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« L’enseignement supérieur et la formation professionnelle doivent être ouverts à toute-s les réfugié-e-s ! »

Colloque de l’UNES « l’intégration par la formation ». Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

 

Compte rendu du colloque de l’UNES « l’intégration par la formation »

L’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES) a organisé, le 26 octobre dernier, à Berne, un colloque portant sur l’intégration par la formation des migrants et réfugiés résidant en Suisse. Pour aborder ce sujet, des intervenants de plusieurs cantons ont présenté leurs projets en cours et les résultats obtenus, dont Voix d’Exils.

Tout a commencé à 9:00 par l’accueil des participants à l’entrée de la salle de conférence. Dès 9:30, les mots bienvenue à toutes et tous ont été retransmis, par haut-parleurs, aux 60 personnes présentes dans l’un des auditoires de l’Université de Berne. Les représentantes de l’UNES qui s’occupent du projet « Perspectives – Études » depuis 2015 se sont, par la suite, présentées et ont souhaité de bons échanges aux participants, dont plusieurs acteurs de l’intégration et personnes réfugiées en Suisse. Le colloque s’est déroulé en deux langues : le français et l’allemand, grâce à deux interprètes qui ont traduit en simultané toutes les interventions.

Horizon Académique, Université de Genève

La première association a présenté son grand projet d’aide aux réfugiés et requérants d’asile pour leur donner une véritable chance de reconstruction de leur vie via les études universitaires. Metin Turker, responsable et représentant d’Horizon Académique, a précisé que depuis 2016, cette organisation genevoise a pu permettre à de nombreuses personnes étrangères d’entrer à l’Université de Genève.

Pour l’immatriculation pour l’année académique 2018-2019, 63 personnes motivées à poursuivre des études supérieures sont entrées à l’Université de Genève. Parmi elles, 10 nationalités différentes et 40 % de femmes. L’association dispense des cours de français intensif pendant six semaines et accompagne par la suite les étudiants, dont les documents scolaires ne sont pas reconnus en Suisse, dans la préparation et la réussite de l’examen d’équivalence nommé ECUS. Tous ces services font partie de l’aide sociale et dépendent de l’aide financière du bureau de l’intégration du canton de Genève. Plusieurs fonds privés soutiennent aussi ce projet.

Metin Turker, responsable Horizon académique, Université de Genève. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

Offener Hörsaal, Université de Berne

Ensuite, Valeria Pisani, responsable de Studentlnnenschaft Universität Bern (SUB) a pris la parole. Ce comité a été créé par des étudiants de l’Université de Berne en automne 2016, afin de faciliter l’accès à certains cours, en tant qu’auditeurs libres, à des réfugiés qui ont la volonté de faire des études supérieures et afin de les accompagner dans les démarches qui leur faciliteront leur entrée à l’Université.

Les membres de cette organisation sont des étudiants qui s’engagent bénévolement. Ils offrent aussi aux personnes intéressées l’accès à la bibliothèque de l’Université et, parfois, la possibilité d’emprunter un ordinateur. L’Université de Berne collabore aussi avec cette organisation pour la reconnaissance de ces personnes en tant qu’auditeurs libres, mais ils n’ont pas encore la possibilité de passer d’examens pour obtenir un certificat. Le SUB fournit un peu de matériel comme des stylos et des cahiers à ces réfugiés, grâce au soutien financier de quelques fonds privés et également de l’Université de Berne.

Voix d’Exils

Dans la deuxième partie de la matinée, Afif Ghanmi, coordinateur de programmes à L’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), a présenté le site d’information Voix d’Exils. Ce média en ligne, spécialisé dans la migration, est aussi un programme intercantonal qui regroupe trois rédactions : Vaud (Evam), Valais (Service de l’action sociale) et Neuchâtel (Service des migrations).

Voix d’Exils accueille des participants ayant un niveau élevé de formation ou des compétences spécifiques et a pour objectifs de : porter la voix des personnes migrantes, stimuler un débat constructif sur des sujets de migration et de société, créer un pont entre les migrants et la société d’accueil, valoriser l’apport des personnes migrantes pour la société suisse et produire une information spécialisée de qualité. Du coté de ses rédacteurs, ce média vise à faciliter leur intégration socioprofessionnelle.

Ce programme est considéré comme un tremplin vers l’emploi. Il permet le développement de compétences spécifiques et transversales pour répondre aux exigences du marché du travail suisse. Ceci par le biais de l’immersion dans un environnement de travail réel, l’encadrement par des professionnels spécialisés et la dispense d’une formation multimédia en techniques journalistiques.

Une recherche qualitative et quantitative, menée sur les trajectoires et les compétences acquises par les participants de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils, montre plus de 50% d’issues favorables en terme de formation et de prise d’emploi à la sortie du programme et met en valeur les effets positifs de cette mesure sur le moral et la santé mentale des participants. Le rôle important d’un tel programme dans l’aide à l’intégration socioprofessionnelle est également souligné dans les résultats de cette recherche. Pour illustrer ses propos, Afif Ghanmi a brièvement présenté le portrait de deux anciens rédacteurs; l’un poursuit actuellement ses études supérieures à l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL) et l’autre termine cette année sa formation en cours d’emploi en tant qu’éducateur social.

Afif Ghanmi, coordinateur de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

Mamadi Diallo, rédacteur à Voix d’Exils, a fait un témoignage au nom de la rédaction vaudoise sur les avantages de Voix d’Exils et les bénéfices d’un tel programme notamment pour se familiariser à un environnement de travail réel, collaborer au sein d’une équipe et travailler parfois en autonomie. À Ceci s’ajoute l’amélioration du français et la mise en valeur de compétences spécifiques. M. Diallo a terminé ses propos en exposant le défi qu’il a pu surmonter durant sa participation mensuelle à l’animation de la rubrique « La Rose des Vents » du Grand direct de la webradio lausannoise Radio Django.

Mamadi Diallo, rédacteur de Voix d’Exils. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

Powercoders 

Hussam Allaham, Syrien arrivé en Suisse il y a trois ans, s’est concentré sur le « coding ». Hussam était d’abord un participant dans ce projet puis est devenu le responsable. Powercoders est le nom d’un projet d’intégration qui forme de jeunes réfugiés aux techniques du digital afin de leur offrir de meilleures chances dans leur vie professionnelle.

Les cours durent entre deux et trois mois. Ils ont d’abord commencé en 2017 à Berne, puis se sont ensuite étendus à Lausanne, Zurich et, dès la fin de l’année, à Bâle. Environ 20 personnes s’engagent, chaque fois, dans le projet. Et le résultat est satisfaisant pour l’instant, car 15 personnes environ trouvent une place de stage ou d’apprentissage dans des entreprises assez connues comme Swisscom.

L’apprentissage de l’allemand ou du français n’est pas un frein à l’intégration professionnelle puisque dans le monde de l’électronique et du digital, c’est l’anglais qui est le plus utilisé. Ainsi, celui qui a très envie d’entrer dans ce secteur du marché du travail, et qui parle un peu l’anglais, réussit à trouver sa place grâce à ces cours. Et une fois dans le marché de l’emploi ils apprennent une des langues du pays.

Hussam Allaham, responsable de Powercoders. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

« Politique suisse d’intégration »

Minh Son Nguyen, avocat et professeur à l’Université de Neuchâtel et de Lausanne, a partagé les résultats de ses recherches sur les textes normatifs (Déclaration des droits de l’Homme, Déclaration des droits de l’enfant Constitutions, lois, jurisprudence, directives et autres) en rapport avec la politique suisse d’intégration.

Le Professeur Nguyen a commenté le sens des mots comme « intégration » et « s’intégrer » qui, au fil du temps, ont pris d’autres sens.

Il a insisté sur la nécessité d’interpréter les articles de lois nationales et internationales sur les migrants en faveur de ces derniers. Ce, malgré la restriction historique du droit d’asile dans de nombreux Etats et la discrimination entre différents statuts de migrants et réfugiés en Suisse.

L’intégration des étrangers va, selon lui, de pair avec le principe de la non-discrimination et le respect des droits humains. On ne peut pas interpréter systématiquement les textes de loi indépendamment du contexte et de la réalité des individus concernés. D’où le besoin d’humaniser davantage le processus d’intégration.

Dans la pratique, il y a de nombreux obstacles auxquels il faut incessamment faire face. Il existe un arsenal important de textes. Mais cela demande d’effectuer des démarches juridiques conséquentes et de dépenser beaucoup de temps et d’énergie pour avoir gain de cause. Tâches qui seraient de plus en plus difficiles, notamment avec l’entrée en vigueur des nouvelles lois qui durcissent encore plus le droit d’asile et le droit à la citoyenneté.

Prof. Ninh Son Nguyen, Université de Neuchâtel et Lausanne. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

Workshops

Les participants se sont retrouvés l’après-midi autour de workshops. Un atelier pour les francophones a traité de la question de l’intégration et des accès à la formation supérieure et deux ateliers germanophones ont débattu de l’intégration par la formation professionnelle.

Une mise en commun des résultats et des conclusions a eu lieu en plénière avant l’apéro de fin de journée.

Colloque de l’UNES « l’intégration par la formation ». Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

Recommandations de l’UNES

L’UNES appelle, dans son communiqué à l’issu de cette journée, à la prise en compte « des parcours de formation antérieurs, les potentiels et les capacités scolaires des réfugié-e-s et personnes migrantes dans le processus d’intégration ». Aspects d’ailleurs relevés par les différents orateurs et soutenus par les expériences sur le terrain.

« L’enseignement supérieur ou la formation professionnelle doivent être ouverts à tout-e-s les réfugié-e-s en fonction de leurs intérêts et capacités ». Ceci est le message fort de l’UNES adressé aux Universités, à la Confédération, aux cantons et aux services sociaux afin de garantir une intégration durable, une grande autonomie financière et réduire ainsi le chômage.

Pour ce faire, les décideurs sont invités à faire les bons choix politiques en matière d’intégration. Du côté des professionnels et des acteurs de l’intégration, il y a un besoin urgent de coordonner les efforts et d’échanger sur les expériences afin de faciliter l’accès à la formation pour les réfugié-e-s et les personnes migrantes.

Equipe d’organisation du colloque de l’UNES. Photo: Eddietaz / Voix d’Exils

Babak Qodrati

Rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Vivre le deuil à distance

L'émission vue par notre dessinateur Georgi, De gauche à droite: Mika, Fabien et Afif.

L’émission vue par notre dessinateur Georgi, De gauche à droite: Mika, Fabien et Afif.

 Quand la mort sépare les exilés de leurs proches

Comment faire le deuil d’un proche sans pouvoir le voir ? Comment entourer les siens pour surmonter cette épreuve sans pouvoir les enlacer ? Lors de l’émission de Radio Django du 24 mai dernier, il s’agissait de se questionner sur le problème de l’impossibilité pour beaucoup de migrantes et migrants de vivre et de pratiquer des rites mortuaires pour accepter le décès de proches, étant donné qu’ils ne peuvent plus se rendre dans leur pays d’origine pour quantité de raisons. A cette occasion, Mika, rédactrice vaudoise de Voix d’Exils, a interviewé Afif Ghanmi, coordinateur du programme d’activité Communication à l’EVAM qui est d’origine tunisienne et qui est en Suisse depuis 24 ans. Il a perdu son père en 2000 sans pouvoir se  recueillir sur sa tombe pendant de nombreuses années. Un grand merci à Afif Ghanmi d’avoir accepté de partager cette expérience douloureuse avec nous.

Ecoutez l’émission en cliquant ici

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Afif Ghanimi. Auteur: Georgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Afif Ghanmi. Auteur: Georgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




swissinfo.ch publie un article sur Voix d’Exils

SwissInfoswissinfo.ch, la plateforme web internationale de la société de diffusion publique SRG SSR, a publié un article en arabe à propos de Voix d’Exils le 17 mars dernier. Interview d’Afif Ghanmi et Omar Odermatt de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Voix d’Exils : un média proposant une approche différente de la migration et des migrants en Suisse

Article de Abdelhafidh Abdelli, Lausanne, swissinfo.ch, le 18 mars 2013

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils démarre sa journée par la revue des titres de presse. Elle est suivie d'une discussion des principaux titres, avant de choisir les sujets à couvrir ou à approfondir. Photo : Hugues Siegenthaler

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils démarre sa journée par la revue des titres de presse. Elle est suivie d’une discussion des principaux titres, avant de choisir les sujets à couvrir ou à approfondir. Photo : Hugues Siegenthaler

Le blog Voix d’Exils est un média social en ligne développé par le Programme d’occupation Communication de l’Etablissement Vaudois d’Accueil des migrants (EVAM) avec un réseau de partenaires. Il se veut être « la voix des sans voix » en cherchant à produire d’autres approches de la question migratoire et une image alternative des migrants vivant en Suisse.

Le rayonnement accru de ce site, s’apparentant davantage à un journal online, est dû à l’originalité de son message et à sa haute qualité professionnelle ; deux aspects que les responsables de ce blog ne cessent de nous les rappeler à chaque moment.

Dès son lancement, ce média se voulait être un outil efficace de communication entre les migrants et la société d’accueil. Son but étant de promouvoir l’entente, de faciliter la compréhension et de renforcer les liens entre les migrants et la population suisse. Ce programme est également une des mesures permettant aux participants de s’occuper, de se former et de développer leurs compétences. Cela permet aussi de prévenir les effets négatifs qui découlent de la migration et de l’éloignement des migrants de leur famille et du pays.

Une opportunité d’acquérir une formation et une expérience professionnelle

Mais, comment l’EVAM, en tant qu’établissement public spécialisé dans l’accueil des migrants, a-t-il réussi à développer un projet médiatique de ce genre.

Afif Ghanmi, l'un des coordinateurs des programmes d’occupation de l’Entité Intégration et Développement rattachée à l’Unité Encadrement de l'Etablissement Vaudois d'accueil des migrants. Photo : Hugues Siegenthaler

Afif Ghanmi, l’un des coordinateurs des programmes d’occupation de l’Entité Intégration et Développement rattachée à l’Unité Encadrement de l’Etablissement Vaudois d’accueil des migrants.
Photo : Hugues Siegenthaler

La réponse selon Afif Ghanmi, l’un des coordinateurs des programmes d’occupation au sein de l’Entité Intégration et Développement de l’Unité Encadrement de l’EVAM, se trouve dans le règlement de ces mêmes programmes. Il explique que « ce blog est une mesure parmi d’autres, mise en place par notre Entité, qui est proposée aux migrants accueillis par notre établissement. Le blog Voix d’Exils s’inscrit dans ce cadre-là et constitue l’axe principal du travail du Programme Communication qui, d’ailleurs, est l’un de nos divers et nombreux programmes ».

Quant aux objectifs à atteindre de ces programmes en général, cela se résume selon Afif Ghanmi: « à donner aux participants l’opportunité d’exercer un travail et de vivre une expérience pratique. Ce qui pourrait les aider d’une part, à développer des compétences professionnelles et donc de renforcer leur chance de s’insérer dans le monde du travail. D’autre part, les expériences vécues et les connaissances acquises pourraient être également utiles en vue d’un retour au pays ».

Ces programmes ont aussi une dimension thérapeutique et préventive contre la fragilité psychologique et les troubles de comportement social, qui sont souvent liés à la migration d’un pays à un autre.

Dans ce contexte, le blog Voix d’Exils donne à ses rédacteurs le sentiment d’être utile et leur apporte un élan positif dans leur vie. Or, chaque article rédigé par un migrant est, selon Omar Odermatt, Responsable de la rédaction du blog : « Un projet en soi, vu les compétences requises sur les plans linguistique et rédactionnel ; compétences que ne possèdent pas toujours les rédacteurs ».

Dans un article publié récemment dans le quotidien Le Courrier, un des rédacteurs de Voix d’Exils, exprime ce que représente pour lui ce site : « Après la persécution endurée dans mon pays à cause de ma profession de journaliste, Voix d’Exils a été pour moi une sorte de thérapie et un soutien pour retrouver la confiance et le plaisir d’écrire et d’exercer ma profession. »

Dans le même sens, Omar Odermatt affirme que « nous visons à ce que les rédacteurs qui participent à cette expérience réussissent à trouver une place d’apprentissage dans un média, et pourquoi pas à signer un contrat de travail et obtenir la carte de presse. »

Besoin de communication

Selon le Responsable de la rédaction du blog, il y a une autre raison qui a motivé le lancement du site Voix d’Exils. Celle-ci consiste « à donner une autre vision du phénomène migratoire, surtout que les médias parlent souvent des migrants d’une manière négative sans leur donner un droit de réponse. Les médias traitent parfois les problèmes d’une manière superficielle et s’arrêtent souvent sur les phénomènes les plus visibles, comme la violence et le trafic de drogues ; en négligeant l’examen des causes profondes qui se cachent derrière ces phénomènes. »

D’un autre côté, le site ne se borne pas à soulever les contradictions des informations diffusées par les médias traditionnels, mais à éclairer d’autres aspects de la migration : la richesse que représente la diversité des cultures pour la société, et les retombées bénéfiques sur l’économie due à la participation et l’intégration des migrants, surtout que le quart de la population suisse est d’origine étrangère.

Le besoin de communiquer, selon Omar Odermatt, n’est pas dirigé seulement vers l’extérieur, puisque les migrants ont besoin aussi de communiquer entre eux. En effet, le site Voix d’Exils s’est transformé au cours des trois dernières années, en une plateforme qui permet aux migrants d’exprimer leurs préoccupations et leurs espoirs en toute liberté.

Bien que le projet soit destiné en premier lieu à la formation, le site Voix d’Exils a néanmoins réussit à inspirer le respect à ses lecteurs et à son public. Ce respect revient à l’application rigoureuse des principes de la Charte éditoriale, dans laquelle il est mentionné dans l’un des paragraphes que le blog est: « apolitique, sans appartenance partisane ou religieuse et respecte les principes déontologiques contenus dans la déclaration des devoirs et des droits des journalistes de la Fédération suisses des journalistes ».

La version électronique du journal est la formule idéale

Vu les circonstances spéciales des rédacteurs qui participent à ce projet, cette tribune médiatique a opté pour la formule électronique au lieu du papier. Omar Odermatt vante les qualités de ce choix et ses motivations : « le site internet procure une flexibilité que le journal papier n’a pas, et permet aussi la publication d’informations à notre convenance, sans être contraints par des délais de publication strictes. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’on fasse l’économie de la régularité et de la discipline ».

En effet, le site Voix d’Exils est considéré plutôt comme un journal électronique qu’un site de communication sociale. En plus, il offre, selon Omar Odermatt, « un rayonnement plus vaste à nos publications qui atteignent le public suisse et potentiellement le public du monde entier. »

De son côté, Afif Ghanmi souligne que : « le site procure une flexibilité à la publication des articles, qu’ils soient longs ou courts, et nous évite d’être sous la pression que nécessite les exigences de la poursuite de nouvelles fraîches. Ce qui nous laisse le temps pour veiller à la qualité de nos publications, et permet de travailler avec des rédacteurs qui vivent des situations instables. Il arrive que certains rédacteurs, par exemple, décident soudainement de quitter la Suisse, ou que d’autres cessent leur collaboration parce qu’ils ont trouvé du travail, ou obtenu une réponse favorable à leur demande d’asile, ou une réponse négative et sont alors contraints de rentrer au pays ».

En donnant l’opportunité à de nombreuses personnes d’écrire et de commenter les publications, ce site contribue à dissiper les préjugés et à briser les idées toutes faites dans l’imaginaire du public.

Engagement et professionnalisme

Voix d’Exils ne se préoccupe pas seulement de défendre l’image des migrants, mais œuvre aussi à donner une vision différente des problèmes de société du point de vue des migrants. Afif Ghanmi souligne que « le fait que les rédacteurs appartiennent au groupe des migrants donne à ce site un avantage sur les autres médias. Premièrement, parce qu’ils sont au cœur de la source d’information, deuxièmement parce que les rédacteurs jouissent de la confiance des personnes interviewées qui les aident dans la production de leurs articles ».

Omar Odermatt, Responsable de la rédaction du blog Voix d'Exils Photo : Hugues Siegenthaler

Omar Odermatt, Responsable de la rédaction du blog Voix d’Exils
Photo : Hugues Siegenthaler

« Les lecteurs qui visitent notre site remarquent l’engagement strict de nos rédacteurs et la méthode de travail journalistique choisie dans leurs enquêtes sur des phénomènes sociaux complexes. Par exemple, dans l’enquête sur l’exploitation sexuelle exercée sur des personnes fragilisées par une situation sociale difficile » affirme Omar Odermatt. Il commente cette enquête précisément en disant que « le rédacteur a réussi à éclairer une foule de vérités cachées que personne en Suisse n’aimerait voir .En plus, l’information que nous publions se distingue par la prédominance d’interviews. Nous faisons le choix de privilégier le dialogue direct avec les personnes concernées par les problèmes que nous abordons. Par exemple, l’enquête menée sur les passeurs et la migration clandestine à travers la Turquie et la Grèce. Ou l’exposé sur le parcours d’une jeune Rwandaise arrivée en Suisse pour fuir l’enfer du génocide perpétré dans son pays, qui a réussi à relever le défi en étudiant pour devenir infirmière, et qui travaille actuellement au Centre hospitalier universitaire de Lausanne. Elle consacre maintenant une bonne partie de son temps à aider les migrants à s’intégrer et à  surmonter les difficultés. Ceci démontre que l’objectif principal de notre travail est de « donner la parole à ceux qui n’en ont point »».

Mais, le plus important est peut-être l’acquisition par les participants lors de leur stage à Voix d’Exils d’une foule de compétences et d’expériences dans les domaines de la rédaction journalistique, de la communication et de l’informatique. Un bagage qui les aide à trouver du travail, ou à lancer leur propre site internet en Suisse ou dans leur pays d’origine. Expérience qui leur a appris à gérer leur temps et à prendre des initiatives. En fin de parcours, les participants se voient délivrer un certificat attestant des compétences acquises à Voix d’Exils.

D’un journal à un site électronique (encart)

L’histoire de Voix d’Exils remonte à plus de 12 ans. Au début, il a été publié sous forme de journal papier portant le nom « Le requérant », avant de prendre la dénomination de « Voix d’Exils ».

Le journal a continué à être imprimé et distribué avec la participation des organismes concernés par l’accueil des migrants dans les cantons romands (de langue française) : Genève, Fribourg, Vaud, Neuchâtel, le Valais et le Jura.

Avec le temps, les cantons de Fribourg, du Jura puis de Genève se sont retirés du projet pour diverses raisons. Ce qui a entraîné, début 2010, l’arrêt de la parution du journal sous sa forme papier.

En 2010, il a été décidé de transformer le journal papier en un site internet -qui gardera le nom de Voix d’Exils – pour réduire les coûts de publication. Les frais d’impression ainsi économisés ont alors été affectés au paiement du salaire du nouveau Responsable de la rédaction du blog.

Le Canton de Vaud a réussi à renouer des liens de collaboration avec certains de ses anciens partenaires : les cantons de Neuchâtel et du Valais. Dorénavant, le site est alimenté par trois rédactions cantonales, ce qui a resserré les liens de collaboration et a amélioré son rendement.

Avec le temps, le site s’est transformé en une plateforme de communication directe permettant aux exilés résidant en Suisse et à toute personne le souhaitant de s’exprimer en toute liberté sur les questions en lien avec le thème de la migration et dans les trois langues du blog : le français, l’anglais et l’arabe. Un site interactif et participatif qui a produit un grand nombre d’articles d’investigation et d’information réalisés avec rigueur.

Un résultat honorable (encart)

Dès son lancement, le site internet Voix d’Exils n’a cessé de se développer et de s’étendre. Il est actuellement composé de trois rédactions cantonales dont le travail d’édition est coordonné par la rédaction vaudoise, ce qui assure la complémentarité des idées et des projets et ce qui permet d’alimenter en permanence le blog de nouveaux contenus. Les rédacteurs bénéficient d’un encadrement leur permettant d’aboutir la réalisation de leurs articles et participent activement aux réunions inter-cantonales réunissant les trois rédactions du blog à la fin de chaque semestre.

Voici un résumé de ses activités en 2012. Au cours de l’année écoulée, Voix d’Exils a publié 74 articles, dont certains d’investigation fouillée. L’ensemble de ces articles traite de questions en rapport avec le thème de la migration, sur les plans national et international. Exemples, le phénomène de la prostitution sous contrainte et la traite d’être humains en Suisse, la couverture des travaux du Sommet de la francophonie qui s’est déroulé à Kinshassa en octobre 2012.

Le site Voix d’Exils œuvre à diversifier ses supports d’information. Ainsi, l’année dernière, un premier film documentaire a été réalisé par M. Keerthigan Sivakumar, rédacteur du blog, qui a signé son film du pseudo « Sara Page ». Son court-métrage portait sur la transformation des murs d’’un centre d’hébergement pour requérants d’asile à Monthey, dans le canton du Valais. Il s’agissait d’une magnifique fresque qui a été peinte par des requérants d’asile et des habitants de la ville de Monthey.

La participation active des rédacteurs du blog, l’année dernière, à la manifestation de la radio FM de la Caravane des quartiers, événement organisé par la Ville de Lausanne, était une excellente opportunité de couvrir l’événement et de diffuser l’information sur les ondes de la radio, mais également de dialoguer directement avec leurs homologues travaillant dans les services qui s’occupent des migrants.

Les rédacteurs de ce média suivent également des cours et des formations périodiques dans les domaines de l’informatique, de la production audiovisuelle et multimédia, des techniques de rédaction journalistiques. Ces cours sont coordonnés par la rédaction valaisanne du blog, qui est rattachée au Centre de formation valaisan « Le Botza ».

Ces évolutions du blog ont été accompagnées par un accroissement de la diffusion des informations produites par le site de Voix d’Exils ce qui a contribué à son rayonnement. Preuve en est l’augmentation constante du nombre des visiteurs du blog. Au mois d’août 2010 lors de la première année de son lancement, la fréquentation du blog atteignait 3’348 visiteurs. A la fin du mois de novembre 2012, Voix d’Exils comptait 25’316 visiteurs. Depuis son lancement, le blog comptabilise un total de 445’536 visiteurs en mars 2013.

Texte traduit de l’arabe par Nouhad Odermatt-Kouéter 

Pour lire l’article original en arabe sur le site de swissinfo cliquez ici