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En Iran, les fumeuses risquent des insultes, des coups, et même la prison

Ahmad Mohammad / Voix d’Exils.

La liberté de fumer : un marqueur d’égalité hommes – femmes

« Lorsque je suis arrivée en Suisse, il y a 5 ans, j’ai été très surprise de voir des femmes fumer dans l’espace public » confie Zahra, rédactrice à Voix d’Exils. « Je me suis posée beaucoup de questions : Ça ne dérange pas les hommes que les femmes fument ? Leurs familles ne leur disent rien ? Les femmes sont-elles vraiment libres de fumer ?

Je viens d’une petite ville au nord-ouest de l’Iran. Dans mon pays, il y a plusieurs cultures, chacune a sa langue – le farsi, le turc, l’arabe et le kurde -, sa cuisine, sa musique, ses traditions. Le point commun entre ces différentes cultures, c’est que les femmes ne sont pas libres.

« Après la révolution islamique, les femmes n’ont plus eu le droit de fumer »

Prenons l’exemple des fumeuses… Depuis la Révolution islamique de 1979, les femmes ont l’interdiction de fumer. A l’époque du Shah, entre 1941 et 1979, la situation était différente. Ma grand-mère, qui a toujours fumé, m’a raconté qu’elle avait grandi dans une société qui laissait beaucoup de liberté aux femmes. Elles avaient le droit de fumer, de porter des minijupes, de ne pas se voiler, de voter… comme en Europe.

Ma grand-mère était une femme de caractère qui avait élevé 15 enfants. Elle avait planté du tabac dans le potager de la ferme pour la consommation familiale. Ma mère était la petite dernière de la fratrie, elle fumait elle aussi avant de se marier.

Après la révolution islamique de 1979 menée par l’ayatollah Khomeini, les femmes n’ont plus eu le droit de fumer. Dans les grandes villes, celles qui ne respectaient pas cet interdit étaient sévèrement punies. Là où habitait ma grand-mère, la situation était un peu différente. Dans la société rurale, fumer était considéré comme une activité de détente qui n’était pas réservée aux hommes.

« Les femmes qui fument se font traiter de prostituées »

Lorsque ma mère s’est mariée, elle est allée habiter en ville et mon père lui a demandé d’arrêter de fumer. Mon père, qui était lui-même un homme ouvert d’esprit, n’avait pas d’autre choix. Si ma mère avait continué de fumer, elle aurait été considérée comme une femme de mauvaise vie, une citoyenne qui ne respecte pas les lois islamiques.

Aujourd’hui certaines Iraniennes fument en cachette. Malheur à celle qui allume une cigarette dans l’espace public : elle se fera insulter, se verra traiter de putain et pourra même recevoir des coups donnés par des hommes que ce geste – perçu comme une provocation – rend complètement fous. Dans certains cas, ce comportement considéré comme « déviant » peut occasionner une dénonciation auprès de la police et la « fautive » risque alors l’emprisonnement.

Il y a pourtant une catégorie de femmes qui échappent à cette interdiction. Ce sont les femmes âgées, que leur ancienneté protège, et qui peuvent fumer sans porter préjudice à l’honneur familial.

« L’interdiction de fumer est une oppression parmi tant d’autres »

En Iran, le système patriarcal et religieux décide de ce qui est bon pour les femmes et les traite comme des citoyens de second plan. L’interdiction de fumer n’est finalement qu’une oppression parmi tant d’autres. Mais ce système injuste suscite toujours plus de mécontentement. Aujourd’hui, les Iraniennes sont nombreuses à contester des lois sexistes qui les privent de leurs droits fondamentaux. Elles en ont assez de ne pas pouvoir choisir leurs habits, de devoir obligatoirement porter le voile, elles veulent penser par elles-mêmes, travailler, être indépendantes.

Elles sont courageuses, mais le chemin vers la liberté est encore long. »

 

Zahra AHMADIYAN

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Revue de presse #23

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur: Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : jeunes de France et d’Afrique mobilisés contre le Covid-19 / En Tunisie, l’égalité est un vœu pieux / Le Canada régularise 1000 migrants « anges gardiens »

Des jeunes se mobilisent contre le Covid-19 à travers le monde

Jeuneafrique.com, le 12.08.2020

Des jeunes bénévoles de ONE, l’ONG dirigée par l’ancienne ministre française Najat Vallaud-Belkacem, luttent contre l’extrême pauvreté et les maladies évitables, particulièrement en Afrique.

Originaires du Sénégal, de Gambie, de Tunisie et de France, ils se sont également mobilisés pour contribuer à la lutte contre la pandémie de Covid-19. Au Sénégal, par exemple, ils ont réalisé des campagnes de sensibilisation sur les gestes à adopter et ont aussi distribué des masques, du gel antiseptique ainsi que de l’eau de javel gratuitement dans les quartiers et les lieux publics.

En France et en Tunisie, la mobilisation des jeunes s’est traduite par de multiples actions : des étudiants ont réfléchi à des innovations techniques dans le secteur médico-social, d’autres ont fait des dons aux organisations caritatives, d’autres encore ont fait les courses pour les aînés.

Des Sénégalais, aux études en Chine, ont été parmi les premiers à alerter sur la gravité de la maladie. Leur plaidoyer pour la fermeture des frontières sénégalaises ont été diffusés sur internet, avant même que cela ne devienne un débat national. Dans un pays où l’âge médian de la population est de 18 ans, cette mobilisation a démontré, selon eux, le pouvoir catalyseur des réseaux sociaux et de l’engagement en ligne. « Notre génération dispose d’un outil puissant pour influencer les décisions, et nous l’avons bien compris », soulignent–ils.

Alors que la deuxième vague de coronavirus se profile, les militants de ONE demandent aux États de soutenir les jeunes dans leurs engagements et de les inclure dans leurs prises de décisions, en particulier en période de crise.

L’égalité des sexes a du plomb dans l’aile en Tunisie

Jeuneafrique.com, le 13.08.2020

Tous les 13 août depuis 1956, jour de l’indépendance tunisienne, le temps se fige dans le pays. Parmi les premières décisions prises par Habib Bourguiba, président de la Tunisie libérée, la promulgation du Code du statut personnel (CSP) est encore dans tous les esprits. Il s’agissait d’une première dans le monde arabe, qui faisait accéder les Tunisiennes à des droits et devoirs plus étendus.

Mais, dans les faits, les féministes observent que les textes de lois ne suffisent pas à changer les mentalités. Elles regrettent que l’égalité légalement accordés aux Tunisiennes soit un vœu pieux que personne ne songe à faire appliquer. Malgré une émancipation de façade, beaucoup de femmes préfèrent rester sous la tutelle d’un chef de famille et sont nombreuses à continuer d’élever leurs fils comme des enfants rois.

64 ans après la libération de la Tunisie, les mêmes tiraillements empêchent l’évolution des femmes dans une société qui veut une chose et son contraire : la modernité, la liberté et l’émancipation mais aussi le respect et l’application du conservatisme le plus rétrograde.

Un millier d’« anges gardiens » régularisés au Canada

voaafrique.com, le 14.08.2020

En mai dernier, le Premier ministre canadien Justin Trudeau avait salué le « travail héroïque » des demandeurs d’asile actifs en pleine pandémie dans les milieux de la santé. Il avait promis de réfléchir à un programme de régularisation. Le chef du gouvernement québécois François Legault, les avait même qualifiés d’ « anges gardiens ». Finalement, c’est le ministre de l’immigration qui vient d’annoncer la régularisation prochaine des migrants concernés pour les remercier d’avoir aidé à soigner des malades du Coronavirus.

Cette mesure concernera seulement les infirmiers et les aides-soignants ayant travaillé dans des établissements de santé, des maisons de retraite ou à domicile. Ils pourront demander la résidence permanente pour eux-mêmes et leur famille à condition d’avoir déposé leur demande avant mars 2020, et cela même si leur demande d’asile a été rejetée.

A l’échelle du Canada, cette mesure de régularisation devrait concerner un millier de personnes au maximum.

Oumalkaire / Voix d’Exils