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FLASH INFOS #88

Kristine Kostava / Voix d’Exils

Sous la loupe : La première victime du naufrage de Calais identifiée / La Grèce ouvre deux nouveaux camps de réfugiés / Le pape lance un appel à « sauver la civilisation »

La première victime du naufrage de Calais identifiée

infomigrants.net, le 29.11.2021

Maryam Nouri Mohammad Amin, une jeune femme kurde de vingt-quatre ans, originaire du nord de l’Irak, est la première victime identifiée du naufrage ayant fait 27 morts, mercredi 24 novembre dernier au large de Calais. Cette dernière tentait de rejoindre son fiancé résidant en Angleterre avec qui elle était en contact par message au moment où l’embarcation a commencé à couler. Pour l’heure, il s’agit de la seule personne identifiée parmi les 27 personnes, qui ont péri dans cette tragédie.

Selon les proches de la victime, Maryam aurait décidé de prendre la route vers l’Europe après n’avoir pas obtenu de visa pour l’Angleterre malgré plusieurs demandes déposées à l’ambassade britannique. En possession d’un visa italien, Maryam aurait ensuite rejoint la Turquie, l’Italie, l’Allemagne, puis la France afin de tenter finalement de rejoindre l’Angleterre. Elle n’a prévenu son fiancé qu’elle embarquait qu’à la dernière minute.

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

La Grèce ouvre deux nouveaux camps de réfugiés

RTS, le 27.11.2021

La Grèce a ouvert samedi 27 novembre dernier deux nouveaux camps sécurisés pour requérant·e·s d’asile dans les îles de Leros et de Kos. Elle prévoit également d’en ouvrir deux autres sur l’île de Lesbos et de Chios.

Ces constructions sont toutefois critiquées en raison des contrôles drastiques qui y sont imposés. Les nouveaux camps sont encerclés de barbelés et équipés de caméras de surveillance et de portails magnétiques. Les personnes en demande d’asile doivent présenter des badges électroniques et leurs empreintes digitales pour pouvoir y entrer. Elles peuvent sortir dans la journée mais doivent rentrer le soir.

L’ouverture de ces nouveaux camps fait suite à la démolition de l’ancien camp sécurisé insalubre de l’île de Samos qui avait abrité près de 7000 personnes en demande d’asile entre 2015 et 2016. Par ailleurs, la situation en Afghanistan a fait redouter l’arrivée d’une nouvelle vague de personnes migrantes dans la région, la Grèce étant la principale porte d’entrée des requérant·e·s d’asile en provenance de ce pays.

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Le pape lance un appel à « sauver la civilisation »

Le Temps, le 05.12.2021

Le 05 décembre dernier, le pape François s’est rendu sur l’île de Lesbos pour prononcer un discours devant des représentant·e·s de la Commission européenne, et du gouvernement grec ainsi qu’une foule de requérant·e·s du camp de Mavrovouni. À cette occasion, il a déploré les nombreuses victimes noyées en mer Méditerranée en raison de la crise migratoire qui sévit dans la région. Ce dernier s’est déplacé suite aux appels des organisations non gouvernementales (ONG) qui lui ont demandé de se manifester face à la situation.

Le pape a notamment appelé à mettre fin au « naufrage de la civilisation » en indiquant que la Méditerranée, autrefois « berceau des civilisations », s’était transformée en « cimetière sans pierres tombales » et était devenue comme « un miroir de la mort ».

Rachid Boukhemis

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Mon mari

Avin Anes et son mari. Photo: rédaction neuchâteloise de Voix d'Exils

Avin Anes et son mari. Photo: rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils.

Portrait d’un homme gentil

Mon mari et moi, nous nous sommes rencontrés il y a 10 ans et nous avons vécus des jours doux et rudes ensemble, dans la partie kurde de la Syrie.

Nous avons eu trois enfants et nous étions ensemble pour tous les moments de notre vie.

Avin Anes et son mari. Photo: la rédaction neuchâteloise de Voix d'Exils

Avin Anes et son mari. Photo: la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Mon mari est caractérisé par l’honnêteté, la franchise et par son écoute, il a toujours des mots gentils pour moi.

Il arrive parfaitement à diviser son temps entre son travail, ses obligations envers les enfants et pour moi également. Il me dit toujours que les femmes ne sont pas les seules responsables de la famille.

Il est logique dans ses exigences et il m’aide beaucoup à la maison. Il est sincère, il écoute et sait résoudre les problèmes conjugaux.

Donc, nous étions toujours ensemble et très unis, même en période de crise, quand nous avons perdu notre fils de 7 ans pendant la guerre. Nous avons dû quitter notre maison et notre ville et partir pour vivre dans un nouveau pays.

Alors même qu’il y a des différences de vues entre nous, nous nous comprenons et nous acceptons les idées de l’autre. Nous trouvons toujours des solutions par le débat et le dialogue.

Notre désir maintenant est de continuer de vivre ensemble, de retrouver une vie tranquille et une stabilité après les importantes perturbations que nous avons subies suite aux pressions de la guerre.

Avin Anes

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 




L’amour et la musique en partage

Reza et Kristina. Photo: David Crittin.

Reza et Kristina. Photo: David Crittin.

 Visages de l’asile

« Les hommes font partie du même corps.

Ils sont issus de la même essence.

Si le destin faisait souffrir l’un des membres

Les autres n’en auront pas de repos.

Toi qui es indifférent aux malheurs des autres

Tu ne mérites pas d’être nommé un Homme. »

Ce poème phare de Saadi, célèbre poète de la littérature perse, est devenu le leitmotiv de la vie de Reza, un jeune Iranien aujourd’hui requérant d’asile en Suisse.

Le sens de l’autre, c’est ce qui l’a amené à prendre son bâton de pèlerin pour se mettre en route et aller au carrefour des cultures et des continents. Sur la terre arménienne, il rencontre Kristina, son amour. Une même passion pour la musique les réunit : la guitare pour Reza et, pour Kristina, le qanun, un instrument de musique traditionnelle en Arménie.

La vie les pousse sur les chemins de l’exil. Ils arrivent en Suisse où ils déposent une demande d’asile. L’installation en Valais est difficile : ils font l’expérience brutale du déracinement, de l’isolement, de l’incertitude et de la maladie… Mais la musique, cet art sans frontière qui comme l’amour pousse aux horizons lointains, vient éclairer leur chemin.

Leur entourage, à Sion où ils vivent, se rend tout de suite compte de leur passion pour la musique. Heureuse coïncidence, la fête du bicentenaire du Canton du Valais est en pleine préparation. Les organisateurs les convient à participer à un spectacle intitulé « la danse de soi, le pont de l’autre ». Ils répondent favorablement… Les voilà donc embarqués, Reza à la guitare et Kristina au piano, pour plus d’une année de préparation. Au cours de cette période, trois mois avant le jour J, ils accueillent leur premier enfant. Certes, ce changement au sein du couple n’allait pas faciliter leur disponibilité, mais ils ont tenu leur engagement jusqu’au bout.

Le 8 août dernier, ils étaient au lieu du rendez-vous, Reza avec sa guitare et Kristina derrière son piano. Dans la simplicité, l’unique couple du spectacle et les seuls requérants d’asile parmi les musiciens ont été très remarqués. Reza, avec l’humilité qui caractérise le couple, dira : « Nous avons eu simplement la joie de partager notre passion ; bien sûr, au milieu de cet événement interculturel, nous étions emblématiques : je suis Iranien, ma femme est Arménienne, notre fille est née en Suisse. Mais l’identité, ce n’est pas le passeport, c’est la personne que l’on est. »

Le couple mélomane n’entend pas s’arrêter là. Ils comptent mettre sur pied un duo pour un enrichissement mutuel et l’enchantement du public. Que le bon vent les accompagne !

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Quand l’exil s’insinue dans les relations conjugales

Impact de l'asile et de l'exil dans les relations conjugales

Les femmes migrantes s’émancipent au contact de la société occidentale, ce qui n’est pas toujours du goût de leur mari. Un conjoint abandonné et une épouse victorieuse témoignent.

Un mariage sur deux en Europe, et notamment en Suisse, se termine par un divorce. Mais dans les pays d’origine de la plupart des immigrés, le taux de divorce est faible : la femme, même si elle n’est pas heureuse en ménage, est obligée de rester avec son mari, de peur d’être rejetée par sa propre famille et par celle de son époux. Car le mariage valorise les femmes, c’est un honneur pour les familles que de marier leur fille. C’est ainsi que dans la plupart des pays du sud, peu importe le rang qu’elles peuvent occuper dans la société : les femmes qui n’ont pas de mari sont rarement respectées.

Mais une fois que le couple émigre, la réalité n’est plus la même. Voici le triste témoignage de M. Neto, domicilié à Payerne, originaire de la République démocratique du Congo (RDC), âgé de 38 ans, marié et père de 4 enfants, dont 2 filles. « Depuis que ma femme travaille comme secrétaire dans un cabinet dentaire, et comme j’ai perdu mon emploi depuis deux ans, elle a complètement changé dans son comportement : elle ne veut plus participer aux taches ménagères comme avant. Une fois j’ai essayé d’avoir une discussion avec elle. Elle a commencé à crier et m’a giflé. Je me suis senti humilié devant les enfants et j’ai essayé de riposter. Mais malheureusement elle a appelé la police. Elle a menti aux policiers, affirmant que j’étais un mari violent et que je l’avais menacée de mort. Depuis j’ai été obligé de partir pour aller trouver refuge chez des proches. Elle a demandé le divorce. Je n’ai même plus le droit de voir mes enfants. La police m’a interdit formellement de m’approcher d’eux pour le moment. J’aime pourtant encore ma femme. J’ai demandé de l’aide auprès des proches de notre famille et à des amis, pour essayer de la faire revenir à la raison. Mais elle a catégoriquement refusé et se tient toujours à sa décision. Je suis devenu fragile, j’ai fait des crises de dépressions et je suis devenu incapable de garder un emploi. »

Ce cas démontre le choc culturel que beaucoup hommes subissent une fois qu’ils quittent leurs pays d’origine, en plus de tous les problèmes auxquels les familles immigrées sont confrontées, comme par exemple le chômage, l’éloignement familial, les affres de l’exclusion et de la pauvreté.

La femme, elle, prend conscience du rôle qu’elle peut jouer au sein de la société occidentale, où les lois garantissent l’égalité. Elle se sent enfin libre, elle ne veut plus subir. Et souvent la femme essaie de changer les rapports de force au foyer. L’homme, surpris, subit là un choc terrible et tente de résister. A partir de là, le couple bat de l’aile. L’homme n’a plus d’autorité au sein de sa famille.

Sahra*, une dame somalienne âgée de 40 ans et résidant en Suisse depuis une dizaine d’années, vit seule avec ses quatre enfants scolarisés. Nous recevant chez elle vers 19 heures pour apporter son témoignage, elle nous recommande de poser prestement nos questions sous prétexte que son « mari » sera là dans peu de temps. Quelques minutes plus tard, c’est un livreur qui lui remet un paquet de khat, plante euphorisante mâchée en Afrique de l’Est et au Yémen. Elle l’enveloppe dans une serviette brodée qu’elle asperge d’eau et le pose sur un oreiller douillet. Puis elle installe le tout autour du coin qu’elle s’est aménagée dans le salon, avec des plateaux de thé aromatisé, des dattes et de l’encens, comme si elle respectait un rituel propre à la consommation de ce produit qui semble découler d’un rite pharaonique.

Après avoir mis une première branche sous les dents, elle nous dit : « Dans mon pays, la consommation de cette herbe est réservée aux hommes et les rares femmes qui l’utilisent sont considérées comme des dévergondées. Mais ici en Europe, n’ayant plus sur le dos le fardeau du regard de la communauté, nous pouvons chercher librement à nous émanciper. Réduite à un rôle de femme au foyer, j’ai cherché une échappatoire pour tuer la lenteur de la journée et j’ai commencé à mâcher ce produit. Ça a mis hors de lui mon mari et après moult péripéties nous sommes arrivés au divorce. Chose que je ne regrette pas aujourd’hui, parce que je vis avec un « mari » que je domine. »

Bien que les protagonistes de ces deux témoignages soient originaires du continent africain, beaucoup de choses diffèrent dans leurs modes de vie ; mais leurs problèmes conjugaux, nés dans le pays d’émigration, semblent être la répétition d’un phénomène identique.

Jean Kamunga Sheba Mulunda