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« Pour s’intégrer, il faut persévérer ! »

Ilyas Mohamed Bileh. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils.

Les 10 ans de l’Evam – Inerview de d’Ilyas Mohamed Bileh

Ilyas Mohamed Bileh est un jeune Somalien de 29 ans arrivé en Suisse il y a précisément dix ans. S’il est intégré aujourd’hui dans son pays d’accueil, c’est grâce à sa volonté, aux formations qu’il a suivies avec le soutien de l’EVAM, pour décrocher au final une place de travail.

Il y a de la fierté dans sa voix lorsque Ilyas Mohamed revient sur son parcours en Suisse.

J’étais étudiant à l’école secondaire en Somalie. Arrivé en Suisse, je n’avais pas encore suivi le gymnase. En 2008, j’ai commencé à apprendre la langue française en me rendant deux fois par semaine aux cours pour débutants organisés au foyer de Crissier. J’avais un objectif élevé: suivre une formation professionnelle à l’EVAM en tant qu’Auxiliaire de santé.

« La langue française comme facteur primordial d’accès aux formations »

Mes premiers contacts avec la langue française n’ont pas été faciles, car quand je suis arrivé en Suisse, je ne parlais pas un seul mot de français. J’avais du mal avec la prononciation et surtout à comprendre le vocabulaire. Etant donné que la connaissance de la langue française est primordiale pour avoir accès aux formations professionnelles, j’ai décidé de m’investir en continuant à étudier de manière très assidue le français dans les centres de formation de l’EVAM. Cela m’a pris beaucoup de temps pour réussir à bien m’exprimer, écrire et comprendre cette langue. Maintenant, j’ai beaucoup avancé. Je suis content et fier de moi.

Je pense qu’il n’y a pas de voies faciles pour certains. Il faut juste avoir la volonté d’apprendre. Je pense que les difficultés sont liées à la timidité, au manque d’encouragement et de motivation.

« Grâce aux formations et stages que j’ai suivis, j’ai réussi à trouver un travail »

J’ai suivi les formations et les stages que propose l’établissement. En 2009, j’avais un niveau de français suffisant pour pouvoir suivre la formation que je visais. La formation d’« Auxiliaire de santé » à l’EVAM dure 6 mois. Ensuite, j’ai réussi à faire des stages dans plusieurs institutions. En 2009 à la Fondation Mont-Calme ; en 2010 à l’établissement médico-social Paix du Soir ; en 2011 à l’établissement médico-social La Vernie ; en 2011 à la Fondation Vernand qui accueille des enfants présentant une déficience intellectuelle, du développement et des troubles du spectre de l’autisme, puis en 2011-2012 à l’établissement médico-social La Rozavère.

Toutes ces formations et stages m’ont apporté beaucoup d’expérience, ont développé mes compétences et m’ont permis au final de trouver un travail stable. Pendant 6 ans, entre 2011 et 2017, j’ai travaillé à 100% pour l’EMS La Rozavère dans le quartier de Chailly, à Lausanne. Dans le futur, j’aimerais devenir éducateur social. Je suis décidé à poursuivre mes études à l’Ecole d’Etudes Sociales et Pédagogiques de Lausanne (EESP).

« Aide-toi et le ciel t’aidera est une anecdote qui me parle en Suisse »

Pour moi, l’intégration c’est participer à la vie sociale et économique d’un pays. Il faut s’intégrer socialement, aider les gens et participer au marché du travail. Le plus important pour l’intégration, c’est le travail. En ayant suivi des formations puis trouvé un travail, aujourd’hui je me sens vraiment intégré en Suisse.

La langue et la formation sont les moyens qui facilitent l’intégration. Sans ces deux éléments qui sont indispensables pour trouver du travail, l’intégration devient difficile.

Un jour, j’ai discuté avec une personne âgée et lui ai raconté les difficultés que je rencontre dans mon parcours. Nous avons aussi parlé de la langue, de la formation et de l’intégration. Et elle m’a dit : « Aide-toi et le ciel t’aidera ». C’est la première fois que j’entendais ce proverbe. Cela veut dire que si la personne est vraiment motivée, elle peut tout faire pour atteindre son objectif.

Grâce aux réseaux sociaux, je garde toujours des contacts avec ma famille et mes amis restés en Somalie. Malgré le fait que je sois en Suisse depuis 10 ans et que je sois intégré, ma famille, ma mère et mon pays me manquent toujours.

« Il faut être empathique avec les personnes en procédure d’asile »

J’ai toujours de l’empathie pour les personnes en procédure d’asile, car j’ai aussi été dans leur situation. Maintenant, je les aide dans leurs démarches en les orientant.

Une saveur, un goût qui te parle ?

Une saveur sucrée, un dessert sucré comme un gâteau.

Une expression dans ta langue qui t’es chère et qui te ressemble ?

« Connaître son intérêt, c’est bien pour pouvoir aider les autres »

 Lamine

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Bio expresse d’Ilyas Mohamed Bileh

Langue maternelle : Somali

1989                       Naissance en Somalie, âge actuel : 29 ans

2008                      Arrivée en Suisse

2009                     Formation comme auxiliaire de santé et formations en français à l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM)

2012-2016           Certificat fédéral de capacité (CFC) comme assistant social éducatif au centre professionnel nord vaudois à Yverdon (CPNV)

 

 




«Le bénévolat m’a permis d’obtenir une bourse pour suivre la formation d’Auxiliaire de santé de la Croix-Rouge»

Auteur: PR, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Auteur: PR, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Faute de pouvoir travailler, Timaj, jeune Ethiopienne de 32 ans à l’aide d’urgence, a décidé de s’investir dans le bénévolat. Depuis trois ans, elle offre son aide, sa patience et son sourire pour alléger le quotidien de personnes âgées et handicapées. Si, au bout du compte, son porte-monnaie est toujours aussi léger, Timaj ne regrette rien, car ses activités de bénévole constituent autant d’occasions pour faire des rencontres, se former, pratiquer cette langue ardue qu’est le français et pour mieux comprendre les codes et les usages en vigueur dans la culture suisse. Interview.

Voix d’Exils : Timaj, raconte-nous tes débuts de bénévole…

Timaj : Je suis arrivée en Suisse en 2009 et j’ai posé une demande d’asile. J’ai été déboutée début 2011. Je ne pouvais donc ni travailler ni suivre une formation. Alors je suis devenue bénévole à l’hôpital d’Orbe et à la Fondation Pro-XY, qui organise une aide à domicile pour les personnes âgées.

En quoi consiste le bénévolat en milieu hospitalier ?

J’ai été bénévole à l’hôpital d’Orbe, de septembre 2011 à juillet 2014. Je participais aux activités d’animation destinées aux résidents et aux personnes qui passent la journée au CAT, le Centre d’Accueil Temporaire. Je travaillais les mardis après-midi en binôme avec une animatrice professionnelle pour donner les cours de gymnastique douce. Et puis je servais le repas de midi, j’aidais les personnes à manger et à couper la nourriture quand c’était nécessaire.

Cela représentait beaucoup de temps?

Je travaillais deux fois trois heures par semaine, une fois l’après-midi et une fois le matin.

Et chez Pro-XY ?

Chez Pro-XY, je m’occupe depuis 2011 de Janine, qui a 88 ans. Je vais chez elle une fois par semaine, le samedi. J’arrive à 11:00, je l’accompagne faire les commissions, puis je l’aide à préparer le repas et nous mangeons ensemble. Quand elle fait la sieste, je range la cuisine, et ensuite on va faire une promenade en ville d’Yverdon. Une fois, on a pris le bateau pour aller jusqu’à Neuchâtel.

Selon toi, quelles sont les qualités nécessaires pour être bénévole ?

Il faut avoir l’envie de donner du temps, d’aider les gens qui sont en difficulté, qui sont seules. Il faut aussi être motivé car il y a des difficultés qui sont dues à la différence de langue et aux différences socio-culturelles. Plusieurs fois j’ai commencé la séance de gymnastique douce alors que l’animatrice n’était pas encore là, et je n’arrivais pas à bien le faire car je suis timide, je ne me sens pas à l’aise quand je dois me mettre en avant. C’est dans ma culture…

Quelle est la place du bénévole au sein d’une équipe soignante ?

Les infirmières, les aides-soignantes et les animatrices sont très occupées : elles doivent aider les personnes âgées à descendre à la salle à manger et les installer pour le repas, les aider à manger, débarrasser la table et les remonter dans leur chambre pour la sieste. C’est beaucoup de travail! Donc, pour les personnes âgées et pour le personnel soignant, c’est précieux de bénéficier de l’aide des bénévoles.

Que t’a apporté et t’apporte encore le bénévolat?

Tout d’abord, j’apprécie de pouvoir communiquer avec les gens d’ici, d’avoir des contacts, de progresser dans mon apprentissage de la langue française. Ensuite, je ressens une grande satisfaction de pouvoir être utile aux autres. J’étais la seule Africaine dans l’équipe à l’hôpital mais les gens m’ont bien acceptée. J’ai aussi beaucoup apprécié les réunions avec les responsables de l’hôpital une fois par année. Cela me permettait de partager l’expérience des professionnels. J’étais aussi invitée au souper annuel du regroupement des hôpitaux vaudois.

Ces expériences t’ont-elles permis de progresser sur un plan professionnel ?

Oui, être bénévole m’a permis de suivre différentes formations proposées par l’association faîtière Bénévolat-Vaud, comme par exemple «L’introduction à l’engagement bénévole», «L’accompagnement en fin de vie», «Les Premiers secours». Le bénévolat m’a apporté une expérience de travail, et m’a permis d’obtenir une bourse de la Fondation Envol pour payer le cours d’Auxiliaire de santé de la Croix-Rouge. J’ai obtenu le certificat fin 2013.

Quels sont les côtés moins sympathiques?

Une fois que tu n’es plus bénévole, tu perds le contact avec les personnes que tu as côtoyées. En juillet 2014, je suis devenue rédactrice à Voix d’Exils et j’ai arrêté le bénévolat à l’hôpital d’Orbe. Comme je ne vais plus à l’hôpital, je ne vois plus mes anciens collègues ni les personnes âgées dont je me suis occupées.

Recommanderais-tu le bénévolat aux requérants d’asile?

Oui! Cela permet de communiquer avec les gens, de s’intégrer, de développer la langue et d’entrer dans le système. Et l’intégration, ça compte pour obtenir l’asile! Même si le bénévole ne reçoit pas de salaire, il peut vivre une expérience professionnelle et humaine très riche. Il n’y a pas que dans les soins… On peut faire du bénévolat dans beaucoup de domaines différents. En tant que requérant, on arrive en Suisse les poches vides, il faut les remplir avec de nouvelles expériences !

Propos recueillis par

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils