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FLASH INFOS #124

Sous la loupe : La migration devient un sujet tendance à la semaine de la mode de New York/En Grèce, le naufrage de deux embarcations fait au moins 15 mort.e.s / Une « protection humanitaire » au lieu d’une admission provisoire

La migration devient un sujet tendance à la semaine de la mode de New York

ONU Info, le 02.10.2022

No Nation Fashion a présenté ses créations qui reflètent le parcours des personnes migrantes sur le podium à la semaine de la mode de New York (Fashion Week) en septembre. No Nation Fashion est une collaboration créative entre des personnes issues de la migrantion et de l’industrie de la mode bosniaque, sous la direction créative d’Aleksandra Lovrić, une designer de renom. Son but: construire une entreprise sociale qui soutient l’inclusion des personnes migrantes dans les communautés d’accueil et participer activement à rendre les sociétés plus inclusives et durables.

L’initiative a été créée en 2021 en Bosnie-Herzégovine comme moyen pour des personnes migrantes vivant dans des centres d’améliorer leurs compétences en couture. 

Karthik Neelamagen
Membre de la rédaction vaudoise de Voix dExils

En Grèce, le naufrage de deux embarcations de personnes migrantes fait au moins 15 mort.e.s

Le Temps, 06.10.2022

Selon un nouveau bilan des garde-côtes grecs communiqué jeudi le 6 octobre, les corps de 15 femmes migrantes, apparemment d’origine africaine, ont été repêchés. Neuf femmes ont pu être secourues et 15 personnes migrantes sont portées disparues après le naufrage de leur embarcation en Grèce au large de l’île de Lesbos, voisine des côtes turques en mer Egée. Quelques heures plus tôt, un autre naufrage d’un voilier transportant environ 95 personnes migrantes a eu lieu au large de l’île de Cythère. Certain.e.s des survivant.e.s ont pu rejoindre la côte à la nage et une vaste opération de secours a permis de retrouver 80 personnes migrantes.

Karthik Neelamagen
Membre de la rédaction vaudoise de Voix dExils

Une « protection humanitaire » au lieu d’une admission provisoire

EPER, le 03.10.2022

Cette année, l’aménagement du statut de protection S afin d’accueillir au mieux les personnes migrantes ukrainiennes a permis d’interroger les différences de traitement entre les personnes réfugié·e·s.

Une coalition regroupant le Parti Socialiste (PS), les Verts et les vert’libéraux s’est formée à Berne afin de proposer un nouveau statut qui s’appelle « protection humanitaire » ayant pour le but de remplacer l’admission provisoire qui rend difficile l’intégration des personnes migrantes. Ce nouveau statut s’appliquerait de la même manière à toutes les personnes migrantes qui ne remplissent pas la qualité de réfugié·e et qui ont néanmoins besoin de la protection de la Suisse. En collaboration avec l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), l’EPER soutient ce projet.

Karthik Neelamagen
Membre de la rédaction vaudoise de Voix dExils




Voix d’Exils fête ses 20 ans le 1er juin!

Autrice du logo spécial 20 ans de Voix d’Exils: Kristine Kostava / rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Rendez-vous le 1er juin à 19h à la Cinémathèque à Lausanne pour célébrer avec nous les 20 ans d’existence de Voix d’Exils!

Le mercredi 1er juin 2022, Voix d’Exils fête ses 20 ans d’existence à la Cinémathèque suisse à Lausanne. Au menu : des retrouvailles; une rencontre avec Keerthigan Sivakumar, un ancien membre de la rédaction qui est devenu réalisateur de cinéma; et le projet « Cinéma d’Exils », une expérience novatrice autour de la liberté d’expression qui est le fruit d’une collaboration entre la Cinémathèque suisse, une classe de français de l’EVAM et Voix d’Exils.

Découvrez le projet des 20 ans de Voix d’Exils en écoutant le podcast :

Voici déjà 20 ans que Voix d’Exils – le média d’information destiné à l’expression libre des personnes migrantes – traite et documente la réalité de la migration en Suisse et ailleurs du point de vue des personnes migrantes. C’est également cette volonté de permettre l’expression libre des personnes migrantes que la collaboration inédite entre la Cinémathèque suisse et Voix d’Exils entend réaliser lors de cette soirée d’anniversaire.

Le projet est le suivant : donner la possibilité aux apprenant·e·s d’une classe de français de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) d’agir en tant que véritables acteurs et actrices du monde culturel suisse en devenant, le temps d’une soirée, programmateur·trice·s d’une projection à la Cinémathèque. Durant près de deux mois, les participant·e·s de la classe ont eu l’occasion d’échanger autour du 7ème art afin de proposer un film de leur choix au public suisse. Cette plongée dans le monde du cinéma a soulevé de nombreuses questions : Quelles relations entretiennent les personnes migrantes avec le monde du cinéma ? Sont-elles confrontées à un cinéma réellement différent de celui auquel nous sommes habitué·e·s en Suisse ? Mais surtout, dans le cadre de ce projet, quelle(s) réalité(s) les personnes migrantes souhaitent-elles partager au travers du choix de leur film ?

La pertinence de la démarche proposée se situe moins dans son aboutissement – le film choisi – que dans le processus de sélection de ce dernier, les débats animés et les doutes qu’il a suscités au sein des membres du projet. Ainsi, des personnes issues de cultures différentes ont cherché à accorder leurs sensibilités, leurs envies et leurs goûts cinématographiques en poursuivant une volonté commune : porter la voix des personnes migrantes au-delà du monde de l’asile et venir à la rencontre du public suisse, faisant écho à la mission que Voix d’Exils poursuit maintenant depuis 20 ans.

Au plaisir de vous retrouver ou de vous rencontrer aux 20 ans de Voix d’Exils!

La rédaction




Les quatre sommets de l’asile

Auteur: Galen Crout / unspash.com.

Quand chaque montagne à gravir en cache une autre


Comment Bin, arrivé en Suisse en décembre 2018, a gravi les quatre sommets de l’asile. Témoignage.

Sommet numéro 1 : la vie dans un centre d’enregistrement

Il faisait très froid quand, seul, à pied, je me présente au centre d’accueil pour réfugiés de Vallorbe dans le canton de Vaud, avec une valise et un petit sac à dos pour tout bagage. Un agent de sécurité m’ouvre la porte. Après deux jours, je suis transféré dans un autre centre, à Boudry dans le canton de Neuchâtel. Ce ne sera pas le dernier. Quatre mois plus tard, je suis encore transféré vers un autre foyer, à St Gingolph, en Valais. Deux centres et un foyer répartis dans trois cantons, avec des atmosphères différentes.

Le centre de Boudry me marque par son ambiance particulière : les règles y sont très strictes, le comportement des résidents minutieusement documenté dans leur dossier. Il faut suivre le règlement à la lettre. La cohabitation est souvent pénible ; les chambres sont quasi invivables. Malgré les interdictions et la surveillance des agents de sécurité, certains résidents fument et boivent de l’alcool dans des dortoirs. A cela s’ajoutaient des bagarres – parfois violentes – entre résidents, causant une peur palpable dans le centre.
Les journées sont longues. Je m’ennuie. Lire devient impossible à cause du bruit. Tout est chronométré : les heures de repas, de sommeil, de réveil. J’ai le sentiment de perdre le contrôle de ma vie.

Sommet numéro 2 : la procédure d’asile

Et si les choses sérieuses ne font que commencer ? Après quatre semaines, mon nom s’est finalement affiché pour une convocation dans les bureaux du SEM (Secrétariat d’Etat aux Migrations) attachés au centre fédéral pour requérant d’asile (CFA) de Boudry. Le moment crucial pour tout demandeur d’asile.
Mon audition débute à 8h45 pour ne finir qu’à 16h55 : 108 questions sur 24 pages.
« Nous ne pouvons pas terminer aujourd’hui » me dit l’auditrice du SEM. « Vous recevrez une nouvelle convocation dans les prochaines semaines ». Cette deuxième audition dure de 8h45 jusqu’à 11h25. 58 questions supplémentaires sur 10 pages. « C’est fini, la décision vous sera communiquée prochainement », conclut l’auditrice.

