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« Le bénévolat permet d’utiliser ses compétences et d’en acquérir de nouvelles »

Ed Yourdon (CC BY-NC-SA 2.0)

Ed Yourdon
(CC BY-NC-SA 2.0)

Arrivé en Suisse en 2001, Ewal, originaire de la République Démocratique du Congo (RDC), a déjà un âge respectable : 64 ans, ce qui lui complique la tâche pour trouver un emploi. Afin d’éviter de sombrer dans la solitude et l’oisiveté, il décide de s’investir bénévolement dans plusieurs associations. Aujourd’hui, détenteur d’un permis B, Ewal nous explique les bienfaits du bénévolat.

Voix d’Exils: quel métier exerciez-vous dans votre pays ?

Ewal: J’avais une forte envie de devenir un scientifique. C’est un projet qui sommeillait en moi. A la fin de mes études, en sciences naturelles (biologie) à l’Université Lovanium de Kinshasa, actuelle Université de Kinshasa, j’ai travaillé pendant une courte durée comme chercheur, tout en préparant un diplôme en hautes études en gestion d’entreprises. Comme dans des pays comme le miens la recherche ne paie pas, j’ai abandonné ce secteur d’activité pour intégrer un projet dans le domaine de la formation professionnelle pour adultes qui bénéficiait de l’appui d’experts suisses et français dans le cadre de la coopération entre le Bureau International du Travail (BIT) et le gouvernement congolais. J’y ai évolué pendant deux décennies dans plusieurs fonctions, notamment celles de chef du service d’organisation de la formation et du travail et celle de responsable des ressources humaines. En même temps, le soir, j’étais professeur dans le cadre de la formation continue.

Quels types d’activités faites-vous en tant que bénévole?

Actuellement, je suis engagé dans des activités bénévoles au sein de la Croix Rouge vaudoise pour venir en aide aux personnes âgées. Comme membre du comité de gestion, je participe à la vérification des comptes de la paroisse de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) de Curtilles-Lucens. En ma qualité de président de l’Association des Amis de SOLIDEV, basée en Suisse, je sers de relais entre celle-ci et l’ONG SOLIDEV qui œuvre en RDC dans les domaines de la formation et de l’éducation. Depuis juillet 2012, le SOLIDEV gère, à Kinshasa, un centre médical pour fournir des soins de base à la population locale. Je suis également membre d’un chœur mixte, ce qui me permet de rester en contact avec la population locale. Au sein d’une association, je dispense des cours de français aux migrants, adolescents ou adultes en quête d’emplois ou de formation, habitant Lausanne et ses environs.

Racontez-nous vos débuts de bénévole et ce qui vous a donné l’envie de vous investir bénévolement ?

Le marché du travail est pratiquement inaccessible aux étrangers et aux Suisses à l’âge de la retraite. A mon arrivée en Suisse, en 2001, je faisais déjà partie de cette catégorie et il était déjà illusoire pour moi de trouver un emploi. Je ne pouvais pas sombrer dans l’oisiveté et la solitude. Je voulais aussi faire bénéficier de mon expérience acquise en RDC aux autres requérants d’asile dans le besoin, créer et étendre les liens sociaux utiles à mon intégration dans le pays d’accueil et découvrir la culture des autres. Ce sont là quelques raisons bien significatives qui m’avaient poussé à me lancer dans le bénévolat. Porté par l’amitié avec les autres membres de l’Evam, les circonstances m’ont conduit à m’investir dans des programmes d’occupation dans le cadre desquels je fournissais des prestations telles que l’enseignement et l’encadrement des mineurs.

Cela représente-il beaucoup de temps ?

Oui, de 2002 à ce jour, ce parcours représente : 8 ans et demi environ à l’Evam, 10 ans à la Croix-Rouge vaudoise, 12 ans de chant comme choriste, 4 ans d’enseignement du français au Forum des étrangères et des étrangers de Lausanne (FEEL), 7 ans comme membre du comité de gestion de la paroisse, 6 ans environ comme aide de cuisine à Cabès. Tout ce que je viens de citer représente beaucoup de temps.

Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour servir comme bénévole ?

Une personne qui accepte d’œuvrer comme bénévole devrait faire preuve de droiture dans les actes qu’elle pose, d’intégrité, de gentillesse, d’humilité, de bonne humeur, de sérieux, de ponctualité, d’ouverture, de capacité à s’intégrer et d’une grande civilité.

Quelle est la place du bénévole au sein d’une équipe ?

Une personne bénévole au sein d’une équipe devrait être solidaire avec les autres membres. Elle devrait les aider à s’insérer dans l’équipe et à connaître son fonctionnement.

Que vous a apporté et vous apporte encore le bénévolat ?

De la satisfaction morale et une expérience enrichissante. L’activité bénévole est très valorisante. Cependant, dans cette civilisation matérialiste, le bénévolat pourrait procurer de grosses frustrations car on n’y gagne rien sur le plan financier. Il faut donc faire très attention !

Quels sont les côtés moins agréables, moins sympathiques?

Il arrive parfois que la personne qu’on voudrait aider refuse l’aide ou adopte une attitude bizarre au vu de la couleur de la peau du bénévole.

Recommanderiez-vous le bénévolat aux requérants d’asile?

Bien sûr que oui. Il permet à la fois d’exploiter les compétences antérieures et d’en acquérir de nouvelles. Malgré son côté parfois désagréable, les expériences acquises dans ce cadre sont placées sur un pied d’égalité avec les activités professionnelles. Ce serait bien de minimiser le côté moins sympathique et de savoir « faire avec », car l’ activité bénévole devrait être considérée aussi dans le sens d’une reconnaissance envers le pays d’accueil.

Peut-on être bénévole à tout âge ? Si oui, à quelle condition ?

Comme dans toute activité humaine, la santé joue un rôle important. Si la santé le permet et si l’on a envie de continuer à le faire, il faut continuer, sinon il faut s’arrêter.

Propos receuillis par:

Timaj

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Contact

Pour tout renseignement ou pour trouver une activité bénévole dans le canton de Vaud, veuillez prendre contact avec Bénévolat Vaud, centre de compétences pour la vie associative

Bénévolat-Vaud

Av. Ruchonnet 1

1003 Lausanne

Tél. 021 313 24 00

Ouvert du lundi au vendredi, de 9h00 à 13h30



«Le bénévolat m’a permis d’obtenir une bourse pour suivre la formation d’Auxiliaire de santé de la Croix-Rouge»

Auteur: PR, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Auteur: PR, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Faute de pouvoir travailler, Timaj, jeune Ethiopienne de 32 ans à l’aide d’urgence, a décidé de s’investir dans le bénévolat. Depuis trois ans, elle offre son aide, sa patience et son sourire pour alléger le quotidien de personnes âgées et handicapées. Si, au bout du compte, son porte-monnaie est toujours aussi léger, Timaj ne regrette rien, car ses activités de bénévole constituent autant d’occasions pour faire des rencontres, se former, pratiquer cette langue ardue qu’est le français et pour mieux comprendre les codes et les usages en vigueur dans la culture suisse. Interview.

Voix d’Exils : Timaj, raconte-nous tes débuts de bénévole…

Timaj : Je suis arrivée en Suisse en 2009 et j’ai posé une demande d’asile. J’ai été déboutée début 2011. Je ne pouvais donc ni travailler ni suivre une formation. Alors je suis devenue bénévole à l’hôpital d’Orbe et à la Fondation Pro-XY, qui organise une aide à domicile pour les personnes âgées.

En quoi consiste le bénévolat en milieu hospitalier ?

J’ai été bénévole à l’hôpital d’Orbe, de septembre 2011 à juillet 2014. Je participais aux activités d’animation destinées aux résidents et aux personnes qui passent la journée au CAT, le Centre d’Accueil Temporaire. Je travaillais les mardis après-midi en binôme avec une animatrice professionnelle pour donner les cours de gymnastique douce. Et puis je servais le repas de midi, j’aidais les personnes à manger et à couper la nourriture quand c’était nécessaire.

Cela représentait beaucoup de temps?

Je travaillais deux fois trois heures par semaine, une fois l’après-midi et une fois le matin.

Et chez Pro-XY ?

Chez Pro-XY, je m’occupe depuis 2011 de Janine, qui a 88 ans. Je vais chez elle une fois par semaine, le samedi. J’arrive à 11:00, je l’accompagne faire les commissions, puis je l’aide à préparer le repas et nous mangeons ensemble. Quand elle fait la sieste, je range la cuisine, et ensuite on va faire une promenade en ville d’Yverdon. Une fois, on a pris le bateau pour aller jusqu’à Neuchâtel.

Selon toi, quelles sont les qualités nécessaires pour être bénévole ?

Il faut avoir l’envie de donner du temps, d’aider les gens qui sont en difficulté, qui sont seules. Il faut aussi être motivé car il y a des difficultés qui sont dues à la différence de langue et aux différences socio-culturelles. Plusieurs fois j’ai commencé la séance de gymnastique douce alors que l’animatrice n’était pas encore là, et je n’arrivais pas à bien le faire car je suis timide, je ne me sens pas à l’aise quand je dois me mettre en avant. C’est dans ma culture…

Quelle est la place du bénévole au sein d’une équipe soignante ?

Les infirmières, les aides-soignantes et les animatrices sont très occupées : elles doivent aider les personnes âgées à descendre à la salle à manger et les installer pour le repas, les aider à manger, débarrasser la table et les remonter dans leur chambre pour la sieste. C’est beaucoup de travail! Donc, pour les personnes âgées et pour le personnel soignant, c’est précieux de bénéficier de l’aide des bénévoles.

Que t’a apporté et t’apporte encore le bénévolat?

Tout d’abord, j’apprécie de pouvoir communiquer avec les gens d’ici, d’avoir des contacts, de progresser dans mon apprentissage de la langue française. Ensuite, je ressens une grande satisfaction de pouvoir être utile aux autres. J’étais la seule Africaine dans l’équipe à l’hôpital mais les gens m’ont bien acceptée. J’ai aussi beaucoup apprécié les réunions avec les responsables de l’hôpital une fois par année. Cela me permettait de partager l’expérience des professionnels. J’étais aussi invitée au souper annuel du regroupement des hôpitaux vaudois.

Ces expériences t’ont-elles permis de progresser sur un plan professionnel ?

Oui, être bénévole m’a permis de suivre différentes formations proposées par l’association faîtière Bénévolat-Vaud, comme par exemple «L’introduction à l’engagement bénévole», «L’accompagnement en fin de vie», «Les Premiers secours». Le bénévolat m’a apporté une expérience de travail, et m’a permis d’obtenir une bourse de la Fondation Envol pour payer le cours d’Auxiliaire de santé de la Croix-Rouge. J’ai obtenu le certificat fin 2013.

Quels sont les côtés moins sympathiques?

Une fois que tu n’es plus bénévole, tu perds le contact avec les personnes que tu as côtoyées. En juillet 2014, je suis devenue rédactrice à Voix d’Exils et j’ai arrêté le bénévolat à l’hôpital d’Orbe. Comme je ne vais plus à l’hôpital, je ne vois plus mes anciens collègues ni les personnes âgées dont je me suis occupées.

Recommanderais-tu le bénévolat aux requérants d’asile?

Oui! Cela permet de communiquer avec les gens, de s’intégrer, de développer la langue et d’entrer dans le système. Et l’intégration, ça compte pour obtenir l’asile! Même si le bénévole ne reçoit pas de salaire, il peut vivre une expérience professionnelle et humaine très riche. Il n’y a pas que dans les soins… On peut faire du bénévolat dans beaucoup de domaines différents. En tant que requérant, on arrive en Suisse les poches vides, il faut les remplir avec de nouvelles expériences !

Propos recueillis par

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils