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«Diver’cité»

Photo: Elvana Tufa / Voix d’Exils.

Une fête qui renforce les liens humains depuis 1983

«Diver’cité » est une belle collaboration entre l’EVAM et le groupe d’appui aux réfugiés de Bex (GAR), dont l’édition 2022 s’est tenue à Bex le 19 août dernier. En organisant une journée festive et rassembleuse, le GAR continue de soutenir les habitants et les habitantes du Foyer EVAM de Bex, et ce depuis 1983 !

De nos jours, la vie est difficile pour tout le monde. Mais elle peut être encore plus difficile lorsque vous êtes une personne exilée, et encore davantage lorsque vous n’avez pas de permis et que vous attendez que votre statut soit décidé. C’est presque insupportable. C’est ce que doivent ressentir la plupart des personnes exilées comme moi : exerçant momentanément leur patience, ils et elles doivent faire face à la vie, aux dilemmes et à la stagnation dans un pays étranger, faisant face à des sentiments et des approches différentes. Nous prenons pour acquis la haine, l’indifférence et le mépris de certains et certaines, de beaucoup, en fait, mais nous nous réjouissons du soutien, des sourires et de l’attention de beaucoup d’autres.

Nous venons peut-être, à coup sûr, de milieux, de cultures, de traditions, de pays ou même de continents différents. Mais nous sommes là, une multitude de tout cela dans un petit pays auquel nous avons demandé de la protection et du soutien, une protection et un soutien qui souvent ne viennent pas de l’État, mais des personnes que nous avons en face de nous, à nos côtés. Les vrais qui se mettent à notre place, qui essaient de voir la réalité de notre point de vue et vous pouvez dire qu’il n’y a que de la bonté et de la sympathie dans leur regard et leur approche – au maximum même quelques blagues -, juste comme le dit Raymond Queneau; et je suis entièrement d’accord avec lui, des exercices de style, mais pas de bureaucratie, pas la moindre trace de celle-ci.

Il y a quelques semaines, j’ai croisé Madame Christine Blatti, responsable du foyer EVAM de Bex, qui m’a invité à la fête annuelle de la Fête des Réfugiés  « Diver’cité ». J’étais heureuse d’y aller et de faire la fête avec eux d’une part, mais d’autre part, j’avais un peu de retenue de retourner dans le foyer où moi et ma famille avons vécu pendant quelques mois. Surtout à cause des tristes souvenirs et du sentiment d’être perdu et de n’appartenir à rien : à cela s’ajoutent la pandémie, le confinement et les restrictions que non seulement nous, mais aussi tous les gens, avons dû affronter pendant ces temps difficiles.

Une fête créée en 1983

J’ai eu l’occasion de rencontrer Madame Christine Blatti lors des célébrations où elle s’occupait des derniers arrangements et de la coordination, alors que dans le jardin un très beau concert avait déjà commencé. Elle a été très gentille de prendre un peu de temps pour me raconter les origines de cette fête et comment elle s’est développée et transformée au fil des années.

« Au départ, c’était la fête des réfugiés qui a eu lieu pour la première fois en 1983, au mois de juin. Mais, au fil des années, le concept a changé, s’est développé et s’est transformé. Elle s’est d’abord tenue dans le centre-ville, mais avec le temps, le lieu a également changé ». Cette fête, qui s’appelle désormais Diver’cité, s’organise en étroite collaboration avec le Groupe d’appui aux réfugiés de Bex (GAR). Ce groupe existe depuis 1983 et son but est d’offrir réconfort et aisance aux personnes exilées établies au Foyer de Bex. Grâce à l’engagement des deux organisations, elle est devenue depuis plusieurs années une tradition. « Le but de cette fête est en effet de rassembler les gens, de les amener à se connaître. Manger ensemble, échanger leurs histoires et leurs expériences entre eux, leur donner la chance de venir s’exprimer, de partager que ce soit la nourriture, les cultures et les traditions ou leur expérience et leur parcours en tant que personnes exilées. Beaucoup d’entre eux ne connaissent pas très bien le français, mais cela ne les empêche pas d’interagir. Le but est de se sentir bien, de créer de la confiance et d’abandonner tout jugement et toute peur », conclut Madame Blatti.

J’entends en fond sonore une musique énergique et je m’approche du jardin où les musiciens jouent pour les personnes qui se sont déjà rassemblées. Il y a des enfants qui dansent et chantent, une playlist de belles chansons dont certaines que j’ai pu chantonner en compagnie de Monsieur Pierre Ryter, un des bénévoles présent, mais aussi pour les randonnées et les autres activités que le GAR organise pendant les vacances d’été pour les personnes du foyer. Plus tard, pendant le dîner, nous sommes venus écouter de la musique érythréenne jouée par un habitant du foyer. Juste au-dessus de l’endroit où se tenaient les musiciens, je pouvais voir le balcon des chambres où ma famille et moi avons séjourné il y a deux ans : je me souviens, comme dans un film, de mon mari écrivant dans un cahier quelques poèmes après de nombreux mois traumatisants dans les camps. Mais juste après ces quelques poèmes, il a arrêté d’un coup. « Je suis plus dans un voyage épique maintenant », dit-il, faisant référence à son long roman qu’il est en train d’écrire.

Une main pour vous aider à vous relever

Anne Catherine Rohrbach est la présidente du GAR, l’association qui fêtera l’année prochaine son quarantième anniversaire. Très humble, aimante et attentionnée, c’est dans sa nature d’aider, de réconforter et de s’intéresser à tous les nouveaux arrivants et, en fait, à toutes les personnes exilées. Elle m’explique un peu le but du GAR qui est de mettre les gens en contact, de faire et de réaliser des activités liées aux personnes exilées avec les personnes séjournant ou ayant séjourné au Foyer EVAM de Bex en favorisant leurs relations avec la population de Bex et de la région, d’échanger un peu les idées, de respirer un air différent pendant leur parcours difficile. Outre le soutien moral et psychologique, ils proposent aussi d’autres activités, comme les cours de français, le vestiaire – vêtements et jouets distribués aux personnes exilées -, l’atelier de couture pour les adultes, l’atelier de peinture pour les enfants, et aussi les casse-croûtes, c’est-à-dire que toutes les deux semaines, des bénévoles viennent dans le hall de l’EVAM pour parler aux personnes du foyer et répondre à leurs questions, ou leur donner un coup de main.

A part Anne Catherine, dont j’ai appris à connaître l’aide et le soutien affectueux, je rencontre beaucoup d’autres personnes que j’ai connues lors de mon attribution au canton de Vaud. J’ai eu le plaisir d’être présentée à Monsieur le syndic, Alberto Cherubini, qui est également président de la Commission culturelle communale (culture, un mot que j’affectionne beaucoup), le secrétaire général de la commune, Monsieur Alain Michel, dont l’humour et l’attention dans l’écoute étaient très impressionnants, d’autres bénévoles, tels que Messieurs Pierre Ryter et René-Luc Thévoz, professeur d’accueil de certains de mes enfants (grand professeur, grand bénévole motivant), Tamara, employée auparavant au bureau des finances du foyer Bex et à qui je faisais appel pour toutes sortes de questions et des problèmes que je n’arrivais pas à résoudre moi-même et, enfin, ma chère première assistante sociale Amélie Pistorius. En tant que famille, nous avons été assistés par elle pendant notre séjour au foyer et je n’ai que les meilleures impressions et les meilleurs souvenirs d’elle : en tant que professionnelle – faisant son travail au mieux et se surpassant parfois – en tant que personne, emphatique avec les personnes traversant un chemin difficile, des choix difficiles et ayant moins de possibilités et de chances d’être et de se sentir inclues. Nous célébrons ici le fait d’être différents, mais égaux, d’être des personnes exilées, mais de rester des humains quand même. Ce qui, on nous le rappelle, n’est pas vrai du tout quand on se trouve devant un bureau ou un guichet d’une quelconque autorité étatique.

J’ai tellement apprécié mon après-midi ici que je ne me suis pas rendu compte qu’il était honteusement tard, après de longues conversations avec Amélie, Tamara, Pierre et d’autres invités. Pour moi, Diver’cité est une offre complète : prendre un cours de français dans la nature (une fois que je lance mon mécanisme parlant, c’est comme le courant de la conscience, mais avec beaucoup de fautes grammaticales), la cuisine traditionnelle du monde entier (et comment la raclette suisse pourrait-elle manquer ?), faire la connaissance de nouvelles personnes (dans une nuit d’été pluvieuse pas si romantique que ça).

Oui, j’ai définitivement passé une très belle journée qui s’est terminée de la manière la plus parfaite qui soit ; ma sœur m’avait fait une énorme surprise : elle avait fait un long chemin avec sa famille pour nous rendre visite. Je ne pouvais pas mieux terminer une belle après-midi comme ça.

 

Elvana Zaimi Tufa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




New Year’s Eve and the war against terrorism

Auteur: Photo Grrrrr "Boom!" (CC BY-NC-SA 2.0)

Auteur: Photo Grrrrr « Boom! » (CC BY-NC-SA 2.0)

A reflection about holidays celebrations in and out of Syria and why should we learn from the experience of a four-year-old child who was terrorized as fireworks resurrected flashbacks of horrible sounds and scenes of explosions from the time she was lying in a cradle.

Europeans are often surprised to discover that Christmas and New Year’s Eve are officially celebrated in Syria. Actually they are official holidays on these two occasions and many TV programs are usually devoted to their celebrations just like the two main Islamic festivals: Feast of the Sacrifice, (Eid al-Adha,) and Feast of the Breaking the Fast, (Eid al-Fitr). In contrast, there are many islamic and ethnic groups whose religious or national festivals are not officially recognized for different reasons some of which are religious and others are political.

However, I am not going to run the gamut of two complex phenomena: the complicated Syrian society or the equally complicated Syrian regime. What I am going to demonstrate instead is why it is becoming harder and harder to celebrate the usual holidays in Syria. The axiomatic response would be: «In wartime, there are no celebrations, save those of the awaited victory». Actually, that was the gist of Assad’s words when he came to «celebrate» the New Year’s Eve with his soldiers in Jobar, a district of Damascus. Probably, no one could deny a political acumen in his visit which aimed at lifting up the morale of his soldiers. There might be also little doubt that he is shrewdly playing the worldwide-played game combating terrorism. Ironically enough, the more he or others combat terrorism, the more it is rife and the less victories or celebrations are actually attainable. Instead of discussing politics, I feel like giving tangible evidence from my circles about our perseverance to sustain a mood for celebrations.

Auteur: thierry ehrmann “Abode of Chaos” (CC BY 2.0)

Auteur: thierry ehrmann “Abode of Chaos” (CC BY 2.0)

Personal tolerance and resistance of powerful trends

My nuclear family: my parents, my siblings and I, took from the onset of the Assad’s crackdown against the popular uprising in our city, Homs, a decision not to take part in any act of violence whatever polarization gets intensified in the Syrian society. Actually, our attitude was a practice and a way of life more than just a decision, and we were fully aware that our principles were not going to be appreciated because they inherently hold an undesirable political message in a highly mobilized society. Being a non-religious family and best described as humanists, the New Years Eve was the only festival that we were keen to celebrate despite all adversaries and lack of room for joy. It was always an opportunity to assure our solidarity and to renew and bolster our hope. Nevertheless, the regime’s demand to bear arms and the pressure on us escalated to an apex that eventually pushed us to seek peace in more peaceful countries. My brothers and I are particularly vulnerable as we can be forced by the Syrian military law to join the reserves.

I will sum up the reasons why it was hard to renew our hope for 2015 though we managed to exchange some wishes and say «Happy New Year». First, the big family has been divided as some have managed to come to Europe while the rest remained in Syria. Virtual meeting are possible but, nowadays, electricity is available for only two hours in the best-case scenario. This obstacle stands as the second reason, while the third was due to the fact that this festival occurs in the depth of winter when it is usually snowy all over the Syrian coastal region. As a consequence, the rest of the family left behind ran out of burning fuel used for heating homes and food and nothing was left but books. I should say that my family owns more than one thousand books. In fact, a part of the New Year’s Day conversation was to obtain my permission to burn my books. It is the second time that we engage in setting books on fire. The first time, my father burned only his Soviet books. I guess that I love books, but my passion for books is not strong to the degree that I would answer my parents with «no» even though a part of those books are my own publications. I do not deny a dilemma in this situation, but I said «yes». Finally, I have to mention why my brother and his family could not enjoy the New Year’s celebrations in one of the European countries. Their longing for scenes of joy had them get upstairs to watch the fireworks, but the four years old kid was scared as the fireworks recalled the horrible sounds and scenes of explosions she had been exposed to and vulnerable to almost since she was born. They tried hard to assure her that these fireworks are sort of games and harmless, but her screams and tears were more convincing than all the logic and wisdom on the earth. Her screams were like: «Go, go downstairs! We are going to die! Quickly! Let us go downstairs! Otherwise, we die!» She does not know other tactics for dodging missiles, explosions and «terrorism» apart from getting downstairs where the sounds of explosions are less powerful and where other family members used to combat «terrorism» and all the horror associated with it!

This little child does not differentiate between the western joy and the eastern misery, and for her, each of them is a source of horror! This little child thinks that fire is fire and explosives are explosives, therefore she cannot differentiate between them yet. Do we have to teach her that there are good explosives and bad ones? Why do not we learn from her innocence instead?

Auteur: Peretzp "US builds Neutron Bomb" (CC BY-NC-SA 2.0)

Auteur: Peretzp « US builds Neutron Bomb » (CC BY-NC-SA 2.0)

The American conception and approach of terrorism: should it be also global?

Beyond doubt, violence is an aggressive and intolerant action or attitude, and the reasons behind it are diverse. Violence, however, is widely used as defense against military intervention, oppression, persecution, inequality, greed, intolerance etc. Nevertheless, there is a powerful tendency in the west to think of terrorism as rooted in a particular ideology or as a specific trait of a population living in certain parts of the world. This tendency is reinforced mainly by American politics or the media which discourse sustain that putative association between terrorism and middle-eastern peoples. The American administration prefers to support dictatorships or repressive regimes in order to monopolize the massive exploitation of natural resources along with fostering deposits in American banks. Sympathy and willingness to cooperate with eastern peoples arises and comes into practice only when natural resources and capitals do not go to America like the cases of Iran or Iraq under Saddam Hussein for instance. I can understand the current American politics and propaganda which are heavily influenced by the Eurasian Geostrategy for the United States formulated by Zbigniew Brzezinski, who held the position of United States National Security Advisor to President Jimmy Carter from 1977 to 1981. In his book, «The Grand Chessboard», Brzezinski regards the landmass of Eurasia as the center of global power and writes that no Eurasian challenger should emerge capable of dominating Eurasia and threatening America’s global pre-eminence. However, I do not advocate any European (or even American) convergence with the American propaganda which is devoted to indoctrinate that violence is rooted in islam or in the Middle East. The reasons why I do not support such disinformation go beyond the fact that I come from the Middle East, and that I hate being viewed as a potential holder of terror. I denounce it because it is inconsiderate to the consequences of political unrest in the Middle East. Actually, Europe is much more affected by political instability in its Mediterranean neighbors and has become the most vulnerable location to uncontrollable immigration. Such circumstances call for further collaboration within the framework of friendly relationships with the peoples of the Middle East.

Coming back to celebrations, I do not mean to say that Europeans should not celebrate the New Year’s Eve or other holidays in sympathy with Syrians or other peoples in the world. What I call for, instead, is a sense of sustainability for these celebrations, which could be replaced one day by a putative victory against terrorism. This kind of sustainability can be achieved by a holistic approach to crises and by dropping borders from our minds, because these borders prove one day after another to be meaningless, especially in the time of crises.

Rami Ibrahim

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils