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FLASH INFOS #66

Illstration de Kristine Kostava/Voix d’Exils

Sous la loupe : Les victimes de la Méditerranée enterrées au « Jardin d’Afrique » / Deux athlètes réfugiés en Suisse participeront aux JO de Tokyo / Allemagne : verdict inédit pour la fouille du téléphone d’une migrante

Logo réalisé par Kristina Kostava / Voix d’Exils.

Les victimes de la Méditerranée enterrées au « Jardin d’Afrique »

Le Temps, le 9 juin 2021

À l’initiative de l’artiste tunisien Rachid Koraïchi, la ville portuaire de Zarzis (au Sud de la Tunisie), dispose désormais d’un cimetière dédié aux personnes migrantes ayant perdu leur vie en essayant d’atteindre l’Europe par la Méditerranée. L’inauguration du « Jardin d’Afrique » a eu lieu le 9 juin. A cette occasion, la directrice générale de l’UnescoAudrey Azoulay – a rendu hommage à l’artiste ainsi qu’à tous les naufragés qui ont péri à la recherche d’une vie meilleure. Rachid Koraïchi a quant à lui précisé qu’il avait créé ce cimetière afin d’offrir aux victimes « un avant-goût du paradis, après avoir traversé l’enfer ». Par cette action, l’artiste souhaite aider les familles à faire leur deuil, en sachant qu’il existe un lieu d’enterrement digne. Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), plus de 21 000 migrants ou réfugiés sont décédés en Méditerranée depuis 2014. En outre, depuis janvier 2021, au moins 874 personnes ont perdu la vie en tentant de rejoindre l’Europe, contre 1400 pour toute l’année 2020.

Deux athlètes réfugiés en Suisse participeront aux JO de Tokyo

Le Temps, le 08 juin 2021

Luna Solomon (une Erythréenne de 27 ans) et Ahmad Badreddin Wais (un Syrien 30 ans), sont athlètes et réfugiés en Suisse. Ils ont un troisième point commun : ils ont été sélectionnés pour participer aux Jeux olympiques d’été de Tokyo sous la bannière olympique. Six athlètes réfugiés en Suisse et soutenus par le Comité international olympique étaient en lice pour accéder aux concours. L’équipe olympique des réfugiés a été créée en 2015 pour permettre aux athlètes déracinés de prendre part à la compétition. À Rio en 2016, ils étaient dix à participer à cette aventure. Pour la deuxième édition, ils seront 29 au total. Deux critères principaux ont été mobilisés pour la sélection : le niveau sportif et la confirmation du statut de réfugié par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Luna Solomon a été retenue pour l’épreuve du tir à la carabine à air comprimé à 10 mètres. Ahmad Badreddin Wais est cycliste et il participera à une épreuve de rapidité.

Allemagne : verdict inédit pour la fouille du téléphone d’une migrante

InfoMigrants, le 4 juin 2021

Depuis 2017, les autorités allemandes peuvent fouiller et analyser les métadonnées des téléphones portables des personnes migrantes qui ne se sont pas en mesure de présenter un document d’identité. La finalité d’une telle procédure est d’établir leur vraie identité. Depuis l’introduction de cette loi, plusieurs plaintes ont été déposées par les principaux concernés par la procédure. Parmi eux, Farahnaz*, une demandeuse d’asile arrivée en 2019 en Allemagne. Son cas est inédit, car début juin, un tribunal administratif de Berlin a jugé illégale la fouille de son téléphone portable effectuée par l’Office fédéral pour la migration et les réfugiés (BAMF). Selon le président du tribunal, la procédure est intervenue à un stade trop précoce et les données récoltées auraient été stockées inutilement. Cette décision pourrait avoir des conséquences durables sur la manière dont les nouvelles technologies sont utilisées dans les procédures d’asile. Jusqu’à présent, il n’y pas eu aucune réaction de la part du BAMF. Toutefois, l’avocat de Farahnaz* a souligné qu’en cas de contestation de la décision par le BAMF, l’affaire allait être portée en appel devant le plus haut tribunal administratif du pays. Ce dernier pourrait alors transmettre l’affaire à la Cour constitutionnel allemande qui a le pouvoir d’annuler la loi en question.

*Prénom d’emprunt

Rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« 3 minutes avec Lucia »

Keerthigan Sivakumar recevant son prix.

Keerthigan Sivakumar recevant son prix pour son film « 3 minutes avec Lucia » et Lucia.

«3 minutes avec Lucia» est un court métrage qui dresse le portrait d’une femme sans-papiers qui vit en Suisse depuis 10 ans. Le réalisateur, Keerthigan Sivakumar, étudiant à l’Ecole romande d’arts et communication (Eracom) et ancien rédacteur de Voix d’Exils, s’est vu décerner un prix pour son film, l’an dernier, lors d’un festival organisé par la Berner Beratungsstelle für sans-papiers. Interview.

Quel est votre parcours, votre formation ?

J’ai suivi un cursus scolaire jusqu’au secondaire au Sri-Lanka. Le système est proche du système scolaire anglais. Une fois en Suisse, j’ai commencé à apprendre la langue française et j’ai participé au programme d’activité de l’EVAM  « Voix d’Exils » qui permet à des requérants d’asile d’acquérir des compétences dans le domaine de la communication et du  journalisme.

Début 2014, grâce aux compétences que j’ai pu acquérir dans le domaine du journalisme, j’ai déposé mon dossier pour intégrer ma formation actuelle en communication visuelle à l’Eracom et j’ai été admis. J’avais des lacunes au début, à cause de la langue, puis je me suis amélioré. Il me reste encore des efforts à fournir pour réussir mon travail de diplôme cette année.

Qu’est-ce qui vous a motivé à réaliser ce film « 3 minutes avec Lucia » ?

C’est par le biais d’une amie qui habite à Berne et qui m’avait parlé du festival du court métrage « Film ab » et dont la thématique était l’immigration clandestine. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de réaliser ce film et de participer à ce concours. Cette envie ne vient pas spécifiquement de mon histoire. Je ne connaissais pas de personnes sans-papiers. A travers ma procédure d’asile, j’ai plutôt côtoyé des requérants d’asile, des refugiés et des requérants d’asile déboutés.

C’est quoi la différence entre un sans-papier et un requérant d’asile ?

Le requérant d’asile, c’est une personne qui fait une demande d’asile politique et dont la procédure est en cours. Un sans-papiers est une personne qui n’a pas de statut en Suisse : son existence n’est donc pas connue des autorités. Autrement dit c’est un clandestin.

Affiche du concours

Affiche du concours.

Qu’est-ce que le film nous apprend sur les sans-papiers ?

Le sujet du film est le témoignage de Lucia, une femme sans-papiers, les difficultés qu’elle rencontre au quotidien et le regard de la société vis-à-vis des laissés pour compte. Ce concours a été organisé par une Fondation Suisse alémanique – la « Berner Beratungsstelle für sans-papiers » – qui vient en aide aux personnes sans-papiers.

Quel message voudriez-vous faire passer à travers ce court métrage ?

Simplement, j’aimerais encourager les gens à aller à la rencontre des personnes dont  beaucoup ignorent l’existence et les difficultés qu’elles endurent. Pendant ces trois minutes, face à la camera, je découvre en même temps le récit de ce personnage dont la vie n’a pas fait de cadeaux.

Comment avez-vous trouvé votre personnage principal Lucia ?

C’est à travers une association d’entraide pour les sans-papiers que j’ai pu prendre contact avec Lucia. Ce n’est pas facile de rencontrer des sans-papiers car ils sont très peu visibles. Dès la première rencontre, j’ai compris que c’était la bonne personne. Elle est très naturelle et raconte les choses simplement.

Avez-vous reçu des soutiens pour réaliser ce film ?

Oui, j’ai reçu des soutiens. D’une part, l’association qui m’a permis de rencontrer Lucia qui vivait en Suisse depuis 10 ans. Je lui ai proposé mon projet, elle était d’accord. On a pris rendez-vous pour le tournage et j’ai choisi mon appartement pour tourner. D’autre part, j’ai eu accès à du matériel professionnel grâce à mon entourage. J’ai choisi un cadrage simple, sans effets spéciaux, pour mettre en avant Lucia et son récit.

Qu’est-ce que ça vous fait d’avoir reçu ce prix ?

Je suis très fier et content pour Lucia. Ce prix lui revient, elle est un personnage incroyable. Malgré ce qu’elle endure depuis 10 ans, elle reste positive et garde le sourire. Bref, elle me fascine. Elle est aussi une personne exemplaire qui représente positivement les sans-papiers. Je suis aussi fier de moi, c’est le premier prix que j’ai reçu, c’est la première fois que je reçois un prix reconnu par un jury.

Qu’est-ce qui vous a permis de vous distinguer des autres candidats ?

C’est peut-être la personnalité de Lucia, mais aussi l’originalité et la simplicité avec lequel on a tourné qui a plu au jury. D’ailleurs, une personne du jury a dit : « C’est comme s’il n’y avait rien entre le personnage et la caméra. »

TM

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos:

 

 

 

 

 




A la découverte des combats de reines en Valais

Manathan versus Fleuron lors de la finale

Des journalistes de Voix d’exils – l’un Serbe du Kosovo, l’autre Togolais – ont assisté à la finale nationale des combats de reines, les 7 et 8 mai derniers à Aproz. Tandis que les animaux bataillaient pour gagner des trophées, ils ont mené leur propre bataille, dans la poussière et les clameurs, pour comprendre les règles de ces combats dont ils ignoraient tout.

Un après-midi de mai, en pleine séance de rédaction, une discussion démarre devant l’affiche annonçant la prochaine finale des combats de reines. L’image montre deux vaches, sonnette au cou, s’affrontant avec hargne. Des vaches qui se battent entre elles? Nous avions connaissance des combats de taureaux mais pour les vaches, c’est du jamais vu. Intrigués, nous décidons de nous rendre sur place.

Le public en liesse

Deux jours durant, nous avons donc arpenté l’arène d’Aproz. Sous un soleil de plomb, nous avons pu observer la combativité des vaches d’Hérens et mesurer l’attachement que les Valaisans éprouvent pour cette race et ces combats traditionnels.

 

 

 

Le triomphe de Manathan

Manathan tirée par un rabatteur

Manathan! Retenez ce nom, c’est celui de la vache d’Alain Balet, déclarée victorieuse à l’issue des joutes. Elle y a vraiment fait sensation. Solidement bâtie avec ses 806 kg, elle a tout d’abord joué avec le public et feint une sortie. Rattrapée à toute vitesse par son maître et des rabatteurs, la bête a malgré tout fait demi-tour et s’est positionnée pour le combat. Cette fois-ci, non plus pour faire défection, mais pour donner du fil à retordre à toutes ses adversaires, jusqu’à la victoire finale. L’enjeu était de taille. Manathan le savait probablement, à en juger par la manière dont elle s’est montrée sans pitié vis-à-vis de ses adversaires. Alors que Veielett, tout effrayée, venait de déclarer forfait contre elle, Flora s’est avancée pour l’affronter. Mais pas pour longtemps, le combat n’a duré que le temps d’un éclair. Les commentaires vont bon train dans le public. Un spectateur apprécie le courage des bêtes en compétition et rappelle tout particulièrement, concernant Veielett, qu’elle a fait de son mieux. Cette bête de Williner Anton, dit-il, est à peine à 90% de sa forme. Elle ne s’est pas totalement remise de son hospitalisation, il y a deux ans, à l’hôpital vétérinaire de Berne. Manathan, au top des pronostics s’est plu à regarder le duel entre Natty et Simba de Samuel Dorsaz. Un combat serré que Simba va gagner, mais dont elle sortira épuisée. Après quelques minutes de pause, elle affrontera Manathan qui va triompher, s’octroyant ainsi le ticket de la finale nationale des reines. Mais, jusque-là, rien n’est encore gagné.

Un entrainement d’athlète

Le combat final

Il sonne 18h20. Nous sommes à quelques minutes de la finale. Dans le stade, 12000 spectateurs sont impatients de connaître la reine des reines. Le présentateur annonce le contrôle antidopage des concurrentes. Un trompettiste met de l’ambiance. Les minutes s’égrènent. Un groupe de spectateurs rend hommage aux éleveurs sans lesquels ce spectacle n’aurait pas été possible. Ces derniers entraînent leurs bêtes comme des athlètes, spécialement à l’approche des combats : course d’une demi-heure par jour sur des terrains pentus pour la musculature, alimentation équilibrée, riche en foin, céréales, vitamines… sans compter les petites recettes personnelles. Le moment tant attendu arrive enfin. Pouky, Versailles, Fleuron et Manathan, les quatre vaches qualifiées pour la finale, font leur entrée dans l’arène. Ces bêtes, bien connues pour leur performance, ont toutes été une fois reine. L’heure n’est donc pas à l’amateurisme. La moindre erreur peut s’avérer fatale. Très vite, Manathan et Fleuron éliminent leurs adversaires respectives. Maintenant vient le dernier face à face. Alors que Fleuron, dont Mikael Udry est l’heureux propriètaire, présente des signes de fatigue et n’arrête pas de baver, Manathan, elle, est pleine forme. Le dernier duel sera vraiment court. Manathan enchaîne les coups de cornes et Fleuron abandonne la partie en l’espace de trois minutes, consacrant ainsi la victoire de la redoutable Manathan. Sous les ovations d’un public passionné, constitué de politiciens et de citoyens ordinaires, cette dernière fait ses adieux, fière d’avoir livré avec brio le dernier combat de sa carrière. Le calme revenu, nous réalisons qu’après bien des fatigues, nous avons progressé dans notre connaissance de notre pays d’accueil. Nous avons touché l’âme du Valais, nos cœurs battant à l’unisson au fil des combats. C’est confirmé : l’intégration peut passer par des voies bien étranges en terre valaisanne !

Dusan et CDM

Membres de la rédaction de Voix d’Exils


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Les règles du combat

Rencontres sportives drainant des foules, les combats se déroulent entre deux vaches qui se dressent l’une en face de l’autre et se poussent avec acharnement front contre front jusqu’à ce que l’une d’entre elles se détourne. Celle qui a gagné va en affronter une autre et, après maintes joutes, la meilleure combattante est déclarée « Reine » par un jury.

Ce sont les vaches de la race d’Hérens qui s’affrontent durant les combats de reines. Ces dernières sont dotées d’un tempérament vif et belliqueux qui se traduit par l’exercice d’un rituel de domination. En effet, lorsqu’elles rencontrent une congénère pour la première fois ou qu’elles ne se sont pas vues pendant un moment, la plupart d’entre elles se battent avec hargne. Cette aptitude est la base des combats de reines qui ont lieu chaque printemps. Les affrontements sont donc naturels et occasionnent rarement des blessures. Les combats auxquels se livrent naturellement les vaches lors de la mise à l’herbe, de la montée à l’alpage (inalpe) ou lors de la réunion de deux troupeaux en témoignent.

En Valais, ils opposent des centaines d’animaux répartis en diverses catégories selon l’âge et le poids. Des combats similaires ont lieu depuis quelques années en France, notamment dans la vallée de Chamonix qui jouxte d’ailleurs la Suisse.