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Flash infos #171

Sous la loupe : les changements climatiques provoquent le déracinement de millions d’enfants / Les États membres de l’UE s’accordent sur des règles pour répondre aux crises migratoires / Plus de 260’000 personnes déplacées à Gaza en date du 11 octobre

Nos sources:

Les changements climatiques provoquent le déracinement de millions d’enfants

RTS, le 06.10.2023

 

Les États membres de l’UE s’accordent sur des règles pour répondre aux crises migratoires

France 24 Le 04 Octobre, 2023

 

Attaques du Hamas contre Israël : plus de 120’000 personnes déplacées à Gaza, l’ONU se mobilise

ONU Info, le 9 Octobre 2023 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




Une traversée de l’enfer jusqu’en Suisse

Coast Guard News (CC BY-NC-ND 2.0)

Coast Guard News (CC BY-NC-ND 2.0)

 Le témoignage glaçant d’un Erythréen

Je suis membre de Voix d’Exils. Je viens d’Erythrée

J’étais étudiant au collège et j’avais des bons résultats à l’école. J’avais aussi le rêve de me former dans le domaine de l’électricité. Mais je n’ai pas pu continuer mes études à cause de l’intervention des autorités qui voulaient m’obliger à entrer dans la marine militaire. Je n’avais pas d’autre choix que d’obéir. Donc j’ai décidé de quitter mon pays pour diriger ma vie moi-même.

En juin 2014, moi et mon amie sommes partis pour nous rendre en Ethiopie. A cet instant-là, on avait énormément peur car il y avait des soldats à la frontière. S’ils nous trouvaient, on savait qu’ils allaient nous enfermer en prison pour un temps indéfini. On a donc effectué notre parcours pendant la nuit pour notre sécurité. Pendant la journée, on se cachait dans des endroits peu fréquentés. On a fait comme ça et la troisième nuit, nous sommes arrivés en Ethiopie.

De l’Ethiopie au Soudan

Nous sommes restés deux semaines là-bas, puis on a décidé de partir pour le Soudan. Mais comme ce parcours est dangereux, il fallait donc chercher un passeur car il y a des malfaiteurs pendant ce voyage. On a donc cherché un passeur et on l’a payé 1600 dollars. Il n’a pas travaillé tout seul, il avait des complices avec lui. Alors lui et ses complices sont venus nous chercher en pickup et ont chargé 25 personnes dans la banquette arrière vers minuit. Comme le pickup n’était pas assez grand, on s’est assis les uns sur les autres et on s’est même assis au bord du véhicule. Nous sommes partis dans la nuit sans prendre de route. Nous sommes passés par la forêt et on avait aussi effectué notre parcours en se cachant puisqu’il y avait des malfaiteurs avec des armes qui enlevaient des gens. Quand le pickup ne pouvait pas traverser le chemin ou quand il y avait des rivières, on descendait et on les passait à pieds en s’attachant des jerricanes autour de la taille. Des personnes ont été emportées par le courant et ont disparu. C’était vraiment dangereux. Comme la route qu’on devait suivre était dans la forêt et de nuit, des personnes ont été gravement blessées aux yeux et se sont déchiré le visage. Au bout du huitième jour, nous sommes arrivés au Soudan.

Du Soudan à la Libye

Nous sommes restés deux semaines là-bas. Ensuite, nous avons continué notre parcours en Libye. Nous sommes partis grâce à un passeur Erythréen et on l’a payé 1600 dollars. Nous étions 200 personnes qui sommes parties ensemble en camion et on était chargés les uns sur les autres. Ce n’était pas possible de placer 200 personnes dans ce petit camion dans le désert sans prendre de route. De plus, il y avait trop de soleil et le camion avançait à sa vitesse maximale. On a fait cinq jours dans le Sahara soudanais. On était très fatigués, stressés et on avait aussi terriblement faim et soif par-dessus tout. Beaucoup perdaient connaissance.

Le cinquième jour, des Libyens nous ont accueillis avec six pickups. On était 30 personnes à bord de chaque véhicule. Mais, comme ils n’étaient pas assez grands, ils ont décidé de jeter toutes nos affaires (nourriture, eau habits) en dehors.

C’est le plus mauvais souvenir de ma vie, car huit jours plus tard, sur 200 personnes on était plus que 160. Deux pickups ont eu un accident à cause des chauffeurs drogués qui roulaient trop vite. Ils se sont renversés et des gens ont été écrasés. D’autres sont morts de faim et de soif.

On a vécu deux mois en Libye dans un endroit fermé en ne mangeant qu’une fois par jour, on avait donc vraiment faim. De plus, les Libyens nous traitaient de manière très brutaleme et nous battaient. C’était surtout les femmes qui souffraient le plus, car elles étaient souvent violées. Des personnes étaient aussi enlevées et vendues à d’autres passeurs Libyens. C’était très difficile à tolérer. On a payé 2200 dollars pour traverser la mer méditerranée. Nous avons été chargés sur un bateau en plastique prévu pour 150 personnes alors que nous étions 500.

De la Libye à la Suisse

Le bateau était donc beaucoup trop petit pour le nombre de personnes que nous étions. On était vraiment en danger, mais on n’a rien fait et on est quand même partis. On avait très peur parce qu’on sentait le danger. Après cinq heures de voyage en mer, le bateau a commencé à se déchirer. A cet instant-là, la seule chose qu’on pouvait faire c’était de découper des bouteilles en plastique pour rejeter l’eau en dehors du bateau. On était tous découragés très inquiets et on commençait à couler. Soudain, un bateau italien est venu nous secourir et a remorqué notre bateau. Après sept heures, on a été sauvés et nous sommes enfin arrivés en Italie. Puis, avec mon amie, nous nous sommes rendus en Suisse. On est aujourd’hui rassurés et on habite en sécurité avec notre fils qui est né ici.

B.N.

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Regard d’un kurde Syrien sur son pays

Le Tunisien Bouazizi a allumé l’arc-en-ciel qui a coloré le ciel arabe d’est en ouest. Suite à l’immolation de Bouazizi, alors que les premiers éclats de révolte crépitaient en Tunisie, les dirigeants des autres pays arabes se croyaient encore à l’abri. Mais l’inondation a dépassé les prédictions et les ondes de la liberté se sont propagées pour faire tomber tous les dictateurs.

Un organisateur inattendu a surgi : Facebook. D’une part, Facebook a ouvert un grand champ de bataille médiatique aux personnes favorables au pouvoir en place qui ont accusé l’Ouest de vouloir se mêler des affaires internes des pays arabes. D’autre part, Facebook a offert aux manifestants un champ médiatique pour pouvoir communiquer leurs idées et leurs projets, créant ainsi une vraie organisation révolutionnaire. Pour rappel, à chaque fois, ces révolutions étaient spontanées.

Regard en arrière

En Syrie, deux manifestations ont avorté sous la violence du régime. La première a eu lieu en 2002, elle était organisée par les Kurdes devant le Parlement. la deuxième, en 2003, mettait en scène les enfants Kurdes qui revendiquaient le droit à la nationalité. Il faut savoir que les Kurdes ont perdu leur nationalité lorsqu’ils ont déposé, sur demande du gouvernement syrien, leurs documents d’identité.

En 2004 encore, les Kurdes ont manifesté pacifiquement leur mécontentement dans le nord du pays, lors d’un match de football, au Qameshli. Plusieurs Kurdes ont été violentés par la police pendant le match et ont été tués. Les manifestations ont gagné tout le nord du pays mais, rapidement, le régime a fait taire les Kurdes en déployant son armée et sa propagande pour susciter la haine entre les Kurdes et les Arabes. Le régime de Bashar Al-Assad voulait diviser le peuple, monter les gens les uns contre les autres pour qu’aucune opposition réelle ne puisse s’organiser.

L’histoire se répète

Depuis février 2011, bien que le régime en place était convaincu que le printemps arabe n’arriverait pas en Syrie, bien que beaucoup d’observateurs pensaient que la conscience politique des citoyens syriens n’était pas assez mûre pour que la révolution s’étendent, le peuple syrien s’est levé, et les manifestations se sont étendues du sud au nord.

Dès le début des manifestations, le gouvernement s’est montré mesuré dans ses déclarations, mais sa réponse a été d’une violence extrême. Selon une estimation, il y aurait plus de 10 000 morts et plus de 50’000 détenus, ainsi que plusieurs milliers de disparus, sans compter toute une population qui souffre et sans oublier les personnalités syriennes qui s’opposent au système politique et qui sont brutalisées par les milices d’Al-Assad. Certaines personnes, comme c’est le cas de M. Tammo (qui était le chef d’un parti Kurde) ont même été éliminées.

Le plan du régime

Que fait le régime actuellement? Il régionalise les mouvements, divise les manifestants par ethnies, religions et croyances. Il attise la haine entre les personnes en utilisant tous les moyens à disposition pour créer des conflits entre les communautés. Il prêche que la sécurité de certains groupes est menacée par cette révolution et il prétend aussi que cette révolution est liée aux mouvements salafistes.

Pour confirmer sa théorie, le régime attaque les manifestants dans certaines villes, comme à Deraa, où a commencé la révolution, menée par des enfants ; ou à Homs qui, avec ses diverses ethnies chiites, sunnites, alaouites et chrétiennes, est devenue la capitale de la révolution. Et aussi d’autres villes phares qui se sont révoltées et ont franchi la ligne rouge de la peur, comme à Hama, Idlib, Banyass, Deir ez zorr.

Entretemps, le régime évite d’ouvrir un front contre les Kurdes, sachant qu’il sera perdant. Il se contente de faire des arrestations par-ci par-là et de faire disparaître les victimes dans les cachots de « la République ».

Mais les autorités syriennes ne peuvent pas empêcher la population de déclencher des manifestations dans tout le pays. Actuellement, l’optimisme n’est pas de mise car l’assassinat et la torture sont le quotidien du régime. Si un homme rentre chez lui sain et sauf après une manifestation, on peut le considérer comme un miraculé. Les stades et les écoles sont transformés en camps de détention. Les citoyens se couchent et se réveillent avec la mort, toujours la mort : dans les médias, dans les familles, dans l’air… la mort est partout ! En Syrie, ce n’est pas le 21ème siècle, c’est le retour à l’Âge de pierre, sauf qu’aujourd’hui les combats se font aux lance-roquettes !

La situation humanitaire se dégrade toujours plus et devient précaire. L’État abuse de sa force et envahit les hôpitaux et les services d’urgence afin de tuer les blessés, pensant effacer ainsi les traces de sa répression cruelle et assassine.

Il y a une grave pénurie de produits de premières nécessités, tels que des médicaments pour soigner les blessés, du lait pour les enfants et les bébés, du mazout et du gaz. A cela s’ajoutent les coupures de courant pendant de longues périodes, l’augmentation du prix des denrées alimentaires de première nécessité et les difficultés de déplacements.

Les Syriens aspirent à la liberté, au changement, au besoin d’aller de l’avant. Le peuple est prêt à mourir pour parvenir à réaliser son rêve, car il n’y a aucun sens de continuer à vivre dans ces conditions !

Juan ALA

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils