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Un atelier de couture pour se sentir utile et favoriser les échanges

Chasuble de sport

A gauche, l’un des assistants sociaux portant le chasuble de sport confectionné par les couturières du Centre. A droite, l’une des couturières.

Depuis son ouverture en juin dernier, l’atelier de couture du centre de Couvet/ Neuchâtel ne désemplit pas. Voix d’Exils est allé à la rencontre des requérantes qui confectionnent dans la créativité et la bonne humeur des vêtements et du linge de maison destinés aux requérants. Interview de Liliane et Pirémila.

Liliane BERNADETTA MAMBO vient d’Angola, et Pirémila UTHAYAKUMAR du Sri Lanka. Toutes deux ne tarissent pas d’éloge sur leur atelier de couture qui leur apporte un peu d’argent et beaucoup de satisfactions. Après une vingtaine de minutes, Steefan, 18 ans, le fils de Pirémila, ainsi que Narcisse, jeune apprentie couturière de Syrie, âgée de 9 ans, se sont joints à nous.

Voix d’Exils: Depuis combien de temps êtes-vous au centre de Couvet?
Liliane : depuis décembre 2014.
Pirémila : depuis plus d’une année.

Comment occupez-vous vos journées au centre ?
Liliane : la journée, je m’occupe avec les activités de couture, après je passe à la cuisine, ensuite place au repos. C’est la routine.

Combien de temps passez-vous dans l’atelier de couture par semaine ?
Pirémila : nous travaillons tous les mardis et vendredis de 13h 30 à 17h30.

Quels sont vos sentiments en exerçant cette activité ?
Liliane : je me sens très bien, je me sens utile.

Pirémila : moi, j’ai beaucoup de plaisir dans l’exercice de cette activité, surtout avec Narcisse, cette fillette de 9 ans passionnée par le métier, à qui nous apprenons la couture.

Que faites-vous en particulier ?
Liliane : nous avons confectionnés une soixantaine de rideaux pour les fenêtres du centre.

Pirémila : nous avons aussi confectionné des chasubles pour le sport, soit des gilets de couleurs diverses pour différencier deux équipes. Actuellement nous sommes sur la production d’une centaine de grandes pièces en tissu, avec des poches, à suspendre au mur, pour le rangement. Elles sont faites avec des carrés de tissus récupérés d’habits donnés dans le centre. C’est la technique du patchwork.
Je précise que nous allons aussi travailler pour le centre de Fontainemelon, et aussi pour les Abris PC.

Quelle est votre rémunération ?
Liliane : 90 fr. par mois. Notre activité s’inscrit dans le cadre des TUP, des Travaux d’Utilité publique.

Êtes-vous satisfaites de cette rémunération ?
Liliane : oui, nous sommes très reconnaissantes, ça nous aide beaucoup.

Quel lien votre activité crée-t-elle avec les autres requérants du centre ?
Liliane : une ambiance gaie, chaleureuse et harmonieuse.

Pirémila : ils sont nombreux à s’intéresser à notre métier, d’aucuns pour apprendre et d’autres nous sollicitent pour les éventuelles retouches de leurs vêtements.

Y-a-t-il des difficultés auxquelles vous êtes confrontées dans l’exercice de cette activité ?
Liliane : non, pas tellement. Il y a des petits problèmes techniques au niveau des machines, mais qui sont vite résolus. Les machines tournent à fond, parfois elles tombent en panne et il faut les réparer.

Quels sont vos rapports avec les responsables du centre ?
Liliane : excellents ! Ils sont très ouverts, sympas, disponibles, à l’écoute et aussi porteurs d’un regard clairvoyant.

Quel est l’origine de cette idée d’atelier de couture au centre ?
Liliane : l’idée vient de notre enseignante Marie-France qui est soutenue par la direction.

Avez-vous des doléances ?
Liliane : oui, on aimerait que les responsables du centre nous soutiennent encore plus afin d’agrandir cet atelier, car je suis persuadée qu’il y a plusieurs besoins.

Avez-vous le droit de prendre des commandes externes ?
Pirémila : non, l’idée n’est pas de faire du business mais de donner aux requérants d’asile intéressés une occupation.

vide-poche

Vide-poche confectionné par les couturières du Centre

Avez-vous des projets personnels ?
Liliane : je n’ai pas de projet pour l’instant. Je vous remercie vivement pour l’intérêt porté à notre activité. Je profite aussi, pour remercier et exprimer toute ma reconnaissance à tous les responsables du centre de Couvet, en particulier le directeur, qui ont permis la création de cet atelier. Il nous permet de nous occuper, de combler une partie du vide et de créer beaucoup de contacts.

Pirémila : moi, cela fait plus d’un an que je suis au centre, et tout ce que je veux c’est le transfert dans un appartement. Je suis fatiguée de la vie au centre, même si j’ai du plaisir à exercer cette activité. Je saisis aussi l’occasion pour exprimer ma reconnaissance et ma gratitude à l’endroit des responsables du centre de requérants de Couvet, qui ont eu cette magnifique idée de créer cet atelier de couture, qui pour moi donne désormais une autre dimension à ma vie, une lueur d’espoir…

AKC, Membre de la rédaction Neuchâteloise de Voix d’Exils

P.S. Depuis notre passage, Liliane a été transférée dans un appartement et Pirémila continue à coudre avec passion.




Un défilé de mode haut en couleurs au Botza

Photo: David Crittin, Voix d'Exils

Photo: David Crittin, Voix d’Exils.

Le 11 juin 2013 fut une journée spéciale pour la communauté du Botza, le principal centre de formation et d’occupation du Valais. Le bruit habituel des outils et des machines a cessé pour laisser la place à d’autres sons comme de la musique, des rires et le claquement des talons hauts: c’était le jour de la mode.

Les femmes qui ont participé aux ateliers de couture de Rarogne, Ardon, Martigny et Saint-Gingolph

Photo: David Crittin, Voix d'Exils.

Photo: David Crittin, Voix d’Exils.

étaient fières de présenter leurs productions lors d’un véritable défilé. Pour une journée – leur journée – elles ont toutes été transformées en top modèles, avec de lumineux maquillages, des coiffures sophistiquées et des robes incroyables.

Les origines de ces femmes, qui viennent de pays tels que la Somalie, l’Erythrée, le Sri Lanka, le Nigeria, le Soudan, la Russie, le Kosovo, la Turquie et le Tibet ont donné une diversité unique aux œuvres présentées. Par ailleurs, une petite fille et deux mannequins hommes ont pris part au spectacle et ont reçu, plus particulièrement la petite fille, bien sûr, de grands applaudissements.

Le programme était un enchantement autant pour les tops modèles d’un jour que pour le public. «C’était merveilleux de voir ces costumes et le style des femmes qui défilaient sur le podium», a déclaré un spectateur érythréen. Un autre observateur provenant du Gabon s’est exclamé: «je voudrais voir un événement aussi surprenant encore et encore ! Cela m’a fait plaisir et je me suis souvenu des robes traditionnelles de mon pays. »

Photo: David Crittin, Voix d'Exils.

Photo: David Crittin, Voix d’Exils.

De même, deux travailleuses sociales, Marylin Duc et Sarah Kesteloot, ont déclaré que le spectacle était une bonne initiative et un moyen d’intégrer les gens dans la société.
Victoria, un modèle nigérian, a souligné que «depuis toute jeune, j’avais le souhait de travailler dans la mode. Étonnamment, mon rêve a commencé à devenir réalité aujourd’hui. C’est la première fois que je faisais face au public dans un défilé de mode et, pourtant, je crois avoir réalisé une bonne performance. J’ai surtout appris que j’avais encore une vie en attendant le résultat de ma procédure de demande d’asile. Je suis vraiment heureuse de cela. »

La top modèle érythréenne Ayesha nous a fièrement dit que: «C’était très stimulant. J’ai passé un bon moment. Je n’oublierai jamais cet événement et le sentiment que j’ai ressenti pendant la manifestation. » Selamawit, une autre top model  érythréenne, a confié que: «C’était une première et cela a changé quelque chose en moi. Je suis maintenant plus confiante et la couture va être mon hobby. Ce fut une bonne expérience pour moi. »

Tous les mannequins d’un jour ont réalisé leurs robes lors des cours de formation dans les ateliers de

Photo: David Crittin, Voix d'Exils.

Photo: David Crittin, Voix d’Exils.

couture. Les styles et les inspirations sont très variés: certaines robes étaient absolument modernes et le public a eu le plaisir d’apprécier des robes traditionnelles africaines ainsi que tibétaines.

Cette journée spéciale laissera une impression lumineuse derrière elle. Vous vous demandez peut-être quand aura lieu le prochain défilé? Si c’est le cas, vous devrez être patient car la réponse est : en 2015 seulement! Le temps nécessaire pour les couturières de renouveler leurs inspirations.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils