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Revue de presse #26

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous la loupe : Covid-19, les étrangers maltraités en Arabie Saoudite / Attente interminable pour les demandeurs d’asile en Angleterre / Pro et anti migrants manifestent à Douvres

Arabie Saoudite, les travailleurs étrangers parqués dans des hangars

Le Courrier International, le 01.09.2020 

Accusés de propager le Covid-19 dans le royaume, des centaines – voire des milliers – de migrants originaires de la Corne de l’Afrique ont été déportés dans des hangars au sud de l’Arabie Saoudite, où ils survivent dans des conditions inhumaines.

C’est ce que révèle, dans son enquête exclusive, le journal britannique Sunday Telegraph, qui se base sur des photos et des vidéos prises dans des camps de détention dans le sud du pays ainsi que sur les témoignages de personnes avec lesquelles il est entré en contact.

Un Éthiopien enfermé pendant plus de quatre mois témoigne : «C’est l’enfer ici ! Nous sommes traités comme du bétail et battus tous les jours ». Un de ses compatriotes dit avoir reçu des coups de fouet et des décharges électriques. « Nous mangeons un petit morceau de pain chaque jour, et du riz tous les soirs. Il n’y a presque pas d’eau et les toilettes débordent. La chaleur qui règne ici va nous tuer.» 3’000 travailleurs Éthiopiens ont été renvoyés dans leur pays début avril par les services de sécurité.

A noter que 6,6 millions d’étrangers, soit 20% de la population du pays, servent de main-d’œuvre à bas prix en Arabie Saoudite.

Contactée par le Sunday Telegraph, l’ambassade saoudienne au Royaume-Uni n’a pas souhaité réagir à l’enquête.

Angleterre, les délais d’attente pour les demandeurs d’asile s’allongent

infomigrants.net, le 01.09.2020

Selon la BBC, les délais d’attente pour le traitement des dossiers de demande d’asile atteignent des records au Royaume-Uni. Lors des trois derniers mois de l’année 2019, quatre demandeurs sur cinq devaient attendre plus de six mois pour que leur dossier soit instruit alors qu’ils étaient seulement un sur cinq il y a six ans.

Le Home Office, équivalent britannique du ministère de l’Intérieur, affirme avoir reçu «un très grand nombre de dossiers complexes», ce qui expliquerait l’accumulation des retards. Cette situation a un impact direct sur le quotidien des migrants qui ne sont pas autorisés à travailler pendant l’instruction et doivent survivre avec une allocation d’à peine plus de 5 livres sterling (5,60 euros) par jour.

Sans compter que la crise sanitaire et les mesures de confinement rendent la vie quotidienne encore plus compliquée pour les demandeurs d’asile en Angleterre. Farzin, un exilé iranien interrogé par la BBC, souligne que laisser des migrants dans une chambre avec 5 livres sterling par jour, sans qu’ils aient la possibilité de se déplacer ou encore d’accéder à internet pour s’occuper, est la recette parfaite pour provoquer chez eux des problèmes de santé mentale.

Le Royaume-Uni va se retirer du pacte migratoire européen au 31 décembre. Londres compte, après cette échéance, conclure des accords bilatéraux avec les différents pays de l’Union européenne afin de pouvoir renvoyer les migrants plus facilement vers le premier pays qu’ils ont foulé sur le Vieux Continent.

Douvres, affrontements entre manifestants pro et anti-migrants

Le Point, le 05.09.2020

Après les fortes arrivées de migrants par la Manche, les habitants de la ville anglaise de Douvres ont manifesté samedi 5 septembre dans deux camps aux messages très différents : d’un côté « Bienvenue » pour ceux qui sont pro-migrants et de l’autre côté « Débarrassez nos rues de ces ordures » pour les anti-migrants.

Selon la police du Kent, neuf personnes ont été interpellées, notamment pour des troubles à l’ordre public aggravés par leur motivation raciste et des agressions sur les agents des services d’urgence. Les manifestants anti-migrants se sont heurtés aux forces de l’ordre en tentant de forcer un barrage de police et ont bloqué un important axe routier.

Devant une centaine de personnes, un membre de l’association Kent Refugee Help, a déclaré que quand une société rejette des gens qui fuient la guerre, « cela en dit long sur son état. Nous ne sommes pas de ceux-là. Nous nous dressons et accueillons les gens qui, dans des circonstances désespérées, fuient des situations affreuses. »

A quelques mois du durcissement par le Royaume-Uni de sa législation sur l’immigration avec le Brexit, 400 migrants ont traversé la Manche mercredi 2 septembre. Un nouveau record. Face à la hausse des traversées, le Royaume-Uni a mis en cause la France et a promis de mettre fin au phénomène.

Plus de 5’600 migrants ont traversé la Manche à bord de petites embarcations cette année, selon le ministre britannique de l’Intérieur.

Oumalkaire / Voix d’Exils

 




« L’initiative de l’UDC pour le renvoi effectif des criminels étrangers nous ramène au système du bannissement »

Magalie Gafner, sociologue et juriste au Centre Social Protestant (CSP) Lausanne.

Magalie Gafner, sociologue et juriste au Centre Social Protestant (CSP) Lausanne.

Voix d’Exils a  rencontré Magalie Gafner, sociologue et juriste au Centre Social Protestant (CSP) de Lausanne pour s’interroger sur les enjeux de l’initiative du 28 février prochain dites de renvoi effectif des étrangers criminels.

Quelle est la différence entre la dernière initiative concernant le renvoi des criminels étrangers et celle-là ? Est-ce uniquement une « mise en œuvre » de la précédente ?

L’application faite par le Parlement de l’initiative sur le renvoi des étrangers délinquants laisse une marge d’interprétation aux juges, leur permettant de traiter différemment un migrant fraîchement arrivé et qui commettrait un délit et une personne née en Suisse qui commettrait le même acte.

 Dans cette initiative « Pour le renvoi des étrangers criminels », quelles catégories d’étrangers sont visées ?

A priori toutes les  catégories d’étrangers sont visées : du touriste à l’étranger de la deuxième ou troisième génération. Il est toutefois clair qu’un renvoi automatique, tel que prévu dans l’initiative de mise en œuvre, contrevient à l’interprétation faite par la Cour de justice de l’Union Européenne qui exige un danger actuel pour l’ordre public et réfute toute automaticité. Sans remise en cause de l’Accord sur la libre circulation des personnes, le texte constitutionnel ne pourrait s’appliquer aux ressortissant-e-s européens. De plus, ce texte, mènera à des violations très systématiques de l’article 8 de la Convention Européenne des Droit de l’Homme qui protège la vie familiale mais aussi la vie privée, soit notamment l’enracinement ancien d’une personne dans une société quand bien même elle  n’en n’aurait pas la nationalité. Là aussi, soit on renonce à appliquer cette convention, soit on renonce à appliquer le nouvel article constitutionnel aux migrants installés de très longue date ou qui auraient leur famille en Suisse et dont le ou les crimes ne revêtent qu’une gravité relative.

Est-ce que cette initiative pose des problèmes (ou pas ?) du point de vue du droit ?

 

En plus des difficultés soulevées à la question précédente, l’initiative entrave clairement le travail du juge qui doit appliquer le cadre légal à une situation particulière et respecter le principe de proportionnalité.

Pensez-vous que cette initiative va renforcer la sécurité de la population suisse ?

Si cette campagne participe à créer un sentiment d’insécurité, la modification de la Constitution ne changera rien à la sécurité objective en Suisse, puisque aujourd’hui les bases légales et la pratique des tribunaux permettent déjà de renvoyer les étrangers qui mettent en danger l’ordre public. Les seules personnes qui ne peuvent être actuellement renvoyées et qui présentent un danger ne le pourront pas non plus avec cette initiative, puisqu’il s’agit de personnes dont l’identité est impossible à établir et/ou qui ne sont pas réadmises par leur Etat national.

Cette initiative ne risque-t-elle pas de créer un régime de « double peine » ?

Il est clair qu’une sanction de renvoi qui s’ajoute à une peine pénale purgée est une double peine.

Dans quelle « direction » les différentes initiatives de l’UDC nous mènent ?

Ces initiatives nous éloignent d’une certaine conception du droit et nous ramènent  à travers des réponses apparemment simples au système ancien du bannissement qui, indépendamment des questions éthiques que cela soulève, n’est, dans une société mondialisée, qu’une illusion.

Propos recueillis par:

Rama Kouria

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Info :

Article paru dans le 20 minutes qui détaille des cas de figure concrets de renvois