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FLASH INFOS #155

Sous la loupe : UE : accord des pays membres sur une réforme d’asile / Les renvois par vols spéciaux presque vides scandalisent / Japon : une nouvelle loi risque de mener des centaines d’expulsions de réfugiés

Nos sources

UE : accord des pays membres sur une réforme du système d’asile

Europe News, le 08 Juin 2023

Moins de cinq personnes par avion : les renvois par vols spéciaux presque vide scandalisent

RTS info, le 11 Juin 2023

Japon : une nouvelle loi risque de mener à des centaines d’expulsions de réfugiés

rfi.fr, le 7 Juin 2023




Des rêves de footballeur aux réalités de la guerre

A mon ami Ali

Depuis que je suis petit, je rêve d’être un footballeur célèbre. J’étais convaincu de pouvoir un jour réaliser mon rêve malgré tous les obstacles et les problèmes dans mon pays. Il n’y avait pas de terrains de jeux à Gaza, ma ville; que ce soit pour les adultes ou pour les enfants. Plus tard, ma ville ainsi que tout mon pays ont été soumis à un blocus strict, en raison de conflits politiques, puis tout a encore empiré.

Je disais à mon ami Ali : « Si j’étais premier ministre, je ferais plus attention au Ministère de la jeunesse et des sports qu’à tout autre ministère. Je construirais des terrains de jeux partout, surtout dans les écoles. De plus, je permettrais à toutes et à tous de jouer librement et de pratiquer leurs sports préférés ».

Cependant, les rêves, la sécurité et les souhaits sont des mots sans signification dans une ville comme la mienne qui tue même les petits rêves.

Je jouais au football pendant mon temps libre avec mon ami Ali dans la rue devant chez moi. Je faisais le gardien de but et j’empêchais Ali de marquer. Je n’arrêtais pas de le taquiner en lui disant qu’avec un gardien de ma trempe, il ne marquerait jamais un but de toute sa vie.

Le 7 janvier 2009, j’étais assis devant chez moi en attendant qu’Ali vienne jouer au football. Le temps était brumeux mais pas froid. Tout à coup, j’ai entendu d’énormes bruits de bombardements. Terrifié, j’ai couru chez moi en cherchant un endroit pour m’abriter. Finalement, je me suis caché sous la table de la cuisine. Les bombardements ont cessé et j’ai cherché à savoir quelle avait été leur cible car nous étions habitués à vivre cela tous les jours. Mon père est venu et m’a dit que mon ami Ali avait été blessé par un éclat d’obus. Je me sentais très effrayé et anxieux pour mon ami. Le temps passait lentement et je voulais savoir ce qui lui était vraiment arrivé. Finalement, quelqu’un est venu et a annoncé qu’Ali était décédé. Je ne pouvais pas croire à ce qu’il disait. Je suis alors allé chez Ali pour vérifier cette information.

Devant sa maison, il y avait beaucoup de gens qui se rassemblaient. J’ai entendu des femmes pleurer. Je me suis faufilé dans sa maison et j’ai vu son corps en morceaux gisant dans un cercueil. J’ai beaucoup pleuré. J’ai pleuré pendant plusieurs semaines. Je ne pouvais pas oublier la scène de son corps déchiqueté.

Je vais toujours au cimetière pour parler à Ali. Je lui dis combien je l’aime et combien je suis vraiment très triste et en colère parce qu’il m’a laissé seul dans ce monde.

Wael Afana

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




L’insouciance des papillons

« Mon frère ne savait pas que cette voiture serait le feu qui le brûlera »

 

Tous les enfants du quartier l’aimaient. Il était plus calme qu’une brise, il prenait son argent de poche à mon père et me le donnait. Tout le monde l’aimait.

Ce matin-là, il est parti à l’école avec ses amis. Ils sont partis en courant comme des papillons ; s’envoler du sol… comme si le monde avait été créé pour eux.

Les avions de guerre israéliens grondaient dans le ciel. Ils ressemblaient à des monstres prêts à bondir sur leur proie.

Une voiture de combattants palestiniens roulait dans la rue Yarmouk et les papillons étaient près de la voiture. Les papillons ne savaient pas que cette voiture serait le feu qui les brûleront.

Une roquette est tombée sur la voiture. Mon frère Tareq a volé trois mètres et est retombé au sol. Il a volé plus haut que la voiture. L’ambulance est venue et a pris les cadavres. Les gens lui ont dit de monter dans l’ambulance, mais il a refusé et s’est remis à marcher avec ses amis en direction de l’école.

Cent mètres plus loin, il a posé sa main sur son cœur et est tombé mort. J’étais dans la rue, j’attendais le bus scolaire et ma sœur m’a dit d’aller voir ce qui se passait. Oui, mais je n’ai pas vu Tareq et je suis allé à l’école.

Pendant que j’étais en classe, mon oncle est venu et m’a dit que j’allais prendre trois jours de congé scolaire. Je ne me doutais de rien; nous sommes montés dans la voiture… Mon oncle a dit au chauffeur d’éteindre les nouvelles à la radio. Puis j’ai commencé à avoir des soupçons. Nous sommes arrivés à la maison où il y avait une grande foule de gens. Avant de descendre, j’ai vu mon père assis sur une chaise en train de pleurer. C’était la première fois que je voyais mon père pleurer et il tenait dans ses mains la photo de mon frère Tareq. Je lui ai demandé : « Papa, mon frère a-t-il été tué ? » Il a répondu : « Que Dieu ait pitié de son âme ».

L’ambulance l’a ramené de l’hôpital… nous avons tous tourné autour de lui pour le moment d’adieu. Il dormait comme un ange, avec le livre qu’il portait encore dans ses mains.

Mon père a refusé de nous laisser aller au cimetière mais je suis monté dans la voiture et j’y suis allé avec eux. J’ai continué à aller sur la tombe de Tarek tous les jours pendant trois mois pour lui parler.

La nuit, je regarde sa photo jusqu’à ce que je m’endorme.

Depuis que mon frère est mort, je me suis habitué à dormir seul dans mon lit. Nous avions l’habitude de dormir côte à côte. Mais aujourd’hui j’ai un lit pour moi tout seul.

Je n’oublierai jamais mon frère.

Wael Afana

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




« Pour moi, le fil de l’espoir est rompu… »

Illustration: Kristine Kostava / Voix d’Exils

Le parcours chaotique d’un requérant d’asile algérien en Suisse

Après avoir été victime de nombreuses tentatives de meurtre, de menaces verbales et morales, Rachid Boukhemis, 60 ans, décide de quitter l’Algérie pour retrouver la paix et la sérénité dans un pays démocratique. Ce professeur d’arabe laisse derrière lui sa famille, ses amis et ses biens.

Plein d’espoirs en une vie meilleure lors de son arrivée à Vallorbe, fin 2017, il va rapidement déchanter. Considéré comme cas Dublin pour être passé par la France sur le chemin de l’exil, il recevra une réponse négative à la demande d’asile qu’il a déposée en Suisse. Son rêve s’effondre et vire au cauchemar lorsque, un matin d’été, les forces de police viennent l’arrêter à son domicile pour le renvoyer en France. Il sera brutalisé et brièvement emprisonné avant d’être relâché complètement traumatisé. Rachid Boukhemis est l’un des rédacteurs de Voix d’Exils, à ce titre il a voulu témoigner de son douloureux parcours sur notre site.

« Hébergé dans un premier temps au centre d’enregistrement de Vallorbe, j’ai ensuite été envoyé dans le foyer de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) de Bex, dans le canton de Vaud. Ensuite, j’ai reçu une décision négative de la part du Secrétariat d’État aux migrations et j’ai été transféré au foyer d’aide d’urgence d’Ecublens.

En état de choc

Le 17 août 2018, à cinq heures du matin, alors que j’étais endormi, j’ai entendu une clé tourner dans la serrure. Le gardien du foyer est entré dans la chambre et, en me montrant du doigt, il a dit aux deux policiers qui l’accompagnaient: « C’est celui-là ! ». Je me suis assis sur mon lit en me frottant les yeux.

Un policier m’a demandé de m’habiller et d’emporter avec moi les médicaments que je prenais. J’ai obéi aux ordres. On m’a mis des menottes aux poignets. C’était la première fois que je voyais ces bracelets en fer d’aussi près…

J’ai été emmené au poste de police de Bussigny où j’ai tout d’abord été fouillé et forcé à me déshabiller. C’était la première fois que je me retrouvais complètement nu devant des étrangers.

Puis j’ai été placé en cellule, comme si j’étais un criminel. Je suis resté silencieux, j’étais en état de choc. Après deux heures environ, la porte de ma cellule s’est ouverte et on m’a demandé de monter à l’étage pour prendre mes empreintes digitales.

Suite à cela, j’ai été conduit à l’aéroport de Genève où je devais prendre un avion à destination de Nantes, en France, conformément à la procédure Dublin.

Quand est arrivé le moment d’embarquer, j’ai refusé de monter à bord. Le policier qui m’avait mené à la porte d’embarquement a alors commencé à me frapper jusqu’à ce que mon sang coule. La femme qui nous accompagnait, probablement une employée de l’aéroport, a réagi et a demandé au policier d’arrêter. Le capitaine de l’avion a, quant à lui, fermé la porte de l’avion et a dit qu’il ne m’emmènerait pas dans son vol. Pendant que nous descendions l’escalier qui nous avait menés à la porte d’embarquement, le policier continuait de me frapper.

Prisonnier sans culpabilité

Suite à cela, deux autres policiers m’ont emmené à la prison de Champ-Dollon à Genève. Pour dissimuler les violences commises contre moi, le responsable de la prison m’a demandé de me laver pour enlever les traces de sang. Sentant la fièvre monter, je me trouvais dans un état d’horreur, d’étonnement et de douleur. En réalité, j’étais un prisonnier sans culpabilité.

Vers 14h30, le gardien m’a informé que la prison avait reçu un ordre de libération immédiate. Une fois relâché, j’ai marché à pieds jusqu’à l’hôpital de Nyon où je suis resté jusqu’au matin. J’ai été examiné par un médecin qui a produit un certificat médical dans lequel il a confirmé que je présentais de multiples lésions, hématomes et plaies sur tout le corps. Certificat que j’ai transmis à la rédaction de Voix d’Exils.

De retour à Lausanne, j’ai contacté un avocat. Il m’a dit que le dépôt d’une plainte contre le policier me coûterait au minimum 4’000 francs suisses, et que cela ne me garantissait pas de gagner le procès, car un policier équivaut à deux témoins. J’ai alors décidé d’abandonner l’idée de porter plainte parce que je n’avais pas d’argent.

Je suis à ce jour pleinement conscient des conditions de vie sans espoir qu’endurent les réfugiés et du traitement brutal qui leur est réservé.

Pour moi, désormais, le fil de l’espoir est rompu. »

 

Rachid Boukhamis

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Des aides pour les victimes de violence

Suite au témoignage de notre rédacteur, la rédaction a contacté plusieurs institutions pour savoir auprès de qui et comment les victimes de violences peuvent obtenir une aide.

·  Selon nos interlocuteurs et interlocutrices du Service d’Aide Juridique aux Exilé-e-s (le SAJE) et du Centre Social Protestant (le CSP), la médiatisation et/ou l’ouverture d’une procédure judiciaire sont les principaux chemins que peuvent emprunter les personnes requérantes d’asile si elles se retrouvent dans une situation similaire à celle vécue par Rachid. Par conséquent, les tarifs habituels pratiqués par les avocats s’appliquent et la somme annoncée par notre rédacteur bien qu’élevée est exacte.

·   Les centres LAVI, conformément à la Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions, aident les personnes victimes de violences physiques, sexuelles ou psychiques. Leurs interventions se situant à l’intersection des domaines juridique, psychologique et social. Ces centres proposent un soutien aux victimes ainsi que l’octroi de prestations financières (dont les honoraires d’avocat), en fonction de l’atteinte subie. On peut faire appel à ces centres dans les cantons romands, soit à Genève, Vaud, Fribourg, Valais, Neuchâtel et Jura.

·  Que l’on soit résident ou de passage à Genève, on peut, en cas de différend avec la police cantonale ou les polices municipales, faire appel à l’organe de médiation police (l’OMP). A noter que le recours à la violence physique n’est pas considéré comme un différend. Ainsi, si des violences physiques ont eu lieu, l’OMP invite à dénoncer les faits ou à porter plainte auprès des autorités compétentes.

Jovan Mircetic

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 




Le guide du requérant d’asile (partie 1)

Une série satirique inspirée du déroulement de la procédure d’asile en Suisse

Tous les événements, situations et personnages décrits ci-après sont le pur fruit de l’imagination migratoire de l’auteur. Attention : si vous souhaitez acquérir le statut de réfugié en Suisse, ce guide ne prétend pas vous mener à bon port sans sérieusement éprouver votre sens de l’humour. Sinon, pour les choses sérieuses, il y a les spécialistes de l’asile du Secrétariat d’État aux migrations.

Bonjour et bienvenue dans notre beau pays la Suisse! Nos montagnes, nos lacs, nos beaux pâturages, notre raclette, notre bon chocolat, nos lingots, notre secret bancaire et notre Roger Federer

Bref, bienvenue en Suisse! De toute façon vous n’êtes pas venus pour faire du tourisme!

Vous avez fui la guerre et/ou la persécution dans votre pays – du moins c’est ce que vous prétendez – pour rejoindre notre Eldorado émeraude. Vous avez beau prétendre que ce n’est pas notre revenu par habitant qui vous a attiré dans nos contrées perchées mais nos statistiques ne mentent pas : la grande majorité d’entre vous êtes de vilains migrants économiques. Ce n’est pas bien du tout ! Qu’à cela ne tienne, nous n’allons pas vous jeter comme des malpropres, vous êtes dans de bonnes mains. Nous sommes des gens civilisés, garants des droits universels de l’homme issus des deux bords de la Méditerranée et nous obéissons à un certain nombre de règles de droit que notre savoir-vivre nous impose, et aussi notre grande sœur pimbêche l’Europe.

Alors voici les règles du jeu auxquel nous allons jouer ensemble pendant les prochains jours, mois ou années. Bref, le temps que nous jugerons nécessaire pour traiter votre demande, ou jusqu’à ce que vous décidiez par vous-même d’abandonner la partie.

Règle numéro 1: voyagez léger!

Bénéficier du luxe d’être venu en Suisse par avion ne vous donne pas le droit de vous comporter comme un touriste. Pensez à vos compagnons d’infortune qui ont dû traverser déserts et océans, affronter monts et marées pour gagner le droit de fouler notre terre bénite. Par respect pour eux, présentez-vous au bureau d’enregistrement des requérants d’asile vêtu de votre plus humble appareil. Ne venez pas à moitié nu ou habillés de haillons non plus. N’en faites pas trop car ça ne sert à rien de se faire remarquer ! Fondez-vous dans la masse mais surtout rappelez-vous : c’est l’habit qui fait le migrant!

Règle numéro 2: prononcez la formule magique

Il vous faudra probablement plusieurs tentatives afin de réveiller notre agent de sa torpeur matinale mais ne vous désespérez pas et répétez avec moi les mots suivant : « NOUS VENONS SOLLICITER L’ASILE AUPRÈS DES AUTORITÉS SUISSES ». Répétez autant de fois que nécessaire jusqu’à ce qu’une réaction s’en suive. Le jeu en vaut la chandelle! N’oubliez-pas que vous venez des quatre coins du monde, avec des accents qui vous sont propres pour peu que vous parliez une de nos langues. Attention, n’attendez pas que l’on vous déroule le tapis rouge ou que la mer s’ouvre en deux quand vous prononcerez cette phrase. Vous avez beau être en exode, vous n’êtes pas Moïse pour autant; et de toute façon il n’y a pas de mer en Suisse mais nous avons les plus beaux lacs du monde, y compris notre merveilleux Léman.

A bientôt pour la suite de votre aventure…

 

Noé 722420

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils