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« Le film « L’ESCALE » fait écho à ma trajectoire de requérant d’asile »

Les affiches de l'ESCALE à la gare de Lausanne. Photo: Saras Pages

Les affiches du film l’ESCALE à la gare de Lausanne. Photo: Saras Pages / Voix d’Exils.

Fin janvier-début février 2014, 20 demandeurs d’asile Iraniens font la grève de la faim devant l’ODM à Berne. Le 30 janvier, le film « L’ESCALE », qui raconte la vie de sept clandestins Iraniens réunis à Athènes dans l’espoir de passer dans la partie occidentale de l’Europe, reçoit le Prix du jury des 49ème Journées de Soleure. Requérant d’asile d’origine tamoul, Kumar, lui, a été touché par les similitudes entre sa propre trajectoire et celle des Iraniens qui témoignent dans « L’ESCALE ». Notre rédacteur Saras Pages a recueilli son témoignage.

« Dans ce film, tourné par le réalisateur genevois Kaveh Bakhtiari, il y a une scène qui est très touchante, non seulement pour moi mais aussi pour les 300 spectateurs présents à la projection en avant-première le 27 janvier à Lausanne, souligne Kumar. Cette scène montre un Iranien clandestin qui a fait une grève de la faim devant la Commission des droits humains à Athènes pendant plus de 35 jours. ». Athènes, Berne, deux réalités comparables qui se déroulent sous des latitudes différentes, comme l’explique Kaveh Bakhtiari: « On ne peut pas coller le film, le scotcher à un territoire ».

« Excusez-moi, dans quel pays sommes-nous, Monsieur ? »

« Personnellement, des passages m’ont fait sourire plutôt que pleurer, note Kumar. Je pouvais facilement prédire ce qui allait se passer ensuite, étant donné que certains dialogues et certaines actions ressemblaient à ce que mes amis et moi avions endurés. Notamment, les scènes qui concernent la route jusqu’en Europe. En tant que Suisse, que penseriez-vous si une personne que vous ne connaissez pas venait vers vous et vous demandait : « Excusez-moi, dans quel pays sommes-nous, Monsieur ? ». C’est la scène qu’a vécue un conducteur de taxi à Bâle lorsque j’ai pris son taxi à la gare pour qu’il me conduise au Centre d’enregistrement et de procédure d’asile, à près de deux kilomètres de là. »

Selon leur origine, les points de chute des migrants s’avèrent différent. Ainsi, pour les Iraniens et les gens en provenance du Moyen-Orient, L’ESCALE se fait en Grèce. Pour beaucoup de Tamouls, L’ESCALE a lieu plutôt en Thaïlande ou dans certains pays d’Afrique, plus rarement en Grèce.

Garder l’espoir sur la route de l’exil

Kumar confie son inquiétude quant au sort d’amis toujours à Bangkok, alors qu’ils ont pris le chemin de l’exil en même temps que lui, en 2009. « Imaginez leur vie : ils sont bloqués en Thaïlande, un pays qui n’accueille pas les migrants plus de quatre ans. C’est pourquoi, ces derniers vivent dans la clandestinité en attendant la réponse d’un passeur… »

Au début de l’année 2010, le jeune homme a rencontré des Tamouls requérants d’asile au Centre d’accueil de Sainte-Croix, dans le canton de Vaud. L’un d’eux lui a raconté une histoire qui restera à jamais gravée dans sa mémoire. « En voyant le film, le souvenir m’est revenu. Ce compatriote avait fui le  Sri-Lanka. Il avait traversé plusieurs pays d’Afrique et avait été détenu trois jours dans une prison d’un village du Maroc. Le premier jour, il avait eu très peur en raison de sa solitude, mais, les jours suivants, il avait repris l’espoir qu’un jour il serait libéré. La raison de ce changement était simple : sur un vieux mur de sa prison, il avait pu lire cette phrase écrite en langue tamoule : «தமிழன் இங்கும் உறங்கியுள்ளான் (« Un Tamoul a aussi dormi ici »). En visionnant « L’ESCALE », Kumar a réalisé que « ce n’était pas uniquement un film destiné aux gens qui accueillent les migrants, mais également un film pour les personnes qui ont fui leur pays. »

« Avant de partir, on ne sait pas qu’on risque sa vie »

Il partage l’avis de Kaveh Bakhtiari lorsqu’il affirme : « Évidement, avant de partir, on ne se rend pas compte des difficultés que ça représente, on ne sait pas qu’on risque sa vie. » Et aussi lorsque le réalisateur déclare : « Je pense que l’accumulation d’informations peut aider à sensibiliser les gens, mais je ne suis pas naïf, un film ça ne change pas le monde malheureusement. » Pour sa part, Kumar s’inscrit dans la même ligne : « Je ne suis pas naïf non plus, mon témoignage ne changera pas le monde malheureusement, mais j’espère qu’il donnera envie aux lecteurs de Voix d’Exils d’aller voir « L’ESCALE » qui est en salle actuellement. »

Saras Pages

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

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