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« Malgré mon expérience et mes compétences, je ne peux pas entrer dans le marché du travail »

Tsering, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils. Photo: Voix d’Exils

Le projet Opinions! de Voix d’Exils #2 : le thème du travail

En Suisse depuis 10 ans, Tsering est apatride avec un permis F ce qui lui donne le droit de travailler. Il a réalisé le 14 juin dernier une intervention de 7 minutes sur les difficultés qu’il rencontre pour trouver un emploi, ce malgré son niveau de français B2 avancé, ses compétences, son expérience et sa grande motivation. Dans un second temps, il répond à trois questions de Tegisti Gebrezghi, membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 « Le projet Opinion! » est un projet collaboratif qui vise à faire entendre la voix des personnes migrantes sur un sujet d’actualité. Le thème de l’intégration a été traité sous différents angles par les membres de la rédaction de Voix d’Exils. Pour en savoir plus sur ce projet cliquez ici.

Articles publiés sur ce sujet précédemment:

« Faire des vacances imaginaires », article publié le 01.12.2023

Le projet « OPINIONS ! », article publié le 24.11.2023




Voler avec des ailes brisées

Ce que signifie être apatride en Suisse

« Soyez fiers de vos origines et n’essayez jamais de les cacher » : c’est ce que l’on nous dit depuis que nous avons compris le monde. Mais que se passe-t-il si votre origine et l’identité qui vous sont chères vous freinent parce que certaines personnes ne les comprennent pas ou, pire, ne les acceptent pas ?

J’avais 19 ans quand je suis arrivé en Suisse, un peu immature et innocent. Cela fait désormais 10 ans que je vis en Suisse. J’en ai profité pour apprendre la langue française, que je parle et écris avec le niveau B2 avancé. J’ai également réalisé des formations: d’horlogerie entre 2018 et 2021, suivi de cours d’informatique. J’ai également pris part à des emplois temporaires, plusieurs stages etc…

Malgré mon bagage technique, mes connaissances, mes compétences, mon expérience et beaucoup de volonté, je ne peux pas entrer dans le marché du travail étant apatride avec un permis F. D’après mon expérience personnelle, lorsque je cherche un emploi en ligne, le formulaire me demande souvent une nationalité ou un permis B. J’ai passé de nombreux examens d’entrée (théoriques et pratiques) dans plusieurs agences d’emploi. Mais malheureusement, lors des entretiens, au lieu de parler de mes compétences ou de l’emploi, je dois toujours expliquer l’historique de mon permis et mon origine. En fin de compte, les potentiels employeurs hésitent toujours à m’engager pour le poste.

Les obstacles rencontrés

Il y a quelques années, une agence très connue m’a appelé et m’a demandé de passer un entretien à la Vallée de Joux qui se trouve à deux heures de train de chez moi. Après avoir passé l’examen d’entrée, le responsable de l’agence m’a dit que j’avais bien travaillé et m’a donc félicité. Cependant, lorsqu’il m’a demandé une carte d’identité je n’ai pu que lui fournir mon permis F. Il ne savait alors pas ce que c’était et ce que cela signifiait. Il a alors rejeté ma demande d’emploi et j’ai dû rentrer chez moi les mains vides. Les deux heures de train pour rentrer chez moi m’ont semblé être une éternité à l’époque. Une autre fois, je suis allé directement dans une agence et je leur ai transmis mon CV ainsi que d’autres documents. La réceptionniste a semblé impressionnée par ce que j’avais déjà fait: ma formation, mon stage et une première expérience dans l’horlogerie. Après avoir appelé son patron, ce dernier lui a dit qu’il y avait des postes intéressants qui correspondaient à mon CV. Il m’a fallu 15 minutes pour les impressionner avec ma personnalité, mon CV, mes certificats et j’ai essayé de répondre à toutes leurs questions de manière honnête et intelligente. Mais il ne lui a fallu qu’un seul coup d’œil de trois secondes sur le permis F de couleur bleu pour dire « NON » et d’enchaîner: « Désolé, nous ne prenons pas ce permis ». Ce ne sont là que quelques-unes des expériences personnelles que j’ai vécues et contre lesquelles je me bats encore aujourd’hui. Je suis très passionné et motivé par ce monde de l’horlogerie car il me fascine et me met au défi de résoudre des problèmes. Après avoir investi autant de temps et d’énergie dans le but d’aller plus loin dans cette profession ce domaine est devenu une véritable passion à mes yeux.

Se projeter dans l’avenir

Normalement, je suis quelqu’un de très optimiste, positif, plein d’humour et ambitieux. Mais, ne pas pouvoir avancer dans la vie, professionnellement ou personnellement, me met dans une situation très difficile à supporter, surtout après 10 ans. Lorsque vous êtes devenu une personne capable, dotée de toutes les compétences professionnelles nécessaires, il est frustrant de ne pas pouvoir démontrer votre valeur. C’est comme un oiseau aux ailes vibrantes et multicolores, prêt à s’envoler dans le ciel, mais prisonnier d’une cage d’acier. Ma vie a été malmenée pendant longtemps et toutes ces situations et ces crises font monter le niveau de stress. Je trouve qu’il est de plus en plus difficile de garder mon sang-froid et de rester positif quand, tout autour de moi, c’est le chaos. J’essaie constamment de repousser mes limites et de trouver des moyens de m’occuper parce que je m’inquiète pour mon avenir. Sa Sainteté le Dalaï Lama a dit un jour : « C’est dans la plus grande adversité que se trouve le plus grand potentiel de faire le bien, à la fois pour soi-même et pour les autres ». Je n’ai donc pas renoncé à mes rêves et j’ai décidé que chaque fois que je tomberai, je me relèverai encore plus fort.

Tsering

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Le journalisme pour acquérir des compétences transversales

Un reportage sur Voix d’Exils

Insertion Vaud, une association qui regroupe des institutions vaudoises actives dans l’insertion socioprofessionnelle, vient de publier un reportage sur Voix d’Exils sur son site internet. L’angle choisi est l’acquisition des compétences transversales à travers la pratique du journalisme. Les compétences transversales sont des capacités dont dispose une personne et qui peuvent lui être utile dans des situations professionnelles variées. Plongée au cœur de la rédaction vaudoise le temps de la fabrication d’un « Flash infos ».

Cliquer ici pour découvrir le reportage complet.

Un grand merci un Loïc Delacour, chargé de communication d’Insertion Vaud et auteur du reportage.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 




FLASH INFO #128

Sous la loupe: le Prix Diaspora & Développement / l’Allemagne hausse le ton / Le statut S maintenu jusqu’en mars 2024

Le Prix Diaspora & Développement

Albinfo.ch, le 03.11.2022

Un prix récompense les meilleurs projets menés par des personnes migrantes en faveur de leur pays d’origine. La fédération vaudoise de coopération et ses partenaires, dont Albinfo, ont remis le Prix Diaspora et Développement à quatre projets portés par des associations de diasporas. L’objectif est de valoriser l’impact des personnes migrantes dont le rôle gagne en reconnaissance dans le domaine de la coopération internationale.

Charles Williams Soumah

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

L’Allemagne hausse le ton face aux migrants qui traversent librement le territoire suisse

RTS Info, le 01.11.2022

L’Allemagne accuse la Suisse de ne pas respecter les accords de Dublin. En effet, de nombreuses personnes en quête de protection traversent la Suisse pour se rendre dans un autre pays sans être retenues par les autorités helvétiques. Pourtant, selon Berne, il n’y a rien d’inhabituel à cela.

Charles Williams Soumah

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Le statut de protection « S » pour les Ukrainiens en Suisse est maintenu au moins jusqu’en mars 2024

RTS info, le 09.11.2022

Le statut de protection « S » accordé aux personnes réfugiées ukrainiennes continuera d’être maintenu. Le Conseil fédéral a indiqué qu’il n’était pas question de l’abolir avant mars 2024. La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter précise toutefois qu’il s’agit d’un statut provisoire et orienté vers le retour dans le pays d’origine. A ce jour, plus de 67’000 personnes originaires d’Ukraine ont obtenu la protection en Suisse depuis l’introduction du permis S.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Voix d’Exils en fête !

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils / Photo: L. B. / Voix d’Exils

Vous étiez plus de 100 à célébrer avec nous les 20 ans de Voix d’Exils le 1er juin



Mercredi 1er juin, Voix d’Exils fêtait ses 20 ans d’existence. Ce jour-là, il pleuvait, mais cette pluie n’a pas gâché la fête, puisque les invités ont répondu en nombre. Plus de 100 personnes de tous horizons étaient présentes au Casino de Montbenon à Lausanne pour ce grand événement.

Toute l’équipe de la rédaction s’est réjouie de la réussite de cette fête lors de laquelle les invités, dont certains anciens rédacteurs et rédactrices, et certains employés de Etablissement vaudois d’accueil des migrants (l’EVAM) se sont régalés autour d’un buffet décoré : des amuse-bouches, du vin et des boissons sucrées.

La salle de l’apéritif était habillée aux couleurs de Voix d’Exils. Une exposition retraçait les 20 ans d’existence du média en mettant en valeur certaines productions marquantes des trois rédactions vaudoise, valaisanne et neuchâteloise. Les différents supports de l’exposition, créés pour l’occasion, avaient été soigneusement disposés par les membres de la rédaction de Voix d’Exils durant l’après-midi. C’est dans cette ambiance chaleureuse et fraternelle que les anciens et actuels rédacteurs et rédactrices des rédactions se sont enfin retrouvés après deux ans de séparation due au Covid-19.

Après l’apéritif, l’événement s’est poursuivi dans la salle Paderewski avec une présentation de Voix d’Exils par Omar Odermatt, le responsable de la rédaction et le projet Cinéma d’Exils mené en collaboration avec la Cinémathèque suisse. La présentation de Voix d’Exils a mis en valeur les compétences acquises au sein du programme. Et pour témoigner de cela, Keerthigan Sivakumar, ancien rédacteur de Voix d’Exils devenu réalisateur de cinéma, était invité à présenter son parcours et son dernier film « Doosra ». Le projet Cinéma d’Exils, qui a été réalisé pour célébrer les 20 ans de Voix d’Exils, a ensuite été présenté par Giordana Lang, médiatrice culturelle à la Cinémathèque, ainsi que Bankin Ahmad et Rifat Altan, membres d’une classe de français de l’EVAM. Toutes ces présentations ont été accompagnées par des applaudissements nourris avant de laisser la place à la projection du film Sœurs d’armes de Caroline Fourest. A l’issue de la projection, le public était convié à se retrouver autour d’un apéritif pour clôturer la soirée en beauté. On retrouvait le sourire aux lèvres de tous ces collaborateurs et collaboratrices du journal fier.e.s du travail accompli.

Williams Soumah

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Commentaire

Malgré les turbulences dans les médias, malgré la faillite de certains journaux, malgré la rareté des soutiens financiers dans ce monde mouvementé de la presse écrite, Voix d’Exils avec l’aide de tous ses soutiens financiers, suit son chemin. Coup de chapeau à tous ces rédacteurs, rédactrices et leurs responsables qui sont toujours motivés à assurer une bonne qualité éditoriale aux contenus qu’ils produisent. Car sans ces journalistes bien formés, ce média n’existerait point. Étant présent aux 20 ans de Voix d’Exils en tant que nouveau rédacteur en charge de la couverture de l’événement, je peux affirmer que la fête a été un franc succès et je remercie les rédacteurs et rédactrices de Voix d’Exils, ainsi que les collaborateurs et collaboratrices de la Cinémathèque suisse et de l’EVAM qui ont tout donné pour que cette fête soit une réussite inoubliable.

W. S.

Présentation de Voix d’Exils et du projet Cinéma d’Exils, le 1er juin à la Cinémathèque à Lausanne, lors de la fête des 20 ans de Voix d’Exils. Captation réalisée par la Cinémathèque suisse.

Le voyage de la rédaction valaisanne


Les membres de la rédaction valaisanne dans le train le 1er juin en direction de Lausanne.

C’est avec beaucoup de joie et d’enthousiasme que nous avons pris le train qui nous a emmenés à la rencontre de nos collègues à Lausanne pour fêter les 20 ans de Voix d’Exils. En route vers de nouveaux visages et de nouvelles connaissances, l’équipe valaisanne a préparé le voyage comme une belle balade entre amis, Nürten nous a offert un délicieux pique-nique et on s’est régalés ! 

Nous avons partagé des rires qui ont renforcé la relation de l’équipe, heureux et heureuses de nous retrouver dans cet espace tellement libre, fait pour tout le monde, dans ce wagon de train où les frontières n’existent plus.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils


Entretien avec Emmanuelle Marendaz Colle, chargée de communication à l’Établissement vaudoise d’accueil des migrants et coresponsable de la rédaction de Voix d’Exils entre 2004 et 2011


Williams Soumah de Voix d’Exils interviewe Emmanuelle Marendaz Colle. Photo: Voix d’Exils.

Williams de Voix d’Exils : Nous nous rencontrons aujourd’hui à l’occasion de la fête des 20 ans de Voix d’Exils. Quel effet cela vous fait d’être présente à cette occasion ?

Emmanuelle Marendaz : Pour moi, c’est très émouvant de voir que 20 ans plus tard le journal existe toujours. Je suis très heureuse d’être invitée à cet événement et de pouvoir y retrouver des visages connus. Forcément – et heureusement – les participants et participantes de Voix d’Exils ne sont plus les mêmes, mais je suis heureuse de voir que la flamme de ce média est toujours allumée et portée par d’autres.

Quelle expérience avez-vous tiré de ce journal ?

J’ai beaucoup apprécié cette partie de mon travail. C’était une activité parmi d’autres que j’avais lorsque je travaillais à l’EVAM. Nous organisions une séance de rédaction hebdomadaire, et il s’agissait là d’un des meilleurs moments de ma semaine. C’était l’occasion pour moi de partager mon expérience de journaliste avec les rédacteurs et rédactrices, et j’en garde un très bon souvenir.


Ce projet me tenait tellement à cœur que lorsque Voix d’Exils a été menacé de mettre un terme à ses activités, notamment en raison du coût financier du journal, mes collègues et moi avons tout mis en œuvre pour trouver des solutions pour que le projet survive. Dans un premier temps, nous avons mis en place des collaborations avec d’autres cantons. Et dans un second temps, nous avons décidé de transformer le journal papier en journal en ligne.

Pourquoi est-ce important pour vous que Voix d’Exils poursuive ses activités ?

Les rédacteurs et rédactrices qui intègrent Voix d’Exils sont souvent très engagé·e·s sur différentes thématiques et il me semble important qu’un programme d’activité de l’EVAM offre la possibilité aux bénéficiaires d’effectuer une activité davantage intellectuelle qui leur permette d’exprimer leurs idées. En effet, la plupart des programmes d’activité de l’EVAM ont une vocation manuelle, tandis que Voix d’Exils a une vocation davantage intellectuelle et, en ce sens, ce programme me paraît nécessaire.

La qualité d’un journal dépend en grande partie de la qualité d’écriture de ses rédacteurs et rédactrices. Pensez-vous que Voix d’Exils peut continuer avec ses rédacteurs et rédactrices actuels qu’il faut former – la plupart n’ayant pas une formation de journaliste, ni un excellent niveau de français – ou faut-il engager des rédacteurs et rédactrices avec de l’expérience ?

Déjà à l’époque où je travaillais à Voix d’Exils, on pouvait observer différents types de compétences. Il est vrai que certains rédacteurs et rédactrices ont une excellente maîtrise du français et certains étaient journalistes dans leur pays. Ce sont donc des personnes bien qualifiées pour participer à Voix d’Exils. À l’évidence, d’autres rédacteurs et rédactrices le sont moins. Toutefois, Voix d’Exils cherche à mettre en valeur toutes sortes de compétences et à favoriser tout type de participation, par exemple par le dessin. Le but de ce journal c’est bien sûr d’être un medium, un porte-parole des personnes migrantes, mais aussi d’apporter des compétences aux gens qui y participent. En ce sens, on ne demande pas aux rédacteurs et rédactrices de tout savoir et Voix d’Exils n’a pas l’exigence de qualité professionnelle. Les articles sont peut-être de qualité inégale, mais le propre de ce journal est de proposer quelque chose de diversifié et de vivant.

Selon vous, le média Voix d’Exils est-il un support de l’EVAM ou un support de la population migrante ?

À mon sens, c’est clairement un support qui porte la voix des personnes migrantes. Voix d’Exils ne doit pas être une voix officielle de l’EVAM, mais au contraire un espace de liberté pour l’expression des personnes migrantes. Il est évidemment important de respecter les codes de la déontologie, de vérifier les informations et de les confronter. Il faut donner la parole à tous les interlocuteurs et interlocutrices nécessaires pour obtenir un article objectif et équilibré.

Quels sont les sujets qui vous tiennent à cœur et que vous aimeriez que Voix d’Exils traite ?

Tout ce qui concerne les droits des personnes migrantes en Suisse, tout ce qui concerne leurs conditions d’accueil et leurs témoignages sur leur réalité. Cela me semble très important.

Et pour terminer, que souhaitez-vous pour ce journal ?

Je souhaite que le journal continue à exister et qu’il continue de permettre aux personnes migrantes d’y écrire librement.

Propos recueillis par:

Williams Soumah

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Galerie photos de l’événement