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« Je peignais inconsciemment ma maison en Syrie »

Photo: Hayrenik DONO, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

La vielle ville de Cossonay. Photo: Hayrenik DONO, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Quand la vieille ville vaudoise de Cossonay devient source d’inspiration pour une artiste Syrienne

Organisée par l’Association de la Vieille Ville de Cossonay et l’œuvre du contact Amitié Bible entre Etrangers et Suisses (Cabes) dans le canton de Vaud, l’exposition de Madame Inaam Katerji, dédiée à la vieille ville de Cossonay vient de s’achever. Retour sur cet expo à l’occasion d’une rencontre avec la peintre syrienne.

Quel rapport entretenez-vous avec la vielle ville de Cossonay ?

Je suis tombée amoureuse de la vieille ville de Cossonay, elle est captivante! L’architecture du vieux quartier, les maisons avec leurs beaux petits escaliers, les toits de tuiles brun-rouge, les fenêtres avec leurs briques et leurs volets verts. Ainsi que les ruelles étroites et sinueuses, les voûtes et les anciens bassins d’eau le long des rues qui ont, dans les vieux jours, été utilisés pour le lavage des vêtements, quelle merveille! »

 

Votre exposition est peu conventionnelle car la plupart de vos tableaux étaient exposés dans les vitrines des rez-de-chaussée des maisons et des magasins dans la vieille ville. Pourquoi ce choix ?

Vous avez raison, huit ont été affichés dans la Maison de Ville et 14 à l’extérieur. L’objectif des organisateurs était de mettre en valeur la beauté de la vieille ville pour les visiteurs, il est d’ailleurs écrit sur les flyers : « Venez découvrir les tableaux de l’artiste syrienne en vous baladant dans la vieille ville de Cossonay ». L’idée est originale et de nombreux visiteurs ont été ravis. Certains me disent qu’ils passent par Cossonay tous les jours, mais que c’est la première fois qu’ils découvrent sa beauté !

Pourquoi avez-vous choisi ce thème de la vieille ville de Cossonay ?

C’est notre ami Juel Bussy, dessinateur de bandes dessinées, qui nous a présenté cette ville la première fois et qui a suggéré l’idée. Il vit dans le vieux quartier de Cossonay où il a son atelier. Mais ce thème m’a toujours fasciné. J’adore les vieux quartiers traditionnels. Parfois, quand je me promène dans les rues en pavés des vieilles villes, j’imagine les charrettes tirées par des chevaux, les bruits des passants, les cris des vendeurs et la saveur des aliments etc. Je pense que l’architecture de chaque lieu reflète le caractère et la culture de ses habitants. Il est donc nécessaire que cela soit très bien conservé. De plus, ces images me rappellent toujours les magnifiques vieilles villes de Damas et d’Alep dans mon pays la Syrie.

Photo: Hayrenik DONO, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils.

Inaam Katerji. Photo: Hayrenik DONO, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

On retrouve dans presque toutes vos œuvres sur Cossonay les maisons et particulièrement les détails linéaires des fenêtres, des portes, des escaliers etc. Comment expliquez-vous cela?

Vous avez tout à fait raison, j’ai peint ces maisons avec beaucoup de détails et aussi beaucoup d’amour et d’affection. Parce que les détails attirent toujours mon attention. A mon avis, les détails sont très importants, car ils sont associés à des images, des idées et ils reflètent l’essentiel de toute matière. Comme l’a dit l’un des visiteurs, je peignais dans mon inconscience, ma propre maison qui se trouve en Syrie, dans ma ville natale de Qamishli. La maison spacieuse où j’ai vécu et travaillé pendant 35 ans et dont chaque détail est resté collé à ma mémoire et ne me quittera jamais.

Vous avez affiché 24 peintures. J’imagine que ce n’est pas une tâche facile. Pourriez-vous nous parler brièvement des difficultés que vous avez rencontrées?

Il y a eu beaucoup de difficultés que je ne veux pas décrire en détail ici parce que j’aurais besoin de trop de temps et que je ne veux surtout pas être pessimiste. Mais je souhaiterais simplement dire que j’étais totalement ignorante de la façon avec laquelle je pouvais commencer mon travail : où trouver les matériaux pour la peinture, à qui demander de l’aide ou un conseil, etc. J’étais complètement aveugle. En fuyant la guerre dans mon pays en 2012, j’ai tout laissé derrière moi : ma douce maison, mon atelier, mes couleurs et mes pinceaux. Tout sauf les souvenirs. Puis, heureusement, un jour, j’ai rencontré M. Juel Bussy qui, étant lui-même un artiste, était intéressé par mon histoire et m’a organisé deux visites à l’atelier de son ami un peintre à Cossonay. C’est là que j’ai à nouveau pris le pinceau pour recommencer à peindre après une séparation de trois ans avec cet art. Après cela, en novembre 2015, un ami m’a présenté à M. Ernesto Ricou, le fondateur de l’Atelier Casa Mundo et le directeur du Musée de l’Immigration à Lausanne. Il a affiché certaines de mes peintures au musée et m’a fourni des matériaux pour la peinture. Il m’a aussi présenté à ses amis du centre. Je voudrais saisir cette occasion pour les remercier tous les deux et aussi remercier l’Association de la Vieille Ville de Cossonay pour son encouragement et son soutien.

Voulez-vous ajouter quelque chose à la fin de cette interview ?

Merci beaucoup et que Dieu bénisse la Suisse !

Merci à vous Madame !

Propos recueillis par :

Hayrenik DONO

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils