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Unis dans la « Divercité » !

Une fête incontournable du foyer EVAM de Bex

Le vendredi de 25 août, le foyer de Bex a célébré sa fête annuelle de la Divercité mêlant cultures et convivialité. C’était l’occasion pour la communauté bellerine d’échanger et connaître les personnes migrantes du foyer ainsi que de découvrir leurs cultures et traditions.

Une année qui est passée si vite depuis la fête de l’année dernière. Le foyer de Bex était prêt pour la rencontre et la présentation des diverses cultures qui y cohabitent avec un partage des traditions et plats de différents endroits du monde. Les tentes, les décorations et la scène annonçaient qu’on allait passer de bons moments ensemble.

Parmi les personnes présentes: des représentants et représentantes de la commune, des bénévoles et d’autres invités. Madame Christine Blatti, responsable du foyer de Bex, a ouvert les célébrations avec un discours d’introduction qui contenait notamment un bilan de l’accueil des personnes migrantes dans la commune et des remerciements au corps enseignant pour son travail sans faille. Madame Blatti a également présenté le staff du foyer (vivant sur place, je peux dire qu’ils sont super sympas et qu’ils font du très bon travail, tant l’administration que les professeurs de français). C’était la présidente du conseil communal ou la première citoyenne de la commune, Madame Gaëlle Valterio, qui a salué l’événement au nom de la commune. Puis, la présidente du Groupe d’Appui des Réfugiés de Bex (le GAR), Madame Anne-Catherine Rohrbach, a souligné l’importance de la compréhension, de l’empathie et du soutien des personnes migrantes.

Par la suite, il y a eu des ateliers de peinture pour les enfants, le BiblioBus et d’autres animations dans la cour du foyer. C’était vraiment impressionnant ce que j’ai vu peint et pendu sur les arbres, comme des petits drapeaux : des peintures montrant un bout de leur vie passée et d’où ces jeunes personnes migrantes viennent. Les enfants ne sont évidemment pas épargnés par les traumas et les changements de l’exil.

À la fin, le buffet des cuisines du monde a été la cerise sur le gâteau de la soirée : cuisines afghane, turque, burundaise, ukrainienne et, bien sûr, suisse. Vous sentez… la raclette ? Des plats très différents ont unis la communauté bellerine aux diverses parties du monde.

Elvana Tufa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Pour moi, le fil de l’espoir est rompu… »

Illustration: Kristine Kostava / Voix d’Exils

Le parcours chaotique d’un requérant d’asile algérien en Suisse

Après avoir été victime de nombreuses tentatives de meurtre, de menaces verbales et morales, Rachid Boukhemis, 60 ans, décide de quitter l’Algérie pour retrouver la paix et la sérénité dans un pays démocratique. Ce professeur d’arabe laisse derrière lui sa famille, ses amis et ses biens.

Plein d’espoirs en une vie meilleure lors de son arrivée à Vallorbe, fin 2017, il va rapidement déchanter. Considéré comme cas Dublin pour être passé par la France sur le chemin de l’exil, il recevra une réponse négative à la demande d’asile qu’il a déposée en Suisse. Son rêve s’effondre et vire au cauchemar lorsque, un matin d’été, les forces de police viennent l’arrêter à son domicile pour le renvoyer en France. Il sera brutalisé et brièvement emprisonné avant d’être relâché complètement traumatisé. Rachid Boukhemis est l’un des rédacteurs de Voix d’Exils, à ce titre il a voulu témoigner de son douloureux parcours sur notre site.

« Hébergé dans un premier temps au centre d’enregistrement de Vallorbe, j’ai ensuite été envoyé dans le foyer de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) de Bex, dans le canton de Vaud. Ensuite, j’ai reçu une décision négative de la part du Secrétariat d’État aux migrations et j’ai été transféré au foyer d’aide d’urgence d’Ecublens.

En état de choc

Le 17 août 2018, à cinq heures du matin, alors que j’étais endormi, j’ai entendu une clé tourner dans la serrure. Le gardien du foyer est entré dans la chambre et, en me montrant du doigt, il a dit aux deux policiers qui l’accompagnaient: « C’est celui-là ! ». Je me suis assis sur mon lit en me frottant les yeux.

Un policier m’a demandé de m’habiller et d’emporter avec moi les médicaments que je prenais. J’ai obéi aux ordres. On m’a mis des menottes aux poignets. C’était la première fois que je voyais ces bracelets en fer d’aussi près…

J’ai été emmené au poste de police de Bussigny où j’ai tout d’abord été fouillé et forcé à me déshabiller. C’était la première fois que je me retrouvais complètement nu devant des étrangers.

Puis j’ai été placé en cellule, comme si j’étais un criminel. Je suis resté silencieux, j’étais en état de choc. Après deux heures environ, la porte de ma cellule s’est ouverte et on m’a demandé de monter à l’étage pour prendre mes empreintes digitales.

Suite à cela, j’ai été conduit à l’aéroport de Genève où je devais prendre un avion à destination de Nantes, en France, conformément à la procédure Dublin.

Quand est arrivé le moment d’embarquer, j’ai refusé de monter à bord. Le policier qui m’avait mené à la porte d’embarquement a alors commencé à me frapper jusqu’à ce que mon sang coule. La femme qui nous accompagnait, probablement une employée de l’aéroport, a réagi et a demandé au policier d’arrêter. Le capitaine de l’avion a, quant à lui, fermé la porte de l’avion et a dit qu’il ne m’emmènerait pas dans son vol. Pendant que nous descendions l’escalier qui nous avait menés à la porte d’embarquement, le policier continuait de me frapper.

Prisonnier sans culpabilité

Suite à cela, deux autres policiers m’ont emmené à la prison de Champ-Dollon à Genève. Pour dissimuler les violences commises contre moi, le responsable de la prison m’a demandé de me laver pour enlever les traces de sang. Sentant la fièvre monter, je me trouvais dans un état d’horreur, d’étonnement et de douleur. En réalité, j’étais un prisonnier sans culpabilité.

Vers 14h30, le gardien m’a informé que la prison avait reçu un ordre de libération immédiate. Une fois relâché, j’ai marché à pieds jusqu’à l’hôpital de Nyon où je suis resté jusqu’au matin. J’ai été examiné par un médecin qui a produit un certificat médical dans lequel il a confirmé que je présentais de multiples lésions, hématomes et plaies sur tout le corps. Certificat que j’ai transmis à la rédaction de Voix d’Exils.

De retour à Lausanne, j’ai contacté un avocat. Il m’a dit que le dépôt d’une plainte contre le policier me coûterait au minimum 4’000 francs suisses, et que cela ne me garantissait pas de gagner le procès, car un policier équivaut à deux témoins. J’ai alors décidé d’abandonner l’idée de porter plainte parce que je n’avais pas d’argent.

Je suis à ce jour pleinement conscient des conditions de vie sans espoir qu’endurent les réfugiés et du traitement brutal qui leur est réservé.

Pour moi, désormais, le fil de l’espoir est rompu. »

 

Rachid Boukhamis

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Des aides pour les victimes de violence

Suite au témoignage de notre rédacteur, la rédaction a contacté plusieurs institutions pour savoir auprès de qui et comment les victimes de violences peuvent obtenir une aide.

·  Selon nos interlocuteurs et interlocutrices du Service d’Aide Juridique aux Exilé-e-s (le SAJE) et du Centre Social Protestant (le CSP), la médiatisation et/ou l’ouverture d’une procédure judiciaire sont les principaux chemins que peuvent emprunter les personnes requérantes d’asile si elles se retrouvent dans une situation similaire à celle vécue par Rachid. Par conséquent, les tarifs habituels pratiqués par les avocats s’appliquent et la somme annoncée par notre rédacteur bien qu’élevée est exacte.

·   Les centres LAVI, conformément à la Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions, aident les personnes victimes de violences physiques, sexuelles ou psychiques. Leurs interventions se situant à l’intersection des domaines juridique, psychologique et social. Ces centres proposent un soutien aux victimes ainsi que l’octroi de prestations financières (dont les honoraires d’avocat), en fonction de l’atteinte subie. On peut faire appel à ces centres dans les cantons romands, soit à Genève, Vaud, Fribourg, Valais, Neuchâtel et Jura.

·  Que l’on soit résident ou de passage à Genève, on peut, en cas de différend avec la police cantonale ou les polices municipales, faire appel à l’organe de médiation police (l’OMP). A noter que le recours à la violence physique n’est pas considéré comme un différend. Ainsi, si des violences physiques ont eu lieu, l’OMP invite à dénoncer les faits ou à porter plainte auprès des autorités compétentes.

Jovan Mircetic

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 




Grève des femmes

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Une migrante du Burundi nous raconte son 14 juin

Vendredi 14 juin, le ton de LA journée de la grève est donné à la gare de Bex : une dame d’âge mûr, coiffée et maquillée avec grand soin, vêtue d’une jupe et d’une veste de couleur violette assorties d’une légère écharpe bleuâtre, fait les cent pas sur le quai d’un pas ferme et sûr. Elle est d’une élégance juste époustouflante. A quel rendez-vous matinal peut-elle bien se rendre? Suis-je bête ? A Lausanne of course !!!

Par Marie-Cécile Inarukundo

Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

Groupes de discussion à l’EVAM

A 10h30 j’entre dans le hall des bureaux EVAM près de Vidy où quelques femmes en pleine discussion s’affairent à distribuer les dépliants et les autocollants de la manifestation. Une réunion va avoir lieu dans quelques instants dans le restaurant du rez-de-chaussée. Elles portent des habits aux couleurs du jour.

Autour d’un café, de petits groupes de femmes se forment dans le rire. Cadres et non cadres, bénéficiaires de l’EVAM, elles relèvent à tour-de-rôle les « nœuds-clés » de leur vécu : le « sexisme » des hommes qui se cache parfois sous l’humour ; le poids du vocabulaire ordurier utilisé au quotidien, même par les plus jeunes (comme par exemple le mot « putain ! ») ; le plafond de verre qui relègue les femmes au second plan dans les milieux professionnels ; etc.

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Je suis personnellement interpellée par les paroles d’une des intervenantes qui traduit, à mon avis, le quotidien de la majorité d’entre nous. Elle pointe du doigt « la double journée de la femme », lorsque, aux heures de travail de bureau s’ajoutent une quarantaine d’heures supplémentaires hebdomadaire à s’occuper des tâches ménagères et du soin aux enfants. Pendant que l’homme, lui, sa journée de travail terminée, se prélasse sur le canapé et zappe gentiment entre son portable et la télé, en attendant de se coucher. Et parfois, en criant par-dessus le bruit des enfants qui jouent, lance : « C’est l’heure d’aller au lit ! A l’intention de la femme, bien sûr ! »

Au cœur de l’action

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

En début d’après-midi, départ pour Lausanne, un des lieux de rassemblement. Sur la place Saint-François et dans les rues adjacentes, les jeunes filles, les femmes adultes et les plus âgées sont plutôt détendues et de bonne humeur. Elles sont blanches, bronzées, franchement brunes et même carrément noires. Portent les cheveux longs ou courts, des mèches colorées, le voile… Aujourd’hui, elles ne se croisent pas dans une totale indifférence. Elles se regardent dans les yeux et s’envoient des sourires, des coups d’œil complices, font des commentaires sur le contenu des pancartes, rient ensemble. Il y a beaucoup de bébés aussi et de femmes enceintes.

Dans une moindre mesure, mais présents aussi, on peut voir des hommes venus les soutenir.

« Non à la violence », « Je ne suis pas un objet », « Je ne veux plus rentrer de soirée en flippant », « Fortes, Fières et en Colère » sont quelques-uns des slogans qui expriment le ras-le-bol et qui accompagnent les revendications d’égalité de salaire et de considération au travail. Il y a plein de discours et la foule rose et mauve entonne des chansons.

Les leçons du jour 

Plus les heures passent, plus les femmes arrivent en nombre. Sûrement du travail, pour celles qui n’ont pas pu libérer leur journée. Elles viennent aussi d’autres villes du canton. La gare de Lausanne n’en finit plus de voir passer des grappes de femmes qui vont former un magnifique cortège sillonnant les rues jusqu’au grand rassemblement au « QG » du canton : la Place Saint François.

Dans le train du retour qui me ramène chez moi, je repense à ce que j’ai vécu et découvert dans le courant de cette journée très spéciale. L’anatomie très précise de deux parties très intimes de la femme en 3D et la démonstration de deux bonnes prises d’auto-défense en cas d’agression…

Mais ce qui m’a le plus frappé, c’est que les femmes aient pris leur temps pour préparer cette grève qui s’est déroulée dans la plus parfaite sérénité et qui a réuni entre 40’000 et 60’000 personnes rien qu’à Lausanne. Du jamais vu. Elles ont ainsi assuré le succès de leur entreprise à l’échelle du pays. Mon sentiment est que les destinataires de leurs messages ne devraient pas prendre leurs revendications à la légère. Ne dit-on pas : « ce que femme veut, Dieu le veut » ?

Je souris en repensant au message musclé de la dernière pancarte que j’ai lue juste avant de partir :

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Marie-Cécile Inarukundo

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Photoreportage d’Eddietaz, photographe de Voix d’Exils

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 

La Grève des femmes du 14 juin 2019. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

 




« Nous voulons que justice soit rendue ! »

Photo: Giorgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Les funérailles de Hervé. Photo: Giorgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

L’incompréhension plane toujours autour de la mort tragique du jeune Congolais abattu par la police à Bex

Dimanche 6 novembre, Hervé Bondembe Mandundu a été abattu par la police dans son immeuble à Bex. L’enquête est toujours en cours.

Il était environ 22h10 dans cet immeuble situé près de la gare de Bex dans le canton de Vaud, lorsque le drame s’est produit. Selon le communiqué de presse de la police cantonale vaudoise datant du 7 novembre, un habitant de l’immeuble où résidait Hervé Mandundu a d’abord fait appel à la police car un autre locataire, apparemment troublé, avait enfoncé la porte d’un appartement situé au-dessus de son propre logement. Deux patrouilles de la Police du Chablais se sont dès lors rendues sur place et sont entrées en contact avec le jeune congolais. Ce dernier serait sorti armé d’un couteau de cuisine, courant en direction des policiers dans la cage d’escalier. Après lui avoir fait la sommation de s’arrêter en lui disant « stop police », un caporal de la Police du Chablais a fait usage de son arme de service, tirant à plusieurs reprises en direction de l’agresseur. Blessé, le Congolais a été immédiatement pris en charge par les policiers qui ont fait appel aux services sanitaires.

Photo: Giorgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Les funérailles de Hervé. Photo: Giorgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

L’incompréhension des parents

Selon les parents de ce jeune père de 27 ans, trois coups de feu ont été tirés. L’un atteignant le défunt sous la hanche, l’autre à la cuisse droite et la dernière balle – mortelle – s’est logée dans son cœur. Selon la maman, Nicole Mandundu, Hervé remontait les escaliers pour fuir les policiers et il n’y a jamais eu affaire du couteau puisque « cette arme n’a jamais été retrouvée ». Son petit frère, âgé de 11 ans, explique, quant à lui, que « Hervé a toujours été respectueux envers lui. C’était quelqu’un de sociable et de chrétien. Même s’il était en colère, ça ne justifie pas qu’il soit mort comme ça ». Le papa Willy Mandundu n’a été informé de la mort de son fils que le lendemain à 10 heures. Ne trouvant pas les mots pour qualifier cet acte dramatique, il explique que sa famille souhaite « laisser la place à la justice pour faire toute la lumière sur l’affaire puisque, pour l’heure, il y a plusieurs versions et nous ne savons plus qui croire. »

Photo: Giorgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Les funérailles de Hervé. Photo: Giorgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Une marche pacifique contre le délit de faciès

Samedi 19 novembre 2016, les amis de Hervé, la communauté congolaise, des associations, des mouvements politiques tels que « SolidaritéS Vaud », le collectif « A qui le tour » et d’autres sympathisants ont défilé à Lausanne en répétant des slogans comme « la vie des Noirs compte aussi » – s’inspirant du mouvement noir américain Black Lives Matter – « La justice pour Hervé », ou « La Suisse c’est nous aussi ». Les rues de la capitale vaudoise étaient noire de monde avec un cortège de 600 personnes selon la police et de de 1’000 manifestants d’après les organisateurs.

Yannick Lema, porte-parole du collectif « A qui le tour » qui représente les communautés africaines du canton de Vaud a déclaré que « lors de la préparation de la manifestation, nous avons mis l’accent sur son caractère pacifique et nous accompagnons la famille dans son deuil dans une démarche de paix ». Ce dernier constate aussi « une discrimination ambiante qui règne actuellement dans le pays » et dénonce « un profilage racial qui n’est pas récent ».

Photo: Giorgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Véronique Kelani. Photo: Giorgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Les funérailles de Hervé

L’enterrement a eu lieu le vendredi 25 novembre à 14 heures au cimetière de Montoie à Lausanne. La communauté congolaise était en nombre car la cérémonie a rassemblé près de 300 personnes : hommes, femmes, amis et anonymes pour rendre un dernier hommage à Hervé. On pouvait lire la tristesse qui creusait les visages de la famille et des proches qui s’est déversée lors de la mise en terre du défunt.

Véronique Kelani, la responsable des mamans de la communauté congolaise, nous livre son impression à l’issue de cette journée tragique. « J’ai vu Hervé grandir et ça me fait trop mal au cœur. Dieu va faire quelque chose pour Hervé parce que c’était un garçon calme et gentil. Toute la communauté congolaise dit non, non, non, non, on ne peut pas tirer sur quelqu’un comme ça à bout portant ! Nous voulons que justice soit rendue !»

Niangu Nginamau

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 




Des requérants d’asile expérimentent l’art participatif (2/2)

Sur le comptoir du bar à absinthe de gauche a droite: Donatella, Marie-louise, Hadrien, David, Valentin et Beat

Dans le cadre de Bex & Arts 2011, une exposition époustouflante sur le thème des territoires s’est tenue du 27 juin au 2 juillet dans le grand parc Szilassy. Sous la férule de trois artistes suisses, une dizaine de requérants d’asile venus du foyer de Bex ont créé, en une semaine, des installations originales à partir de matériaux récupérés.

Episode 2/2

Beat Lippert, Donatella Bernardi et Hadrien Dussoix, les trois artistes à l’origine de ce grand workshop, ont invité le blog Voix d’Exils à visiter l’exposition. Ce vendredi 1 juillet, nous la parcourons en compagnie de Marie-Louise Eshiki et Valentin Odera Nkemneme, deux requérants qui ont participé à cette magnifique expérience.

Le recours à des requérants d’asile pour une expérience artistique nous a fortement interpellés et nous voulions connaître l’avis de Beat Lippert. « Avec Donatella, on a expérimenté et développé le concept du workshop participatif en 2007 à Netuno en Italie, précise l’artiste. On l’a appelé « Siamo tutti beati », soit « Nous sommes tous bienheureux ». L’idée était de travailler avec les artistes du lieu et sans budget, car le low-coast est l’une des contraintes de nos workshops. Pour Bex Art 2011, nous avons proposé le même concept aux résidents de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants de Bex. » Martine Gerber, assistante sociale à l’EVAM, et David Burnier, civiliste, éducateur de formation, ainsi que Anne Hildebrandt, étudiante en art et bénévole auprès de Bex & Arts ont également participé à cette expérience inédite.

L’arbre de la vérité imaginé par les requérants

Intitulée L’arbre de la vérité, la première œuvre qui nous est présentée est un pommier. Un long serpent, sorte de saucisson géant fabriqué avec du fil électrique, a été posé sur ses branchages déjà chargés de fruits. Des panneaux en sagex, sur lesquels sont inscrites des phrases poétiques et symboliques, pendent le long des branches. « Nous sommes dans le jardin du Paradis, explique Marie-Louise. On voit le serpent de la Bible qui a trompé Eve. Il lui a demandé de manger la pomme, le fruit interdit de la connaissance du bien et du mal. Pour fabriquer ce serpent, on a ramené plusieurs mètres de câbles électriques qu’on est allés chercher à la déchetterie de Bex.». Donatella confirme : « On n’a rien acheté en fait… Il y avait une montagne de câbles et tant d’autres choses dans cette déchetterie, c’était la caverne d’Ali Baba ! ».

« L’arbre de la vérité », une oeuvre collective

Les panneaux accrochés au pommier sont aussi l’œuvre des requérants, comme le relève Marie-Louise : « On a exprimé toutes les pensées qui nous passaient par la tête. Ensuite on les a écrites sur des panneaux qu’on a accrochés au bout d’un fil sur les branches. Donc ce que vous voyez écrit, c’est nos pensées ». «La nature nous attire parce qu’elle nous procure de l’eau de source », lit-on sur un panneau signé par Marie Louise. « The sky is very high and donkeys cannot fly » (« Le ciel est très haut et les ânes ne peuvent pas voler »), lit-on sur un autre panneau signé Valentin Odera Nkemneme.

Les requérants d’asile ont également peints des motifs décoratifs sur le tapis fabriqué à partir de plaques de cartons récupérées à la déchetterie. « On était assis sur le tapis, à l’ombre du pommier, pour faire tous les travaux. On a eu beaucoup de plaisir à passer toute la semaine à travailler ici au lieu de rester sans rien faire», souligne Marie-Louise.

Un tapis fabriqué à partir de la récupération de déchets

Des œuvres d’artistes confirmés

Poursuivant notre balade dans le parc, nous voyons Sea Level (Niveau de la mer) une installation composée d’une trentaine de piquets de fer hauts d’un mètre et munis de petits haut-parleurs – des plaques rondes en cuivre de 2 mm d’épaisseur et de 5 cm de diamètre environ. Les piquets sont reliés les uns aux autres par des fils. Sea Level, œuvre de Rudy Decelière, ingénieur du son et compositeur sonore, vibre d’une musique répétitive qui caresse les oreilles des visiteurs et s’accorde parfaitement avec les bruits de l’environnement.

« Sea Level ». Auteur: Rudy Decelière

Plus loin, nous découvrons Duplication 6, une oeuvre qui présente la copie conforme des six tombes de la dynastie Hope-de Szilassy, anciennement propriétaire du parc. Ces duplicatas sont placés à coté des originaux, mais hors du périmètre fermé du cimetière familial. Ce dédoublement, qui est l’œuvre de Beat Lippert, souligne l’importance des tombes qui pérennisent les maîtres des lieux. Ces derniers, bien que morts et enterrés, affirment leur présence en continuant de marquer leur territoire.

Duplication 6. Auteur:  Beat Lippert

Ensuite, nous apercevons un drôle debar renversé sur le côté. Symboliquement, ce Twisted stripclub gives shelter from rain (Club de strip retourné protègeant de la pluie), de l’artiste David Renggli, décrit la position inconfortable des migrants qui sont dépourvus d’enracinement au sol. Les requérants ont été autorisés à mettre leur grain de sel en installant sur le bar des chaises et quelques objets. Ce bar, peu conventionnel, a d’ailleurs servi lors de la présentation du workshop aux visiteurs.

« Bar à absinthe ». Auteur: David Renggli

Pour finir notre visite, nous admirons la Casa of happiness (Maison du bonheur) de Meike Dölp et Isabelle Krieg qui se présente sous la forme d’une serre investie par les dessins des requérants qui ont copié les motifs décoratifs du tapis posé sous le pommier.

« Casa of hapiness ». Auteurs: Meike Dölp & Isabelle Krieg

En quittant ce parc magnifique, nous sommes touchés par l’effort déployé par les requérants d’asile dans cette pratique participative et engagée, ce qui démontre leur volonté de s’intégrer dans la société. Leurs mots déposés sur le pommier, qui sont des expressions de leur vie quotidienne et de leur créativité, ne nous laissent pas insensibles et nous ne pouvons que demander à ce que ce genre d’expérience puisse être renouvelée !

Niangu NGINAMAU

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils