et de faire la fête avec eux d’une part, mais d’autre part, j’avais un peu de retenue de retourner dans le foyer où moi et ma famille avons vécu pendant quelques mois. Surtout à cause des tristes souvenirs et du sentiment d’être perdu et de n’appartenir à rien : à cela s’ajoutent la pandémie, le confinement et les restrictions que non seulement nous, mais aussi tous les gens, avons dû affronter pendant ces temps difficiles.

Une fête créée en 1983

J’ai eu l’occasion de rencontrer Madame Christine Blatti lors des célébrations où elle s’occupait des derniers arrangements et de la coordination, alors que dans le jardin un très beau concert avait déjà commencé. Elle a été très gentille de prendre un peu de temps pour me raconter les origines de cette fête et comment elle s’est développée et transformée au fil des années.

« Au départ, c’était la fête des réfugiés qui a eu lieu pour la première fois en 1983, au mois de juin. Mais, au fil des années, le concept a changé, s’est développé et s’est transformé. Elle s’est d’abord tenue dans le centre-ville, mais avec le temps, le lieu a également changé ». Cette fête, qui s’appelle désormais Diver’cité, s’organise en étroite collaboration avec le Groupe d’appui aux réfugiés de Bex (GAR). Ce groupe existe depuis 1983 et son but est d’offrir réconfort et aisance aux personnes exilées établies au Foyer de Bex. Grâce à l’engagement des deux organisations, elle est devenue depuis plusieurs années une tradition. « Le but de cette fête est en effet de rassembler les gens, de les amener à se connaître. Manger ensemble, échanger leurs histoires et leurs expériences entre eux, leur donner la chance de venir s’exprimer, de partager que ce soit la nourriture, les cultures et les traditions ou leur expérience et leur parcours en tant que personnes exilées. Beaucoup d’entre eux ne connaissent pas très bien le français, mais cela ne les empêche pas d’interagir. Le but est de se sentir bien, de créer de la confiance et d’abandonner tout jugement et toute peur », conclut Madame Blatti.

J’entends en fond sonore une musique énergique et je m’approche du jardin où les musiciens jouent pour les personnes qui se sont déjà rassemblées. Il y a des enfants qui dansent et chantent, une playlist de belles chansons dont certaines que j’ai pu chantonner en compagnie de Monsieur Pierre Ryter, un des bénévoles présent, mais aussi pour les randonnées et les autres activités que le GAR organise pendant les vacances d’été pour les personnes du foyer. Plus tard, pendant le dîner, nous sommes venus écouter de la musique érythréenne jouée par un habitant du foyer. Juste au-dessus de l’endroit où se tenaient les musiciens, je pouvais voir le balcon des chambres où ma famille et moi avons séjourné il y a deux ans : je me souviens, comme dans un film, de mon mari écrivant dans un cahier quelques poèmes après de nombreux mois traumatisants dans les camps. Mais juste après ces quelques poèmes, il a arrêté d’un coup. « Je suis plus dans un voyage épique maintenant », dit-il, faisant référence à son long roman qu’il est en train d’écrire.

Une main pour vous aider à vous relever

Anne Catherine Rohrbach est la présidente du GAR, l’association qui fêtera l’année prochaine son quarantième anniversaire. Très humble, aimante et attentionnée, c’est dans sa nature d’aider, de réconforter et de s’intéresser à tous les nouveaux arrivants et, en fait, à toutes les personnes exilées. Elle m’explique un peu le but du GAR qui est de mettre les gens en contact, de faire et de réaliser des activités liées aux personnes exilées avec les personnes séjournant ou ayant séjourné au Foyer EVAM de Bex en favorisant leurs relations avec la population de Bex et de la région, d’échanger un peu les idées, de respirer un air différent pendant leur parcours difficile. Outre le soutien moral et psychologique, ils proposent aussi d’autres activités, comme les cours de français, le vestiaire – vêtements et jouets distribués aux personnes exilées -, l’atelier de couture pour les adultes, l’atelier de peinture pour les enfants, et aussi les casse-croûtes, c’est-à-dire que toutes les deux semaines, des bénévoles viennent dans le hall de l’EVAM pour parler aux personnes du foyer et répondre à leurs questions, ou leur donner un coup de main.

A part Anne Catherine, dont j’ai appris à connaître l’aide et le soutien affectueux, je rencontre beaucoup d’autres personnes que j’ai connues lors de mon attribution au canton de Vaud. J’ai eu le plaisir d’être présentée à Monsieur le syndic, Alberto Cherubini, qui est également président de la Commission culturelle communale (culture, un mot que j’affectionne beaucoup), le secrétaire général de la commune, Monsieur Alain Michel, dont l’humour et l’attention dans l’écoute étaient très impressionnants, d’autres bénévoles, tels que Messieurs Pierre Ryter et René-Luc Thévoz, professeur d’accueil de certains de mes enfants (grand professeur, grand bénévole motivant), Tamara, employée auparavant au bureau des finances du foyer Bex et à qui je faisais appel pour toutes sortes de questions et des problèmes que je n’arrivais pas à résoudre moi-même et, enfin, ma chère première assistante sociale Amélie Pistorius. En tant que famille, nous avons été assistés par elle pendant notre séjour au foyer et je n’ai que les meilleures impressions et les meilleurs souvenirs d’elle : en tant que professionnelle – faisant son travail au mieux et se surpassant parfois – en tant que personne, emphatique avec les personnes traversant un chemin difficile, des choix difficiles et ayant moins de possibilités et de chances d’être et de se sentir inclues. Nous célébrons ici le fait d’être différents, mais égaux, d’être des personnes exilées, mais de rester des humains quand même. Ce qui, on nous le rappelle, n’est pas vrai du tout quand on se trouve devant un bureau ou un guichet d’une quelconque autorité étatique.

J’ai tellement apprécié mon après-midi ici que je ne me suis pas rendu compte qu’il était honteusement tard, après de longues conversations avec Amélie, Tamara, Pierre et d’autres invités. Pour moi, Diver’cité est une offre complète : prendre un cours de français dans la nature (une fois que je lance mon mécanisme parlant, c’est comme le courant de la conscience, mais avec beaucoup de fautes grammaticales), la cuisine traditionnelle du monde entier (et comment la raclette suisse pourrait-elle manquer ?), faire la connaissance de nouvelles personnes (dans une nuit d’été pluvieuse pas si romantique que ça).

Oui, j’ai définitivement passé une très belle journée qui s’est terminée de la manière la plus parfaite qui soit ; ma sœur m’avait fait une énorme surprise : elle avait fait un long chemin avec sa famille pour nous rendre visite. Je ne pouvais pas mieux terminer une belle après-midi comme ça.

 

Elvana Zaimi Tufa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Voix d’Exils en fête !

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils / Photo: L. B. / Voix d’Exils

Vous étiez plus de 100 à célébrer avec nous les 20 ans de Voix d’Exils le 1er juin



Mercredi 1er juin, Voix d’Exils fêtait ses 20 ans d’existence. Ce jour-là, il pleuvait, mais cette pluie n’a pas gâché la fête, puisque les invités ont répondu en nombre. Plus de 100 personnes de tous horizons étaient présentes au Casino de Montbenon à Lausanne pour ce grand événement.

Toute l’équipe de la rédaction s’est réjouie de la réussite de cette fête lors de laquelle les invités, dont certains anciens rédacteurs et rédactrices, et certains employés de Etablissement vaudois d’accueil des migrants (l’EVAM) se sont régalés autour d’un buffet décoré : des amuse-bouches, du vin et des boissons sucrées.

La salle de l’apéritif était habillée aux couleurs de Voix d’Exils. Une exposition retraçait les 20 ans d’existence du média en mettant en valeur certaines productions marquantes des trois rédactions vaudoise, valaisanne et neuchâteloise. Les différents supports de l’exposition, créés pour l’occasion, avaient été soigneusement disposés par les membres de la rédaction de Voix d’Exils durant l’après-midi. C’est dans cette ambiance chaleureuse et fraternelle que les anciens et actuels rédacteurs et rédactrices des rédactions se sont enfin retrouvés après deux ans de séparation due au Covid-19.

Après l’apéritif, l’événement s’est poursuivi dans la salle Paderewski avec une présentation de Voix d’Exils par Omar Odermatt, le responsable de la rédaction et le projet Cinéma d’Exils mené en collaboration avec la Cinémathèque suisse. La présentation de Voix d’Exils a mis en valeur les compétences acquises au sein du programme. Et pour témoigner de cela, Keerthigan Sivakumar, ancien rédacteur de Voix d’Exils devenu réalisateur de cinéma, était invité à présenter son parcours et son dernier film « Doosra ». Le projet Cinéma d’Exils, qui a été réalisé pour célébrer les 20 ans de Voix d’Exils, a ensuite été présenté par Giordana Lang, médiatrice culturelle à la Cinémathèque, ainsi que Bankin Ahmad et Rifat Altan, membres d’une classe de français de l’EVAM. Toutes ces présentations ont été accompagnées par des applaudissements nourris avant de laisser la place à la projection du film Sœurs d’armes de Caroline Fourest. A l’issue de la projection, le public était convié à se retrouver autour d’un apéritif pour clôturer la soirée en beauté. On retrouvait le sourire aux lèvres de tous ces collaborateurs et collaboratrices du journal fier.e.s du travail accompli.

Williams Soumah

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Commentaire

Malgré les turbulences dans les médias, malgré la faillite de certains journaux, malgré la rareté des soutiens financiers dans ce monde mouvementé de la presse écrite, Voix d’Exils avec l’aide de tous ses soutiens financiers, suit son chemin. Coup de chapeau à tous ces rédacteurs, rédactrices et leurs responsables qui sont toujours motivés à assurer une bonne qualité éditoriale aux contenus qu’ils produisent. Car sans ces journalistes bien formés, ce média n’existerait point. Étant présent aux 20 ans de Voix d’Exils en tant que nouveau rédacteur en charge de la couverture de l’événement, je peux affirmer que la fête a été un franc succès et je remercie les rédacteurs et rédactrices de Voix d’Exils, ainsi que les collaborateurs et collaboratrices de la Cinémathèque suisse et de l’EVAM qui ont tout donné pour que cette fête soit une réussite inoubliable.

W. S.

Présentation de Voix d’Exils et du projet Cinéma d’Exils, le 1er juin à la Cinémathèque à Lausanne, lors de la fête des 20 ans de Voix d’Exils. Captation réalisée par la Cinémathèque suisse.

Le voyage de la rédaction valaisanne


Les membres de la rédaction valaisanne dans le train le 1er juin en direction de Lausanne.

C’est avec beaucoup de joie et d’enthousiasme que nous avons pris le train qui nous a emmenés à la rencontre de nos collègues à Lausanne pour fêter les 20 ans de Voix d’Exils. En route vers de nouveaux visages et de nouvelles connaissances, l’équipe valaisanne a préparé le voyage comme une belle balade entre amis, Nürten nous a offert un délicieux pique-nique et on s’est régalés ! 

Nous avons partagé des rires qui ont renforcé la relation de l’équipe, heureux et heureuses de nous retrouver dans cet espace tellement libre, fait pour tout le monde, dans ce wagon de train où les frontières n’existent plus.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils


Entretien avec Emmanuelle Marendaz Colle, chargée de communication à l’Établissement vaudoise d’accueil des migrants et coresponsable de la rédaction de Voix d’Exils entre 2004 et 2011


Williams Soumah de Voix d’Exils interviewe Emmanuelle Marendaz Colle. Photo: Voix d’Exils.

Williams de Voix d’Exils : Nous nous rencontrons aujourd’hui à l’occasion de la fête des 20 ans de Voix d’Exils. Quel effet cela vous fait d’être présente à cette occasion ?

Emmanuelle Marendaz : Pour moi, c’est très émouvant de voir que 20 ans plus tard le journal existe toujours. Je suis très heureuse d’être invitée à cet événement et de pouvoir y retrouver des visages connus. Forcément – et heureusement – les participants et participantes de Voix d’Exils ne sont plus les mêmes, mais je suis heureuse de voir que la flamme de ce média est toujours allumée et portée par d’autres.

Quelle expérience avez-vous tiré de ce journal ?

J’ai beaucoup apprécié cette partie de mon travail. C’était une activité parmi d’autres que j’avais lorsque je travaillais à l’EVAM. Nous organisions une séance de rédaction hebdomadaire, et il s’agissait là d’un des meilleurs moments de ma semaine. C’était l’occasion pour moi de partager mon expérience de journaliste avec les rédacteurs et rédactrices, et j’en garde un très bon souvenir.


Ce projet me tenait tellement à cœur que lorsque Voix d’Exils a été menacé de mettre un terme à ses activités, notamment en raison du coût financier du journal, mes collègues et moi avons tout mis en œuvre pour trouver des solutions pour que le projet survive. Dans un premier temps, nous avons mis en place des collaborations avec d’autres cantons. Et dans un second temps, nous avons décidé de transformer le journal papier en journal en ligne.

Pourquoi est-ce important pour vous que Voix d’Exils poursuive ses activités ?

Les rédacteurs et rédactrices qui intègrent Voix d’Exils sont souvent très engagé·e·s sur différentes thématiques et il me semble important qu’un programme d’activité de l’EVAM offre la possibilité aux bénéficiaires d’effectuer une activité davantage intellectuelle qui leur permette d’exprimer leurs idées. En effet, la plupart des programmes d’activité de l’EVAM ont une vocation manuelle, tandis que Voix d’Exils a une vocation davantage intellectuelle et, en ce sens, ce programme me paraît nécessaire.

La qualité d’un journal dépend en grande partie de la qualité d’écriture de ses rédacteurs et rédactrices. Pensez-vous que Voix d’Exils peut continuer avec ses rédacteurs et rédactrices actuels qu’il faut former – la plupart n’ayant pas une formation de journaliste, ni un excellent niveau de français – ou faut-il engager des rédacteurs et rédactrices avec de l’expérience ?

Déjà à l’époque où je travaillais à Voix d’Exils, on pouvait observer différents types de compétences. Il est vrai que certains rédacteurs et rédactrices ont une excellente maîtrise du français et certains étaient journalistes dans leur pays. Ce sont donc des personnes bien qualifiées pour participer à Voix d’Exils. À l’évidence, d’autres rédacteurs et rédactrices le sont moins. Toutefois, Voix d’Exils cherche à mettre en valeur toutes sortes de compétences et à favoriser tout type de participation, par exemple par le dessin. Le but de ce journal c’est bien sûr d’être un medium, un porte-parole des personnes migrantes, mais aussi d’apporter des compétences aux gens qui y participent. En ce sens, on ne demande pas aux rédacteurs et rédactrices de tout savoir et Voix d’Exils n’a pas l’exigence de qualité professionnelle. Les articles sont peut-être de qualité inégale, mais le propre de ce journal est de proposer quelque chose de diversifié et de vivant.

Selon vous, le média Voix d’Exils est-il un support de l’EVAM ou un support de la population migrante ?

À mon sens, c’est clairement un support qui porte la voix des personnes migrantes. Voix d’Exils ne doit pas être une voix officielle de l’EVAM, mais au contraire un espace de liberté pour l’expression des personnes migrantes. Il est évidemment important de respecter les codes de la déontologie, de vérifier les informations et de les confronter. Il faut donner la parole à tous les interlocuteurs et interlocutrices nécessaires pour obtenir un article objectif et équilibré.

Quels sont les sujets qui vous tiennent à cœur et que vous aimeriez que Voix d’Exils traite ?

Tout ce qui concerne les droits des personnes migrantes en Suisse, tout ce qui concerne leurs conditions d’accueil et leurs témoignages sur leur réalité. Cela me semble très important.

Et pour terminer, que souhaitez-vous pour ce journal ?

Je souhaite que le journal continue à exister et qu’il continue de permettre aux personnes migrantes d’y écrire librement.

Propos recueillis par:

Williams Soumah

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Galerie photos de l’événement




Un hommage à Eli

Evangelista Mañón Moreno. Auteure: Renata Cabrales / Voix d’Exils

Victime d’un féminicide

Un policier a tué Evangelista Mañón Moreno – alias Eli – le 19 mars 2021 à Bussigny, une commune à proximité de Lausanne. D’origine dominicaine, Evangelista Mañón Moreno était une mère de quatre enfants âgée de 43 ans. Cet assassinat a été rapporté dans la plupart des journaux comme un « drame conjugal » dans la rubrique des faits divers (Le Nouvelliste – 19.03.2021; Lausanne Cité – 20.03.2021; La Liberté – 20.03.2021; Le Matin – 20.03.2021; 20 Minutes – 20.03.2021). Cette manière de qualifier un féminicide par les médias ne peut continuer d’être acceptable.

Le mouvement Offensive contre le féminicide  définit le féminicide comme « la mort violente de filles, de femmes et de personnes considérées comme féminines, en raison de leur genre. Ils se produisent au sein de la famille, dans la sphère domestique ou au sein d’autres relations interpersonnelles et affectent toutes les régions, sphères et classes de notre société. Les féminicides sont l’expression du monde violent dans lequel nous vivons, où les femmes, les filles et les personnes considérées comme féminines en particulier sont souvent exposées à des violences multiples et doivent se défendre contre des violences basées sur leur genre, leur sexualité, leur classe ou leur origine ».

Par ailleurs, en raison de différents facteurs tels qu’économiques ou le manque de documents leur permettant d’obtenir l’autorisation de rester dans le pays d’arrivée, les femmes migrantes sont plus vulnérables et sont parfois obligées d’entretenir des relations abusives de dépendance ou de violences physiques et émotionnelles, dont l’isolement les empêche de trouver un moyen de sortir de situations aussi difficiles. Des recherches ont analysé ce phénomène :

« Les recherches sur la violence à l’égard des femmes issues ou non de la migration menée en Allemagne (centrées sur des femmes turques et de l’ex-Union soviétique) ont, sur la base d’analyses statistiques de corrélation, montré que, par rapport aux femmes allemandes, une exposition accrue à la violence ne peut que partiellement être expliquée par l’origine (par des valeurs religieuses et traditionnelles, des normes et des rôles stéréotypés). Ce sont avant tout des facteurs tels qu’une plus grande vulnérabilité en raison du cadre de vie (conditions sociales et économiques, stress induit par la migration ainsi que tensions dans les rapports entre les sexes), de maigres ressources (formation, revenu, implication dans la vie professionnelle, connaissances linguistiques, savoir et possibilités de soutien, etc.) et les barrières posées par le droit étranger qui ont pour effet d’une part d’accroître le risque de violence domestique et d’autre part aussi de rendre plus difficile l’abandon des relations fondées sur la violence » (Schröttle & Ansorge 2008 ; Schröttle & Glammeier 2014) ; www.ebg.admin.ch, juin 2020.

Mais la situation a été plus alarmante pendant la pandémie du COVID-19 en Suisse comme dans d’autres pays. « En Suisse, toutes les deux semaines, une femme est tuée par son mari, son partenaire, son ex-partenaire, son frère ou son fils, parfois par un inconnu » peut-on lire dans le journal Le Courrier de Genève en date du jeudi 28 octobre 2021. En effet, en raison du confinement avec leur agresseur pendant la pandémie, de plus en plus de femmes étaient victimes de féminicides; et les chiffres ont augmenté de manière alarmante, en Espagne par exemple: « depuis la levée de l’état d’urgence sanitaire le 9 mai, une femme est tuée tous les trois jours par son partenaire ou ancien partenaire, contre une moyenne un féminicide par semaine », rapporte Le Temps dans son édition du 28 juin 2021.

Il est temps à présent de reconnaître le féminicide comme un grave problème social.

Renata Cabrales

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Hommage à Eli ce samedi 19 mars

La collectif pour la mémoire d’Eli appelle à un hommage pour le premier anniversaire du féminicide de Evangelista Mañón Moreno (Eli) samedi 19 mars 2022 à Lausanne à la Riponne.

Un autre article traitant du même sujet:

FÉMINICIDE : DE LA VIOLENCE À L’HOMICIDE




Faire face

Miguel Bruna / Flickr.com

L’égalité des sexes comme partie intégrante de la solution aux nombreux défis contemporains

Les inégalités, le manque d’opportunités et la surcharge de travail sont des problèmes familiers pour les femmes du monde entier, depuis des décennies. Et voici qu’à la lutte menée pour accéder à une vie digne, s’ajoute maintenant le défi de faire face à une pandémie. Nous sommes dans une phase sans précédent et personne ne sait ce qui va se passer. Nous regardons l’avenir avec un mélange de peur et d’incertitude. L’inattendu, l’impensable nous atteignent de toute part.

C’est comme si un tsunami était arrivé, dévastant tout ce que nous avions créé, bousculant notre façon de vivre, d’apprécier le partage, de travailler. Tous nos sens ont reçu un impact inquiétant : il n’y a plus de goût, il n’y a plus d’odeurs, nous ne pouvons plus apprécier le goût d’un bon vin ni la nourriture la plus exquise. L’air magnifique qui entrait dans nos poumons pour y engouffrer la vie, voilà qu’il passe à peine à travers les masques qui couvrent nos visages pour éviter de nous infecter. Notre regard finit par être contaminé par les images d’actualité de millions de morts dans les différents pays, nos oreilles n’entendent plus qu’un écho répétitif qui dit : « COVID-19, tests, nouvelles mesures, mise en quarantaine, infections, décès, contagions, mutations »… et ne parlons pas du contact physique, de l’accolade ou de l’étreinte, celle dont on dit tant qu’elle guérit les blessures, réconforte, encourage… C’est devenu interdit, les bises ont été remplacées par un petit geste et la poignée de main par une touche du coude.

Oui, tout cela ressemble à un film d’horreur ou de science-fiction. Mais ce n’est pas la plus grande horreur encore. La plus grande horreur est vécue par les femmes. Les mesures de confinement – y compris le télétravail – exacerbent les tensions sur les charges domestiques, la sécurité, la santé, l’argent et augmentent le risque de violence domestique.

Nous devons éviter tout type de régression. Il est temps d’être ambitieux et d’assumer l’égalité des sexes comme partie intégrante de la solution aux nombreux défis auxquels nous sommes confrontés en termes de sécurité, de santé, de climat, d’économie et de droits humains fondamentaux.

Mais, surtout, le plus important est que nous ayons une intelligence suffisante dans la sphère collective et personnelle pour tirer des leçons de chaque situation, ainsi qu’un optimisme que nous ne pouvons pas perdre.

Les crises font ressortir le meilleur de chaque individu. La vie d’aujourd’hui exige vraiment 100% de nos capacités, de notre talent, de notre générosité. Nous avons connu un changement vertigineux, relevé un énorme défi pour maintenir l’activité professionnelle, la famille au milieu de la peur. Notre responsabilité dorénavant est de minimiser l’impact négatif de cette pandémie. Nous devons le faire même face à un avenir incertain, car l’avenir n’est pas écrit, nous sommes celles et ceux qui allons le construire chaque jour. Nous devons nous confronter à nous-mêmes. Que sommes-nous capables d’offrir? Que sommes-nous capables de surmonter? Que sommes-nous capables de transformer? Que sommes-nous capables de reconstruire? Comment pouvons-nous nous réinventer pour continuer? Comment pouvons-nous être utiles aux autres ainsi qu’à nous-mêmes?

Vraiment, c’est ce que la vie exige de nous actuellement. Nous ne pouvons pas abandonner nos luttes, nous devons continuer ; nous avons le droit de nous sentir tristes, fatigué.e.s et parfois même vaincu.e.s. Nous pouvons nous reposer mais, chaque jour, nous devons nous lever et reconstruire, qu’importe si nous sommes à nouveau un peu brisés à la fin de la journée. Il faut voir l’opportunité de chaque nouveau jour, car cette opportunité est la nôtre et nous avons un pouvoir sur elle.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils