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La Suisse, pays riche ou pauvre?

Source: pixabay.com. Image sous licence libre Pixabay License.

Cliché ou réalité? La richesse d’un pays comme la Suisse intrigue. Un rédacteur de Voix d’Exils mène l’enquête

Il y a le cliché persistant du banquier Suisse qui compte ses pièces d’or à l’abri des regards indiscrets, mais qu’en est-il des faits? Est-ce un mythe ou une réalité? Pour une personne étrangère, il est pour le moins surprenant d’entendre des citoyennes et citoyens suisses se plaindre en ces termes: « La Suisse n’est pas un pays riche, nous sommes pauvres! ». Mais cette affirmation est-elle réellement infondée?

La Suisse est-elle riche? C’est une question qui, loin des apparentes évidences et des convictions ancrées dans l’imaginaire populaire, est pourtant difficile à trancher sans une analyse objective et argumentée. Tentons d’y répondre dans les limites des quelques lignes proposées ci-dessous.

Pour commencer, partons de la définition du Larousse. « Riche », adjectif :

  1. Qui a de la fortune, des biens importants. Exemple : « Une riche héritière ».
  2. Se dit d’une collectivité dont la situation financière ou économique est « prospère ».

Alors, la population suisse est-elle fortunée? Sa situation économique est-elle prospère ? Interrogeons les principaux concernés : les Suissesses et Suisses eux-mêmes !

Selon un graphique (reproduit ci-dessous) issu d’un sondage de l’institut DemoSCOPE publié en 2013 dans Bilan, un magazine économique bimensuel suisse, 94% des Suissesses et Suisses estiment qu’ils vivent dans un pays riche.

Par ailleurs, selon le même sondage, seuls 36 % de la population suisse considéreraient être riches en possédant moins d’un million de francs de fortune (voir le graphique ci-dessous):

Notons, enfin, qu’environ un demi-million de la population suisse a une fortune supérieure à un million de francs; et que 1% des plus riches possèdent environ 40 à 50% de la richesse totale de la Suisse.

Partant des indications ci-dessus, il n’est pas surprenant que beaucoup de Suissesses et Suisses se considèrent comme pauvres dans un pays pourtant considéré comme étant riche.

Pour compléter cette analyse, il faut aussi envisager la richesse au niveau macroéconomique, c’est-à-dire en considérant les mécanismes de production des richesses au niveau des États ou des organisations internationales. Dans cette optique, qu’est-ce qu’un pays riche ?

Dans l’absolu, « être riche » ne veut rien dire. C’est une question de rapport entre différentes situations ; on est riche par rapport à quelqu’un ou à quelque chose. C’est là qu’entrent en scène les indicateurs usuels : Produit Intérieur Brut (PIB), Revenu par habitant, Indice de Développement Humain (IDH) etc.

Au moment de la rédaction de cet article, il est bientôt l’heure de « souper » comme on dit en Suisse pour le dîner. J’ai donc retenu un indicateur qui se mange : l’Indice Big Mac qui permet de mesurer la parité du pouvoir d’achat entre les pays en étudiant le prix du fameux hamburger de chez McDonald’s. Nul suspens, selon le classement réalisé par le site The Economist, la Suisse arrive en tête juste devant la Norvège et le Danemark avec le prix de 7.54 US $.

Bref, les Suisses sont-ils riches comme Crésus ? Pour les huit millions de Suissesses et de Suisses disposant d’une fortune inférieure à 1 million de francs suisse, non ! Pour les autres : Oui !

Phil,

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 

 




Un ESPACE pour vivre la diversité

Neuchâtel – le projet « ESPACE » va ouvrir ses portes début 2021

Deux nouveaux lieux pour l’apprentissage de compétences de base : français, mathématique, technologie de l’information et de la communication (TIC) ouvriront en 2021 à Neuchâtel. L’une dans le haut et l’autre dans le bas du canton. ESPACE est l’une des mesures phares de l’Agenda Intégration Suisse dans le canton de Neuchâtel.

Pour qui ?

Espace sera ouvert à toute personne :

  • prioritairement issue de la migration, indépendamment de son âge et de son statut;
  • ayant besoin d’acquérir ou de renforcer des compétences de base;
  • désireuse de partager des activités en groupe, d’apprendre à connaître et comprendre la Suisse, d’acquérir des premières expériences professionnelles et de vivre des moments d’échanges avec des gens d’ici et d’ailleurs.

Et encore ?

La rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 

 

 




Les quatre sommets de l’asile

Auteur: Galen Crout / unspash.com.

Quand chaque montagne à gravir en cache une autre


Comment Bin, arrivé en Suisse en décembre 2018, a gravi les quatre sommets de l’asile. Témoignage.

Sommet numéro 1 : la vie dans un centre d’enregistrement

Il faisait très froid quand, seul, à pied, je me présente au centre d’accueil pour réfugiés de Vallorbe dans le canton de Vaud, avec une valise et un petit sac à dos pour tout bagage. Un agent de sécurité m’ouvre la porte. Après deux jours, je suis transféré dans un autre centre, à Boudry dans le canton de Neuchâtel. Ce ne sera pas le dernier. Quatre mois plus tard, je suis encore transféré vers un autre foyer, à St Gingolph, en Valais. Deux centres et un foyer répartis dans trois cantons, avec des atmosphères différentes.

Le centre de Boudry me marque par son ambiance particulière : les règles y sont très strictes, le comportement des résidents minutieusement documenté dans leur dossier. Il faut suivre le règlement à la lettre. La cohabitation est souvent pénible ; les chambres sont quasi invivables. Malgré les interdictions et la surveillance des agents de sécurité, certains résidents fument et boivent de l’alcool dans des dortoirs. A cela s’ajoutaient des bagarres – parfois violentes – entre résidents, causant une peur palpable dans le centre.
Les journées sont longues. Je m’ennuie. Lire devient impossible à cause du bruit. Tout est chronométré : les heures de repas, de sommeil, de réveil. J’ai le sentiment de perdre le contrôle de ma vie.

Sommet numéro 2 : la procédure d’asile

Et si les choses sérieuses ne font que commencer ? Après quatre semaines, mon nom s’est finalement affiché pour une convocation dans les bureaux du SEM (Secrétariat d’Etat aux Migrations) attachés au centre fédéral pour requérant d’asile (CFA) de Boudry. Le moment crucial pour tout demandeur d’asile.
Mon audition débute à 8h45 pour ne finir qu’à 16h55 : 108 questions sur 24 pages.
« Nous ne pouvons pas terminer aujourd’hui » me dit l’auditrice du SEM. « Vous recevrez une nouvelle convocation dans les prochaines semaines ». Cette deuxième audition dure de 8h45 jusqu’à 11h25. 58 questions supplémentaires sur 10 pages. « C’est fini, la décision vous sera communiquée prochainement », conclut l’auditrice.

Je fais partie d’un projet-pilote qui découle de la nouvelle loi sur l’asile en Suisse axé sur la rapidité procédurale : la décision du SEM n’a de ce fait pas tardé. Mais, contre toute attente, la réponse est négative. C’est alors une vraie descente aux enfers. Je suis incapable de retenir mes larmes. Non pas parce que j’apprends que je suis débouté. Mais surtout parce que je ne peux pas retourner dans mon pays et que je ne sais pas quand et comment je pourrai revoir mes enfants. J’ai laissé au pays 4 garçons de 10 à 7 mois et le petit dernier ne me connaissais pas encore. Mon épouse a perdu la vie quatre jours après sa naissance.

Quelques jours après, j’ai le courage de faire un recours auprès du tribunal administratif fédéral (TAF). Pendant ces jours-là, je reçois un appel téléphonique de mon fils aîné. Il me demande : « Papa quand est-ce que tu reviens ? tu es parti beaucoup plus longtemps que d’habitude » . J’avale mon émotion avant de lui donner une réponse peu convaincante. En attente de la décision du TAF, les jours sont pleins d’angoisse, de stress. La plupart des résidents me découragent en me citant tour à tour les cas de rejet de cette haute instance judiciaire du pays. Mais je reste optimiste malgré tout.

Finalement, le TAF me donne raison en annulant la décision du SEM et ordonnant par le même jugement à ce dernier de me reconnaître la qualité de réfugié. C’est alors la montée au ciel ! Mais ce grand soulagement n’est que de courte durée car d’autres préoccupations – et pas des moindres – s’enchaînaient les unes après les autres.

Sommet numéro 3 : le regroupement familial

Vivre avec sa famille réunie est l’idéal de chacun. Mais, parfois, les situations de la vie font qu’un des membres de la famille sépare des siens, pour toutes plusieurs raisons.
Personne ne peut comprendre le chagrin de vivre loin de sa famille à part celui qui a vécu ou traverse toujours cette douloureuse situation. C’est une période pénible, surtout si elle est forcée.

A l’obtention du statut de réfugié, j’ai immédiatement déposé une demande de regroupement familial. A la lecture de la loi sur l’asile, ça paraît simple mais ce n’est cependant pas automatique. Les personnes admises provisoirement (permis F) doivent prouver leur indépendance professionnelle et celles ayant obtenues le statut de réfugié (permis B) doivent motiver leur demande. Dans mon cas, faisant partie de la deuxième catégorie, plusieurs mois de paperasse sont nécessaires avant d’obtenir – enfin –  une autorisation d’entrée pour mes enfants.

A ce stade, une nouvelle question se pose : « Comment les faire venir ? ». Comme mes fils sont très jeunes et sans famille direct avec eux, il me faut faire plusieurs démarches pour les sortir de mon pays et les emmener en Suisse. Mis au courant de la situation, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui soutient habituellement les réfugiés en demande de regroupement familial, me refuse toute assistance. J’organise moi-même pour me rendre dans un pays proche de mon pays d’origine pour accueillir mes enfants et les ramener. Tout cela à mes frais et sans aucune ressource. Quelle panique !

Finalement, les enfants sont arrivés. Ouf quel soulagement !

Sommet numéro 4 : l’intégration

Toute personne définit les objectifs qu’elle souhaite atteindre dans sa vie et prend ses propres décisions afin de réussir sa vie. Dans le monde de l’asile, cette configuration change. Certes, on poursuit le même but, mais pas nécessairement le même chemin, car l’Etat peut intervenir dans la vie du réfugié. Et même contre son gré, au nom d’une « intégration réussie » . C’est compréhensible mais difficile à admettre pour certains et certaines.
Afin de faciliter l’indépendance socio-professionnelle des personnes reconnues provisoirement et des réfugiés reconnus (AP/R), les autorités fédérales et cantonales ont mis en œuvre l’Agenda Intégration Suisse (AIS). Personne n’y échappe. On n’est plus ni maître ni artisan de son destin. La Confédération, les Cantons et tout un ensemble de collaborateurs et collaboratrices entrent en jeu. La collaboration devient le mot d’ordre.
Dans ce parcours, rien n’est plus blessant, démoralisant et même dramatique que de croiser des personnes sans expériences et pleines de préjugés à l’égard des réfugiés, comme certains témoignages le montrent. Personnellement, j’ai eu la chance de toujours tomber entre de bonnes mains, avec des assistants et assistantes sociaux qui m’encouragent, me soutiennent et me donnent de l’espoir dans ce nouveau chemin.
Une nouvelle page s’ouvre pour moi et mes enfants dans ce pays. A nous de la remplir au mieux des opportunités que nous allons rencontrer.

Bin

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils