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FLASH INFOS #82

Kristine Kostava / Voix d’Exils.

Sous la loupe : Un appel pour l’accueil des artistes migrants à Lausanne / Un blocage affecte le transit migratoire à Briançon / Maltraitance des femmes migrantes en Lituanie

Un appel pour l’accueil des écrivain.e.s et des artistes migrant.e.s à Lausanne

Le Temps, le 25.10.2021

À la fin du mois d’octobre dernier, le réseau International Cities of Refuge Network (Icorn) a envoyé une lettre au syndic de la Ville de Lausanne. Cette sollicitation demande à ce que la ville rejoigne le réseau des « villes refuges » afin d’accueillir trois profils précis de réfugié.e.s politiques : les artistes, les écrivain.e.s et les journalistes. Ce projet vise à préserver leur liberté d’expression ainsi que la visibilité de leurs créations artistiques. Toutefois, l’acceptation de cette proposition pourrait mettre à mal le traitement égalitaire des demandes de personnes migrantes et entraver la neutralité helvétique.

Jessica Fernandez

Contributrice externe à la rédaction de Voix d’Exils

 

Un blocage affecte le transit migratoire à Briançon

infomigrants.net, le 26.10.2021

Les 25 et 26 octobre derniers, entre 150 et 200 personnes exilées ont passé la nuit dans l’église Sainte Catherine de Briançon en raison de la suroccupation du seul lieu d’hébergement de la ville.

La veille, des dizaines de personnes migrantes avaient déjà dormi à même le sol de la gare. La préfecture des Hautes-Alpes, qui reconnaît l’augmentation du nombre de personnes migrantes dans la région, n’a toutefois pas débloqué de places d’hébergement d’urgence.

Selon les associations présentes sur place, le blocage de la situation est également lié à l’impossibilité pour la Croix-Rouge de proposer des tests PCR à ces personnes afin qu’elles puissent poursuivre leur transit. Refuges Solidaires, l’une des associations de la région active dans l’hébergement des personnes issues de la migration, ajoute que les guichets de la gare de Briançon ont été fermés, ce qui empêchait les personnes migrantes d’acheter des titres de transport.

Face à la situation, l’évêque de Gap a demandé au ministre de l’intérieur d’intervenir afin que la Croix-Rouge et le l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) puissent mettre à l’abri les personnes migrantes et pratiquer les tests PCR pour leur permettre de prendre le train.

Chaque hiver, des milliers de personnes migrants tentent d’accéder à d’autres pays d’Europe depuis l’Italie en traversant les Alpes et en risquant ainsi leur vie.

Kristine Kostava ­­

Membre de la rédaction de Voix d’Exils

 

La maltraitance des femmes migrantes en Lituanie

infomigrants.net, le 22.10.2021

Selon le témoignage d’une victime, des centaines de femmes migrantes vivent enfermées et soumises dans des conditions de vie inhumaines dans le nouveau camp de réfugiés de Medininkai en Lituanie. Ces dernières sont logées dans des containers jusqu’à parfois quinze personnes, entravant toute intimité, surtout lors des interventions de policiers hommes qui sont appelés à compter le nombre de femmes migrantes présentes.

Elle ajoute que les toilettes « se bouchent souvent et ne sont pas propres du tout » et que les femmes sont contraintes à partager un seul paquet de serviettes pour cinq. Certaines d’entre elles n’ont pas les habits nécessaires pour passer l’hiver. La nourriture servie est souvent périmée et les rend malades. Un commerçant profite de cette situation en vendant de la nourriture à des prix exorbitants.

A cela s’ajoute le sort incertain pour l’ensemble des personnes migrantes qui doivent attendre longtemps avant l’obtention de l’asile.

Rana Hytem

Contributrice externe à la rédaction de Voix d’Exils

Nous remercions chaleureusement les étudiant.e.s de la Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL) pour leurs contributions à cette édition n°82 du Flash INFOS qui ont été réalisées à l’occasion d’un atelier dispensé par la rédaction vaudoise de Voix d’Exils entre octobre et novembre 2021.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 

 

 

 

 

 

 




S’intégrer par le bénévolat

Notre rédactrice Anahit, avec la petite chienne Théa sur les genoux, en compagnie de Josiane quelle a rencontrée dans le cadre de son activité de bénévole à la ludothèque d’Orbe (VD).

« A la ludothèque d’Orbe j’ai fait la connaissance de personnes qui m’accompagnent dans mon chemin d’intégration »

Anahit a dû quitter l’Arménie dans l’urgence, en laissant derrière elle une partie de sa famille et un pays qu’elle aimait. Arrivée en Suisse en 2012, elle a progressivement surmonté les difficultés liées à l’exil et à l’adaptation à une nouvelle culture. Souhaitant être active dans la vie locale, et donner de son temps à sa ville d’adoption, elle est devenue bénévole à la ludothèque d’Orbe, une commune qui se trouve dans le Canton de Vaud. Une activité enrichissante qui lui a permis d’élargir son horizon.

« C’était l’automne 2012. L’automne le plus triste de ma vie. J’avais laissé derrière moi mes parents, mon travail, ma patrie l’Arménie, mes amis et surtout mes deux garçons de neuf et treize ans. J’étais sûre que ce départ n’était que provisoire, mais la suite a démontré le contraire.

Avec mon mari, on est partis dans l’urgence parce qu’il était en danger. Sur la route de l’exil, je repensais à mes parents, à mes enfants qui étaient si loin et je pleurais de toutes les larmes de mon corps. Il me semblait que ma vie s’était arrêtée. Après quelques jours très difficiles pendant lesquels on a traversé différents pays en avion et en voiture, on est arrivés en Suisse, un pays que je considérais comme un paradis inaccessible…

Au début, on a été accueillis au Centre de Vallorbe, dans le canton de Vaud, où on a déposé notre demande d’asile. Pour moi, ce nouveau monde était incompréhensible et étrange. Je pleurais sans arrêt, c’était plus fort que moi. Je me sentais impuissante et j’avais envie de crier très fort. C’était d’autant plus difficile que, jusqu’à notre départ d’Arménie, mon mari et moi on n’avait jamais rien demandé à personne, on avait les deux un travail et de bons salaires. C’est vrai aussi que le bâtiment de Vallorbe ressemble à une prison, mais je dois dire qu’on a été reçus avec bienveillance et professionnalisme par le personnel qui s’occupe du Centre.

Lors de ce séjour, je me suis dit que j’avais une dette envers la Suisse et je me suis promis de la rembourser en travaillant un jour gratuitement.

Je surmonte ma timidité et je postule

Neuf mois après notre arrivée en Suisse, nos enfants nous ont rejoins à Orbe, petite ville du canton de Vaud, où nous avions emménagé entre-temps. Petit à petit, on a surmonté les difficultés que rencontrent beaucoup de personnes en procédure d’asile: apprendre à vivre loin de sa patrie et de ses proches, apprendre une nouvelle langue, trouver un apprentissage pour les garçons, ce qui était très difficile car nous ne connaissions pas bien les usages et la manière de faire en Suisse. Chaque fois qu’après un stage, l’un de nos fils recevait une réponse négative, mon mari et moi on se sentait coupables de ne pas pouvoir aider nos enfants, coupables de les avoir coupés de leurs racines. Heureusement, on a été aidés et nos fils ont maintenant trouvé un apprentissage.

Un jour, à fin 2015, j’ai lu sur un flyer collé sur la porte de notre immeuble, que la ludothèque d’Orbe cherchait un bénévole. Le mot bénévole a tout de suite attiré mon attention, et m’a rappelé que je n’avais pas tenu la promesse que je m’étais faite lors de mon séjour à Vallorbe. J’ai pris une photo de l’annonce et j’ai dit à mon mari que j’allais postuler. J’étais très intéressée parce que, en Arménie, j’étais enseignante et cette activité dans une ludothèque me permettrait d’avoir à nouveau des contacts avec les enfants. Mon mari était moins enthousiaste, il pensait que ce serait trop difficile pour moi parce que je ne parlais pas suffisamment bien le français.

J’ai quand même appelé le secrétariat… Et j’ai obtenu un rendez-vous pour le lendemain. J’étais très tendue et agitée, mais l’entretien s’est bien passé et j’ai été engagée. Le lendemain de ce premier entretien, j’ai fait la connaissance des onze autres membres du personnel. Ils ont tous été très gentils avec moi. Sachant que j’étais arménienne, ils m’ont parlé de Charles Aznavour, le chanteur français d’origine arménienne, et ont évoqué le génocide arménien. L’un d’eux s’était déjà rendu en Arménie et il avait beaucoup apprécié ce voyage. Il m’a proposé son aide, si j’en avais le besoin. Cette conversation m’a donné beaucoup de force. Dans le groupe, il y avait une bénévole avec une veste rouge, nommée Josiane, qui me regardait attentivement. Je n’imaginais pas à ce moment-là qu’un jour elle serait comme une marraine pour ma famille.

Je fais du « dog sitting »

J’ai commencé à travailler à la ludothèque d’Orbe. Je vérifiais que les jeux et les jouets qui étaient ramenés par les enfants étaient complets et en bon état. J’ai trouvé que cette idée de proposer des jeux et des jouets en prêt comme on le fait pour les livres dans les bibliothèques était excellente et je me suis aussitôt demandé pourquoi il n’y avait rien de tel en Arménie ? Quand on est exilé, on compare tout le temps ce qui se fait ici et ce qui se fait dans son pays d’origine !

Au début, je parlais très peu. J’avais peur de faire des erreurs et, quand on me posait une question, j’étais confuse, je rougissais et ma voix était à peine audible. Au début des vacances d’été, on s’est réunis pour nettoyer les jouets, les trier et les remettre en état. Josiane cherchait une personne de confiance à qui laisser sa petite chienne Théa, car elle ne voulait pas la mettre en pension. J’ai surmonté ma timidité pour lui dire que je l’accueillais volontiers chez moi. Je savais que mes fils en seraient très heureux car ils rêvaient d’avoir à nouveau un chien. Cette perspective m’a ramenée en Arménie, dans notre maison qui était gardée par une femelle berger allemand nommée « Jessi » et j’ai ressenti une grande bouffée de nostalgie.

Mes enfants étaient très contents à l’idée d’accueillir une petite shih tzu, mais mon mari un peu moins, il était inquiet : « C’est une grosse responsabilité ! Tu feras quoi si le chien tombe malade, s’il ne mange pas, s’il a l’ennui de sa maîtresse ? » Finalement, Théa est restée chez nous une semaine et tout s’est bien passé. Pour moi, cet épisode a été le début d’une belle amitié avec Josiane.

« Je me réjouis de pouvoir voter un jour »

Mon activité à la ludothèque d’Orbe est une expérience très enrichissante : elle m’a permis de rembourser ma dette vis-à-vis de la Suisse qui nous a accueillis ma famille et moi, j’ai aussi beaucoup progressé en français et suis devenue moins timide, j’ai une occupation à moi maintenant que mes enfants sont grands et j’ai le sentiment d’être utile. J’ai aussi fait la connaissance de personnes intéressantes et généreuses qui m’aident et m’accompagnent dans mon chemin d’intégration.

Depuis 4 ans, Arman, mon mari, est aussi bénévole dans la ludothèque. Il s’occupe de beaucoup de choses différentes : vérifier les jouets, dresser le stand de présentation lors du marché de Noël, préparer des salles pour accueillir une fête ou des événements particuliers, accompagner les enfants lors du passeport vacances… Maintenant, ce qui me ferait plaisir c’est que Arman trouve du travail. Et, à titre personnel, je me réjouis d’avoir un jour le droit de voter.

Je reste positive, comme le dit un dicton populaire : « Après la pluie vient le beau temps ! »

Anahit

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Aider les réfugiés bloqués dans les camps grecs

 

Bo (casquette sur la tête) et son équipe animent un atelier de cuisine dans le camp de réfugiés de Serrès.

Une idée généreuse qui se termine en queue de poisson

Début 2020, une poignée d’amis alémaniques aménagent et chargent un camion avant de mettre le cap sur la Grèce. Leur objectif est triple : venir en aide aux réfugiés coincés dans des camps insalubres en montant à leur intention une cuisine collective, leur projeter des films et coproduire avec eux un documentaire sur la base des documents conservés dans leurs téléphones portables. Mais sur place, rien ne se passera comme prévu. Les chicanes administratives grecques, les répressions policières et finalement l’épidémie de Covid-19 ne laisseront d’autre choix à l’équipe de bénévoles, pourtant ultra motivés, que de rentrer à la maison.

L’idée va germer en été 2019. Bo, trentenaire zurichois, rencontre de jeunes Allemands qui ont décidé de se rendre au camp de requérants d’asile situé sur l’île grecque de Lesbos. Dans leurs bagages, ils vont emporter un cinéma mobile, le « Rolling Cinema », destiné à distraire les migrants, ces hommes, femmes et enfants qui vivent dans un environnement précaire, pauvre en stimulations culturelles et sociales. En collaborant avec les organisations locales, ils vont également projeter sous une grande tente des films tous publics sans paroles et sans limite d’âge. En parallèle, s’inspirant des actions menées à travers le monde par l’association « Cuisine sans frontières », ils veulent aussi mettre sur pied une cuisine destinée aux réfugiés où tous pourront mettre la main à la pâte pour préparer des repas et les partager en toute convivialité.

Venir en aide à des migrants en détresse, en nourrissant les corps et les esprits… Les promesses du projet allemand séduisent Bo. Il connaît déjà la misère des camps grecs pour y avoir travaillé comme bénévole en 2016. Il va y retourner. Aidé par des amis, il organise une grande fête dans un squat zurichois et récolte les fonds nécessaires pour financer l’opération.

Le 2 février, un camion chargé d’une cuisine, de matériel de projection et d’habits de seconde main part de Zurich à destination de la Grèce. Débordant d’énergie et d’enthousiasme, les trois garçons et les deux filles qui ont pris la route vont très vite déchanter comme le raconte Bo.

Bo et ses 4 acolytes déchargent les habits et les souliers destinés aux migrants.

« J’étais en Grèce en 2016. A l’époque, le problème des réfugiés – qui vivaient déjà une situation très difficile -, était largement médiatisé. Les humanitaires avaient une plus grande marge de manœuvre qu’aujourd’hui. Mon projet, en 2020, était d’emmener avec moi d’autres personnes pour voir ce qui avait changé et rapporter des informations sur ce qui se passait dans les camps de réfugiés. Outre le cinéma et la cuisine, on pensait coproduire un documentaire avec les réfugiés en se basant sur ce qu’ils avaient eux-mêmes filmé et conservé dans leurs téléphones portables.

En chemin vers la Grèce, on a appris que certaines ONG avaient loué des terrains sur l’île de Lesbos. Elles acceptaient de nous accueillir tout en nous avertissant que la situation avait beaucoup changé depuis 2016 et qu’on aurait des ennuis avec les autorités. On a alors réalisé que ce serait très difficile de réaliser notre projet car le gouvernement grec mettait beaucoup de pression sur les bénévoles qui venaient pour aider les réfugiés. Malgré ces informations inquiétantes, on a décidé de continuer la route. On verrait une fois sur place qu’elle est notre marge de manœuvre, quitte à réduire la voilure si nécessaire.

Comme première étape, on a choisi la ville de Ioannina, proche de la frontière albanaise, qui accueille un camp de réfugiés. Une ONG allemande avait loué un terrain juste à côté et construit une cuisine qui leur était destinée. Elle leur proposait aussi des ateliers de création sur bois et sur métal.

Après avoir pris connaissance du travail effectué par les Allemands à Ioannina, on est partis à Thessalonique, ville portuaire du nord-est de la Grèce. On y a passé une semaine à chercher un moyen pour se rendre sur les îles. Toutes les personnes consultées nous ont déconseillé de le faire et nous ont prédit beaucoup d’ennuis. On est alors partis plus au nord, à destination de la ville de Serrès dans laquelle il y avait un camp de 1200 réfugiés Yézidis. On a pu y installer une cuisine et un cinéma, mais pour le reste, on n’avait pas la liberté d’aller où on voulait. On devait toujours s’en remettre aux ONG locales pour bénéficier de leur protection. Notre séjour à Serrès a marqué un tournant dans notre périple. En peu de temps, la situation s’est tendue : la Turquie menaçait d’ouvrir ses frontières pour laisser passer les migrants, la pression exercée par la police grecque sur les camps s’est encore accentuée et des groupes de droite ont exigé le refoulement des réfugiés. Et par là-dessus est venu s’ajouter la pandémie du coronavirus !

L’équipe de bénévoles alémaniques est chaleureusement accueillie par les requérants du camp de Serrès.

Avec un des gars du groupe, on a décidé de nous rendre sur l’île de Samos, proche des côtes turques, qui abrite un camp de 8000 réfugiés. Pour éviter d’être repérés par la police, on a laissé le camion à Serrès et loué une voiture de tourisme en emportant juste nos affaires personnelles. Dans les îles, si tu arrives avec de la nourriture ou des vêtements ou quelque chose susceptible d’être transmis aux réfugiés, tu es considéré comme une ONG et tu dois payer des taxes. Si tu n’es pas une ONG enregistrée, et que tu te fais attraper, ils prennent ta voiture et tu paies une grosse somme pour pouvoir la récupérer.

Notre plan était d’aller Samos pour discuter avec les réfugiés et rapporter des informations sur la situation dans l’île. Mais cela s’est avéré très difficile parce que la situation était catastrophique. Dès notre arrivée, la police a fouillé la voiture et nous a demandé de nous déshabiller pour voir si on cachait quelque chose… On a été relâchés, mais pendant tout notre séjour sur l’île, on s’est sentis surveillés.

La situation à Samos était complètement folle. Il faut savoir que l’île compte 7000 habitants et 8000 réfugiés parqués dans un camp prévu pour 680 personnes ! On a constaté qu’un quart des maisons étaient vides, qu’il n’y avait plus de touristes et que l’économie était en panne. Les réfugiés n’avaient pour ainsi dire aucun accès aux soins médicaux, n’avaient pas d’eau courante, pas de lumière ni d’électricité. Le camp et ses alentours étaient boueux et beaucoup de réfugiés étaient malades. Certains étaient là depuis longtemps, comme cet Afghan qui y vivotait depuis deux ans et demi sans aucun revenu, dans une petite tente au-dessus du camp. Les réfugiés n’avaient d’autre solution que d’abattre de vieux oliviers pour avoir du combustible. La situation était bien pire qu’en 2016, lors de mon premier passage. Il y avait notamment moins de bénévoles parce que leur action était mal vue par les autorités.

Une autre chose qui m’a frappé lors de ce second voyage, c’est l’état d’esprit des résidents de l’île. En 2016, on avait reçu beaucoup d’aide et de soutien de la part des Grecs, mais cette fois-ci, ça n’a pas été le cas, il y avait trop de tensions. En plus de la surpopulation dans le camp de réfugiés, un autre thème faisait polémique. Le précédent gouvernement avait prévu de construire un nouveau camp à côté de l’actuel, mais le nouveau gouvernement avait décidé de construire une prison destinée à enfermer les migrants arrivants avant de les expulser. Pour ce faire, il avait réquisitionné des terres appartenant à des fermiers locaux. Résultats, les résidents de l’île étaient vent debout contre ce projet. A gauche comme à droite, quel que soit leur bord politique, tous voulaient empêcher la construction de cette prison. Des policiers envoyés par l’État étaient venus mater cette révolte. Ils avaient matraqué les contestataires et écrasé les véhicules de ceux qui bloquaient le chemin censé mener à la future prison. La situation était chaotique dans tout Samos.

A Samos, un grand bidonville de tentes en plastique héberge les migrants.

Les violences se sont enchaînées, celles du gouvernement grec contre les résidents de l’île, les violences des résidents de l’île contre les réfugiés et les ONG, ainsi que les violences des réfugiés entre eux, en raison de la forte pression due au manque de nourriture, d’eau, de soins, d’espace… Le 29 février, la Turquie a mis ses menaces à exécution et a ouvert ses frontières vers l’Europe. Des milliers de réfugiés sont alors entrés en Grèce.

Dans cette période de folie, le Covid-19 est devenu une pandémie, ce qui a encore aggravé la situation. Or, dans tous les camps que nous avons visités, les réfugiés n’avaient aucun moyen de se protéger du coronavirus. A Samos, par exemple, il y avait seulement un médecin pour 8000 personnes et ce médecin ne faisait rien d’autre que de séparer les malades en disant : « Oui, vous pouvez aller à l’hôpital… » ou : « Non, vous ne pouvez pas aller à l’hôpital… » Il y avait bien des pharmacies où il était possible d’obtenir des médicaments même sans ordonnance, mais à quoi bon puisque les réfugiés n’avaient pas d’argent ?

Entre les pressions policières, le chaos local et l’arrivée du Covid-19, on n’avait plus d’autre choix que de rentrer à la maison.

Dans toute cette folie et cette noirceur, je garde le souvenir lumineux de cet Afghan qui avait construit une école sur une colline de Samos pour enseigner l’anglais aux réfugiés enfermés dans le camp. Il organisait des cours et avait demandé à d’autres réfugiés qui parlaient aussi l’anglais de lui donner un coup de main. Cette volonté d’aller de l’avant malgré une situation catastrophique m’a beaucoup impressionné. »

Propos recueillis par Damon

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




« Créons du lien entre nous ! »

Association Be Home. Auteur: la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Neuchâtel – BE-HÔME est une nouvelle association dédiée à la création de liens entre migrants et autochtones

BE-HÔME est une association qui a pour but de mettre en contact des personnes migrantes avec des Neuchâteloises et Neuchâtelois. Rencontre avec Mathilde, Co-présidente et fondatrice de l’association.

Quand avez-vous commencé ce projet BE-HÔME (qui signifie en anglais: être à la maison) et comment avez-vous trouvé cette idée ?

On a commencé à se former en association en juin 2018. L’idée m’est venue car j’ai fait partie d’une association qui s’appelle PAIRES et qui a le même but ; créer des binômes (BE-HÔME, nom de notre association) entre des personnes réfugiées ou requérantes d’asile et des personnes qui habitent en Suisse depuis plus longtemps et je savais qu’à Neuchâtel il n’y avait pas encore vraiment d’association qui faisait ça je me suis dit ce serait chouette des développer ça a Neuchâtel.

Pourquoi faites-vous cela ?

Avec des amis on a remarqué que c’est très difficile de rencontrer des personnes issues de la migration, et pour les réfugiés ou les requérants d’asile, c’est également très dur de rencontrer des Suisses. C’est compliqué de se rencontrer parce que le système fait en sorte de nous isoler. A cela s’ajoute qu’on ne parle pas la même langue, qu’on n’a pas les mêmes habitudes, qu’on ne fréquente pas les mêmes endroits et qu’on reste entre nous.

On s’est demandé comme faire pour tisser des liens entre les gens parce qu’on trouve important de créer des liens d’amitié entre des personnes qui viennent d’ailleurs pour arrêter les discours de rejet ou de haine.

Montrer qu’on peut être amis peu importe d’où l’on vient.

On peut aussi apporter un peu d’aide pour le français, pour les démarches administratives qui sont bien compliquées en Suisse. Montrer notre soutien, créer de la solidarité, ne pas être indifférents.

Qu’avez-vous fait de concret ?

On est en lien aussi avec le Service des Migrations de Neuchâtel (SMIG) le Centre Social Protestant (CSP) et Caritas. On a écrit une brochure pour aider les personnes bénévoles à mieux conseiller les requérants.

On a créé des binômes avec des personnes qui sont Suisses, qui habitent en Suisse depuis longtemps, qui étudient en Suisse, qui parlent très bien le français et des personnes qui viennent d’arriver en Suisse. On les fait se rencontrer et après ils décident s’ils veulent se revoir, s’ils veulent faire des activités, c’est eux qui se débrouillent.

On est des « facilitateurs » de rencontres.

On a organisé, en décembre 2018, une soirée pour tout le monde, pour les binômes, pour les gens qui se sont rencontrés par ce biais. Une soirée pour échanger et aussi pour des personnes qui ne connaissent pas ce concept de pouvoir le découvrir. On aimerait faire plus d’activités en commun !

Que voulez-vous faire dans le futur ?

Continuer à créer des rencontres, organiser des événements de toutes sortes, des soirées cinéma, un match de foot etc. Continuer à créer du lien entre nous tous.

Propos recueillis par:

Muslim Sabah Muhammad Faraj

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Informations

Contacts de l’association BE-HÔME :

site internet: be-home.ch

Facebook : Be-Hôme

C’est avec plaisir qu’elle vous accueille !

 




« J’avais envie de documenter le travail de gens ordinaires qui font des choses extraordinaires »

Jean-Pierre Vicario à l'antenne de Radio Django. Photo: rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Jean-Pierre Vicario (à droite) à l’antenne de Radio Django. Au gauche, Lamine Sanha (rédaction Voix d’Exils). A la technique Mike (Voix d’Exils). Photo: Giorgi, rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Interview du photographe romand Jean-Pierre Vicario à propos de son engagement bénévole sur l’île grecque de Chios

Le photographe Jean-Pierre Vicario s’est rendu sur l’île grecque de Chios le printemps dernier pour s’engager auprès des bénévoles qui secourent les migrants arrivant sur les côtes de l’île. Chios est d’ailleurs connue pour être un lieu de passage important des migrants qui franchissent la Méditerranée pour se rendre en Europe. Jean-Pierre Vicario a documenté son engagement en prenant des clichés de bénévoles et de migrants. Son travail est actuellement exposé à la Galerie V60 à Genève jusqu’au 30 juin.

Voix d’Exils a réalisé une interview de Jean-Pierre Vicario sur les ondes de Radio Django pour recueillir son vécu.

Pour écouter l’interview cliquez ici

Lamine Sanha

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Photo: Jean-Pierre Vicario

Photo: Jean-Pierre Vicario

Conférence ce soir – mercredi 28 juin à 20h – de Jean-Pierre Vicario

« 15 jours avec le Chios Eastern Shore Response Team (CESRT) » (flyer ici)

Galerie V60, Rue des Vollandes 60, 1207 Genève

Entrée libre (sur inscription par e-mail : cc@elise.ch)