1

Elles sont différentes

Sahar Rezai.

Et je les admire

Ces personnes sans façade, sans paillettes

Qui ne sont pas sans cesse soucieuses

De ce que les autres peuvent penser

Ces personnes qui ne s’angoissent pas d’être soi 

Qui n’estiment pas impérieuse

L’apparence de toute leur existence

Ces personnes qui ne disent jamais

Si je pouvais recommencer!

Qui ne regrettent pas leur destinée 

Ces personnes qui ne disent en aucun cas

Si j’avais une énorme gomme

Pour tout effacer à commencer par ma pomme

Ces personnes qui avouent la vérité quand elles ont fauté 

Qui font preuve d’audace et s’excusent

Qui sont sincères et se moquent de la censure

Ces personnes qui ne ruminent pas les maldonnes de la journée

La nuit, elles dorment sans culpabilité 

Même quand elles ont culbuté

Ces personnes libres et rebelles

Quand facebook leur demande quoi de neuf

Trouvent des formules pour avouer leurs malheurs

Ces personnes qui se moquent de leur réputation

Dévoilent docilement leurs dédales

Car elles savent qu’elles ne sont pas les seules à se perdre

Ces personnes sans peur de heurter

Qui, sans cesse, tiennent tête à l’hostilité

Qui préfèrent se bagarrer que plier bagage

Ces personnes qui savent qu’aucune localité

N’a de stabilité durable dans ce monde malade  

Et se battent pour ne pas dissiper leur paix intérieure 

Ces personnes sont conscientes

Que ce qu’on n’a pas n’est pas nécessaire

Elles n’estiment pas avoir plus de privilèges que l’étranger 

Ces personnes qui ne se tiennent pas en haute estime d’elles-mêmes

Qui ne considèrent pas les besoins d’autrui inférieurs et sans valeur

Et qui ne se vantent de rien car tout est vanité

 Je les admire spécialement.

 

Mireille Niyonsaba

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Derrière la porte

 

Source: unsplash.com

Quand une relation toxique pousse à l’exil

Ce témoignage est une histoire vraie confiée par la victime d’un homme violent à notre rédactrice.

Des loups déguisés en moutons se promènent dans la rue, affichant leur plus beau sourire.

« Ils seront toujours des maris parfaits devant les autres,

auront la conversation la plus intéressante,

vos proches vous diront que c’est le meilleur qui puisse vous arriver,

ils sont très attentionnés avec les amis et surtout avec les amis en commun ».

La rencontre

C’était durant une session d’exercices de gym, soudain j’ai levé les yeux et il était là. Je l’ai observé, il m’a semblé être un homme charmant, il avait un corps spectaculaire sculpté par les exercices. Il m’a souri et j’ai ressenti une grande émotion… C’est ainsi que notre histoire commença.

Les jours suivants furent merveilleux, pleins de petites attentions, les lettres d’amour ne manquaient pas. Nous avons mangé le monde à chaque fois que nous étions ensemble.

Je suis tombée très rapidement enceinte de ma première fille et nous avons décidé de nous marier. Nous nous aimions vraiment beaucoup, ma grossesse se passait bien, tout se passait bien. Les problèmes ont commencé un mois après la naissance de notre fille.

L’enfer commence

Quand notre bébé avait un mois, nous sommes allés un soir assister à un concours de beauté qui avait lieu dans la ville ; toute la famille s’était déplacée. Il s’est éloigné un moment pour aller retrouver des amis et son ex-petite amie, puis est revenu vers moi et m’a dit : « Rentre à la maison avec ma mère, je ne peux pas te ramener ». Sa mère, en l’entendant, s’est fâchée et a exigé que ce soit lui qui me ramène à la maison avec le bébé car il était tard. C’est cette nuit-là que j’ai appris qui j’avais vraiment épousé…  

Sur le chemin du retour, j’ai reçu des insultes, des coups, des coups de pied. J’ai essayé de protéger notre fille qui était toute petite et fragile. Le lendemain, il m’a demandé pardon en me disant qu’il ne savait pas ce qu’il avait bu, qu’il avait perdu le contrôle; bref, il a donné mille excuses qui sont devenues ensuite récurrentes après de nouveaux abus. Après, tout revenait toujours à la normale. Nous avons eu un autre fils mais cela n’a rien changé : le monstre s’était réveillé et ne voulait plus se rendormir.

J’ai vécu cet enfer pendant plus de quinze ans, avec des infidélités, des abus psychologiques et physiques. Quand nous étions avec des amis ou de la famille, il était l’homme merveilleux avec ce sourire charmant que je connaissais. Mais quand la porte se refermait derrière nous, mes enfants et moi vivions un film d’horreur que personne n’aimerait voir. Et chaque fois que je demandais de l’aide à ma famille, on me répondait toujours que pour garder un foyer, je devais apprendre à être tolérante.

Echapper au monstre

Il m’a fallu beaucoup de temps pour avoir le courage de m’enfuir avec mes enfants et de nous protéger. Ce matin-là, alors qu’il était parti travailler, j’ai fait le plein de courage, j’ai emballé des vêtements, j’ai amassé de l’argent, sans rien dire à personne, j’ai ouvert le portail et je suis partie. J’ai pris un taxi vers une destination inconnue, j’ai approché une organisation de protection des femmes qui m’a offert tout le soutien dont j’avais besoin pour continuer ma vie avec mes enfants en toute tranquillité.

Après quelque temps, j’ai contacté ma famille proche pour prendre des nouvelles et aussi faire savoir que nous allions bien. Mais, oh surprise ! Ils m’ont reproché d’avoir abandonné l’homme le plus merveilleux, la meilleure chose qui me soit arrivée dans la vie, et ils ont fini par me dire que j’étais une mauvaise femme.

C’est la dernière fois que j’ai eu des nouvelles de ma famille. Aujourd’hui, je vis en paix, sous un autre nom, dans une autre ville. Mes enfants sont heureux et c’est tout ce qui devrait m’importer, que nous ne soyons plus derrière la porte, sans défense.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




La chirurgie esthétique fait des ravages chez les jeunes Iraniennes

Photo: Sarah Rogers / The Daily Beast.

Faut-il tant souffrir pour être « belle » ?

Si le recours à la chirurgie esthétique est un phénomène quasi planétaire, il a pris dans la communauté kurde d’Iran des proportions renversantes. Chaque famille compte une ou plusieurs femmes – plus rarement un homme – qui a eu recours au bistouri. Le prix à payer est lourd, puisqu’à l’endettement s’ajoutent trop souvent des résultats calamiteux: conséquence directe de l’inexpérience de médecins qui, appâtés par le profit, s’autoproclament « plasticiens ». Notre rédactrice Zahra, elle-même Kurde iranienne, s’insurge contre cette obsession féminine d’être belle et s’interroge sur ses origines.

« Dans mon entourage, j’ai plusieurs amies qui ont eu recours à la chirurgie. Personnellement, je trouve bizarre cette volonté de modifier son visage, quitte à s’infliger beaucoup de souffrances et de déceptions… Je pense que les femmes de mon pays sont mal informées sur les problèmes qui peuvent survenir quand l’intervention a été faite par des chirurgiens davantage hommes d’affaires que praticiens expérimentés.

C’est une question d’éducation, les femmes manquent trop souvent de confiance en elles et croient qu’en changeant d’apparence, elles vont plus facilement plaire et trouver un mari.

Je pense aussi que ce surinvestissement du visage est une réaction à l’obligation qui leur est faite de porter le hijab. Puisqu’elles doivent cacher leurs cheveux, elles investissent davantage dans leur visage et veulent qu’il soit « parfait ». Il est dans la nature humaine d’attirer l’attention et de séduire par son corps, sa peau ou ses cheveux. D’ailleurs, il n’y a pas que les femmes qui se font opérer, certains hommes se laissent aussi tenter. C’est vrai qu’ils sont largement moins nombreux !

Tue-moi, mais fais-moi belle ! (Expression iranienne)

Pour beaucoup de Kurdes iraniennes, Il faut idéalement avoir un petit nez retroussé comme une poupée, des lèvres pulpeuses, des pommettes saillantes, des yeux étirés et des fossettes dans les joues. Et qu’importe la douleur, si le résultat est à la hauteur de leurs espérances !

Pour autant, les célibataires qui ont subi des interventions de chirurgie plastique ne sont pas forcément respectées et courtisées par les hommes. Tous ne sont pas sensibles aux charmes des « femmes poupées » et au maquillage sophistiqué qu’arborent beaucoup d’entre elles. Elles sont même la cible de critiques virulentes ou – pire encore – sont considérées comme des prostituées.

Pour illustrer les dégâts occasionnés par les interventions faites par de mauvais chirurgiens, je vais vous raconter les mésaventures de deux amies restées au pays. Et je vais aussi vous raconter l’expérience vécue par une troisième amie exilée en Suisse qui a rencontré un homme à la musculature bizarrement développée.

Farzaneh, 29 ans, divorcée, un master en comptabilité

Farzaneh est ma meilleure amie. C’est une femme instruite qui a été mariée pendant 7 ans avant de divorcer. Comme elle a obtenu son master en comptabilité juste avant de se marier, elle n’a jamais travaillé. Comme beaucoup de femmes kurdes, elle est brune aux yeux noirs. Elle a un joli visage, c’est une femme équilibrée mais qui manque de confiance en elle. Un jour, son petit ami qui ne l’avait jamais vue démaquillée et non coiffée, l’a visitée à l’improviste. Il était très étonné de voir qu’elle avait des cheveux frisés et que, sans maquillage, elle n’était pas aussi jolie qu’il le croyait…

Dernièrement, Farzaneh m’a envoyé un message pour me dire qu’elle était très inquiète. Suite à une intervention chirurgicale destinée à accentuer ses pommettes, elle a eu le visage complètement déformé. Elle m’a envoyé une photo horrible, sur laquelle elle est carrément méconnaissable. La moitié de son visage est tellement gonflé que l’on ne voit plus son œil…

Depuis son divorce, mon amie vit à nouveau chez ses parents et elle est très inquiète à l’idée que son père – qui n’est au courant de rien – découvre le désastre. Elle essaie de cacher son visage tant bien que mal et évite de le croiser. « Si mon père apprend que j’ai fait de la chirurgie, il me tuera ! », m’a-t-elle confié.

Au vu du résultat catastrophique, Farzaneh est retournée chez son chirurgien esthétique pour qu’il lui enlève le gel qu’il avait injecté dans ses pommettes. Maintenant, il faudra patienter quelque temps avant de savoir si cette deuxième intervention lui permettra de retrouver un visage normal. Une chose est sûre, elle regrette d’avoir voulu s’embellir artificiellement, alors qu’en réalité l’intervention lui a ravagé le visage.

Haniyeh, 30 ans, célibataire, professeure d’anglais

Mon amie Haniyeh vit encore chez ses parents et travaille comme professeure d’anglais dans une école privée. Elle, c’est son nez, pourtant parfaitement normal, qu’elle a fait modifier. Pour le moment, sur les photos qu’elle m’a envoyées, on ne voit qu’une zone couverte de pansements, avec autour des chairs gonflées et violacées… Elle doit attendre pour découvrir si le résultat de l’intervention est à la hauteur de ses attentes et de la petite fortune qu’elle a dépensé.

A trente ans, Haniyeh est encore célibataire, ce qui est assez courant chez les femmes qui ont un haut niveau d’instruction. Bien qu’elle gagne correctement sa vie et ne paie pas de loyer, elle a dû vendre la voiture qu’elle avait achetée à crédit et qu’elle n’avait pas encore finit de rembourser pour payer l’intervention chirurgicale. Quelle folie ! J’espère pour elle que ce gros investissement financier la rende heureuse et peut-être lui permette de trouver un mari.

Leila, 30 ans, célibataire, comptable

Leila est une amie Kurde iranienne émigrée en Suisse qui surfe sur les réseaux sociaux pour se trouver un amoureux. Elle m’a raconté sa dernière encontre avec un homme plutôt bizarre… Après quelques jours de conversation en ligne, ils décident de se rencontrer. Il va la chercher en voiture à la gare de Neuchâtel et ils font une balade romantique au bord du lac. Il l’invite à manger une pizza sur une terrasse et en le regardant de plus près mon amie trouve que ses bras, ses épaules, sa poitrine sont bizarres. Elle lui demande pourquoi le haut de son corps est tellement développé alors que le reste du corps est normal… Il lui explique qu’il s’est fait des piqûres de testostérone pour paraître plus viril. En fait, Leila n’était pas convaincue et a même trouvé le résultat assez moche. Elle lui a fait savoir qu’elle ne voulait pas avoir une relation amoureuse avec lui. Comme il voulait connaître la raison de son désintérêt, elle a été honnête et lui a confié qu’elle n’était pas attirée par lui, et qu’elle trouvait sa musculature bizarre et qu’elle ne voulait pas d’un homme qui pense attirer les filles par son physique. De toute façon, mon amie n’aime pas les hommes objets.

Vive le naturel !

J’aimerais – sans trop y croire – que les femmes de mon pays apprennent à accepter leur corps et leur visage tels qu’ils sont au naturel. En Suisse, il me semble que les femmes sont moins intéressées par les interventions esthétiques et beaucoup plus naturelles dans leur façon de se maquiller. Personnellement, je pense que les femmes peuvent charmer et séduire autrement qu’en misant tout sur leur physique. Et si elles cultivaient par exemple, leur esprit d’indépendance, leur intelligence, leur humour… ?

Zahra

Membre de la rédaction vaudoise de voix d’Exils