Je fais partie d’un projet-pilote qui découle de la nouvelle loi sur l’asile en Suisse axé sur la rapidité procédurale : la décision du SEM n’a de ce fait pas tardé. Mais, contre toute attente, la réponse est négative. C’est alors une vraie descente aux enfers. Je suis incapable de retenir mes larmes. Non pas parce que j’apprends que je suis débouté. Mais surtout parce que je ne peux pas retourner dans mon pays et que je ne sais pas quand et comment je pourrai revoir mes enfants. J’ai laissé au pays 4 garçons de 10 à 7 mois et le petit dernier ne me connaissais pas encore. Mon épouse a perdu la vie quatre jours après sa naissance.

Quelques jours après, j’ai le courage de faire un recours auprès du tribunal administratif fédéral (TAF). Pendant ces jours-là, je reçois un appel téléphonique de mon fils aîné. Il me demande : « Papa quand est-ce que tu reviens ? tu es parti beaucoup plus longtemps que d’habitude » . J’avale mon émotion avant de lui donner une réponse peu convaincante. En attente de la décision du TAF, les jours sont pleins d’angoisse, de stress. La plupart des résidents me découragent en me citant tour à tour les cas de rejet de cette haute instance judiciaire du pays. Mais je reste optimiste malgré tout.

Finalement, le TAF me donne raison en annulant la décision du SEM et ordonnant par le même jugement à ce dernier de me reconnaître la qualité de réfugié. C’est alors la montée au ciel ! Mais ce grand soulagement n’est que de courte durée car d’autres préoccupations – et pas des moindres – s’enchaînaient les unes après les autres.

Sommet numéro 3 : le regroupement familial

Vivre avec sa famille réunie est l’idéal de chacun. Mais, parfois, les situations de la vie font qu’un des membres de la famille sépare des siens, pour toutes plusieurs raisons.
Personne ne peut comprendre le chagrin de vivre loin de sa famille à part celui qui a vécu ou traverse toujours cette douloureuse situation. C’est une période pénible, surtout si elle est forcée.

A l’obtention du statut de réfugié, j’ai immédiatement déposé une demande de regroupement familial. A la lecture de la loi sur l’asile, ça paraît simple mais ce n’est cependant pas automatique. Les personnes admises provisoirement (permis F) doivent prouver leur indépendance professionnelle et celles ayant obtenues le statut de réfugié (permis B) doivent motiver leur demande. Dans mon cas, faisant partie de la deuxième catégorie, plusieurs mois de paperasse sont nécessaires avant d’obtenir – enfin –  une autorisation d’entrée pour mes enfants.

A ce stade, une nouvelle question se pose : « Comment les faire venir ? ». Comme mes fils sont très jeunes et sans famille direct avec eux, il me faut faire plusieurs démarches pour les sortir de mon pays et les emmener en Suisse. Mis au courant de la situation, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui soutient habituellement les réfugiés en demande de regroupement familial, me refuse toute assistance. J’organise moi-même pour me rendre dans un pays proche de mon pays d’origine pour accueillir mes enfants et les ramener. Tout cela à mes frais et sans aucune ressource. Quelle panique !

Finalement, les enfants sont arrivés. Ouf quel soulagement !

Sommet numéro 4 : l’intégration

Toute personne définit les objectifs qu’elle souhaite atteindre dans sa vie et prend ses propres décisions afin de réussir sa vie. Dans le monde de l’asile, cette configuration change. Certes, on poursuit le même but, mais pas nécessairement le même chemin, car l’Etat peut intervenir dans la vie du réfugié. Et même contre son gré, au nom d’une « intégration réussie » . C’est compréhensible mais difficile à admettre pour certains et certaines.
Afin de faciliter l’indépendance socio-professionnelle des personnes reconnues provisoirement et des réfugiés reconnus (AP/R), les autorités fédérales et cantonales ont mis en œuvre l’Agenda Intégration Suisse (AIS). Personne n’y échappe. On n’est plus ni maître ni artisan de son destin. La Confédération, les Cantons et tout un ensemble de collaborateurs et collaboratrices entrent en jeu. La collaboration devient le mot d’ordre.
Dans ce parcours, rien n’est plus blessant, démoralisant et même dramatique que de croiser des personnes sans expériences et pleines de préjugés à l’égard des réfugiés, comme certains témoignages le montrent. Personnellement, j’ai eu la chance de toujours tomber entre de bonnes mains, avec des assistants et assistantes sociaux qui m’encouragent, me soutiennent et me donnent de l’espoir dans ce nouveau chemin.
Une nouvelle page s’ouvre pour moi et mes enfants dans ce pays. A nous de la remplir au mieux des opportunités que nous allons rencontrer.

Bin

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 




Expérience innovante dans une classe de français EVAM

Photo prise lors d’un conseil de classe – Les élèves avec, au premier rang à gauche, Ricardo, enseignant. Au deuxième rang, deuxième depuis la gauche, Simona, éducatrice, et deuxième depuis la droite, Ana, enseignante. Auteur: Hajar / Voix d’Exils.

Paroles de prof. : « Grâce à la pédagogie coopérative, les élèves participent démocratiquement aux prises de décision »

Le Centre de formation de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) n’hésite pas à sortir des chemins battus. Pour permettre aux élèves de participer activement à leur propre formation, l’enseignant Ricardo Da Silva et l’éducatrice Simona Lungu ont mis en place un conseil de classe au fonctionnement démocratique. Dans cet espace de libre parole, les élèves sont à égalité avec leurs enseignants pour exprimer leurs besoins, faire des propositions, apprendre à négocier et voter si nécessaire.

Voix d’Exils est retourné sur les bancs d’école pour rencontrer les différents protagonistes.

Voix d’Exils : Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est un conseil de classe ?

Ricardo Da Silva : C’est un lieu d’échanges qui réunit sur un plan égalitaire, les élèves, les enseignants et les éducateurs. Une fois par semaine, dans une salle de cours, nous déplaçons les tables et créons un cercle de parole. Le fonctionnement du conseil de classe est cadré par quelques règles de base : le respect mutuel, les tours de parole, l’écoute sans interruption. Assis en cercle, nous décidons au début de chaque conseil qui prendra le rôle de président et qui prendra celui de secrétaire et rédigera le procès verbal. Ces deux personnes ont des pouvoirs spéciaux comme celui de distribuer équitablement la parole, de gérer le déroulement et de prendre note des décisions dans le cahier de classe. Lors des 45 minutes que dure le conseil, nous suivons une forme de rituel avec quelques étapes fixes : ouverture du conseil, météo individuelle et collective (chacun exprime comment il se sent, son état d’esprit), consultation de la boîte aux lettres et prise de connaissance des billets qui s’y trouvent, discussion, votes et clôture du conseil.

Pourquoi avoir pris cette initiative ?

C’est parti d’un problème de cohérence de cadre entre les différents intervenants dans ma classe. Les élèves, de niveau avancé, ont beaucoup de cours et de modules à suivre en plus des cours de français. Quand j’ai commencé la session, en août 2019, j’étais professeur principal et à partir de début octobre, j’ai partagé la classe avec ma collègue Ana Baeriswyl. En plus, pour des questions de formation continue, j’ai dû m’absenter et mes divers remplaçants ont fait état de difficultés à « tenir la classe ». La multiplication des intervenants posait problème aux élèves qui avaient du mal à s’adapter. C’est à ce moment précis que ma responsable, Laurie Durussel, m’a demandé de trouver une solution en nous laissant libres de choisir les moyens adéquats pour y parvenir. Voilà comment le conseil de classe a vu le jour en octobre 2019.

Ricardo exhibe fièrement un document coécrit par tous les membres du conseil de classe. Auteur: Hajar / Voix d’Exils.

 Quelle est votre source d’inspiration ?

Principalement les pédagogues français Célestin Freinet et Fernand Oury. Le premier a commencé à développer de nouvelles formes de pédagogies au sortir de la première guerre mondiale. Son approche dite de pédagogies coopératives considère la classe comme une microsociété. Dans une démocratie, une classe doit pouvoir fonctionner aussi de manière démocratique. Freinet, comme d’autres pédagogues de son époque, se pose de manière originale les questions de l’autorité, la critique des rapports de pouvoir dans la classe, l’auto-formation et l’apprentissage en autonomie, la collaboration, l’approche pratique en ateliers d’expérimentation, l’importation participative de sciences et de techniques, les classes découvertes, le jeu et la créativité, le développement de l’esprit critique et l’éducation à la citoyenneté démocratique. Dans le cadre de notre travail – tant éducatif que pédagogique – cet horizon nous semblait en adéquation avec les buts que nous poursuivons : l’intégration par le dialogue interculturel, la tolérance, l’explicitation des attentes, des besoins et des valeurs de chacun.ne et la négociation d’un être-ensemble pour la mise en activité du groupe autour d’un projet fédérateur.

Dans une classe « standard », c’est le professeur qui prend les décisions. Le pouvoir donné au conseil de classe ne change-t-il pas la donne ?

Oui, effectivement, mais cela va dans le sens d’une responsabilisation des élèves. Je vous donne un exemple : un jour, nous avons fait passer un test surprise aux élèves. Peu après, il y a eu un conseil de classe et les élèves ont manifesté leur mécontentement. Les discussions ont donné lieu à une règle qui a été votée et selon laquelle les professeurs devaient avertir les élèves avant de leur faire passer un test. Le délai d’annonce avant le passage d’un test a été décidé après une négociation parce qu’il y avait plusieurs propositions de délai. Finalement, nous nous sommes mis d’accord sur deux jours. Après ce conseil de classe, il n’y a plus eu de tests non annoncés et plus de tensions à ce sujet.

Quel a été l’objet de votre première discussion lors du premier conseil de classe ?

Nous avons établi la liste des règles à respecter pour le bon fonctionnement de la classe. Le premier sujet traité a été celui du téléphone portable parce que beaucoup d’élèves oubliaient d’éteindre leur téléphone ou d’enlever le son. Normalement, les règles de l’EVAM interdisent l’usage du téléphone en classe. Lors de notre première séance, les élèves ont expliqué que le téléphone leur servait aussi pour chercher la traduction des mots qu’ils ne comprennent pas. De plus, certains élèves, qui ont des enfants en bas âge, peuvent recevoir un appel de la garderie quand il y a un problème. D’où le besoin exprimé de pouvoir garder son mobile pour répondre à un coup de fil important ou urgent. Donc, il a été décidé à l’unanimité que tous les élèves peuvent garder leur téléphone en classe, mais ils doivent demander à leur prof avant de pouvoir l’utiliser. Nous avons aussi convenu de quelques règles de base comme le respect du droit à l’image, les échanges d’informations digitales dans le groupe classe et avons aussi pu évoquer des règles de déontologie numérique pour le groupe.

Après discussion, élèves et enseignant.e.s votent dans une ambiance détendue. Auteur: Hajar / Voix d’Exils.

Comment fonctionne le vote ?

Les élèves ont à leur disposition des billets sur lesquels ils peuvent écrire des propositions, des critiques ou des remerciements, puis ensuite les glisser dans une boîte à lettres prévue à cet effet. Au début de chaque séance du conseil, on regarde ce qu’il y a dans la boîte, puis on parle des points écrits sur les billets. Par exemple, plusieurs participants avaient évoqué le problème du bruit dans la classe qui les empêchait de se concentrer. Après discussion, il est ressorti que ce problème ne s’appliquait que dans certains cas et nous avons pu discuter de ce qui nous importait, dégager un consensus là où il pouvait y en avoir un et formuler différentes propositions pour régler ou du moins réduire le problème. Les propositions ont été soumises au vote en trois catégories : pour, contre et abstention. Certaines propositions ont été refusées, mais celles qui ont été acceptées à la majorité ont été inscrites dans le règlement de classe.

Quel rôle joue le conseil de classe dans l’apprentissage du français ?

Pour qu’un conseil de classe fonctionne bien, il faut idéalement que les élèves aient un niveau de langue B1 pour pouvoir argumenter et défendre leur point de vue. Comme nous avons pu le constater, un conseil de classe peut avoir un effet stimulant sur une classe de niveau A2 déjà, et cela malgré les difficultés linguistiques. De plus, le conseil de classe peut aussi servir à identifier les besoins des participants, à définir ensemble les objectifs d’apprentissage, à discuter et réguler le déploiement de la prestation au fur et à mesure de la session et éventuellement à négocier une adaptation.

Qu’apporte l’expérience du conseil de classe aux enseignants ?

Nous obtenons davantage d’adhésion de la part des élèves en les associant aux décisions prises lors des conseils de classe. Dans ce cadre, les petits problèmes du quotidien tels que: bruits, téléphones, savoir-être en groupe, besoins pédagogiques particuliers, surcharge de cours, difficultés des apprenants à s’adapter à différents styles pédagogiques, peuvent être discutés en commun afin d’éviter l’accumulation de frustrations qui pourrait conduire à de plus grands problèmes. Ce partage permet aussi de désamorcer les éventuels conflits entre élèves et de neutraliser les triangulations. De plus, du point de vue de l’efficacité professionnelle, c’est gratifiant de pouvoir observer un tel investissement des élèves et de constater l’accélération des apprentissages.

L’un des objectifs de l’EVAM c’est l’autonomie des bénéficiaires. Votre expérience de pédagogie coopérative va dans ce sens, me semble-t-il…

Oui, bien sûr ! D’ailleurs plusieurs collègues qui avaient entendu parler de notre conseil de classe ont décidé de l’introduire dans leurs propres groupes. D’autres conseils de classe auraient dû démarrer en mars 2020, mais le début du confinement dû au COVID-19 nous a obligés à temporiser cet élan. Forts de notre expérience, nous sommes à disposition pour partager nos outils et conseiller tous les collègues qui souhaiteraient se lancer dans l’expérience.

Paroles d’élève : « Je peux voter librement pour la première fois de ma vie ! »

Lors des conseils de classe, on écoute les autres intervenant.e.s sans les interrompre et en respectant leur point de vue.

Les élèves ont accepté de partager leur expérience de pédagogie participative et d’expliquer en quoi elle leur permet d’avancer.

Voix d’Exils : en quoi le conseil de classe est-il important pour vous ?

« Je viens d’un pays dans lequel je n’ai jamais pu voter une loi. Ce conseil n’est pas très grand, mais il me donne l’occasion de m’exprimer, de pouvoir faire des choix et de voter librement pour la première fois de ma vie. »

« Le conseil de classe nous apprend le savoir vivre ensemble, par exemple à écouter son interlocuteur sans l’interrompre et à construire un dialogue avec lui.»

« Grâce à cette expérience, on apprend beaucoup sur la culture suisse, la santé, la citoyenneté et aussi à pratiquer la lecture et l’écriture. »

« Ça donne beaucoup d’expérience, de la confiance en soi, on apprend à se présenter. »

« Grâce au conseil de classe, on a la possibilité de parler des problèmes qu’on rencontre dans les différentes classes. (Certains élèves ont des cours de mathématiques, de correspondance, de santé, d’autonomie numérique, des ateliers emploi, des ateliers à choix entre phonétique, jeux de rôles et écriture créative le mercredi après-midi, ndlr). »

« Ce conseil de classe est une plus-value ! »

Est-il facile ou difficile de prendre une décision tous ensemble ?

« Franchement, ce n’est pas facile parce qu’on doit beaucoup réfléchir et on n’est pas toujours d’accord sur la décision à prendre concernant un même sujet. »

Propos recueillis par:

Mamadi Diallo

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils