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FLASH INFOS #161

Le Bibby Stockholm. Auteur: Rod Allday / CC BY-SA 2.0

Sous la loupe : Le Royaume-Uni installe une barge pour demandeurs d’asile dans le port de Portland / Des dizaines de personnes étrangères à l’aide sociale expulsées chaque année de Suisse  / La Belgique condamnée pour « refus caractérisé » d’héberger un demandeur d’asile

Nous sources:

Le Royaume-Uni installe le « Bibby Stokholm », une barge pour demandeurs d’asile, dans le port de Portland

Le Monde, 21 Juillet 2023

Des dizaines de personnes étrangères à l’aide sociale expulsées chaque année de Suisse

RTS, Le 25 Juillet 2023

La Belgique condamnée pour « refus caractérisé » d’héberger un demandeur d’asile

TV5 Monde, Le 18 Juillet 2023

 




Flash INFOS #67

Permis humanitaire pour Salomon. Illustration de Kristine Kostava / Voix d’Exils

Sous la loupe : Un permis humanitaire pour Solomon Arkisso ? / Mario Gattiker s’exprime sur les violences dans les centres fédéraux / Une fresque géante en l’honneur des jeunes migrants à Lausanne

Un permis humanitaire pour Solomon Arkisso ?

24 Heures, le 15 juin 2021

Le 15 juin, les membres du parlement vaudois ont accepté par 72 voix contre 63 une résolution appelant le Conseil d’Etat à demander l’octroi d’un permis humanitaire à Solomon Arkisso auprès du Conseil fédéral. Pour rappel, ce dernier a été renvoyé de force en Ethiopie fin janvier et jouit d’une interdiction d’entrée sur le territoire de la Confédération jusqu’en 2026. Si le principal concerné venait à retourner en Suisse, le député Guy Gaudard s’est engagé à lui garantir une place d’apprentissage. Le conseiller d’Etat Phlippe Leuba a pour sa part souligné que jusqu’à présent le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) avait refusé de reconsidérer toutes les demandes qui lui avaient été adressées.

Mario Gattiker s’exprime sur les violences dans les centres fédéraux

24 Heures, le 21 juin 2021

« Les centres [fédéraux pour requérants d’asile] ne sont pas des espaces de non-droit, où règne la violence ». Telle est la réaction du secrétaire d’Etat aux migrations – Mario Gattiker – face aux propos de Jean-Claude Huot, membre de la Commission fédérale des migrations, pour qui les centres fédéraux « ne peuvent pas être des zones de non-droit » et la possibilité de porter plainte devrait être un minimum requis. M. Gattiker assure que ce minimum requis est déjà donné aux personnes requérantes d’asile se sentant victimes d’actes injustifiés. En outre, il assure que le Secrétariat d’Etat aux migrations prend très au sérieux les allégations relatives aux actes de violences et abus commis à l’encontre des requérants d’asile dans les centres fédéraux. Le secrétaire rappelle également que pour faire la lumière sur les faits reprochés, une enquête externe et un audit interne ont été ouverts. De plus, les agents de sécurité concernés ont été suspendus et des plaintes pénales sont en cours. Tout en reconnaissant qu’il y a encore à faire, Mario Gattiker se réjouit de l’engagement quotidien du personnel des centres fédéraux pour le bien-être des personnes en procédure d’asile et rappelle que fin 2020, la Commission nationale de prévention de la torture a jugé que ces derniers « sont en général hébergés dans des conditions conformes aux droits humains et aux droits fondamentaux ».

 

Une fresque géante en l’honneur des jeunes migrants à Lausanne

24 Heures, le 19 juin 2021

A l’occasion de la journée mondiale des réfugiés, une fresque géante, conçue par de jeunes migrants, a vu le jour sur la place de l’Europe à Lausanne. Majoritairement originaires d’Afghanistan, les jeunes migrants ont été encadrés par deux graffeurs. La fresque a été produite avec des sprays spéciaux, dont la couleur partira à l’eau. Le projet a été initié par l’entraide Protestent suisse (l’EPER) et comme le souligne Elise Shubs – adjointe du département des projets suisses de l’EPER – le but était que les jeunes migrants puissent faire parler leur imaginaire et se projeter dans le futur. Création éphémère destinée aux passants, la fresque donne une image positive et porteuse d’espoir. Au centre de la fresque, la phrase « Never give up » (n’abandonne jamais) est mise l’honneur. Des phrases dans d’autres langues, des fleurs, des nuages et des étoiles sont également dessinés.

Pour visionner la fresque cliquez ici.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Il faut profiter des compétences et des savoir-faire différents qui peuvent amener une richesse aux entreprises »

Photo: rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils.

Interview de Monsieur Jean-Nathanaël Karakash, conseiller d’Etat en charge du département de l’économie et de l’action sociale du canton de Neuchâtel.

Le 20 octobre dernier, la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils est allée à la rencontre de Monsieur Jean-Nathanaël Karakash afin de mieux comprendre la politique d’intégration des personnes migrantes vivant dans le canton de Neuchâtel.

Voix d’Exils: Dans le mémento statistique neuchâtelois 2017, nous avons trouvé qu’il y a 7,2 % des personnes à l’aide sociale dans le canton de Neuchâtel, alors qu’il y en a 3,2 % au niveau Suisse. Pouvez-vous nous expliquer cette différence importante ? Comment gérez-vous cela ?

Monsieur Jean-Nathanaël Karakash: Une partie de cette différence s’explique par l’organisation de notre système social et une autre partie traduit une réalité sociale. A Neuchâtel, il y a un système simple qui ne comprend que l’aide sociale et pas d’autres aides préalables comme l’aide au logement ou des prestations complémentaires pour les familles qui existent dans les autres cantons. Des personnes se retrouvent donc dans les statistiques de l’aide sociale même quand elles ne touchent qu’un très petit montant.

Après, il est vrai que les cantons romands ont une situation moins bonne que la moyenne suisse. Plusieurs facteurs expliquent cela : les difficultés sociales se concentrent dans les villes et le canton de Neuchâtel est le plus urbain derrière Bâle-Ville et Genève. De plus, en Suisse romande, on a une consommation plus importante des prestations qui existent et moins recours par exemple à la famille en cas de problème.

Avez-vous des projets pour améliorer cette différence ?

Améliorer les statistiques ne m’intéresse pas. Il faut changer la situation en profondeur. Eviter par exemple qu’un assistant social soit mobilisé automatiquement quand une personne a besoin d’aide financière sans avoir d’autre problème. Mais la vraie amélioration vient par l’accès au travail. D’ailleurs, le chômage a diminué depuis une année et il y a une reprise économique dans le secteur de l’industrie de notre canton.

Comment favoriser l’emploi des réfugiés pour les rendre plus autonomes et mieux valoriser leurs compétences ? Comment leur donner cette place en Suisse ?

C’est une question qu’on se pose tous les jours parce que c’est un véritable enjeu. En Suisse, l’intégration passe avant tout par le travail. Le marché du travail comme il est organisé est malheureusement peu favorable aux réfugiés. Les employeurs publient une annonce et reçoivent de nombreuses postulations. Ils recherchent un profil particulier et éliminent les dossiers qui ne comportent pas le bon titre ou le bon diplôme. Les compétences des personnes qui arrivent dans le cadre de l’asile sont rarement bien documentées. A moins de réussir à créer un contact direct avec un employeur, les personnes sont donc en difficultés avec ce système.

C’est paradoxal, parce que j’entends beaucoup d’employeurs qui me disent qu’ils ne trouvent pas certaines compétences chez les jeunes ici comme la persévérance, la débrouillardise ou la capacité de se projeter dans quelque chose de différent. Les gens venus dans le cadre de l’asile en Suisse ont toutes ces compétences pour arriver jusqu’ici. On réfléchit à comment valoriser des expériences qui ne sont pas certifiées par des diplômes. Ici, après 11 années d’études, on est non qualifié et on commence à se former pour travailler. On doit arrêter de penser que les personnes arrivées dans le cadre de l’asile vont rattraper ces 11 années d’études et ensuite faire une formation et un diplôme suisse avant de trouver un travail. Il faut, au contraire, profiter des compétences et des savoir-faire différents qui peuvent amener une richesse aux entreprises. On va essayer de changer le monde du travail ici plutôt que de changer chaque personne qui arrive ici. Il faut faire un bout de chemin dans les deux sens. Mais cela prend du temps.

Nous avons deux propositions à vous faire. La première est que le Service de la cohésion multiculturelle (COSM) axe davantage son offre de services sur des cours professionnels et l’aide à la recherche de places d’apprentissage. Qu’en pensez-vous ? 

Ce n’est pas une bonne idée de réserver des places d’apprentissage pour un public cible comme les requérants d’asile ou les personnes qui ont des problèmes de santé et qui sont à l’assurance-invalidité etc. La stratégie d’intégration professionnelle du canton est la suivante : avoir une phase de préparation à l’intégration professionnelle dans les différents secteurs qui accompagnent les publics dans les domaines de l’aide sociale, de la migration, du pénitentiaire etc. Et que tout converge vers une documentation des compétences et des besoins de la personne. Ensuite, il y a un accompagnement par le Service de l’emploi qui lui est en contact avec les employeurs. C’est la transformation qu’on est en train de mener.

Ensuite, on a un problème de moyens au COSM. La Confédération verse un forfait unique de 6000 francs pour une personne qui reçoit un permis F ou B pour l’aide à l’intégration. Tous les cantons se battent pour tripler ce montant, ce qui sera encore assez limité. Ce que nous souhaiterions, c’est combiner l’apprentissage de la langue à un stage professionnel préparatoire pour permettre une intégration plus rapide dans le monde du travail.

Notre deuxième proposition : soutenir un programme comme Voix d’Exils qui permet de connaître les idées, les pensées des réfugiés. Qu’en pensez-vous ?

Le programme existe avec notre soutien intégral.

Comment faire pour que les employeurs engagent davantage de permis N, permis F et permis B et pas seulement les permis C ?

Il y a un débat aujourd’hui au niveau national sur l’existence du statut d’admis provisoire qui est perçu comme précaire par les employeurs à cause de son nom. Pour eux, c’est un défi d’accueillir quelqu’un qui va peut-être repartir. Mais aujourd’hui, les procédures s’accélèrent ce qui va aider. Le principal problème est vraiment d’arriver à changer la façon dont les postes de travail sont ouverts et valoriser les compétences différentes des gens qui arrivent dans le cadre de l’asile. Il y a un grand travail de sensibilisation à faire.

On parle peu des personnes qui réussissent à s’intégrer dans un emploi et qui aident leur entreprise à apporter plus d’ouverture à ces démarches. Il faudrait creuser cette piste. Dans le cadre de l’asile, on ne doit pas travailler dans une logique d’origine mais dans une solidarité interculturelle pour ouvrir les employeurs à engager des personnes avec un statut différent.

On va terminer avec notre dernière préoccupation : pourquoi les réponses aux demandes d’asile prennent-elles autant de temps? Serait-il possible d’accélérer les procédures ? De les raccourcir ?

Oui, c’est possible d’avoir une procédure d’examen accélérée et c’est ce qui se passe avec la réorganisation du domaine de l’asile. Maintenant, j’espère qu’on accélérera autant les décisions positives que les décisions négatives. Ce qui fait durer les procédures c’est aussi les recours déposés, parfois pour des dossiers qui n’ont plus aucune chance. C’est une perte de temps pour tout le monde, même si on comprend que chacun cherche à saisir sa chance jusqu’au bout.

Vous avez répondu bien clairement à nos questions, merci. Mais surtout Neuchâtel a une politique très positive en matière d’asile, les requérants sont heureux de vivre ici.

C’est vrai qu’on a une belle politique dans le canton de Neuchâtel, ce qui ne nous empêche pas de chercher à continuer à nous améliorer et à vivre le plus positivement possible quelque chose qui est difficile pour vous. Si on peut être une terre d’accueil et que vous vous sentez accueillis et bien j’en suis heureux.

Propos recueillis par :

La rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

L’interview du conseiller d’Etat M. Karakash vue de l’intérieur

Photo: rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Immersion dans les coulisses de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils peu avant et pendant l’interview de M. Jean-Nathanaël Karakash, conseiller d’Etat en charge du département de l’économie et de l’action sociale du canton de Neuchâtel

Nous sommes fiers, tous les sept membres de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils. Nous nous sommes donnés rendez-vous, en ce jour du 20 octobre 2017 à 15h précises, pour aller interviewer M. Karakash,  « notre »  conseiller d’Etat, car c’est lui qui est en charge de l’asile dans le canton de Neuchâtel.

Tout le monde est à l’heure. Il pleut, mais nous ne le sentons pas. Nous marchons jusqu’au Château du Conseil d’Etat, un peu excités. Comme avant un examen, nous sentons une certaine tension monter.

Serons-nous à la hauteur ? Khaldoon répète ses questions à voix basse. Cismacil nous montre son appareil photo, il est prêt. Revan articule à haute voix ses paroles d’introduction. Leana vérifie encore une fois l’enregistreur. Rafika et Marie-France chuchotent, plaisantent, ça détend…

Le lien se tisse

Dans le Château du Conseil d’Etat c’est beau, ça impressionne. Nous sommes accueillis par une secrétaire qui nous fait patienter quelques minutes. Monsieur Karakash arrive, le sourire aux lèvres en nous serrant la main.

Nous sommes dans son bureau, vaste, magnifique. Nos yeux se promènent du plafond aux fenêtres en se régalant de la hauteur et de la beauté du lieu.

Il nous propose à boire, il plaisante, sourit, nous met à l’aise.

Nous nous présentons. Nous sommes : avocat, étudiant, journaliste, enseignant, venant de Syrie, de Somalie, d’Irak, d’Algérie et de Suisse.

Très attentif, il raconte spontanément d’où il vient. Il nous décrit le chemin de son père, Grec de Turquie qui à l’âge de dix ans migre avec sa famille à Genève pour finalement devenir pasteur au Val de Travers ! Il connaît de l’intérieur le chemin de vie de la migration. Le lien est tissé.

« Le coût des mots »

L’interview se passe très bien. Il trouve que nos questions sont pertinentes, documentées, il apprécie.

Un de nos rédacteurs voulait lui transmettre quelque chose de plus personnel à la fin de notre rencontre. M. Karakash accepte, écoute très concentré.

« Je suis venu de Syrie en Suisse. Tous mes amis et les personnes que je connaissais avant me posent la même question : pourquoi est-ce que je ne parle pas assez ? Parce que pour moi, les mots m’ont coûté très cher.

J’ai passé 17 ans de ma vie en prison. Je ne parlais plus. Voix d’Exils m’a redonné confiance pour pouvoir à nouveau m’exprimer. C’est la première fois que je réussis à dire ce que j’ai dans le cœur et dans la tête librement, sans avoir peur d’être puni. Le fait d’être assis ici à côté de vous est presque un miracle, quelque chose d’impossible en Syrie. Là-bas, un responsable de votre niveau est comme un dieu, inaccessible. Merci de tout cœur. »

Nous sommes tous émus.

Nous prenons congé de M. Karakash chaleureusement.

En sortant du château, nous sommes encore plus fiers. Nous nous félicitons tous. Nous rions, nous sommes complétement détendus !

La rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 

 




«Le débat public sur l’asile et la migration doit cesser d’être envenimé par des campagnes populistes»

M. Jean-Nathanaël Karakash, Conseiller d’État neuchâtelois. Auteur: canton de Neuchâtel

M. Jean-Nathanaël Karakash, Conseiller d’État neuchâtelois, chef du département de l’Économie et de l’Action sociale .

Jean-Nathanaël Karakash est conseiller d’État et chef du département de l’Économie et de l’Action sociale du canton de Neuchâtel depuis le 19 mai 2013. Le Service des Migrations (SMIG) du canton de Neuchâtel dépend de son département et, avec Voix d’Exils, il évoque les différents sujets concernant l’asile dans son canton. Entretien.

Le centre d’accueil de requérants d’asile de Perreux (CAPE) a été ouvert fin janvier 2012 pour désengorger les centres d’accueil de Couvet et Fontainemelon et, surtout, recevoir des requérants d’asile récalcitrants. Moins de deux ans après son ouverture, le CAPE est fermé par le canton de Neuchâtel pour être transformé en un centre fédéral géré par la Confédération. Peut-on connaître la raison de cette fermeture?

Jean-Nathanaël Karakash: Le centre de Perreux a été ouvert alors que le premier accueil était totalement débordé. Il s’agissait d’offrir des conditions d’accueil décentes aux personnes qui étaient précédemment placées dans des abris communaux. Dès le départ, le centre devait être temporaire. Les problèmes sont venus du fait que le canton n’avait pas d’expérience récente dans la gestion d’un centre de cette taille. Les moyens nécessaires n’ont pas été correctement évalués et le centre s’est rapidement retrouvé en situation de crise. Après que les moyens d’encadrement ont été adaptés aux besoins, le centre a fonctionné normalement.

Cependant, en 2013, la Confédération a lancé un grand projet de réorganisation du domaine de l’asile visant l’accélération des procédures et prévoyant, qu’à terme, 60% des requérants seraient accueillis dans des centres fédéraux. Pour le canton, cela signifie qu’il faut se préparer à une diminution progressive des places de premier accueil. Parallèlement, la Confédération doit augmenter ses propres capacités d’accueil et recherche donc des lieux pour installer ses nouveaux centres. L’idée est donc venue de faire de Perreux un centre fédéral. Si, actuellement, les centres de Couvet et Fontainemelon sont pleinement occupés, le déploiement de la réorganisation fédérale devrait en principe permettre au canton de fonctionner durablement dans de bonnes conditions, avec ces deux seuls centres.

Quant à la question des requérants dits « récalcitrants », le Conseil d’État ne croit pas que la réponse se trouve dans la création de structures spécifiques mais, plutôt, dans un accompagnement et un dialogue renforcés.

Avec la fermeture du CAPE, Neuchâtel ne dispose plus que de deux centres cantonaux de requérants d’asile avec une capacité cumulée de 160 requérants d’asile et ce chiffre va encore être revu à la baisse, en fonction du nombre de personnes qui seront placées sous la responsabilité de la Confédération à Perreux. Peut-on dire que Neuchâtel évite les requérants d’asile ?

La conduite de la politique d’asile relève de la Confédération en premier lieu. Ce n’est pas le canton de Neuchâtel qui a décidé de la réorganisation de la politique fédérale! Il n’y a donc aucune volonté de l’État d’éviter les requérants, mais, au contraire, d’offrir un accueil décent à toutes les personnes qui sont placées sous la responsabilité du canton.

Le canton de Neuchâtel accueille aujourd’hui environ 900 personnes en procédure d’asile. Quelle politique mettez-vous en place pour faciliter leur intégration dans la société neuchâteloise et éviter que leur état mental ne se détériore ? Comme le cas d’un requérant d’asile algérien qui s’est suicidé fin juillet 2013 à Fontainemelon, en attendant une décision de l’Office fédéral des migrations (ODM).

Les mesures déployées en matière de soutien à l’intégration sont déjà nombreuses et elles seront encore renforcées à l’avenir. Que ce soit avec l’augmentation du nombre de travaux d’utilité publique organisés dans le cadre du premier accueil, ou de l’optimisation de l’utilisation des forfaits d’intégration au travers du Programme d’intégration et de connaissances civiques (PIC), le nouveau programme d’intégration cantonal. En outre, l’enseignement du français sera renforcé, aussi bien au profit des personnes en premier accueil qu’en second accueil, avec les enseignants qui travaillaient précédemment au centre de Perreux.

Quant au tragique cas du suicide évoqué, il n’a pas été déclenché par une décision négative qui aurait été rendue. L’encadrement et l’ambiance à l’intérieur du centre de Fontainemelon ne sont pas non plus en cause. Mais, il est clair que les traumatismes vécus par les requérants dans leur pays laissent des traces parfois insurmontables, malgré les efforts déployés pour offrir un accompagnement à chacun.

Au début du mois de février 2013, trois mois avant votre entrée en fonction, le canton de Neuchâtel cherchait des fonds pour mieux gérer l’asile. Ces fonds ont-ils été trouvés ?

C’est un travail permanent auquel s’attachent les services concernés. Nous tentons constamment de nous adapter pour faire face à des situations qui changent rapidement en fonction des situations de conflits et des crises humanitaires qui éclatent tout autour de la planète. Ce processus d’amélioration continue ne sera jamais terminé.

Trois mois après leur demande d’asile en Suisse, les requérants d’asile, au bénéfice d’un permis N, ont le droit de travailler pour devenir autonomes financièrement. Mais leurs demandes d’emplois sont souvent refusées par les employeurs. Les requérants d’asile ont l’impression que l’autorité cantonale ne fournit pas assez d’efforts pour inciter les employeurs à engager des requérants d’asile. Qu’en dites-vous ?

Le canton souffre du taux de chômage le plus élevé de Suisse. Il est donc difficile pour tout le monde de trouver du travail et la concurrence est forte pour chaque poste proposé. L’État fait ce qu’il peut pour appuyer toutes les personnes qui recherchent un emploi et promouvoir l’intégration des migrants. Or, même si c’est difficile, c’est d’abord aux personnes concernées qu’il appartient de rechercher du travail.

Une quarantaine de requérants d’asile non- francophones viennent de suivre, pendant cinq mois, des cours de français dispensés par des étudiants bénévoles et le personnel administratif de l’Université de Neuchâtel (UniNE) dans le cadre du projet « Français pour tous ». Comment appréciez-vous cette initiative de l’UniNE, surtout que les requérants d’asile en second accueil n’ont pas de programme de formation pour leur intégration.

De telles démarches citoyennes sont évidemment positives et doivent être saluées. Cela dit, le renforcement de l’accompagnement en deuxième accueil est envisagé actuellement.

Que pensez-vous de Voix d’Exils ?

C’est un blog très bien fait et aussi je suis très intéressé de découvrir certaines des interviews qui avaient déjà été publiées. Félicitations, belle réussite et j’espère que ça puisse se poursuivre.

Votre mot de la fin

Je souhaite que le débat public sur la migration et, en particulier, sur l’asile cesse d’être envenimé par des campagnes populistes dictées par des intérêts politiques partisans indignes d’un pays démocratique. Sans se voiler la face quant aux difficultés objectives posées par la migration et l’intégration, il est urgent de replacer la promotion des droits humains au cœur des priorités de l’État, aussi bien en Suisse qu’à l’échelle européenne.

Paul Kiesse

Journaliste, membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Une manifestation réclame la régularisation des sans-papiers et des requérants d’asile

Photo: Hochardan

Le  mercredi 22 février à Lausanne, les collectifs de défense des droits des sans-papiers accompagnés de sympathisants et de militants se sont réunis sur la place de la Riponne  à Lausanne pour manifester et réclamer la régularisation immédiate de tous les sans-papiers et des requérants d’asile. Cette manifestation était organisée par le collectif Droit de rester, le Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers (CVSSP) et le Collectif de soutien et de défense des sans-papiers de la Côte,  avec l’appui de beaucoup d’associations et de syndicats venus également de Berne et de Fribourg.

Cette manifestation avait pour but selon les organisateurs « de contester les stigmatisations, les discriminations et le racisme ainsi que de s’opposer à un système qui assigne les immigrés à la condition d’êtres inférieurs et subordonnés ». Leur message était le suivant : « Marchons dans la rue, crions haut et fort, montrons que nous ne sommes ni des criminels, ni des abuseurs, ni des délinquants, mais que nous sommes des êtres humains dignes de valeur et que nous avons des droits et des devoirs ».

Photo: Hochardan

« Nous avons quitté un pays mais non l’humanité ! »

À 17h00, la place de la Riponne était presque saturée de manifestants d’ethnies, de races, de cultures, de langues différentes, comme lors d’une conférence mondiale. Et en effet, il y avait là des personnes venues des quatre coins du monde qui ont marché jusqu’à la place du Château où elles ont adressé une lettre signée par les trois collectifs organisateurs au Conseil d’Etat, lui demandant la régularisation collective de tous les sans-papiers.

Durant leur marche, les manifestants scandaient : « Nous n’avons qu’un seul monde, nous partageons une même condition humaine. » « Nous ne voulons pas que les êtres humains soient classés, encadrés, contrôlés, réprimés et donc traités de manière inégalitaire ». Sur les banderoles, des slogans dénonçaient les abus faits aux droits de l’homme. Certaines exprimaient la valeur de l’humain : « Nous avons quitté un pays mais non l’humanité » et « Expulsez les lois racistes pas les êtres humains ! ».

 « L’origine n’est pas un crime ! »

Au moment où les manifestants passaient  dans la rue du Grand-Pont, une partie d’entre eux se sont allongés dans la rue portant des tissus sur lesquels était écrit : « L’origine n’est pas un crime ».  Des dizaines de requérants ont pris la parole : « Que nous soyons passés par la filière de l’asile ou que nous soyons venus clandestinement, notre seul objectif est d’avoir aspiré à une vie meilleure. » « L’Etat nous met dans des situations pénibles : il nous interdit de séjour, nous exclut d’une existence légale, nous enlève toute perspective d’avenir, nous en sommes réduits à travailler au noir ou à nous terrer dans des abris de protection civile. » « Ça suffit ! Qu’on le veuille ou non, nous sommes ici, nous participons activement à construire la société dont nous faisons partie ! »

Photo: Hochardan

« L’immigration n’est pas un choix, mais c’est une chance ! »     

 La majorité des manifestants vivent des souffrances, des peurs, des angoisses et de l’incertitude quant à leur sort. Beaucoup d’entre eux sont en Suisse depuis plusieurs années. Qu’ils vivent dans des abris, dans des centres d’aide d’urgence ou ailleurs, ils revendiquaient tous le droit de vivre librement et de sortir de cette situation précaire. «Marre de se cacher, on vit ici, on reste ici », grognaient-ils. Tout au long de leur marche, les manifestants ont adressé au peuple suisse un message à travers le slogan : « L’immigration n’est pas un choix, mais c’est une chance ».

Malgré le fait que la situation soit précaire, que la vie soit difficile, que l’angoisse soit présente, même si le chagrin et la peur sont permanents, ils gardent pourtant l’espoir et le rêve de revoir un jour ceux qui leur sont chers, disaient-ils en écho au grand martyr américain Martin Luther King qui a dit lors de la manifestation du 28 octobre 1963 à Washington : « Je rêve que mes quatre jeunes enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés pour la couleur de leur peau, mais à la mesure de leur caractère. »

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

« La Suisse a longtemps été un pays d’émigration »

Graziella de Coulon, membre du collectif Droit de rester a accordé une interview à Voix d’Exils.

Voix d’Exils : Quel est le but de cette manifestation ?

Graziella de Coulon : Nous demandons la régularisation de tous les sans-papiers et de tous les déboutés de l’asile. Ce sont des personnes qui sont mises à l’écart, elles font partie des gens qui n’ont plus de droits, plus rien.

Qu’espérez-vous de cette manifestation en tant que défenseur des sans-papiers ?

On n’espère pas grand chose de cette manifestation. C’est pour rassembler les gens et pour dire : « On est toujours là, et on continue de réclamer la même chose ! » Mais, cette fois, nous avons adressé nos revendications aux Conseillers d’Etat. Vu que maintenant, la majorité est de gauche… (elle rigole). Nous demandons surtout que Vaud défende à Berne les personnes qui ont été acceptées par le canton. Et non pas que le canton dise : « Berne ne les veut pas ! ».

Photo: Hochardan

Quels sont les obstacles que vous rencontrez avec le Département de l’Intérieur ?

Ils disent qu’ils n’ont pas de marge de manœuvre et que c’est Berne qui décide… Ce qui n’est pas vrai, le canton a une marge de manœuvre. Il peut, par exemple, mettre ou pas à l’aide d’urgence un débouté, mais il les met tous à l’aide d’urgence. Donc, le canton fait le bon élève auprès de Berne, et c’est ça  que nous contestons. La majorité au Conseil d’Etat est de gauche, mais c’est une gauche qui n’a pas le courage politique d’affirmer une autre position que celle de la droite musclée de Berne, qui est celle qui régit maintenant toutes les questions d’immigration.

Photo: Hochardan

Qu’éprouvez-vous face aux expulsions ?

Déjà une grande honte pour le pays qui viole le droit de ces personnes au point de les obliger à partir dans leur pays, alors que pour certaines ce n’est plus leur pays. Parmi les personnes expulsées, certaines sont en Suisse depuis 10 ans et plus ! C’est une honte, la façon dont on les expulse. Les expulser vers le néant, vers aucune autre solution, alors qu’elles pourraient rester ici.  Il y en a beaucoup qui ont du travail, mais par la faute des lois uniques qui ont été votées, maintenant elles sont toutes déboutées… Personnellement, je ressens vraiment une grande honte et puis un grand regret pour ces personnes parce que souvent je les connais. Après leur expulsion, on les perd… On ne sait pas du tout ce qu’elles deviennent dans leur pays.

On voit souvent des blacks arrêtés et fouillés. Ils vivent dans la peur et la menace permanente. Qu’en dites-vous ?

Photo: Hochardan

Ce qu’il faut dire, c’est que ces personnes ont quitté leur pays et ont traversé la Méditerranée en risquant leur vie et beaucoup sont morts. Personne n’a quitté son pays et fait ce trajet pour venir vendre de la coke ou devenir un criminel ici. Ce sont les conditions de vie dans lesquelles ces gens sont ici qui font qu’ils sont obligés à un certain moment de se mettre dans cette criminalité qui est une petite criminalité de survie. Les gens ne peuvent pas rester ici sans être jamais heureux, sans avoir la possibilité de travailler, sans avoir des contacts avec les gens. N’être vus que comme des criminels…. Ce n’est pas possible ! A un certain moment ils deviennent, oui, des  criminels parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement.

Comment expliquez-vous que le peuple suisse ait voté des lois qui sont contre l’immigration ?

Aux Suisses, j’aimerais premièrement dire de se souvenir de leur passé, parce que pendant de longues années, la Suisse a été un pays d’émigration. Les Suisses devaient émigrer parce qu’on ne mangeait pas assez dans ce pays.  Maintenant, ils ont oublié et veulent fermer toutes les frontières, ils veulent laisser tous les pauvres en dehors. C’est vraiment une lutte des pauvres contre les riches. Et quand on dit que ces lois ont été votées par la population, il faut voir sous quelles pressions et avec quelle propagande elles ont été votées. Les personnes qui défendent les requérants ou qui défendent l’immigration n’ont pas un grand espace de parole pour convaincre les gens. Et les gens ont peur parce que pour eux aussi cela ne va pas bien : ils ont peur du chômage, ils ont peur pour l’éducation de leurs enfants, ils ont peur pour leur logement et ils prennent juste l’immigration comme bouc émissaire. Mais ça, c’est l’UDC et  les partis de droite qui disent ça au peuple, et le peuple vote. Mais finalement, il y a quand même beaucoup de solidarité en Suisse, il n’y a pas que ça…

Propos recueillis par Hochardan