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La distinction Nansen récompense le travail exemplaire et à haut risque du «réseau Papillons»

Buste de Fridtjof Nansen, cérémonie de nansen Refugee Award 2014. Photo: Voix d'Exils

Buste de Fridtjof Nansen, cérémonie du Nansen Refugee Award 2014. Photo: Voix d’Exils.

La prestigieuse distinction Nansen du HCR pour les réfugiés a été décernée cette année à l’association «Papillons aux ailes nouvelles construisant l’avenir» lors d’une cérémonie célébrée le 29 septembre dernier à Genève qui marque le 60ème anniversaire de la distinction. Cette association, forte d’une centaine de membres, travaille sans relâche à Buenaventura, l’une des régions de Colombie les plus ravagées par la violence, pour aider les déplacés ayant survécu aux violences qui leur ont été infligés à recommencer leur vie. Voix d’Exils comptait parmi les hôtes de la cérémonie.

La distinction Nansen prime chaque année le travail remarquable et dévoué de groupes, d’organisations et de personnalités qui œuvrent en faveur des personnes déracinées. Elle a pour vocation de récompenser la persévérance et la conviction dont ils font preuve face à l’adversité. Cette distinction porte le nom de Fridtjof Nansen, explorateur polaire et humanitaire norvégien qui est devenu en 1921 le premier Haut-Commissaire pour les réfugiés de la Société des Nations. Nansen a reçu en 1922 le prix Nobel de la paix en hommage à son courage et à son travail inlassable au bénéfice des réfugiés de la Première Guerre mondiale.

Dénoncer au péril de sa vie

UNHCR / L . ZANETTI / 2014

Photo: UNHCR L. Zanetti, 2014.

Cette année, la distinction revient au réseau Papillon qui œuvre dans la ville de Buenaventura en Colombie en proie à des groupes armés criminels qui imposent la terreur afin de contrôler le territoire et les circuits du trafic de drogue. La violence de ces groupes cible en particulier les femmes et les jeunes filles. Le viol, la torture, les enlèvements et les assassinats font partie du quotidien des femmes qui vivent là-bas.

Malgré le fait que la plupart des membres du réseau ont elles-mêmes été déracinées à cause des conflits armés ou ont survécu à des violences domestiques et sexuelles, elles s’engagent avec courage et détermination pour accomplir leurs missions dans les quartiers les plus dangereux de Buenaventura. Elles aident les femmes à accéder aux soins médicaux et à une aide psychologique ; les accompagnent dans le dépôt de plaintes ; leur transmettent des compétences pratiques pour les aider à accéder à l’autosuffisance et elles n’hésitent pas à dénoncer ouvertement les agissements des groupes armés illégaux en organisant des marches et des manifestations. Grâce à l’action du réseau, plus d’un millier de femmes et leurs familles ont été secourus depuis 2010.

Rendre visible les crises humanitaires occultées

Les trois représentantes du réseau Papillons lors de la remise de la distinction Nansen

Les trois représentantes du réseau Papillons viennent de se faire remettre la distinction Nansen 2014. Photo: Voix d’Exils.

Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le nombre des personnes déracinées à travers le monde a franchi la barre des 50 millions, parmi lesquelles environ 10,7 millions de nouveaux déracinés durant la seule année 2013, ce qui est le chiffre le plus élevé jamais enregistré le HCR.* Si de nouvelles crises humanitaires sont sous les feux des médias, bon nombre d’entre elles ne font pas ou plus l’actualité. L’un des buts de la distinction Nansen est de mettre en évidence les crises humanitaires occultées par le débat public. La Colombie est un exemple frappant de ces crises invisibles, car ce pays continue à faire face à des déplacements massifs de populations, avec 5,7 millions de déplacés internes enregistrés en juillet 2014.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

*Source: UNHCR 2013 Global Trends Report.

Voix d’Exils : hôte de la cérémonie de la distinction Nansen

A gauche: Lorenz Lüthi, au centre: Keerthigan Sivakumar et Omar Odermatt, à droite: Pascal Schwendener

A gauche: Lorenz Lüthi, au centre: Keerthigan Sivakumar et Omar Odermatt, à droite: Pascal Schwendener lors de la cérémonie de la distinction Nansen 2014. Photo: Voix d’Exils.

Voix d’Exils a été invité à la cérémonie du Nansen Refugee Award par le jury du concours «Dream Teams 2014» qui récompense des exemples d’intégration vécue au quotidien en Suisse.

A l’occasion de la Journées du réfugié 2014, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), l’Office fédéral des migrations (ODM) et le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR) se mobilisent ensemble pour que les réfugiés reconnus et les personnes admises à titre provisoire aient un meilleur accès à la vie sociale et professionnelle en Suisse. A cet effet, elles ont organisé ensemble le concours «Dream Teams 2014» qui récompense des exemples d’intégration vécue au quotidien. L’un des prix du concours était une invitation à la cérémonie de la distinction Nansen et, dans ce cadre, Omar Odermatt, responsable de Voix d’Exils et Keerthigan Sivakumar, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils ont été conviés à y participer. Ils ont été reçus par Pascal Schwendener, responsable du bureau de presse Suisse du HCR et Lorenz Lüthi, responsable projets journées des réfugiés de l’OSAR. Cette rencontre a été l’occasion d’échanger autour de Voix d’Exils, du film réalisé par Keerthigan Sivakumar à propos du blog, ainsi que de connaître davantage le travail de l’OSAR et du HCR en faveur des migrants vivant en Suisse. La rédaction de Voix d’Exils tient à remercier très chaleureusement ses hôtes pour l’accueil exceptionnel qui leur a été réservé, ainsi que pour cette rencontre qui a été très riche tant sur le plan intellectuel que sur le plan humain.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Du Liban à Salvan, trajectoire d’une migrante en Valais depuis plus de 20 ans

Mme Lina Hleihel. Photo: Voix d'Exils

Mme Lina Hleihel. Photo: Voix d’Exils.

Semaine contre le racisme 2014

Depuis 2010, le Valais s’associe aux cantons latins pour sensibiliser la population à la problématique des discriminations raciales. Le temps d’une «semaine contre le racisme», différentes actions sont mises sur pied par le bureau cantonal de l’intégration. Cette année, des livres humains ont notamment été proposés dans les bibliothèques du canton, véritables voyages littéraires à la découverte de migrants qui se racontent. Lina Hleihel, libanaise d’origine, en fait partie. Elle s’est livrée le 22 mars dernier à Sierre. Rencontre.

Voix d’Exils : Lina, qu’est-ce qui vous a poussé à fuir votre pays d’origine pour atterrir en Suisse ?

Lina Hleihel : J’ai quitté mon pays en 1990, j’avais 24 ans et mon premier enfant 4 ans. Mon mari avait déserté l’armée après la mort de son ami dans l’explosion d’une bombe. Nous avons décidé de partir en Italie. J’étais enceinte de mon deuxième enfant, Youssef. Depuis l’Italie, nous avons voyagé jusqu’en Suisse où j’avais un cousin. Nous avons déposé une demande d’asile à Vallorbe. Aujourd’hui, je vis à Martigny et nous avons désormais 4 enfants. J’exerce les professions d’enseignante et interprète.

Vous avez participé cette année à la bibliothèque humaine de Sierre. Racontez-nous cette expérience…

C’était la première fois que j’y participais. J’ai raconté mon histoire à 4 personnes qui s’étaient inscrites pour un entretien individuel, un public sympathique qui m’a posé très peu de questions. Seul un monsieur m’a demandé comment j’avais appris le français, je lui ai répondu qu’on l’enseigne à l’école dans mon pays. Une très belle expérience que je referai volontiers, je n’ai pas de gêne à parler de moi.

Une telle action permet-elle réellement de sensibiliser la population au problème que représente le racisme ?

Disons que c’est une démarche plutôt positive. Mais, pour moi, le racisme va toujours exister, comme un racisme caché. Par exemple, lorsqu’un étranger cherche un emploi, il lui faut un piston, sinon il est difficile d’obtenir ce job. C’est le cas au Liban aussi, ce racisme existe partout.

Selon un sondage diffusé la semaine dernière par le quotidien valaisan Le Nouvelliste, près de deux tiers des répondants ne se disent pas prêts à donner de leur temps pour partager un moment d’échange avec les étrangers. Que vous inspire cette proportion ?

Ce sont des gens qui n’ont pas voyagé, qui ont peur des étrangers et qui ont l’esprit fermé. Certains Suisses ont peur de la découverte de l’autre, ils sont très méfiants, surtout en Valais. Je crois vraiment avoir eu la chance de pouvoir travailler pour le canton, que ce soit comme interprète ou professeur de français. Ces expériences m’ont appris à m’imposer et à dire non quand il le faut.

Vous êtes en Valais depuis plus de 20 ans. Comment s’est passé l’intégration pour vous et votre famille ?

Lina Hleihel racontant son histoire lors de l'action "les livres humains". Photo: Voix d'Exils

Lina Hleihel racontant son histoire lors de l’action « les livres humains ». Photo: Voix d’Exils.

J’ai d’abord habité 9 mois à Salvan, un village que je n’ai jamais aimé. Moi qui viens d’un pays chaud, convivial, je trouvais le regard des gens frappant, comme s’ils se demandaient «qu’est-ce que font ces étrangers chez moi». Par la suite, nous avons déménagé à Martigny, où ça s’est beaucoup mieux passé.

A plusieurs reprises, nous avons reçu une décision d’expulsion de la Suisse. C’est en quelque sorte grâce aux malheurs de Youssef que nous avons pu rester, car il souffre de problèmes cardiaques. Mais, malgré son état de santé, il a fallu se battre et ce n’est qu’après 4 ans d’attente que nous avons pu obtenir un permis de séjour. La famille s’est ensuite agrandie: j’ai accouché de Mireille en 92 et de Marwa en 98.

Mon mari travaillait comme peintre en bâtiment. De mon côté, j’ai commencé par travailler le soir en donnant des cours de cuisine libanaise et de danse orientale. J’ai ensuite été traductrice pour la police. Mon mari a appris le français avec Thérèse Cretton, une femme d’une qualité rare, humaine, généreuse, qui nous a accueillis à bras ouverts. J’ai eu de la chance de connaître des personnes qui m’ont aidé à faire certaines démarches.

Ressentez-vous le vote du 9 février « contre l’immigration de masse » comme une menace ?

Oui, certainement. Un vote contre les étrangers est forcément négatif. Je peux malgré tout comprendre qu’on mette une limite et qu’on veuille intégrer des étrangers qui travaillent en Suisse, qui sont en quelque sorte «utiles» au pays.

Dans l’idéal, envisagez-vous de rester en Suisse, ou souhaiteriez-vous retrouver votre pays natal ?

En 2008, j’ai quitté définitivement la Suisse. Mais je suis revenue 6 mois plus tard, avec beaucoup de déception. J’ai toujours rêvé de rentrer un jour au pays et de rester, mais les gens ont changé et nous aussi d’ailleurs. L’intégration y a été très difficile. Nous étions en quelque sorte des étrangers là-bas aussi. Pour l’instant, je vois donc mon avenir en Valais. Ma famille et moi avons d’ailleurs obtenu la nationalité suisse depuis une dizaine d’années. Quant au Liban, j’y retourne régulièrement, mais pour les vacances.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

La semaine contre le racisme, qu’est-ce que c’est ?

Sans titreLa Suisse organise la semaine contre le racisme à la suite du 21 mars, décrété par l’ONU comme journée internationale contre le racisme en 1996. L’objectif est de contribuer à l’élimination de la discrimination raciale que ce soit à l’école, dans le sport, dans la recherche d’un logement ou d’un travail. Dans différents cantons, des actions sont mises en place : théâtre, concert, ou encore expositions.

Infos : http://www.semainecontreleracisme.ch/fr