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Je parlais avec une amie #3/3

Dessin réalisé sur caneva.com par la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Une édition limitée d’anecdotes du quotidien de l’asile

« Je parlais avec une amie » : nous l’avons toutes et tous déjà entendu et nous l’avons toutes et tous déjà prononcé. Cette formule a inspiré notre rédactrice Elvana Tufa qui a décidé de partager avec vous ses petites discussions anecdotiques – mais qui en disent long – sur son quotidien de personne en procédure d’asile (english version below).

Je parlais avec une amie de choses et d’autres et soudain cette pensée m’est venue à l’esprit

Je lui ai demandé : « Ne penses-tu pas que 2021 ressemble à une loooooongue semaine qui vient tout juste de commencer et qu’on est à peine lundi ? Puis tu te rends compte qu’on va la voir passer au ralenti, avant qu’elle ne se finisse le vendredi 31 décembre ? »

Elle n’a pas répondu pendant un moment. Peut-être qu’elle était en train de regarder le calendrier ?… Le 31 décembre 2021 ça tombe vraiment un vendredi!

Cette fois, je ne parlais pas avec une amie

Cette fois, je ne parlais pas avec une amie. J’ai juste imaginé ce dialogue, parce que je suis sûre qu’elle commence à s’ennuyer de moi et de mes 5 enfants. Je suis même persuadée qu’elle fait des blagues sur eux. La prochaine fois que je la verrai je lui dirai :

« Tu sais que dans un mois, il y aura de nouveau les vacances scolaires et je me demande s’il n’y a pas des gens sympas et géniaux qui auraient inventé une imprimante 5D ? Je pourrai facilement m’imprimer 5 fois et avoir 5 clones pour m’en occuper… »

Relire les chapitres précédents de « Je parlais avec une amie » :

Je parlais avec une amie #1/3 paru dans Voix d’Exils le 21.01.2021.

Je parlais avec une amie #2/3 paru dans Voix d’Exils le 03.02.2021.

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I was talking with a friend about random things and suddenly this thought popped into my head

I asked her :« Don’t you think that 2021 seems like a loooooong week, that has just begun and we’re still at Monday ?

But you realize that we have to see it in slow motion, in order for it to end on Friday, December 31? »

She didn’t answer for a while. Maybe she was looking at the calendar… December 31 2021 is really a Friday!

This time, I wasn’t talking to my friend

This time, I wasn’t talking to my friend. I just imagined this conversation, because I am dead sure she’s starting to get pissed of me and my five children. I’m sure she’s even making jokes on them. Next time I see or I talk to her, I will say :

« Do you know, in a month there will be school vacations again and I wonder whether there are people nice and genius enough to invent a 5D printer ? I could easily print myself in 5 copies, so I could deal with them properly. »

Read the previous chapters of « I was talking to my friend » :

I was talking to my friend #1/3 published in Voix d’Exils: 21.01.2021.

I was talking to my friend #2/3 published in Voix d’Exils: 03.02.2021.

Elvana Tufa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Je parlais avec une amie #2/3

Dessin réalisé sur caneva.com par la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Une édition limitée d’anecdotes du quotidien de l’asile

« Je parlais avec une amie »: nous l’avons toutes et tous déjà entendu et nous l’avons toutes et tous déjà prononcé. Cette formule a inspiré notre rédactrice Elvana Tufa qui a décidé de partager avec vous ses petites discussions anecdotiques – mais qui en disent long – sur son quotidien d’une personne en procédure d’asile (english version below).

Je parlais à une amie qui se plaignait tout le temps

– « Oh mon dieu, je suis tellement fatiguée! J’ai cuisiné, nettoyé et fait la lessive toute la journée hier. Je ne sens plus mon dos. Et maintenant, je dois me dépêcher d’aller chercher mon fils à l’école. Quel genre de vie est-ce ? »

Je l’ai regardée et je ne savais pas quoi lui répondre. J’aurais déjà pu lui rappeler que j’ai 5 enfants ou tout simplement lui dire :

– « Ah, c’est la vie »

Pourtant, j’ai préféré lui dire :

– « Tu sais que hier, j’ai oublié d’aller récupérer le petit à l’école ? Heureusement qu’il sait où il habite ».

Maintenant, quand on se croise dans la rue, elle fait comme si elle ne me voit pas.

Je parlais avec une amie au téléphone

Elle me posait des questions sur le vaccin du Covid-19 et me disait à quel point elle était ravie de pouvoir enfin le prendre.

– « T’es aussi ravie, n’est-ce pas ? »

M’a-t-elle demandé.

– « Bien sûr. »

Lui ai-je répondu.

– « Mais j’attendrais plutôt la mise à jour « Covid 2.0 », compte tenu du nouveau virus qui nous arrive depuis la Grande-Bretagne.»

Je savais qu’elle ne comprendrait pas, elle ne connaît presque rien à l’informatique. Elle n’a même pas d’e-mail. J’étais triste que mon ironie ait été perdue en vain…

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I was talking to a friend and she complained all the time

– “Oh my God, I am so tired, I cooked, cleaned and did the laundry all day long yesterday. I can’t even feel my back. Now I have to go and pick up my son from school. What kind of life is this, serving all the time ?”

I gave her a look as if wanting to say something, then I changed my mind. I could have reminded her that I had (and have already) 5 children, or could have simply said:

– “That’s life”.

So, I just went on and said to her:

– “Do you know that yesterday, I forgot to pick up my youngest from school ? Thank God he knows the way home.”

Now, when we cross each other in the street, she pretends she doesn’t notice me.

 

I was talking to a friend on the phone

She was asking me a couple of questions about the vaccine and was telling me how happy she was that finally she could do it.

– “You are happy too, aren’t you ?”

She asked me.

– “Of course”

I said to her.

“But I would rather wait for the update of  “Covid 2.0”, considering the new virus running against us from Great Britain”.

I knew she couldn’t understand, actually she knows almost nothing about IT. She doesn’t even have an e-mail address. I was sad my irony was lost in vain…

 

Elvana Tufa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 

 

 




Je parlais avec une amie #1/3

Dessin réalisé sur caneva.com par la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Une édition limitée d’anecdotes du quotidien de l’asile

« Je parlais avec une amie » : nous l’avons toutes et tous déjà entendu et nous l’avons toutes et tous déjà prononcé. Cette formule a inspiré notre rédactrice Elvana Tufa qui a décidé de partager avec nous ses petites discussions anecdotiques – mais qui en disent long – sur son quotidien de personne en procédure d’asile (english version below).

Je parlais avec une amie qui a obtenu le permis B et qui pourtant se plaint tout le temps

– « Je n’ai pas de travail ; je n’ai pas d’appartement…»

– « Est-ce que tu peux travailler ? » lui ai-je demandé.

– « Oui, mais… »

Elle ne m’a répondu que ça.

Alors, je me suis souvenue de mes diplômes suspendus au mur comme des photos d’enfance en attendant le permis B…

Je parlais avec une amie hier et elle m’a raconté ses vacances

Elle a passé le week-end dernier dans une station de ski et s’en est vantée. Et puis elle m’a demandé :

– « Et toi, où as-tu passé ton week-end ? »

– « Moi ? Je suis allée au supermarché 4 fois pendant le week-end, seule, sans enfants. C’était une sacrée pause et je me suis sentie si bien! »

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I was talking to a friend who has already B permit but complaining all the time

– “ I don’t have a job; I don’t have an apartment…”

– “ Are you permitted to work ? ” I asked her.

– “ Yes, but…”

she answered but this.

And then, suddenly, I recalled all my diplomas hanging on the wall just like photos of childhood, while I’m waiting to obtain the B Permit like my friend.

I was talking to a friend yesterday and she was telling me about her holidays

She passed last weekend in a ski resort and was bragging about. And then she asked me :

– “ How was your weekend ? Where did you guys go ? ”

– “ Me ? ” I went to the supermarket like 4 times during the weekend, alone, without children. It was indeed “ a holy day ”, and it felt so good!

Elvana Tufa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 




Les premières visites ravivent les cœurs

Unsplash.com. Auteur: Phil Hearing

Drôles et émouvantes retrouvailles dans un EMS valaisan

Aujourd’hui, il fait beau et je me sens très bien en ce début de mois de juin. C’est la deuxième fois depuis la crise du Coronavirus que je viens à la maison de retraite pour un travail de bénévolat. Je prépare le dispositif des visites. Grâce au beau temps, on peut les organiser dans le jardin.

La première aura lieu dans quelques minutes. Je dois me dépêcher et bien désinfecter la table, les chaises et surtout le plexiglass installé au milieu de la table.

Ils arrivent : une jeune femme avec un homme, ils sont le fils et la belle-fille de Madame… Oh, je suis vraiment « terrible » pour me rappeler le nom des gens, je les oublie toujours !

« Pourquoi n’es-tu pas venu me voir ? »

J’accueille les deux visiteurs et les invite à bien se désinfecter les mains et à remplir les formulaires administratifs. Je les guide ensuite jusqu’au lieu de la visite. Le jeune homme me demande :

– « Est-ce que nous devons porter un masque pendant la visite ? » et il ajoute « C’est notre première visite depuis deux mois. On s’est seulement parlé quelques fois sur WhatsApp. »

– Je lui réponds : « Non, le plexiglass entre vous suffit ; si vous portez le masque ça serait trop difficile pour vous comprendre. »

Après quelque secondes, sa mère arrive sur une chaise roulante, accompagnée d’une infirmière. C’est une petite dame avec de grosses lunettes, elle a des cheveux courts et blancs comme la neige des Alpes. En s’installant derrière la table elle dit d’une voix fragile :

– « Où étais-tu? Pourquoi n’es-tu pas venu me voir ? »
– « Il y avait une maladie grave partout, on n’avait pas le droit de venir, c’était interdit. » explique son fils en s’approchant du plexiglass pour mieux se faire comprendre.
– « Depuis quand est-ce qu’on interdit à des enfants de rendre visite à leur mère ? » demande-t-elle sérieusement.
– « Mais Maman … » J’interromps le fils et l’informe que la durée de la visite est limitée à 30 minutes au maximum.

Je les laisse tranquilles et m’assieds sur une chaise à l’écart, de l’autre côté du jardin, où je m’occupe avec mon téléphone portable.
Je dois faire attention à l’heure, car la visite suivante est annoncée dans 40 minutes. Cela fait déjà 23 minutes que la visite a commencé, et il ne reste que 7 minutes ! C’est le moment le plus difficile, quand je dois les avertir qu’il ne reste que 5 minutes ! Ils vont me dire que le temps a passé très vite!

Je me rapproche d’eux. Heureusement, ils sont plus détendus qu’au début de la visite. Ils me remercient et se disent au revoir. Le fils promet à sa mère qu’il reviendra très vite.

 

« C’est notre anniversaire de mariage »

Je vois arriver la voiture de la deuxième visite. Elle se gare dans la cour de la maison. C’est un monsieur d’environ 80 ans, mais il a l’air d’avoir vingt ans de moins. Il vient vers moi avec un joli bouquet de roses et une boîte dans les mains.

– « C’est notre anniversaire de mariage aujourd’hui et j’ai apporté un petit gâteau pour le manger avec ma femme » me dit-il avec un grand sourire.
– « Joyeux anniversaire ! Mais avant je dois tout désinfecter. »
– « Désinfecter le gâteau ??!!! » me demande-t-il avec un regard étonné.
– « Mais non, on ne désinfecte pas le gâteau, seulement la boîte et le bouquet de fleurs !»

Sa femme arrive avec une infirmière à ses côtés mais je trouve qu’il y a quelque chose de bizarre.
L’infirmière s’adresse à la femme et lui explique que le Monsieur est son mari et qu’il vient lui rendre visite. Mais la femme répond qu’elle n’est pas mariée et qu’elle veut retourner dans sa chambre. Elle est agitée. Son mari est déjà posté derrière le plexiglass et je peux voir de l’amour dans ses yeux. Après quelques minutes de discussion, elle accepte de rester.
Je désinfecte bien le bouquet de roses. Elles sont vraiment jolies et je trouve que le Monsieur a du goût et de l’élégance. Même après toutes ces années, on voit beaucoup signes de beauté dans le visage de sa femme.

Je donne le gâteau à la cafétéria pour qu’on le serve pendant la visite avec une tasse de café et je m’assois à nouveau sur ma chaise. La situation de ce couple me touche beaucoup et occupe mon esprit.

« Vous avez une bonne philosophie de vie »

Au bout d’un moment, je suis distrait par le manège de deux résidents assis à la table voisine : un Monsieur assis en face d’une Dame essaie d’engager la conversation :

– Le Monsieur : « Il fait beau aujourd’hui ! n’est-ce pas ? »
– La Dame : « Oui. »
– Le Monsieur : « La vie est belle ! »
– La Dame: « Quelques fois c’est pénible. »
– Le Monsieur : « Mais on l’oublie vite. »
– La Dame : « Vous avez une bonne philosophie de vie. »
– Le Monsieur : « …. »

Je regarde mon téléphone pour vérifier le temps de la visite. C’est déjà l’heure! Je tourne ma tête vers la table de visite. Wow ! Quel magnifique tableau ! Le bouquet de jolies roses est disposé dans un vase à côté de la femme ; ils sont en train de manger du gâteau en discutant gentiment. Elle a un large sourire et cette fois-ci je n’ai pas envie d’interrompre cette rencontre…

Ahmadirad Salahaddin
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils